vendredi 27 décembre 2019

Le soldat du futur antérieur

8 mai 2017

Intervention aux Mardis de l'innovation 
sur le thème du "soldat du futur".

Dans le numéro de novembre 1956 de la revue militaire américaine Army, le lieutenant-colonel Robert Rigg faisait une description de ce que serait selon lui le soldat américain du futur. Dans son esprit, le futur c’était l’année 1974, à peine 18 ans plus tard, ce qui dénote déjà l’idée d’une évolution très rapide des choses, et le soldat était associé au fantassin. 

Vous noterez que c’est également l’idée implicite exprimée par l’affiche qui annonçait cette séance : quand on parle du soldat du futur, on ne pense visiblement pas au pilote de chasse, au tankiste ou au sapeur du futur qui sont pourtant aussi des soldats mais à celui qui combat au plus près, les yeux dans les yeux (ce qui arrive très rarement en fait) et qui mériterait donc, depuis les duellistes de l’Illiade, en priorité ce titre. Admettons donc cette limitation du propos, qui m’arrange parce que finalement c’est ce que je connais le mieux, et qui n'est pas si fausse. La proportion des fantassins, réguliers, irréguliers, mercenaires ou amateurs intermittents n'a sans doute jamais été aussi importante dans le monde parmi les combattants. Il est probable qu'il en sera encore ainsi assez longtemps.

Le lieutenant-colonel Rigg, revenons à lui, décrit dans son article un homme bardé d’une armure et d’un casque fait d’un mélange d’acier et de plastique. Ce soldat dispose d’un masque à gaz, il est protégé des flashs des explosions atomiques par des lunettes noires qui se mettent en place avec un bouton sur son casque intégral et ne craint pas les pluies radioactives grâce un imperméable en plastique transparent. Il peut creuser des trous pour se protéger avec un « petit bazooka ». Il est capable de communiquer avec ses voisins avec une radio intégrée à son casque et peut voir la nuit grâce à des lunettes à infrarouge. Détail intéressant, l’auteur ajoute que grâce à cette vision nocturne « ce sera le coup de grâce pour la guérilla communiste dans la jungle » comme s’il s’agissait seulement d’un problème de camouflage. Son armement est étrangement peu décrit mais ressemble à un fusil d’assaut à longue portée. Il se nourrit de pilules et comprimés mais fume toujours, une petite poche est même prévue dans la tenue pour y mettre un paquet de cigarettes. Ce combattant du futur est projeté à grande distance grâce à des plateformes géantes à propulsion atomique, hélicoptères ou avions géants qui servent aussi de bases aériennes d’où décolleraient des engins divers, transport de troupes, engins de surveillance ou d’appui pour mener des opérations qui ressemblent encore beaucoup aux opérations aéroportées de la Seconde Guerre mondiale.

Cette image du combattant futur, très partagée à l’époque et dont on retrouve des échos dans la science-fiction (Starship troopers de Heinlein qui date de 1959) puis dans les films et feuilletons d’espionnage des années 1960, est éclairante. Evidemment, rétrospectivement on en mesure toutes les naïvetés. En réalité, le fantassin américain de 1970 n’a finalement guère été différent de celui de 1956 hormis qu’il était doté depuis peu d’un fusil d’assaut, le M-16, et éventuellement des premiers gilets de protection. Il faut attendre en réalité les années récentes, quarante ans après l’article, pour voir apparaître l’esquisse de ce « super-fantassin » « augmenté » par Félin ou autre système, mais on est encore bien loin du fantassin volant.

Comment expliquer ces erreurs grossières de la part de très certainement un bon officier ? Les erreurs de prévision sont en réalité extrêmement communes et pas seulement dans le domaine militaire. Dans les missions militaires on décrit toujours ce qui relève de la zone de responsabilité, celle où on agit, et la zone d’intérêt, celle où normalement on ne met pas les pieds mais qu’il est indispensable de surveiller car ce qui s’y passe a une influence sur ce que l’on fait. Un biais commun est de se concentrer sur cette zone de responsabilité que l’on connaît bien tout en ignorant son environnement. Depuis la rédaction d’un livre blanc jusqu’à la réalisation d’une loi de programmation militaire, on peut donc prévoir les choses en considérant au mieux l’aléa des inconnues connues (le résultat d’un lancer de dés) jusqu’à ce que survienne l’inconnue inconnue (celle que l’on ne pouvait anticiper) venue de l’extérieur, qui finit sur la durée par forcément survenir et qui vient tout perturber.

