vendredi 23 août 2013

Anticipations stratégiques

L’illusion de la paix universelle prochaine :
« La paix est prévue par la sociologie depuis vingt-cinq ans…Aujourd’hui encore, elle la prévoit pour tout l’avenir de notre transition, au bout de laquelle une Confédération républicaine ayant uni l’Occident, il n’y aura plus lieu à aucun conflit les armes à la main. » Littré, Le National, 18 novembre 1850.
 « L’hypothèse d’une paix universelle et définitive est légitime…parce qu’elle va dans le sens du progrès du droit et de la prépondérance de plus en plus acquise au travail dans la direction des sociétés. » Proudhon, La guerre et la paix, 1861.

Prévisions proches de l’événement :
« Je ne crois pas, je vous le répète, à une guerre prochaine. » Jules Simon, discours au Corps législatif, décembre 1867.
« Est-ce le chiffre de l’armée prussienne qui vous préoccupe ? L’armée prussienne est une armée essentiellement défensive. » Emile Ollivier, discours au Corps législatif, 23 décembre 1867.
 « Dans l’état actuel de l’Europe et dans la disposition de la classe ouvrière, ils [les gouvernements] ne pourraient sans péril pour eux-mêmes, déclencher la guerre. » Résolution finale du Congrès de la Seconde Internationale, Bâle, 1913.
« Ce que je sais bien, c’est que les Allemands ne nous déclareront pas la guerre. Ce ne sont pas des idiots. Ils ne sont pas fous. Je vous le dis, ils ne feront pas la guerre. » Aristide Briand, ministre de la justice, le 31 juillet 1914.
« Croyez-moi, l’Allemagne est incapable de faire la guerre. » Lloyd George, Le Petit Journal, 1er août 1934.
« Mr Hitler est par nature artistique et non politique et, une fois réglée la question de la Pologne, il se propose de finir ses jours en artiste et non en faiseur de guerre. » Sir Neville Chamberlain, déclaration après son entrevue avec Hitler à Berlin, 25 août 1939.
« Ni militairement, ni économiquement Hitler ne pourrait faire la guerre. L’Allemagne manque de cadres qualifiés dans tous les domaines. » André Marty, Discours au Vel’d’Hiv, 19 février 1938.
 « La paix est sauvée pour une génération ! » Sir Neville Chamberlain, Premier ministre, au retour de Munich en septembre 1938.
« Une attaque japonaise sur Pearl Harbour est une impossibilité stratégique » général G F Eliot, « The impossible war with Japan », in The American Mercury, septembre 1938.
 « L’idée que les Arabes puissent franchir le canal de Suez est une insulte à l’intelligence. » Golda Meir, Premier ministre d’Israël, quelques mois avant la guerre du Kippour.

Plus tactique :
« Les armes sont si perfectionnées qu’un nouveau progrès [militaire] d’influence radicale n’est plus possible. » Engels, Théorie de la violence, 1878.
« La guerre de l’avenir verra se produire de très grandes charges de cavalerie. » général Bonnal, Journal des sciences militaires, 1903.
 « Quant aux chars d’assaut qui devaient nous ramener à la guerre de mouvement, leur faillite est complète. » Général Chauvineau, Une invasion est-elle encore possible ? 1938, préface du Maréchal Pétain.
« Je veux bien qu’on m’appelle Mayer si jamais un avion allié arrive à bombarder Berlin. » Hermann Goering

Prévisions géostratégiques :
« Si l’Europe perdait ses colonies, la dépression économique et sociale qui en résulterait la ramènerait aux stagnations franchies depuis plusieurs siècles en étiolant peu à peu son développement jusqu’à la paralysie de sa civilisation. » Albert Sarraut, Président du conseil, 1931.
« Les peuples révolutionnaires constituant plus des 9/10e de la population du monde, la victoire leur appartient. » Mao Tsé Toung, juin 1960.
« Perrin, la guerre atomique aura lieu. Je ne la verrai pas, mais, vous, vous la verrez. » Charles de Gaulle, à Francis Perrin, haut commissaire à l’énergie atomique, juillet 1959.

