Ceci est le brouillon pour un article de journal à venir beaucoup plus
court. Rien de nouveau pour le lecteur habituel de ce blog, mais une courte
synthèse des opérations en cours en Ukraine
Rappelons
d’abord la théorie : une guerre suppose, dans les deux camps opposés,
d’avoir un but politique à atteindre et une stratégie pour y parvenir en
fonction des moyens disponibles. Dans le cadre de cette stratégie, on met en
œuvre ensuite des opérations dans différents domaines, militaires ou non, qui
sont autant de cartes jouées afin d’atteindre ce but politique. Chacune de ces
opérations consiste à enchaîner des actions de même nature dans un même cadre
espace-temps.
Dans un cadre
dialectique, tout cela est le plus souvent très mouvant. Il peut arriver en
effet que l’on parvienne à atteindre rapidement le but politique par quelques
opérations, voire une seule, qui désarment l’adversaire et le soumettent à sa
volonté à la table des négociations. Si ce n’est pas le cas, car le rapport de
forces s’avère plus équilibré que prévu et que la stratégie de chacun entraîne
l’échec de celle de l’autre, il faudra continuer jusqu’à ce qu’un des camps
trouve enfin une combinaison but-stratégie-opérations-actions qui fonctionne,
ce qui peut prendre des années.
Duellistes
dans un espace mouvant
L’objectif
politique russe initial était sans aucun doute la vassalisation de l’Ukraine
partagée entre une zone occupée russe et une zone libre soumise. Devant l’échec
à prendre Kiev et de vaincre l’armée ukrainienne, il s’est rapidement réduit en
« libération » complète du Donbass, puis même simplement à une époque,
éviter une défaite militaire et préserver les acquis, pour revenir apparemment
à nouveau la conquête du Donbass. L’objectif politique ukrainien a également
évolué depuis la survie à l’invasion russe jusqu’à l’ambition de chasser
l’ennemi jusqu’à la ligne de départ du 24 février 2022, puis finalement de tout
le territoire ukrainien dans ses limites de 1991.
On se trouve
donc de part et d’autre avec deux théories de la victoire fondées sur des
conquêtes de terrain antagonistes suivies d’une proposition de négociations de
paix une fois seulement ces conquêtes assurées par l’un ou par l’autre. C’est
un jeu à somme nulle sans limites de temps où les Russes mènent au score depuis
leurs conquêtes en début de conflit.
À la
conjonction des moyens utilisables sans susciter trop de turbulences
intérieures et du but à atteindre, la théorie actuelle russe a produit une
stratégie d’étouffement visant à presser l’Ukraine et ses alliés dans tous les
domaines jusqu’à les affaiblir suffisamment pour permettre de planter un drapeau
russe sur Kramatorsk et de tuer tout espoir ukrainien de reconquête des
territoires occupés. La stratégie ukrainienne de son côté consiste d’abord à
résister à cette pression par une défense anti-accès tous azimuts, y compris au
sol, puis à reprendre l’initiative en lançant de grandes opérations
d’anéantissement dans les territoires encore occupés, seul moyen d’atteindre le
but politique actuel.
La guerre est
avant tout un duel des armes. Les opérations visent donc in fine à
vaincre l’armée adverse, c’est-à-dire lui infliger suffisamment de pertes
humaines et/ou de terrain pour qu’elle ne puisse atteindre son but.
Elles peuvent y contribuer indirectement en affaiblissant les ressources qui
l’alimentent, matérielles (armements, équipements divers, logistique, nombre de
combattants) et immatérielles (compétences tactiques et techniques
individuelles et collectives, cohésion, détermination, espoir de
victoire). Elles peuvent surtout le faire à s’attaquant directement
aux forces de l’autre.