Maintenant, ce n’est pas parce qu’on connait bien sa zone de responsabilité que l’on n’est pas non plus victime de biais, comme par exemple les effets de mode. Rigg voit de l’énergie atomique partout. Un moteur atomique a été mis en service en 1953 dans un sous-marin et on ne voit pas à l’époque ce qui pourrait empêcher d’en mettre dans tout engin volumineux ; la fusée de Tintin dans Objectif Lune est mue, en 1950, par un moteur atomique. La mode est aussi aux armes atomiques dites tactiques. A partir du milieu des années 1950, l’US Army se dote de tout un arsenal de milliers de missiles, obus et même roquettes (les Davy Crockett d’une portée de 4 km) atomiques et se prépare à combattre en ambiance nucléaire. Il faut quelques années pour comprendre que ce n’est pas forcément une bonne idée, et qu’il serait à la fois incroyablement meurtrier et compliqué de combattre dans un théâtre d’opérations où pleuvrait des munitions atomiques. Dès la fin des années 1950, les Américains font des exercices à grande échelle qui démontrent cette folie mais on persiste quand même, un peu par l'inertie des grands programmes industriels, au prix de plusieurs milliards de dollars. 

Gardons cela en tête, ce n’est pas parce que c’est dans l’air du temps, que cela a l’air séduisant, que cela va être efficace. La grande majorité des inventions ne deviennent pas des innovations, et on peut s’enticher pour des choses qui au bout du compte s’avèrent peu utiles voire contre-productives par leurs effets secondaires ou, plus subtilement, par ce qu’on a sacrifié en allant dans cette voie. Dans les années 1960, les Soviétiques ont développé le premier engin transporteur de troupes capables de franchir les rivières en flottant. Dans la foulée, l’armée de terre française et d’autres se sont dotées de leurs propres modèles amphibies avant de s’apercevoir qu’on ne pouvait franchir, au mieux, qu’à partir de 15 à 20 % des rives et qu’on avait considérablement réduit le blindage des engins pour finalement une fonction peu utile.

D’une manière générale, les anticipations, qu’elles proviennent des organes institutionnels ou des écrivains, ont beaucoup de mal à estimer la « vitesse des choses ». Très empiriquement on peut constater qu’environ 80 % des phénomènes se déroulent plus lentement que prévu et que 20% vont en revanche vite et qu’une poignée seulement va très vite. Le début du XXIe siècle que nous vivons ressemble peu à ce qui était imaginé au siècle précédent. Nous vivons actuellement à l'époque décrite dans les films Soleil VertBlade Runner ou de Retour vers le futur n°2On ne se nourrit pas de pilules et on n’utilise pas de voitures ou de skateboards volants. On dispose presque tous en revanche d’un smartphone et d’un ordinateur portable reliés à Internet, ce que personne n’avait vu venir, ou presque. Il y a toujours statistiquement des gens qui voient juste mais comme on ne sait jamais qui c’est sur le moment, c’est peu utile. Les choses évoluent d’autant plus lentement dans une armée que l’on n’y dispose que de ressources finies (je serai curieux au passage de connaître le coût des hélicoptères et des bases volantes atomiques décrit par Rigg). Il faut arbitrer entre l’investissement et le maintien en état de l’ancien. Il est rare aussi que l’on puisse investir dans tous les possibles, avec ce problème particulier que les délais de conception et d’acquisition puis ceux de possession sont très importants. Un matériel moderne important se conçoit en vingt ans et s’utilise pendant quarante. Les choix engagent donc très lourdement l’avenir.

Dans l’infanterie française, on a fait le choix dans les années 1970 de privilégier la capacité de lutte antichars plutôt que la capacité de lutte contre les autres fantassins. On s’est donc doté de la fin des années 1970 au début des années 1990 d’une panoplie de missiles et de lance-roquettes très performants, à ce détail près que les cibles prévues pour ces munitions ont disparu en 1991 avec la fin de l’URSS, ce fameux environnement qui a tendance à changer plus vite que les programmes. Il a fallu malgré tout faire avec cet arsenal et on fait toujours largement avec. 