Divers : 

« L’antisémitisme d’Hitler ? Blague, blague, blague ! » Charles Maurras.
« L’année 1968, je la salue avec sérénité […] En considérant la façon dont les choses se présentent, c’est vraiment avec confiance que j’envisage pour les douze prochains mois l’existence de notre pays. » Charles de Gaulle, vœux télévisés de nouvel an, 31 décembre 1967.

10 commentaires:

  1. On pourrait poursuivre encore car la liste est longue. Mais au-delà de l'ineptie de ces propos, il convient de s'interroger sur le degré de sincérité de leur auteur. Chez les décideurs, comme dans les autres catégories, on trouvera toujours une certain niveau d'imbécilité, de suffisance intellectuelle, mais je pense qu'il y a aussi et surtout une très forte dose d'hypocrisie. Ces gens savent fort bien que ce que leur propos sont faux ou en grande partie inexacts, mais parce que cela les arrange, ils le disent quand même. Je ne suis guère convaincu par l'angélisme dont on taxe certains de nos jours sur des questions comme la violence ...Je crois surtout que c'est le paravent commode derrière lequel on cache la démission et la lâcheté. Il est tout de même plus confortable d'être considéré comme un idéaliste que comme un lâche.

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    1. Vous avez tout à fait raison. Permettez-moi de rajouter que certaines autorités politiques et militaires sont réellement inconscientes du fond de leurs propos et se bercent de douces illusions.

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  2. Comme disaient les allemands juste après la 2nde GM (avec amertume, mais pour beaucoup en ayant la conscience en paix), « Hitler a renié toutes les promesses faites au peuple allemand, les seules promesses tenues furent celles faites au peuple juif ».
    Messieurs Chamberlain, Daladier et consorts auraient fait une lecture fort profitable de ‘Mein kampf’, tout y était déjà écrit. Mais pour un Maréchal Lyautey essayant d’alerter sur la catastrophe à venir, combien d’innombrables autruches faisant des efforts désespérés pour ne pas voir la réalité ?
    Maintenant il convient d’être juste. Si les français et les anglais ne surent, ou pour beaucoup ne voulurent tirer aucune conséquence de ‘Mein kampf’, les allemands ne firent pas beaucoup mieux. Et eux n’ont aucune excuse tant ce livre fut diffusé à grande échelle et offert en toutes sortes d’occasions (cérémonies religieuses, manifestations sportives, passage d’examens, etc.). Si les officiers allemands avaient correctement analysé ce livre, aucun d’entre eux ne se serait étonné (euphémisme) dans les derniers mois de la guerre, de voir les précieuses locomotives attribuées aux convois de déportés plutôt qu’au rapatriement des blessés ou à l’acheminement du matériel, des munitions et de l’essence.
    Bon, dans un autre sens, cette faculté humaine d’auto-aveuglement est peut-être une chance. Il se murmure que les Klingons ne nous attaquent pas, parce que nous sommes vraiment, mais alors vraiment, trop faciles à surprendre…

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  3. Dans le même genre, on peut remonter encore plus loin.

    Chateaubriand disait :

    « L'Europe, à moins d'événements imprévus, est pour longtemps dégoûtée de combats. Napoléon a tué la guerre en l'exagérant. »

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  4. Je peux en faire de prédiction :
    "2014 verra un redressement économique mondial, une baisse du chômage et un retour à la consommation, évitant ainsi une guerre civile en France, guerre civile qui aurait pu profiter aux ennemis de l'extérieur, aidés de leur 5è colonne, d'attaquer notre pays?"