Blackout et
Corsaire
Dans le cadre
de la guerre contre l’Ukraine, plusieurs opérations russes d’affaiblissement
perdurent, comme les attaques numériques et le blocus des ports ukrainiens, hors
commerce de céréales, mais elles semblent avoir atteint le maximum de leurs
possibilités, probablement assez loin de ce qui était espéré au départ. Il
semble en être de même de la dernière opération aérienne de frappes dans la
profondeur, commencée le 10 octobre 2022, et que l’on baptisera « Blackout ».
Comme les Allemands en 1944-45 avec les missiles V1 et V2, les Russes utilisent
des moyens inanimés, missiles en tout genre et drone-rôdeurs, pour frapper dans
la profondeur du territoire ennemi et non des aéronefs pilotés, le réseau
défensif antiaérien ukrainien s’avérant trop dangereux pour eux. Cela diminue
considérablement les risques pour les Russes mais aussi et de très loin la
puissance de feu projetable. Cette nouvelle campagne de missiles est cependant
la plus cohérente de toutes celles qui ont déjà été lancées par sa
concentration sur un objectif critique - le réseau électrique - et sa méthode
faite de salves de plusieurs dizaines de missiles et drones sur une seule
journée afin de saturer la défense et de frapper les esprits.
Son objectif
est d’entraver autant que possible le fonctionnement de la société ukrainienne,
son économie, ses déplacements et la vie même des habitants en provoquant une
crise humanitaire à la veille de l’hiver. Comme la campagne allemande, il s’est
agi aussi de montrer à sa propre population et son armée que l’on ne se
contente pas de subir les évènements, tout en espérant au contraire affaiblir
la détermination ukrainienne. Mais comme la campagne des V1 et V2, si cela a produit
de la souffrance, cela n’a eu que peu d’effets stratégiques. Les salves se sont
succédé, 16 au total du 10 octobre au 9 mars, à quoi a répondu une opération
ukrainienne de défense aérienne de plus en plus efficace au fur et à mesure de
l’acquisition d’expérience et de l’arrivée de systèmes de défense occidentaux.
En quantité, de 8 missiles par jour fin 2022 à 3 en février-mars 2023, et en
qualité, avec une proportion de plus en plus importante de missiles imprécis,
l’efficacité de cette campagne n’a cessé de diminuer. On en est actuellement à
environ 1 missile par jour qui atteint sa cible. Les Russes peuvent continuer
ainsi très longtemps puisque cela correspond à peu près à la capacité de
production, mais sans imaginer avoir le moindre effet stratégique sur un pays
aussi vaste que l’Ukraine.
Quant aux
drones-rôdeurs iraniens Shahed 136, un sur deux est intercepté et ils sont
vingt fois moins puissants qu’un missile. Le principal résultat de cette
opération est peut-être d’avoir attiré des moyens de défense aérienne,
notamment à basse et très basse altitude qui manquent désormais sur la ligne de
front.
À ce stade, la
Russie ne pourrait relancer sa campagne de frappes en profondeur qu’en
augmentant massivement sa production de missiles et/ou en important des
missiles iraniens ou autres (avec un risque de sanctions et même de
représailles pour ces pays fournisseurs). Elle pourrait aussi engager à nouveau
à l’intérieur sa force aérienne, en mode « kamikaze » avec le risque
de la détruire face à la défense aérienne ukrainienne, ou après avoir
suffisamment innové techniquement et tactiquement pour être capable de mener
des opérations de neutralisation et de pénétration, ce qui est pour l’instant
peu probable. Au bilan, il semble que la Russie n’a plus à court terme les
moyens d’affaiblir encore plus l’économie ukrainienne, il est vrai déjà très
atteinte, ni même de réduire directement l’arrivée de l’aide occidentale.