De la même façon, l’infanterie française reste encore largement équipée de véhicules, d’hélicoptères, de fusils, de canons des années 1970, parfois même avant. Le véhicule de l’avant blindé, le transport de troupes à tout faire de l’armée française, est contemporain de la Renault 16. Le renouvellement s’effectue à partir d’équipements conçus dans les années 1980 dont on a, réduction budgétaire oblige, étalé le développement et l’acquisition jusqu’à aujourd’hui. Nous nous équipons donc encore de matériels prévus pour lutter en Allemagne contre le Pacte de Varsovie, comme s’ils venaient d’une machine à remonter le temps. L’armée de terre française, comme la plupart des autres, c’est encore de l’ancien, un peu d’années 1980 et une pincée de XXIe siècle. Cette part la plus moderne tend bien sûr à augmenter avec de nouveaux programmes, comme le nouveau fusil d’assaut et les véhicules tactiques du programme Scorpion, tous numérisés, mais on peut d’ores et déjà décrire à quoi ressemblera l’infanterie française en 2050…si rien d’important dans l’environnement des armées. Or, il se passe toujours des choses dans cet environnement.

Quand on fait le bilan de l’emploi des forces armées françaises depuis 1815, on s’aperçoit que celles-ci changent de mission principale tous les dix-quinze ans, entre guerre interétatiques, guerres contre des groupes irréguliers, sécurisation intérieure et sécurisation extérieure (interposition, stabilisation). Quand j’ai commencé ma carrière comme sous-officier, je me préparais tous les jours à un affrontement apocalyptique contre les divisions blindées-mécanisées du Pacte de Varsovie, puis cet ennemi a disparu, et ce sont finalement, de manière totalement imprévue, des divisions irakiennes que nous avons affronté, avant de passer à la période du « soldat de la paix » puis de celle de la contre-insurrection contre des organisations islamistes. A chaque fois, le contexte changeait, l'acceptation du risque également depuis le sacrifice de masse en Allemagne jusqu’au zéro mort. Et il fallait faire cela avec le même outil militaire. Cela avait deux conséquences.

La première est que cette succession de défis, souvent inattendus, à impliqué aussi des adaptations qui ressemblaient souvent à des improvisations. En quatre ans, de 1914 à 1918, la physionomie du combattant s’est radicalement transformée. Une section d’infanterie française de 1918 aurait été capable d’écraser n’importe quelle section d’infanterie de 1914. On n’a pas connu depuis d’évolution d’une telle ampleur, résultat de la combinaison d’une très forte incitation à innover mais aussi d’un grand potentiel inexploité, de voies non explorées. La quasi-totalité des nouveaux équipements mis en place pendant la Grande Guerre dans l’infanterie (fusil-mitrailleur, grenades à main ou à fusil, casque d’acier, masque à gaz, fusils à lunettes, lance-flammes, mortiers, etc.) existaient déjà à l’état de prototypes avant-guerre ou pouvaient être fabriqués très vite. Mais il ne s’agit là que d’une partie des potentialités. 

La plupart des innovations sont en réalité des changements de structure, de méthode ou de manière de voir les choses. L’innovation majeure de la Grande guerre en termes de combat d’infanterie a sans doute été le groupe de combat, c’est-à-dire une cellule tactique d’une dizaine d’hommes confiée à un jeune sous-officier à partir de 1917. Cette innovation impliquait simplement d’accepter que des sergents soient capables de prendre seuls des décisions tactiques. On introduisait ainsi une souplesse tactique qui n’existait pas avec les tirailleurs individuels dispersés ou inversement les lourdes sections à 40 hommes évoluant d’un bloc, on résolvait ainsi un problème vieux de soixante ans avec l’apparition en nombre des fusils à âmes rayées qui avaient multiplié d’un coup par quatre la zone mortelle entre les combattants ennemis. 

L’infanterie française a connu d’autres bouffées d’innovations improvisées. Personne au milieu des années 1930 n’aurait imaginé l’infanterie de la guerre d’Algérie vingt ans plus tard, débarquant d’hélicoptères en tenues camouflées et avec un armement léger complètement renouvelé. Au début des 1990, nouvelle adaptation au contexte changeant, on a improvisé une infanterie mieux protégée avec quelques armements et équipements nouveaux. J’ai connu cette transformation en quelques jours seulement avant d’être engagé à Sarajevo en 1993. L’engagement dans les provinces afghanes de Kapisa-Surobi en 2008 a été aussi à l’origine d’une nouvelle adaptation dans l’urgence. A chaque fois, rappelons-le, ces adaptations ne sont pas seulement techniques, les sections ne sont plus organisées de la même façon et surtout les méthodes évoluent considérablement.

