lundi 11 septembre 2023

Pause !

Chers amis lecteurs,

pour la première fois depuis plus de onze ans maintenant et 809 articles que La voie de l'épée existe, je suis contraint de faire une pause. Trop de travail et trop de soucis par ailleurs pour des idées qui s'épuisent un peu. Je serai donc beaucoup plus rare sur ces pages en attendant de revenir plus fort.

Bien à vous tous.

mardi 5 septembre 2023

Hercule empoisonné - 5. Le Sahel peut attendre (2009-2022)

Le Sahel occidental a longtemps été une zone de faible présence française du fait de la proximité hostile de l’Algérie, mais surtout d’un rejet plus fort qu’ailleurs de l’ancien colonisateur. La France n’y est intervenue militairement qu’en 1978-1979 en Mauritanie.

Les choses évoluent avec l’implantation au nord du Mali au début des années 2000 des Algériens du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), qui devient Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) en 2007 et organise des attaques contre les pays voisins et les intérêts français dans la région, en particulier par des prises d’otages.

La réponse française est d’abord discrète, misant sur l’action clandestine de la DGSE et du Commandement des opérations spéciales (COS) qui installe la force Sabre près de Ouagadougou en 2009. Cet engagement s’inscrit dans un « plan Sahel » où il s’agit d’aider les armées locales à lutter contre les groupes djihadistes et à intervenir pour tenter de libérer les otages. Le plan Sahel a peu d’impact, sauf en Mauritanie où le président Aziz, restructure efficacement son armée et développe une stratégie intelligente de lutte contre les djihadistes. Le Mali néglige la proposition française, alors que le nord du pays est devenu une zone franche pour toutes les rébellions.

La situation prend une nouvelle tournure fin 2011 avec la montée en puissance au Mali du mouvement touareg, avec la formation du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) renforcé par le retour de combattants de Libye, mais aussi la formation de nouveaux groupes djihadistes comme Ansar Dine d’Iyad Ag Ghali, et le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO, futur Al-Mourabitoun). Début 2012, toutes ces organisations s’emparent du nord du Mali avant de se déchirer entre MNLA et djihadistes.

Prétextant l’inaction du gouvernement, un groupe de militaires maliens organise un coup d’État en mars 2012. Commence alors une longue négociation pour rétablir des institutions légitimes au Mali et leur autorité sur l’ensemble du pays. La France saisit l’occasion pour se placer dans la région en soutenant l’idée d’une force interafricaine de 3 300 hommes et d’une mission européenne de formation militaire (European Union Training Mission, EUTM) destinée à reconstituer l’armée malienne. La France annonce qu’elle appuiera toutes ces initiatives, mais sans engagement militaire direct («La France, pour des raisons évidentes, ne peut être en première ligne» Laurent Fabius, 12 juillet 2012).

L’attaque djihadiste de janvier 2013 prend tout le monde de court. On redécouvre alors que la France est toujours la seule « force de réaction rapide » de la région. À la demande du gouvernement malien, le président Hollande décide d’engager des bataillons au combat, une première en Afrique depuis 1979. Avec une mission claire et l’acceptation politique du risque, l’opération Serval est alors logiquement un succès. En deux mois, et pour la perte de six soldats français, nous éliminons 400 combattants, libérons toutes les villes du nord et détruisons les bases. Les trois organisations djihadistes sont neutralisées jusqu’en 2015. Dans la foulée, des élections présidentielles et législatives sont organisées, tandis qu’EUTM et la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), qui remplace et absorbe la force interafricaine, sont mises en place.

On aurait pu alors retirer nos forces et revenir à la situation antérieure. On décide de rester militairement au Mali, au cœur de nombreux problèmes non résolus, dans un pays parmi les plus sensibles à son indépendance et avec déjà l’accusation de partialité vis-à-vis des Touaregs.

La nouvelle mission des forces françaises est de «contenir l’activité des “groupes armés terroristes (GAT) à un niveau de menace faible jusqu’à ce que les forces armées locales puissent assurer elles-mêmes cette mission dans le cadre d’une autorité restaurée des États».  

L’équation militaire française consiste donc en une course de vitesse entre l’érosion prévisible du soutien des opinions publiques française et régionales à l’engagement français et l’augmentation rapide des capacités des forces de sécurité locales. Pour contenir un ennemi désormais clandestin, il n’y a que deux méthodes possibles : la recherche et la destruction des bandes ennemies par des raids et des frappes ou l’accompagnement des troupes locales au combat pour les aider à contrôler le terrain.