De leur côté,
les Ukrainiens n’ont pas les moyens d’affecter l’économie russe, laissant ce
soin aux sanctions imposées par ses alliés, avec pour l’instant un effet plutôt
mitigé. Ils ont en revanche la possibilité, un peu inattendue, de frapper des
objectifs militaires dans la grande profondeur. C’est l’opération
« Corsaire » qui a permis d’attaquer plusieurs bases aériennes et
navales russes, au plus près à l’aide de vieux missiles balistiques Tochka et
au plus loin jusqu’à proximité de Moscou et sur la Volga par de vieux drones
modifiés Tu-141, en passant par des attaques de drones navals contre la base de
Sébastopol, des raids de sabotage, des raids héliportés ou des choses encore
mystérieuses comme la frappe sur le pont de Kerch, le 8 octobre ainsi que
plusieurs attaques en Crimée. Il n’y a là rien de décisif, mais les coups
portés ne sont pas négligeables matériellement, notamment par le nombre
d’appareils endommagés ou simplement chassés de leur stationnement par
précaution. Ils ont néanmoins surtout des effets symboliques, sans doute
stimulants pour les Ukrainiens, mais nourrissants également le discours russe
d’agression générale contre la Russie et de justification d’une guerre
défensive susceptible de monter plus haut vers les extrêmes.
Donbass 2 et
l’Opération X
Toutes les
opérations sur les ressources évoquées précédemment n’agissent qu’indirectement
sur ce duel en affaiblissant les forces armées de l’autre, mais ce n’est que
l’usage direct de la violence qui permet au bout du compte de s’imposer à la
suite d’une suite de combats, par ailleurs uniquement aéroterrestres,
c’est-à-dire au sol et dans le ciel proche. Plusieurs grandes opérations
offensives et défensives se sont ainsi succédé sur le sol ukrainien, selon le
camp qui avait l’initiative.
Les Russes ont
actuellement l’initiative et ont lancé depuis février une opération offensive
que l’on baptisera Donbass 2 tant elle semble proche de celle
lancée de fin mars à début juillet et visant à contrôler complètement des deux
provinces du Donbass. Son objectif concret serait donc la prise de la
conurbation Sloviansk-Kramatorsk-Droujkivka-Kostiantynivka, soit l’équivalent
de quatre Bakhmut, pour situer l’ampleur de la tâche en admettant que les
Russes arrivent jusque-là. Elle est également identique dans la méthode faite
d’une multitude de petites attaques simultanées sur l’ensemble du front, du nord
de Koupiansk à la province de Zaporijjia, avec des efforts particuliers qui
constituent autant de batailles à Koupiansk, Kreminna, Avdiïvka, Vouhledar
et surtout à Bakhmut qui a pris une dimension symbolique très au-delà
de son intérêt tactique.
Donbass 2 se fait avec plus d’hommes qu’au mois de mars, peut-être 180
bataillons de manœuvre au total, mais moins d’artillerie, car, comme les
missiles, les obus commencent aussi à manquer. Il y a surtout, et c’est le plus
important, moins de compétences. En dessous d’un certain seuil de pertes une
armée progresse tactiquement au cours d’une guerre, au-dessus d’un certain
seuil elle régresse. Quand une brigade d’élite avant-guerre comme la 155e brigade
d’infanterie de marine est détruite et reconstituée deux fois avec des hommes
sans formation, ce n’est plus une unité d’élite et sa très médiocre performance
lors de son offensive contre Vuhledar mi-mars 2023 en témoigne. Or, c’est un
peu le cas de beaucoup d’unités russes renforcées ou totalement constituées de
mobilisés, les mobiks, jetés sur le front sans grande
formation.