On peut connaître aussi des désadaptations et des dégradations. Les sections et groupes d’infanterie de 1918 étaient des structures complexes à commander. Après la guerre, avec la disparition des vétérans et la réduction du service militaire, les sergents, chefs d’orchestre du système, ont eu de plus en plus de mal à conserver le niveau de compétence nécessaire. Malgré quelques évolutions techniques, l’infanterie française du début des années 1930 est moins performante que celle de 1918. Le soldat américain de 1970 n’est pas le parachutiste high tech combattant en ambiance nucléaire, c’est globalement un soldat démoralisé réfugié dans une base au Vietnam qui se drogue et répugne à combattre. La plupart des bataillons de l’infanterie américaine de 1970 étaient moins efficaces qu’en 1956.

L’environnement militaire comprend aussi un paramètre particulier qui s’appelle l’ennemi. Cet ennemi cherche d’abord à vous tuer, ce qui a tendance à forcément induire une forte dose de stress dans les actions de combat, actions qui s’obstinent du coup à être toujours différentes des laboratoires ou des champs de tir. Vue du fantassin, le combat c’est d’abord un management de la peur.

Cette peur inévitable transforme les individus. L’homme au combat n’est plus tout à fait le même que sur un champ de tir ou dans un salon de démonstration. C’est un homme naturellement augmenté par les réactions organiques du corps qui, sur l’alerte de l’amygdale, va mobiliser des ressources organiques par une série d’ordres bioélectriques et des sécrétions chimiques comme celle de l’adrénaline. En quelques instants, on devient plus fort et plus résistant à la douleur. L’augmentation du rythme cardiaque permet des efforts physiques intenses. Oui mais voilà, le cerveau aussi s’en mêle et l’appréciation qui est faite par le néo-cortex de la capacité à assurer la survie peut permettre de contrôler cet emballement ou au contraire l’amplifier. Dans ce cas-là le processus mobilisation peut devenir contre-productif et l’homme augmenté devenir un homme diminué. Au-delà d’un premier seuil, l’habileté manuelle se dégrade et l’accomplissement de gestes jusque-là considérés comme simples peut devenir compliqué. Au stade suivant, ce sont les sensations qui se déforment puis les fonctions cognitives qui sont atteintes et il devient de plus en plus difficile, puis impossible, de prendre une décision cohérente. Au mieux, on obéira aux ordres ou on imitera son voisin, à condition d’en avoir. Au stade ultime du stress, le comportement de l’individu n’a plus de lien avec la survie. Même doté des équipements les plus sophistiqués, il peut rester ainsi totalement prostré et souvent incontinent face à quelqu’un qui va le tuer.

C’est ainsi qu’entre un champ de tir et un combat réel, on assiste à des décalages énormes de performances, même avec des équipements qui tiennent leurs promesses. Dans un contexte de combat, les facteurs psychologiques, la formation (qui permet notamment de déceler plus vite le danger et surtout d’en faire une appréciation plus juste) sont bien plus importants que les aspects matériels avec qui ils sont cependant en interaction. Les armes puissantes, les mitrailleuses par exemple, ont tendance à plus rassurer que les armes légères par exemple. La combinaison soldat-mitrailleuse sera donc sans doute un peu plus efficace que prévue à partir simplement à partir des résultats des champs de tir. Il n’en sera pas de même avec les armes complexes d’emploi. Sur un champ de tir, le fusil antichar de 13 mm conçu par les Allemands en 1918 était très efficace. Dans la réalité, seulement deux chars légers français ont été détruits par cette arme très délicate et dangereuse à utiliser, surtout à cent mètres face à des engins ennemis. Car l’ennemi s’obstine aussi à trouver des parades à toutes les innovations. Au début de la guerre du Kippour en octobre 1973, les équipes antichars égyptiennes utilisant le système soviétique AT-3 Sagger obtenaient 50 % de coups au but sur les chars israéliens, performance remarquable au regard de la difficulté à guider les missiles sur plusieurs kilomètres. On annonçait déjà « la mort du char » et le triomphe de l’infanterie à missiles. Quelques jours plus tard, ce pourcentage tombait pratiquement à zéro, le guidage devenant impossible sous le déluge de feu d’artillerie ou de mitrailleuses lourdes qui accompagnait désormais systématiquement les chars israéliens.