On choisit la première méthode qui paraît moins risquée et plus adaptée à nos moyens matériels et nos faibles effectifs. Nous cherchons donc à éliminer le plus possible de combattants ennemis. Cette approche ne fonctionne cependant que si on élimine suffisamment de combattants pour écraser l’organisation ennemie et l’empêcher de capitaliser sur son expérience. En dessous d’un certain seuil en revanche, l’ennemi tend au contraire à progresser. Jusqu’en 2020, nos pertes sont faibles (un mort tous les quatre mois, souvent par accident) mais nous n’exerçons pas assez de pression, car nos forces, qui mènent alors simultanément quatre opérations majeures (Sangaris en Centrafrique jusqu’en 2016, Chammal en Irak-Syrie et Sentinelle en France en plus de Barkhane) sont insuffisantes pour cela.

Le problème majeur de l’équation militaire reste cependant que l’absence de « relève » locale. Malgré des moyens considérables, la MINUSMA est incapable de faire autre chose que se défendre et n’a donc aucun impact sur la situation sécuritaire. Les Forces armées maliennes (FAMa) évoluent peu depuis 2014 malgré la mission EUTM car personne ne touche vraiment à la faiblesse structurelle, pour ne pas dire la corruption, de leur infrastructure administrative. Il ne sert à rien de former des soldats, s’ils ne sont pas payés et équipés correctement. La Force commune du G5-Sahel créée en 2017 et qui s’efforce de coordonner l’action des armées locales autour des frontières, mène par ailleurs très peu d’opérations.

Dans ces conditions, et compte tenu par ailleurs de l’incapacité des États, à l’exception de la Mauritanie, à assurer leur mission d’administration, de sécurité et de justice, malgré toutes les promesses de l’aide civile internationale, les organisations djihadistes ou autres s’implantent dans les zones rurales, par la peur mais aussi par une offre alternative d’administration. L’aide humanitaire n’y change rien.

Malgré les accords d’Alger de 2015, le conflit du nord Mali contre les séparatistes touaregs reste gelé. De nouvelles organisations djihadistes apparaissent sur de nouveaux espaces comme le Front de libération du Macina (FLM) actif au centre du Mali, qui finit par s’associer aux groupes historiques pour former en 2017 le Rassemblement pour la victoire de l’islam et des musulmans (RVIM ou Groupe de Soutien IM). On voit apparaître également l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) dont l’action s’étend dans la zone des « trois frontières » entre le Mali, Niger et Burkina Faso. Par contrecoup, on voit également se multiplier des milices d’autodéfense nourries par les tensions socioethniques croissantes.

L’année 2019 est une année noire. La violence contre la population double par rapport à l’année précédente. Les armées locales subissent des coups très forts et sont au bord de l’effondrement. Dans le même temps, l’image de la France se dégrade. Elle se trouve accusée simultanément de protéger les séparatistes de l’Azawad, de soutenir des gouvernements corrompus et surtout d’être impuissante à contenir le développement des djihadistes malgré tous ses armements modernes.

La France attend finalement la mort de 13 soldats français (accident d’hélicoptères) le 25 novembre 2019 pour vraiment réagir. Le sommet international de Pau en janvier 2020 conclut qu’il faut augmenter les moyens (600 soldats de plus, drones armés) et l’activité de Barkhane. On annonce la mise en place de la Task Force Takuba composée d’équipes de conseillers issues des forces spéciales européennes. Avec ces nouveaux moyens et une plus grande prise de risques (dix soldats français tués en 2020), Barkhane exerce une pression beaucoup plus forte qu’auparavant sur l’ennemi. Abdelmalek Droukdel, leader d’AQMI est tué en juin 2020. On s’approche de la neutralisation de l’EIGS et peut-être aussi d’AQMI. Le discours du RVIM change, expliquant que leur combat est local et qu’il n’est pas question d’attaquer en Europe.

On ne sait pas exploiter politiquement cette nouvelle victoire, alors que l’on sait qu’il n’est plus possible de continuer très longtemps Barkhane à un tel coût humain et financier (un milliard d’euros par an). Il faut à ce moment-là faire évoluer l’opération pour la rendre plus durable. On tarde trop. L’idée de remplacer les bataillons français par Takuba est bonne, mais réalisée en coalition européenne sa constitution prend des années et son objectif n’est pas très clair pour les Maliens (aide véritable ou opération intra- européenne ?).

Surtout, cette évolution militaire s’effectue dans un cadre diplomatique rigide et maladroit. Plusieurs chefs d’État, comme le président Kaboré (Burkina Faso) ont critiqué « la forme et le contenu » du sommet de Pau, qui sonnait comme une convocation autoritaire et qui selon lui « ont manqué de tact ». Le gouvernement de Bamako est obligé de rappeler son ambassadeur à Paris en février 2020 après des propos jugés offensants. Il se trouve au même moment empêché de négocier avec certains groupes djihadistes locaux, jusqu’à ce que le nouveau pouvoir installé par la force à Bamako en août 2020 passe outre et négocie la libération de Soumaïla Cissé, et de la Française Sophie Pétronin, contre la libération de 200 prisonniers. Le 3 janvier 2021, une frappe aérienne française tue 22 hommes près d’un mariage au village de Bounty, au centre du Mali. La France se défend, plutôt mal, en expliquant n’avoir frappé que des combattants djihadistes mais ne fournit aucun élément enrayant la rumeur d’un massacre de civils. La junte malienne s’appuie alors sur un fort sentiment nationaliste dans la rue bamakoise, par ailleurs bien alimentée par la propagande russe, qui rend la France responsable de tous les maux du pays.