En ce sens, Donbass
2 a probablement été lancée trop tôt. Elle fait suite à Hindenburg
1917, l’opération défensive d’octobre à janvier menée par le général
Surovikine et visant, comme l’opération allemande en France en 1917, à
renforcer le front par raccourcissement (tête de pont de Kherson),
fortification et renforcement humain issu de la mobilisation partielle de
300 000 hommes. Cela avait alors réussi puisque les attaques ukrainiennes
ont fini par atteindre leur point culminant fin novembre. La suite de la
stratégie allemande consistait cependant à reconstituer patiemment ses forces
avant de relancer les opérations offensives en 1918 avec une supériorité
qualitative et quantitative. Les Russes n’ont pas eu cette patience. Le général
Gerasimov, chef d’état-major des armées et placée directement à la tête de
l’ « opération militaire spéciale » en janvier 2023 a décidé au
contraire de reprendre l’offensive le plus vite possible, sans doute sous une
pression politique exigeant paradoxalement des résultats opérationnels rapides
tout en annonçant une guerre longue. Accompagnée d’opérations de diversion
laissant planer le doute sur une possible intervention depuis et avec la
Biélorussie, depuis la région russe de Briansk ou peut-être encore en simulant
une déstabilisation de la Moldavie, cette offensive est lancée sur l’ensemble
du front ukrainien et donc sans deuxième échelon, ce qui interdit toute
possibilité de percée. Tous les combats restent sous couverture
d’artillerie.
Face à Donbass
2 et comme pour Donbass 1 les Ukrainiens opposent aux
Russes une défense ferme. Ce n’est pas forcément la meilleure option militaire,
car elle permet aux Russes d’exploiter au maximum leur supériorité en
artillerie. Il serait sans doute plus efficace de mener plutôt un combat mobile
de freinage et harcèlement dans la profondeur comme autour de Kiev en
février-mars. Le rapport des pertes avait été beaucoup plus favorable aux
Ukrainiens que par la suite dans le Donbass et tout le territoire initialement
perdu avait été reconquis. Mais abandonner le terrain pour mieux le reprendre
ensuite est contre-intuitif. Cela déplaît aussi et surtout à l’échelon
politique qui mesure l’importance symbolique et psychologique de la tenue ou de
la conquête des villes. Les Ukrainiens savent également par ailleurs ce qui
peut se passer dans les zones occupées par les Russes.
Résistance
pied à pied donc, coûteuse pour les Ukrainiens, mais finalement efficace. Il
est probable que le rapport de pertes soit encore plus défavorable aux Russes
que pour Donbass 1 et pour ce prix, les Russes n’ont réussi à conquérir depuis le 1er janvier 2023 que 500 km2,
le dixième d’un département français, soit là encore une performance inférieure
à Donbass 1. À court terme et à ce rythme, les Russes peuvent
seulement espérer obtenir une victoire tactique à Bakhmut.
Mais ce n’est
pas en se contentant de défendre que les Ukrainiens peuvent atteindre dans les
six mois leur objectif de reconquête complète. Pour cela, il n’y a toujours pas
d’autres solutions que de mener de nouvelles opérations d’anéantissement,
combinant de fortes pertes ennemies et une large conquête, comme après Donbass
1. Contrairement aux Russes, ils y travaillent patiemment avec un effort de
mobilisation important et peut-être la construction de 19 nouvelles brigades de
manœuvre, dont trois ou quatre avec des véhicules de combat fournis par les
Alliés. Si les Ukrainiens jouent d’une certaine façon le jeu des Russes en
s’accrochant au terrain, les Russes jouent aussi le jeu des Ukrainiens en
s’affaiblissant dans des attaques au bout du compte stériles. Cela peut donc
paradoxalement renforcer les chances de succès de l’opération X, l’offensive
que les Ukrainiens lanceront, probablement dans la province de Louhansk ou dans
celle de Zaporajjia, les zones offrant le meilleur rapport probabilité de
réussite et de gains espérés.
Il y a
cependant deux problèmes. Le premier est que si les Russes sont moins efficaces
offensivement qu’à l’époque de Donbass 1, ils semblent en revanche plus solides
défensivement. Les opérations Kharkiv et Kherson ont
été lancées contre des zones faibles russes, pour des raisons différentes, il
n’y a apparemment plus de zones faibles sur le front russe. Le second est que l’opération
X devra obligatoirement être suivie d’une opération Y de puissance équivalente,
puis Z, si les Ukrainiens veulent atteindre leur objectif stratégique, en
admettant que l’ennemi ne réagisse pas et ne se transforme pas à nouveau, ce
qui est peu probable.