Car on n’évolue pas pour le plaisir d’évoluer mais pour vaincre un ennemi. Pour combattre, il faut accepter de se rencontrer, ce qui suppose un minimum de ressemblance. En 1956, au moment des prédictions du lieutenant-colonel Rigg, l’armée française est engagée en Algérie où elle s’apercevait qu’elle était trop moderne pour combattre l’ennemi qui lui faisait face. Après plusieurs échecs, elle procéda donc à une large rétro-évolution : les pilotes abandonnèrent les jets les plus sophistiqués pour prendre le manche d’avions à pistons de la Seconde Guerre mondiale, plus lents et donc permettant de mieux voir ou tirer des cibles terrestres fugitives ; l’infanterie abandonna ses véhicules pour réapprendre à marcher et à traquer l’ennemi sur son terrain ; certaines unités de cavalerie retrouvèrent le cheval. Les moyens modernes, comme un nouvel armement individuel ou les hélicoptères, ne furent utilisés que lorsqu’ils s’avéraient adaptés au contexte.

L’augmentation de puissance est une chose relative. La recherche du toujours plus loin dans le même sens est fatalement une impasse, comme lorsque les armées des diadoques allongeaient sans cesse les sarisses de leurs phalanges jusqu’à la paralysie. Le coût de l’électronique individuelle et surtout de la protection a fait monter le prix de l’équipement du fantassin américain de moins de mille euros pendant la guerre du Vietnam à quinze mille aujourd’hui. Le système Félin français, lui, coûte maintenant quarante-deux mille euros pièce, pour un résultat par ailleurs médiocre. On tend ainsi à rejoindre pour les fantassins les principes de la loi d’Augustine, du nom de l’ancien directeur de Lockheed Martin qui estimait qu’au rythme d’évolution des coûts des avions de combat, le budget américain de la défense de 2054 servirait tout entier à payer un seul appareil.

Le soldat augmenté est donc mécaniquement un soldat rare. Pour le prix d’un seul d’entre eux, l’ennemi local peut payer plusieurs dizaines de miliciens dont la mort éventuelle aura par ailleurs moins d’effet stratégique que celle du soldat occidental. Une section d’infanterie française a été détruite en 2008 dans la vallée afghane d’Uzbeen par des rebelles sans gilets pare-balles et équipés d’armes des années 1960, mais plus nombreux. Même si sept d’entre eux sont tombés pour un Français, le combat a été considéré par tous comme une défaite française. La supériorité supposée rend en effet plus insupportable l’échec, même relatif. L’emploi de soldats équipés du système Félin aurait-il permis d’éviter ce sentiment ? Rien n’est moins sûr. Au lieu d’un « homme toujours plus », d’un chevalier à armures à plates, il serait peut-être plus utile d’avoir deux hommes. Ils tireront plus ou pourront se relayer pour maintenir la vigilance sans usage de drogues. Une section un peu plus nombreuse à Uzbeen et avec un peu plus de munitions aurait sans doute été plus efficace que la même équipée de Félin.

En réalité, loin de ces projets futuristes encore très aléatoires, l’élément le plus novateur des dernières années réside plutôt dans l’élargissement de la capacité à produire des soldats. Dans le cycle de science-fiction des Princes d’ambre, Roger Zelazny décrit l’affrontement entre des êtres surhumains dotés de la capacité à se déplacer n’importe où et d’autres qui ont la possibilité inverse, faire venir à eux ce qu’ils veulent. Les opérations en cours ressemblent d’une certaine façon à cet affrontement entre des soldats professionnels, nomades internationaux de plus en plus rares et sophistiqués, et des combattants locaux amateurs qui bénéficient des flux de la mondialisation pour faire venir à eux des objets et des connaissances. Comme l’explique Chris Anderson dans La Longue Traîne, on remarque les efforts de plus en plus importants des institutionnels pour rester au sommet de la puissance, mais on néglige les nombreux petits groupes armés dont l’apparition a été permise par les nouvelles technologies (ou leur association avec des anciennes) et l’ouverture des frontières de toutes sortes. C’est ainsi que certains ont pu se multiplier et, associés à une acceptation plus forte du sacrifice, être capables de tenir tête aux armées les plus modernes. Depuis le début des années 2000, les armées occidentales et israélienne ont été incapables de détruire une seule de ces nouvelles organisations armées dans le grand Moyen-Orient.