La décision de transformation de l’opération Barkhane est finalement annoncée le 10 juin 2021 par le président de la République. Il aurait sans doute été préférable de le faire en février à l’issue du sommet de N’Djamena, et elle est mal présentée. Tout le monde interprète la « fin de Barkhane » (alors qu’il aurait fallu parler de transformation) comme une décision unilatérale en représailles au nouveau coup d’État à Bamako en mai 2021et la prise du pouvoir définitive par le colonel Goïta. Le Premier ministre Maïga se plaint alors à la tribune des Nations-Unies d’être placé devant le fait accompli sans concertation, parle alors d’« abandon en plein vol » et de son intention de faire appel à d’autres partenaires, c’est-à-dire la Russie, ce qui suscite une nouvelle crise.

En décembre 2021, arrivent à Bamako les premiers membres de la société militaire privée Wagner, bras armé de l’ensemble économico-militaro-propagandiste de l’homme d’affaires Evgueni Prigojine au service discret de la Russie. Ils seront un millier quelques mois plus tard, payés à grands frais par la junte malienne pour remplacer l’aide des soldats français d’abord puis des pays européens des différentes organisations militaires internationales. Après plusieurs échanges aigres, l’ambassadeur de France est renvoyé fin janvier 2022 et le gouvernement malien impose des restrictions d’emploi aux forces européennes sur le territoire du pays. Il est alors décidé le 17 février de mettre fin à Takuba et de retirer les forces de Barkhane du territoire malien.

Les soldats de la société Wagner remplacent les Français au fur et à mesure de leur dégagement. En avril, le départ des Français de Gossi s’accompagne de la « découverte » par les FAMa d’un charnier à proximité de la base. Cette tentative de manipulation est rapidement éventée par la diffusion des images du drone qui montrent en réalité des hommes de Wagner qui mettent en place ce faux charnier. Barkhane quitte Ménaka en juin et Gao en août. Le 15 de ce mois marque ainsi la fin de la présence militaire française au Mali après neuf ans. Le même jour, le ministre malien des Affaires étrangères accuse la France de soutenir les groupes terroristes et demande une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations-Unies.

Tandis que le gouvernement de transition malien s’enfonce dans le ridicule, le RVIM prend le contrôle d’une grande partie du territoire peut-être plus freiné par sa guerre contre EIGS que par l’action des FAMa et de Wagner qui s’illustrent beaucoup plus par leurs exactions que par leurs succès. A la fin du mois de mars 2022, à la recherche d’Amadou Koufa, le leader de la Katiba Macina, soldats maliens et mercenaires russes massacrent des centaines de personnes – peut-être jusqu’à 600 – dans la ville de Moura au centre du pays. C’est le plus épouvantable massacre de toute cette guerre au Sahel en 2012, mais ce n’est pas le seul. La MINUSMA, qui a aussi pour mission de documenter les exactions, est priée de quitter le pays. Pour autant malgré la désastreuse et coûteuse évidence de l’inefficacité du soutien russe, le « modèle malien » fait des émules. En réalité, les choses avaient déjà commencé en République centrafricaine après le départ de l’opération française Sangaris en 2016 et la double accusation contradictoire d’abandon et de trop grande présence.

Comme c’était prévisible, la force des Nations-Unies MINUSCA et la mission de formation EUTM-RCA n’ont pas suffi à assurer la sécurité du pays. Le président Faustin-Archange Touadéra fait alors appel au groupe Prigojine en 2018 pour assurer son contrôle du pouvoir au prix du pillage du pays par les Russes et de nombreuses exactions des mercenaires de Wagner. Sur fond de grande confrontation entre la Russie et les pays occidentaux en 2022, la RCA est poussée ensuite dans une spirale nationaliste anti-européenne et particulièrement anti-française. En juin 2022, la France annonce en réaction la suspension de toute aide à la République centrafricaine.

Le domino suivant est le Burkina Faso, victime d’un premier coup d’État en janvier 2022 qui renverse le président Kaboré, puis d’un deuxième le 30 septembre qui s’appuie à son tour sur le nationalisme anti-français – alors que la France n’est présente militairement que par le petit groupement de Forces spéciales Sabre – et sa volonté de faire appel à la Russie, dont les drapeaux sont opportunément présents dans les foules. Dès lors, les jours de la Task Force Sabre au Burkina Faso sont comptés. Déjà d’autres manifestations antifrançaises ont eu lieu au Niger à la fin de 2022.