Russie
victoire impossible, Ukraine victoire improbable
En résumé, on
se trouve actuellement face à la matrice suivante en considérant les deux
opérations, Donbass 2 et X comme successives et non simultanées.
Donbass 2
réussit. Les Russes poursuivent un effort irrésistible, parviennent à percer
dans une zone du front, les forces ukrainiennes se découragent, engagent
finalement tous les moyens de l’opération X dans la défense de la conurbation
de Kramatorsk. Kramatorsk tombe néanmoins durant l’été et Donbass 2 bis prolonge
le succès russe jusqu’à Pokrovsk, dernière ville un peu importante du Donbass
encore aux mains des Ukrainiens. L’armée ukrainienne consomme toutes ses forces
dans la bataille défensive et se retrouve impuissante devant la ligne de front.
Considérant sa victoire relative, les forces russes passent en posture
défensive et Moscou propose la paix. Découragée, l’Ukraine peut l’accepter,
mais il est plus probable qu’elle cherche à reconstituer ses forces pour
relancer une opération offensive au plus vite. La probabilité de ce scénario de
victoire russe sans doute momentanée semble, au regard des performances
actuelles, très faible.
Donbass 2
échoue et l’opération X échoue. Les Russes n’avancent plus dans le Donbass,
mais les Ukrainiens échouent à leur tour à percer où que ce soit. C’est
finalement une variante du scénario précédent. « Menant au score »
avec les territoires conquis et annexés, Poutine laisse la Russie dans cette
situation de demi-guerre totale sans mobilisation générale ni nationalisation
de l’économie. Du côté ukrainien, le pays s’organise à son tour pour durer et
préparer « la revanche » quelques mois ou quelques années plus tard.
C’est un scénario plus probable que le précédent.
Donbass 2
échoue et l’opération X réussit : c’est la réédition exacte de la
situation de l’été 2022. Après avoir contenu l’offensive russe, les Ukrainiens
percent dans la province de Zaporijjia ou dans celle de Louhansk et parviennent
jusqu’à Melitopol ou Starobilsk. La situation devient très dangereuse pour les
Russes, surtout si l’opération ukrainienne s’effectue au sud. L’armée
ukrainienne se rapproche aussi d’objets à « très forte gravité »
politique comme les deux républiques séparatistes, la Crimée ou simplement
l’ébranlement du pouvoir poutinien. La Russie passe à un stade supérieur de
mobilisation de la nation et de nationalisation de l’économie, au prix de
possibles troubles internes. Si les Ukrainiens ont les moyens de lancer et
réussir l’opération Y après le succès de X, l’instabilité russe s’accroîtra
encore sans que l’on sache trop ce que cela va donner entre effondrement ou
nouveau rétablissement militaire, acceptation de la défaite ou montée aux
extrêmes. D’une réalité stratégique actuelle compliquée mais avec des
inconnues connues, on sera passée alors à une réalité complexe puis peut-être
chaotique. C’est un scénario également probable.
En résumé, les
scénarios les plus probables pour cet été sont la guerre de longue durée sur un
front statique peu différent du front actuel ou la rupture de ce même front au
profit des Ukrainiens, mais au prix de turbulences en Russie et d’une grande
incertitude. Ce ne sera pas facile à gérer, mais comme souvent à la guerre. Et
puis, il y a toujours la possibilité, à tout moment, qu'un évènement
extraordinaire - mort d'un grand leader, bascule politique, intervention de la
Chine, etc. - survienne sous la pression des évènements ordinaires. Tout
sera à refaire dans les combinaisons et les prévisions. Ce ne sera pas la
première fois.