Comme l’ont montré les attentats de janvier 2015, il est aussi possible de former des groupes encore plus petits au sein même des sociétés occidentales. Un amateur peut s’entraîner physiquement aussi durement qu’un soldat, acquérir via Internet les mêmes connaissances techniques que lui et même se préparer psychologiquement très sérieusement. Avec des gilets pare-balles en vente libre et des smartphones, un groupe d’amateurs sera mieux protégé et se coordonnera bien mieux qu’un groupe de soldats des années 1980. L’acquisition de l’armement et des munitions est plus problématique, quoique facilitée par les flux issus de l’ouverture des arsenaux après la guerre froide. Sinon, avec des imprimantes 3D, il est déjà possible de fabriquer des armes rudimentaires chez soi. Le tout peut être financé par un simple crédit à la consommation. Ainsi, en novembre 2013, avec Abdelhakim Dekhar, et surtout en janvier 2015, quelques hommes, apparemment venus de nulle part, ont pu défier des agents de police et il a été nécessaire de faire appel à des unités d’intervention d’élite pour en venir à bout. Plus que les soldats augmentés, rares et chers, c’est l’augmentation du nombre de « soldats amateurs » qu’il faut sans doute anticiper et craindre.

En conclusion, au risque d’être décevant, je ne sais pas à quoi ressemblera le « soldat du futur ». Il y aura certainement des percées technologiques, pour l’instant en termes d’électronique, au sens large. Peut-être aussi dans les matériaux de protection ou les armes. Peut-être que l’on parviendra enfin à briser ce plafond qui rend pour l’instant les sections d’infanterie d’aujourd’hui à peine plus efficace que celles de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce dont je suis sûr c’est qu’il y aura beaucoup de « soldats du futur », pas forcément très différents physiquement de ce que l’on voit aujourd’hui avec encore certainement pendant longtemps plus d’hommes en jeans armés d’une variante de kalashnikov que de robocops. Ce qu’il y aura dans les têtes, la capacité à prendre des risques, la compétence, la détermination, le nombre aussi tout cela sans doute encore et toujours plus important que les équipements qu’ils portent, et tout cela est bien plus changeant.

vendredi 20 décembre 2019

Tempête rouge 2019

La version actualisée de "Tempête rouge" est disponible en version papier ou Kindle sur Amazon (ici) ou encore en version pdf sur demande (goyamichel@gmail.com) après un éventuel, rapide et très léger clic sur le bouton "Faire un don", en haut à droite du blog.

Rappelons qu'il s'agit sur 23 pages de l'analyse de l'engagement diplomatique et militaire russe en Syrie, de son succès et des enseignements qu'il serait possible d'en tirer. 


L'étude commune avec Laurent Touchard sur la lutte contre les organisations armée en Afrique est également réactualisée et disponible.










Il en d'ailleurs de même de toutes les autres études : 


- La guerre première : de la guerre du feu à la guerre du fer.
- La voie romaine : l'innovation militaire pendant la République de Rome.
- L'innovation militaire pendant la Guerre de Cent ans.

- Corps francs et corsaires de tranchées : Tirs, patrouilles, raids et coups de main, la petite guerre des Français (1915-1918).
- Innovations en Indochine : les évolutions du Corps expéditionnaire français en Indochine (1945-1954).
- La guerre d'usure entre Egypte et Israël (1969-1970).
- La France en guerre au Tchad : la victoire oubliée (1969-1972)


- GIs et Djihad : les évolutions militaires de la guerre en Irak (2003-2009)
- Sisyphe à Gaza : les évolutions militaires dans la guerre entre Israël et le Hamas (2008-2014).
- Levant violent : une brève histoire de la guerre en Syrie et en Irak (2011-2016).

- Théorie de la section.
- Une expérience de lutte contre les snipers.
- Régiment à haute performance.

- L'art de la guerre dans Starship Troopers.
- Manager comme un militaire (recueil Voie de l'épée).
- 20 notes sur la vie des organisations humaines.



















mercredi 11 décembre 2019

Souscription pour l'édition 2020 de Forces armées africaines


Pour souscrire c'est ici : souscription
Fin de la souscription ce soir 11 décembre à minuit

LE LIVRE - De l'édition 2016 à l'édition 2020  

Forces armes africaines 2020 est une version remaniée et actualisée (environ 800 pages) de l'ouvrage Forces armées africaines 2016-2017 paru en mai 2017 (602 pages) en auto-édition via CreateSpace (aujourd'hui Kindle Direct Publishing - KDP).

L'édition 2016-2017 a remporté un petit succès et en octobre 2019, soit presque deux ans et demi plus tard, elle se classe toujours honorablement 1475e des ventes (à la date du 17 octobre 2019) dans la rubrique « géopolitique » d'Amazon, sur plus de 10 000 titres !