Pendant ce temps, le dispositif actif de Barkhane se réduit à deux pôles : le commandement opérationnel et les capacités de transport aérien restent à N’Djamena tandis que les capacités d’action sont à Niamey, où on trouve une composante aérienne - six avions de combat, cinq drones Reaper, huit hélicoptères – et terrestre avec un dernier groupement tactique, le GT3, qui assure avec efficacité la même mission d’accompagnement que Takuba mais auprès de l’armée nigérienne. L’ensemble représente 3 000 soldats le 9 novembre, lorsque le président Macron annonce officiellement la fin de l’opération Barkhane et son remplacement par des actions effectuées dans le cadre d’accords bilatéraux.

La guerre française au Sahel, commencée triomphalement en 2013, s’estompe donc progressivement et sans bruit. L’opération Serval en 2013, par son adéquation entre des objectifs limités, les moyens engagés et les méthodes utilisées, a été un grand succès. Pour des raisons inverses – objectifs irréalistes, moyens insuffisants, méthodes inadéquates – l’engagement suivant, dont Barkhane ne représentait que la branche militaire, ne pouvait réussir. En admettant même que l’on parvienne à faire travailler ensemble de manière cohérente ses acteurs, l’approche dite « 3D » pour diplomatie, défense et développement, restera toujours une ingénierie sociomilitaire en superficie d’une réalité complexe. Rien de solide ne peut tenir très longtemps de cette approche tant qu’elle reste adossée à des gouvernements et administrations aussi inefficaces que corrompus. Tant que les États ne seront pas structurés pour remplir un tant soit peu leur rôle premier de sécurité et de justice, le désordre régnera dans la région. Cette restructuration profonde est une œuvre immense dont la motivation ne peut venir que des classes politiques locales, et qui prendra beaucoup de temps. Dans ce contexte, le rôle de la France ne peut se limiter qu’à celui d’offreur de services à la hauteur de ce que savons bien faire, comme d’un point de vue militaire les interventions directes d’urgence ou au contraire des accompagnements sur la longue durée, mais sans avoir la prétention de modeler soi-même un environnement qui non seulement nous échappe mais nous rejettera si nous sommes trop visiblement présents.

Dans le même temps, cet échec annoncé au Sahel depuis 2014 est-il si grave pour la France ? La menace terroriste – le principal argument de l’engagement au Mali - semble maîtrisée sur le sol français, où la dernière attaque remonte au mois d’avril 2021, et les troubles locaux au Sahel restent justement locaux et ne débordent encore que de manière rampante hors du Mali et du Burkina Faso. D’une certaine façon, la situation aurait été sans doute la même, si les forces françaises s’étaient retirées dès la fin de l’opération Serval pour se replacer à nouveau en réserve d’intervention. On y aurait évité des pertes humaines, et on serait toujours dans un rôle sympathique de « pompier » plutôt que de partenaire condescendant et encombrant.

lundi 4 septembre 2023

Hercule empoisonné - 4. Le gendarme embarrassé (1995-2011)

Après les contrecoups d’État, les évacuations de ressortissants la contre-insurrection, les interventions « coup de poing », une campagne aérienne, l’appui indirect, les opérations humanitaires, on passe en 1995 à de nouvelles formules militaires qui s’efforcent d’être plus efficaces que dans les années précédentes tout en étant moins intrusives et sans ennemi, déclaré ou non. On essaie en fait de transférer sur le continent africain les nouvelles méthodes en œuvre dans les Balkans. La France devient à ce moment-là véritablement le « gendarme de l’Afrique », un surnom dont elle a horreur, mais qui signifie qu’on s’efforce de gérer les crises et de maintenir la stabilité et non de faire la guerre puisqu’on ne désigne pas d’ennemi politique.

Les années 1990 voient un certain nombre d’États africains s’affaiblir d’un coup sous le triple effet du départ des sponsors étrangers, de l’imposition d’un désendettement public massif par les institutions financières internationales et du multipartisme forcé. En attendant des effets positifs à long terme, ces politiques ont d’abord pour effet d'aggraver une crise profonde des administrations et des services publics, tandis que les nombreux partis politiques qui se forment sans aucune pratique de la vie démocratique commencent souvent par se constituer des milices armées. Les élections deviennent souvent des batailles électorales au sens premier. Beaucoup de ces États, aux armées affaiblies, se voient assaillis et contestés par des dizaines, voire des centaines, de groupes armés irréguliers, seigneurs de guerre, bandes criminelles, forces d’autodéfense, etc. parfois soutenus par les États voisins rivaux. On voit ainsi du golfe de Guinée à la Somalie en passant par l’Afrique centrale, se former des «complexes conflictuels » régionaux englobant pendant des années plusieurs États et des organisations armées irrégulières dans une mosaïque compliquée de rivalités violentes. On est loin du monde apaisé libéral-démocratique décrit par les thuriféraires de mondialisation.