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  5. Il me semble que cet art de la bévue systématique est une caractéristique essentielle de la politique moderne. L'homme d'Etat n'a d'une part pas toujours les compétences pour conserver une vision lucide de la conjoncture ou des situations particulières. D'autre part, il est amené à faire des promesses ou de vaines prophéties liées à son programme, programme qui se verra contredit spectaculairement par les faits : mais peu importe, il a été élu sur ces billevesées et le peuple roulé par lui dans la farine n'a plus qu'à se morfondre en attendant les prochaines élections, si jamais on lui en laisse encore le droit. Actuellement, le pâteux et socialiste Hollande connaît bien ce genre de désagréments. Un taux de croissance de 0,5%, et zou ! le gouvernement nous assure que le chômage va baisser (cf. le site du ministre de l'économie)... Or, il n'en sera rien évidemment. J'entends aussi ici ou là soit la crainte d'une guerre nouvelle, soit la conviction qu'un nouveau conflit (entre qui et qui ?) purifierait la situation présente effectivement plutôt à la crise, et quelle crise ! Les hommes politiques, en France, aux USA, en Russie, etc., seront là pour nous souffler alternativement le chaud et le froid - et je ne parle pas du terrorisme, occasion pour eux d'une rhétorique payante autant que mensongère. Ils ont trop bien, ou trop mal, lu Machiavel, et voilà.

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  6. Comme quoi les anciens ne sont pas forcément les puits de sagesses que l’on imagine. Amusant en tout cas.

    Une précision réhabilitant les écrits de Chauvineaux : la préface de Pétain est presque l’exact inverse du contenu du livre !

    Quant à Chauvineaux et le char il préconisera la création d’une armée Spéciale Réserve de Couverture (SRC) qui je cite : « comprendra en particulier toutes les unités de chars » (page 105)et dont le « grand nombre est une inéluctable condition de succès » (p.93) .

    En sus, il avait une vision bien plus réaliste que de Gaulle, qui lui surestimait l’arme blindé et négligeait l’interarmes. Il mérite d’être relu.

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  7. Vu sous l'angle purement moral qui semble prévaloir aujourd'hui sur la Seconde guerre mondiale, la phrase de Maurras peut sembler choquante mais elle prend une autre dimension si l'on lit l'intégralité de l'article et si l'on considère que Maurras et Bainville ont mis en garde contre les failles du traité de Versailles dès sa signature, qu'ils ont dénoncé Hitler et les dangers d'un réarmement allemand dès l'origine (mais pour des raisons exclusivement nationalistes et évidemment très peu philosémites !), qu'ils ont milité pour le réarmement français et tout fait pour empêcher le renversement des alliances de Mussolini... Le plus intéressant c'est de voir que l'un des buts de l'article dont est tiré cette phrase(AF quotidienne du 19 septembre 1935) est manifestement de s'en prendre aux pacifistes (explicitement) et à ceux qui seraient tenter d'admirer Hitler pour sa politique intérieure (implicitement). Ça me fait penser au fameux paradoxe analysé par Simon Epstein sur la présence de très nombreux antisémites parmi les résistants de la première heure !

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    1. C'est très vrai qu'il faut rétablir chaque phrase dans son contexte, ce qui peut éventuellement en limiter la stupidité. Mais néanmoins, pour ce qui concerne cette sentence de Maurras, ça va loin dans l'incompréhension immédiate, car il suffisait évidemment d'avoir pris la peine de lire un peu "Mein Kampf" pour comprendre que l'antisémitisme de Hitler n'était vraiment pas de la "blague".

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  8. La revue a posteriori des prévisions est toujours cruelle. Mais il y a aussi des mensonges sciemment prononcés pour ne pas paniquer les populations ou les dresser contre soi. En parallèle des déclarations de Chamberlain en 1938 au retour de Munich, c'est Daladier qui murmure, voyant la foule enthousiaste qui l'accueille à sa descente d'avion : "les cons !". De Gaulle a aussi menti aux pieds-noirs à propos de l'Algérie française, pour éviter un afflux massif et soudain de rapatriés à Marseille (cf. ses confidences à Peyrefitte raportées par lui dans "C'était de Gaulle"). En politique il n'y a pas que l'aveuglement, il y aussi le cynisme.

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