Le livre constitue un outil polyvalent de recherche, de prospective ainsi que de réflexion stratégique, opérative et tactique, en étant :
· Un annuaire des armées africaines dans lequel sont exposés leurs ordres de bataille (organisation), leurs moyens terrestres, aériens et navals (sous forme de listes). L'édition 2020 inclut également la présentation des paramilitaires (dont la sécurité est la mission première mais également aptes à des actions de combat, par exemple les unités spécialisées de contre-terrorisme des forces de police).
· Une analyse stratégique du contexte dans lequel évolue ou involue chaque armée africaine : problèmes politiques, relations avec les Etats voisins, bilan de la coopération militaire, etc.
· Une analyse sur les capacités opérationnelles de chaque armée africaine.

L'édition 2020 est donc en cours de rédaction et sa parution est prévue entre février et mai 2020.

Docteur en géographie, Patrick FERRAS participe à cette nouvelle version. Auteur d'une remarquable thèse sur les forces éthiopiennes, il est enseignant et président de l'association Stratégies africaines dont les travaux sont "(...) centrés sur la géopolitique de la Corne de l'Afrique et les questions de paix et de sécurité en Afrique."

  LES OBJECTIFS DU LIVRE - En 2016 comme en 2020  

Présenter en détail l'ensemble des forces armées africaines contemporaines dans leurs caractéristiques opérationnelles (c'est à dire leur action sur le terrain, leurs qualités au combat, leurs défauts) et dans leur diversité (sociale, économique, culturelle...) ;


 Proposer un ouvrage riche pour un coût raisonnable au regard de ce qui prévaut dans le domaine. Ainsi, le contenu est-il financièrement accessible aux chercheurs, aux journalistes, aux étudiants et aux militaires, notamment africains. Le prix de l'édition 2020 sera légèrement plus élevé en raison de l'augmentation de la pagination et se situera autour de 38 euros (33,70 euros pour l'édition 2016-2017).

L'édition 2016-2017 avec en illustration le lieutenant Ayella Gissa en décembre 2006, photo Chief Mass Communication Specialist Eric A. Clement U.S. Navy.

  LES NOUVEAUTÉS - Quoi de nouveau dans l'édition 2020 ?  

Actualisation (l'actualisation de l'ensemble des fiches-chapitres se poursuivra jusqu'à la fin de l'année 2019/début de l'année 2020, et bien entendu, correction des coquilles !) ;

Présentation d'ensemble de l'Afrique de la défense en 2020 par Patrick FERRAS ;


Réorganisation de l'ensemble des fiches-chapitres : la partie inventaire des moyens matériels est toujours là tout comme la partie analyse. Mais cette dernière se structure désormais en une rubrique "domaine stratégique" et une rubrique "domaine opérationnel" ;


En guise d'introduction dans la partie analyse, une brève présentation de ce qu'était chaque armée évoquée 20 ans auparavant (budgets, effectifs, composition des forces) ;

Davantage d'informations sur les forces paramilitaires, aussi bien dans l'inventaire des moyens que dans l'analyse ;

Des encadrés sur les entités insurrectionnelles, par exemple la liste des principaux groupes armés en RDC, avec dans tous les cas un bref aperçu de leurs effectifs, moyens et capacités.

  POURQUOI CE LIVRE - Les armées africaines aujourd'hui  

Les armées africaines sont le plus souvent considérées au travers des caricatures qui les décrivent. L'actualité nourrit l'impression qu'elles sont mauvaises et incapables d'accomplir leurs missions, qu'elles sont tout juste bonnes à subir des défaites et commettre des exactions à l'encontre des populations. La corruption, le manque de moyens n'arrangent rien. Des stratégies inadaptées dans des contextes de gouvernances bancales, la pauvreté des budgets de défense figent ce constat.

Cependant, il importe de nuancer cette image négative.