L’Afrique subsaharienne devient le lieu principal et presque unique après l’échec en ex-Yougoslavie des opérations de maintien de la paix des Nations-Unies, en conjonction avec la tentative de mettre en place une structure africaine de résolution des conflits sous l’égide de l’Organisation de l’unité africaine, Union africaine (UA) en 2002. À côté des missions de paix onusiennes, les « MI », on voit donc se former aussi des forces régionales, les « FO », qui tentent également gérer les complexes de conflits, avec moins de moyens et pas plus de bonheur. La France reste le seul acteur militaire extérieur en Afrique subsaharienne tout en y étant également le plus puissant. Sa position est forcément délicate au sein de cette instabilité générale. Les opérations d’évacuation de ressortissants se multiplient, au Zaïre, au Togo, au Congo-Brazzaville, en Guinée, au Libéria, etc., mais le pire est de se retrouver au milieu du désordre sans trop savoir quoi faire.

Après le Rwanda et le Zaïre, devenu Congo en 1997, l’instabilité frappe la République centrafricaine où la France est présente militairement depuis 1980.  À partir d’avril 1996, les mutineries se succèdent à Bangui. La France lance l’opération Almandin afin de protéger ou évacuer les ressortissants, la présidence et différents points sensibles.  Almandin connaît plusieurs phases d’accrochages avec les mutins, de mouvements de foule et de répits, avec notamment l’assassinat de deux militaires français, jusqu’à ce que le président Chirac et le Premier ministre Lionel Jospin se mettent d’accord pour désengager les forces françaises d’un environnement aussi instable.  Au printemps 1998, les forces françaises laissent la place à la première d’une longue liste de mission interafricaines qui ne contrôlent en réalité pas grand-chose.

Quelques semaines avant le départ de la dernière unité française, le conseil de Défense du 3 mars 1998, a décidé que selon le slogan «ni ingérence, in indifférence» les forces françaises ne seraient désormais plus engagées que dans le cadre d’opérations sous mandat et drapeau européen, les missions EUFOR, ou en deuxième échelon de forces africaines régionales, que l’on appuie avec le programme de Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP) français d’abord puis européen. Il n’est plus question de guerre, avec engagement direct ou indirect de forces auprès d’armées au combat, mais, dans l’esprit de l’époque, de « ramener la violence vers le bas ».

Cela réussit parfois. En juin 2003, à la suite d’une résolution du CSNU, l’Union européenne reçoit le mandat de stabiliser la province d’Ituri dans l’est du Congo, en attendant le renforcement de la Mission des Nations-Unies au Congo (MONUC). C’est une première pour l’UE en Afrique qui s’appuie sur la France pour réaliser la mission.  À partir de la base d’Entebbe en Ouganda, l’opération Artémis déploie donc un GTIA et un groupement de Forces spéciales (GFS) français sur l’aéroport à Bunia, soit un millier d’hommes dans une ville de 300000 habitants. Il y a de nombreux petits accrochages, mais la présence dissuasive française suffit presque sans combat à faire cesser les violences et à protéger la population jusqu’à de nouveaux bataillons de la MONUC mi-août. L’opération Artémis est un succès indéniable et elle devient même une référence. L’Union européenne est donc capable de mener des opérations de stabilisation en Afrique et il est possible de rétablir l’ordre sans faire la guerre. On oublie cependant qu’il s’agit surtout d’une opération militaire française, avec 70 % des effectifs totaux, et que le contingent projeté a été suffisant en volume et surtout en capacité de dissuasion pour établir la sécurité, dans une région de seulement 300 000 habitants.

Les missions européennes qui suivent, baptisées EUFOR (European Union Force), sont moins impressionnantes. Lourdes, longues à monter et coûteuses pour un effet limité, au mieux une présence dissuasive, comme lors des élections au Congo en 2006 ou au Tchad en 2008. Cette dernière opération, baptisé EUFOR Tchad/RCA, est assez typique. Les exactions ont débuté au Darfour soudanais en 2003, la décision européenne d’agir est prise en octobre 2007, l’opération est décidée Conseil de l’Europe en janvier 2008 et la force n’est opérationnelle qu’en mars 2008, le temps de réunir 3700 soldats de 26 pays différents et de laisser passer les combats de février au Tchad entre le président Idriss Déby et ses opposants. L’EUFOR est constituée de trois bataillons multinationaux et d’un bataillon d’hélicoptères, dont un détachement privé russe. EUFOR effectue beaucoup de patrouilles, mais ne combat pas, même si un homme des Forces spéciales françaises est tué au cours d’une infiltration au Soudan. Pour 800 millions d’euros, elle assure de loin la protection des camps de réfugiés, qu’en réalité personne ne menace plus, au Tchad et en République centrafricaine avant d’être remplacée au bout d’un an par une mission des Nations-Unies tout aussi peu utile.

Entre-temps, la République de Côte d’Ivoire (RCI) n’a pas été épargnée par les turbulences. Le leader historique Félix Houphouët-Boigny meurt en 1993 et la dispute pour la succession au pouvoir sur fond de crise économique vire en quelques années à la guerre civile. Henri Konan Bédié, successeur immédiat d’Houphouët-Boigny n’hésite pas à introduire le concept d’ « ivoirité » dans la loi afin d’exclure de la citoyenneté par ce biais plusieurs rivaux à la future élection présidentielle, tout en rejetant de la vie politique un quart de la population, particulièrement celle à majorité musulmane du nord du pays. Henri Bédié gagne ainsi sans concurrence l’élection présidentielle de 1995, avant d’être renversé quatre ans plus tard par le coup d’État du général Guéï qui organise de nouvelles élections. En octobre 2000, ces élections portent Laurent Gbagbo au pouvoir, ce qui suscite la confrontation armée avec le général Guéï, jusqu’à la victoire définitive de Gbagbo. Une nouvelle tentative de coup d’État le 19 décembre 2002 à Abidjan et dans les principales villes de Côte d’Ivoire donne le départ d’une guerre civile. Le coup d’État échoue, mais les rebelles prennent le contrôle de la moitié nord du pays, dont ils sont pour la plupart issus.

Au contraire du Rwanda, la France a de nombreux ressortissants en Côte d’Ivoire, alors plus de 16 000 dont les 600 sociétés génèrent 30 % du PIB ivoirien. Elle ne peut se désintéresser du sort de cet allié qui est apparu longtemps comme un modèle de stabilité. L’opération Licorne est déclenchée dès le 22 septembre avec le bataillon basé à Abidjan renforcé d’une unité venue du Gabon. On ne veut plus appuyer le gouvernement en place et son armée face à une rébellion mais on ne va pas non plus être accusé d’inaction à côté de massacres, éternel dilemme entre l’accusation d’intrusion et celle de non-assistance. On choisit donc d’abord de mener une opération humanitaire armée afin de protéger et d’évacuer les ressortissants français et autres étrangers menacés dans le nord du pays.

Pour le gouvernement ivoirien, la rébellion est soutenue par l’étranger et il n’est pas question de négocier avec elle, mais seulement de l’écraser. Il préférerait que la France la soutienne dans ce sens et il invoque pour cela l’accord de défense d’août 1961. Non seulement la France refuse, mais, en accord avec les organisations internationales, elle appuie l’idée d’une négociation, et donc de concessions à la rébellion. L’opération d’évacuation de ressortissants devient alors une opération d’interposition, un genre que l’on croyait disparu. A la fin de l’année 2002, 2 500 soldats français sont dispersés sur une « ligne de non franchissement » (puis « ligne de cessez-le-feu » et enfin « zone de confiance ») de 600 km qui partage le pays en deux. L’idée est alors de garantir pour un temps limité, le cessez-le-feu instauré le 17 octobre 2002, en attendant le relai d’une force régionale, la Mission de la Communauté économique en Côte d'Ivoire (MICECI) ou « Ecoforce », formée par la CEDEAO.

Comme cela était prévisible, cela ne se passe pas comme prévu. Le premier petit contingent interafricain de 1 200 hommes n’arrive qu’en mars 2003. Avant cela, fin novembre 2002, deux groupes armés, le Mouvement populaire ivoirien du Grand Ouest (MPIGO) et le Mouvement pour la justice et la paix (MJP) se sont ajoutés à la rébellion du nord pour attaquer dans l’ouest du pays à partir de bases au Libéria. Les forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) sont incapables de les refouler. En janvier 2003, devant l’absence d’évolution, la France impose un sommet international à Linas-Marcoussis. Cet aveu d’échec de la concertation africaine sonne comme un rappel à l’ordre de l’ancienne puissance coloniale. Il en ressort un accord que Laurent Gbagbo n’a aucune intention de mettre en œuvre. Les FANCI sont renforcées avec l’achat de nouveaux équipements et l’engagement de mercenaires. De leur côté, les rebelles du nord forment le Mouvement patriotique de la Côte d’Ivoire (MPCI) qui s’associe au MPIGO et au MJP pour former les « Forces nouvelles ». La situation est gelée.

En février 2004, l’Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) relève et englobe l’Ecoforce. Les GTIA français ne sont pas intégrés dans l’ONUCI et restent placés en second échelon sous commandement national. Les choses n’évoluent guère pour autant, il y a toujours à l’époque plus de 4000 soldats français formant trois GTIA placés entre les différentes factions qui les accusent forcément de protéger l’autre camp. Un quatrième GTIA est en réserve opérationnelle en mer, associé à l’opération Corymbe de présence navale dans le golfe de Guinée.

Il y a régulièrement des accrochages entre factions, mais aussi contre ces Français qui gênent tout le monde. En janvier et février 2004, le MJP et le MPIGO tentent des attaques contre les forces françaises au sud-ouest du pays et se font refouler. Le 25 août 2003, une patrouille fluviale française est prise à partie au centre du pays sur la presqu’île de Sakassou et perd deux soldats tués. Les 7 et 8 juin 2004, une compagnie française repousse une attaque rebelle à Gohitafla au centre du pays et lui inflige une vingtaine de morts au prix de huit blessés.  Le 6 novembre 2004, un avion d’attaque Sukhoi Su-25 de l’armée de l’Air ivoirienne bombarde un cantonnement français à Bouaké tuant neuf militaires français ainsi qu’un ressortissant américain et en blessant 31. C’est l’occasion d’une mini-guerre avec l’État ivoirien. Sur ordre du président Chirac, les six avions et hélicoptères de combat ivoiriens sont détruits au sol sur les bases de Yamoussoukro et d’Abidjan. Le gouvernement ivoirien utilise de son côté la désinformation et le mouvement des Jeunes patriotes pour s’en prendre aux ressortissants français. Le GTIA Centre est engagé d’urgence à Abidjan franchissant par combat les barrages des FANCI sur 800 km et se retrouvant par la suite pendant plusieurs jours face aux Jeunes patriotes dans la capitale, ce qui provoque plusieurs morts. Plus de 8000 ressortissants sont évacués dans des conditions très difficiles.

La situation se calme avec le temps et le dispositif de Licorne est progressivement allégé passant de plus de 5 200 hommes au début de 2005 à 1 800 en 2009, alors que dans le même temps Laurent Gbagbo prétexte l’existence du conflit pour retarder l’élection présidentielle jusqu’en 2010. Cette élection est l’occasion d’une nouvelle crise en décembre 2010, lorsque Laurent Gbagbo en conteste les résultats et refuse de quitter le pouvoir. Les combats éclatent entre ses partisans et les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) regroupant les anciennes forces rebelles (Forces du nord) et les forces ralliées au nouveau président, Alassane Ouattara. En avril 2011, la force Licorne procède à l’évacuation de 5000 ressortissants, mais surtout grand tournant, on décide à nouveau de faire la guerre, en appuyant les FRCI jusqu’à l’arrestation de Laurent Gbagbo. On parvient ainsi enfin à un résultat décisif et à la paix, presque neuf ans après le début de l’interposition et 27 soldats français tombés.

Bien entendu lorsqu’il est mis fin officiellement à l’opération Licorne en janvier 2015, tout le monde se félicite de son succès, mais tout le monde pense aussi parmi les responsables militaires qu’il n’est plus question de recommencer. 

On se laisse pourtant avoir une nouvelle fois avec un nouvel appel au secours de la Centrafrique où depuis la dissolution des EFAO en 1998, la situation n’a cessé d’empirer, malgré la présence d’une succession de forces multinationales. En mars 2013, le groupement de mouvements armés musulmans venant de l’Est et baptisé Seleka pénètre dans Bangui et s’empare du pouvoir. Ses bandes plus ou moins autonomes ne tardent pas à ravager la capitale et à s’opposer aux anti-balaka, les milices d’autodéfense suscitées par le gouvernement précédent. La violence est alors partout et commence même à déborder sur les pays voisins. Deux Français membres d’une ONG sont assassinés. En septembre 2013, le nouveau président autoproclamé Michel Djotodia se désolidarise de la Seleka, qu’il a contribué à créer, et fait à son tour appel à la France.

François Hollande décide cette fois d’intervenir, appuyé par un mandat du CSNU. Outre l’urgence humanitaire, il s’agit surtout d’éviter que la Centrafrique ne se transforme définitivement en zone de non-droit entraînant les pays voisins dans une grave instabilité avec le risque de développement d’organisations islamistes radicales. Là encore, la France est la seule à avoir la force militaire pour y parvenir et la volonté de s’en servir. Cela ressemble à la situation qui régnait au Mali début 2013 mais cette fois, on décide de ne pas faire la guerre, en grande partie parce que la Seleka est alliée du président tchadien Idriss Déby, que la France ménage. Puisqu’il n’y a pas d’ennemi désigné, ce sera donc une opération de police, ou de « stabilisation » sur le modèle de l’opération Artémis dix ans plus tôt, et dans le cadre d’une force multinationale de maintien de la paix en l’occurrence la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) qui doit remplacer la Mission de consolidation de la paix en République centrafricaine (MICOPAX) et un an avant la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA).

Dans les faits, on sait bien qu’il s’agira d’abord d’être en première ligne avec l’espoir que les contingents africains viendront le plus vite possible nous épauler, puis nous remplacer. Le problème de ce type d’opération de stabilisation est qu’il faut compenser un emploi très maîtrisé de la force, réduit à la seule légitime défense, par une présence dissuasive, autrement dit par du nombre. Et plus les violences sont importantes et plus il faut du monde pour s’imposer à tout le monde en même temps, de manière à éviter que les désarmés soit les victimes des représailles de ceux qui ne le sont pas encore. Or, du fait des réductions d’effectifs et des engagements déjà en cours, les forces françaises disponibles sont limitées, à peine supérieures à celles de l’opération Artémis alors que Bangui est trois à quatre fois plus peuplée que Bunia, sans parler du reste de la Centrafrique. Pour stabiliser la Bosnie et le Kosovo nettement moins peuplés que la RCA, l’OTAN avait déployé 50000 hommes. Cette fois, on va engager initialement 1600 soldats français aux côtés des bataillons de la MISCA qui elle-même mettra de longs mois avant d’atteindre les 6000 hommes prévus.

Cela aurait pu suffire pour une opération de guerre, c’est forcément un peu faible pour une opération de stabilisation. L’idée de manœuvre est de lancer l’opération juste après avoir reçu le mandat du CSNU le 8 décembre. En réalité, les évènements surprennent tout le monde. Le 5 décembre, ce sont les anti-balaka qui tentent un coup de force à Bangui, échouent et subissent une contre-attaque violente de la Seleka. L’opération baptisée Sangaris (un papillon) est alors lancée prématurément. À l’issue d’un conseil de Défense, François Hollande prononce un discours où il annonce une opération rapide. Le ministre Le Drian parle d’au maximum six mois.

Du 5 au 8, les forces françaises sur place ou arrivées en renfort du Tchad, de Côte d’Ivoire et du Cameroun, occupent les points clés de Bangui puis commencent les opérations de contrôle le lendemain. On avait cru que l’arrivée des troupes françaises provoquerait un choc psychologique. Il n’est en rien, les forces françaises doivent faire face à des manipulations de la foule et des attaques sporadiques des différentes factions et deux soldats français, tout en essayant d’empêcher les exactions intercommunautaires. Deux soldats français sont tués dès les premiers jours. Pas d’enthousiasme non plus des pays européens, qui acceptent de fournir de l’aide logistique et à constituer une mission de formation, mais pas à participer à la stabilisation. La France doit donc se débrouiller seule avec ses 2 000 hommes et trois GTIA, accompagnée de quelques bataillons africains.

Petit à petit, les forces françaises et africaines, hors celles du Tchad qui sont invitées à quitter le pays, parviennent à sécuriser Bangui pour s’implanter au-delà dans la partie ouest du pays. C’est l’occasion de nouveaux combats, au sud à Grimari le 20 avril, dans le nord-ouest à Boguila le 5 mai 2014 ou encore à Batanfago également au nord, les 4 et 5 août. À chaque fois, un petit groupement français est attaqué par une bande de quelques dizaines à une centaine de combattants anti-balaka au sud et Seleka au nord et à chaque fois, la bande est détruite. Il y a près d’une centaine de combattants ennemis tués dans ces seuls combats, pour aucun Français ou soldat de la MISCA. L’opération, qui ne s’est pas déroulée aussi bien que prévu, n’est plus guère mise en avant. Aussi l’opinion publique n’entend presque jamais parler de ces engagements violents, au contraire des fausses accusations d’abus sexuels, classés sans suite par la suite, un classique des intenses campagnes de désinformation de la région.

La force Sangaris est placée en deuxième échelon de la MINUSCA en juin 2015, ce qui n’empêche pas la poursuite d’accrochages, puis désengagée progressivement à partir de l’élection présidentielle et l’investiture de Faustin-Archange Touadéra en mars 2016. L’opération se termine officiellement en décembre de la même année. Il reste alors environ 250 soldats français répartis dans la MINUSCA et EUTM RCA. Pour beaucoup des 15000 soldats français qui y ont été engagés, il s’agissait de la mission la plus difficile depuis vingt ans. Si relativement peu d’entre eux, trois au total dont deux au combat, ont été tués au regard des dangers encourus, le nombre de blessés, 120 au total, et notamment de troubles psychologiques est particulièrement élevé. Grâce à eux, les massacres intercommunautaires ont cessé, et c’est un résultat considérable, mais là encore le problème de la faiblesse de l’État et des institutions n’a pas été résolu et une grande partie du pays échappe à toute autorité.

Depuis 2016 plus personne ne parle de mener à nouveau une grande opération de stabilisation quelque part, ce qui n’était pas arrivé depuis la fin de la guerre froide. L’époque du Nouvel ordre mondial du président Bush est bien révolue, tandis que la France est alors pleinement engagée dans la lutte contre les organisations djihadistes sur trois fronts : au Sahel, au Levant et même sur le territoire français. C’est la version française de la guerre contre le terrorisme annoncée en 2001 par un autre président Bush.

A suivre.