En dépit de difficultés structurelles et contextuelles considérables, beaucoup d'armées africaines tendent à évoluer. Quand bien même certaines correspondent effectivement aux clichés, elles comprennent aussi des hommes et des femmes déterminés à changer les choses en faveur de la paix et de la justice. L'idée d'armées au service d'un Etat plutôt que d'un pouvoir progresse désormais en Afrique. Quant aux revers sur le terrain, parfois avec de lourds bilans, ils sont plus souvent rapportés que les succès. Beaucoup d'armées africaines ont également des qualités ou s'efforcent d'en développer. Que le cheminement soit laborieux et qu'il demande un temps long ne signifie pas qu'il n'y a pas de cheminement. Toutes les armées évoluent et nos armées, considérées comme modernes ont connues des phases difficiles au cours de leur histoire. Il leur a fallu s'adapter (comme l'explique Michel GOYA dans son nouveau livre S'adapter pour vaincre) à l'ennemi et aux difficultés, sur le temps long. Les armées africaines ne sont pas différentes.

Forces armées africaines 2020 distingue ces aspects et brosse un portrait en contrastes des outils militaires du continent. Il y a du mauvais qu'il ne faut pas cacher mais il existe également du bon dont il faut parler. Par exemple, le passage ci-dessous est extrait de l'édition 2016-2017. Présent dans la partie consacrée aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), il évoque les superstitions et la magie dans les armées africaines.

LA COUVERTURE - A vous de choisir !  

A partir de 25 euros de soutien de soutien, vous pourrez me communiquer votre préférence pour la photographie de couverture de l'édition 2020 : la première avec les soldats nigériens au cours d'un exercice de patrouille ou bien la seconde avec des membres des forces spéciales maliennes. Cette préférence servira de vote et la photographie la plus plébiscitée illustrera donc la couverture de Forces armées africaines 2020.

Première photo/choix 1 pour l'illustration de couverture de l'édition 2020 : des militaires nigériens au cours de l'exercice Flintlock 2018. Le terrain que l'on devine est très représentatif de celui qui prévaut dans la zone du Liptako Gurma (photo du Staff Sgt. Jeremiah Runser, U.S. Army).

  POURQUOI LE FINANCEMENT PARTICIPATIF - Le "nerf de la guerre" !  

Le travail pour la nouvelle version a commencé dès la publication de la version 2016-2017. C'est une tâche considérable, qui s'avère également coûteuse financièrement, sans aucune aide privée ou publique.

Dans la durée, la documentation est onéreuse, surtout avec des ouvrages qui peuvent dépasser les 1 200 euros (Jane's...).

La veille informationnelle, la collecte de données ainsi que la rédaction sont chronophages et le temps consacré à ces actions ne fait pas rentrer d'argent immédiatement. Plus prosaïquement, il est difficile d'avancer l'ouvrage et dans le même temps de payer les factures !

4 000 euros représentent un minimum pour faciliter le projet. Voici les différents paliers et la répartition de la somme réunie en fonction des paliers atteints :

* Premier palier : 4 000 euros réunis - terminer le livre avec une répartition suivante des fonds :
·     1 000 euros de documentation (c'est un gros poste de dépense) ;
·    600 euros de budget publicitaire (ce qui a beaucoup manqué pour la première édition, avec des exemplaires de l'ouvrage à envoyer à des organismes, des rédactions, etc.) ;
·  1 200 euros pour la relecture (rémunération d'un correcteur, 1 000 euros étant un minimum avec 800 pages...) ;
·   1 200 euros de frais divers (8 % de commission pour Ulule soit 320 euros ; 22 % pour l'Urssaf soit 880 euros).

** Deuxième palier : 6 000 euros réunis - terminer sereinement le livre
·     1 200 euros de documentation ;
·     600 euros de budget publicitaire ;
·     1 400 euros pour un correcteur ;
·    1 000 euros de rémunération pour l'auteur (et un bon repas pour Patrick Ferras ! Ce qui représente environ... 166 euros par mois sur 6 mois !) ;
·    1 800 euros de frais divers (480 de commission Ulule ; 1 320 pour l'Urssaf).

*** Troisième palier : 8 000 euros réunis - terminer confortablement le livre
·     1 600 euros de documentation ;
·     800 euros de budget publicitaire ;
·     1 400 euros pour un correcteur ;
·     1 800 euros de rémunération pour l'auteur (et un bon repas pour Patrick Ferras ! Ce qui représente 300 euros par mois) ;
·     2 400 euros de frais divers (640 de commission Ulule ; 1 760 pour l'Urssaf).
Merci à tous pour votre soutien, merci à Ulule en général pour avoir accepté de présenter le projet et à Élodie GONÇALVES en particulier pour l'accompagnement !

  Projet futur - Ebook publié fin 2021/début 2022 offert aux soutiens d'honneur  

Les projets sont nombreux, je ne les détaille donc pas tous. Juste un seul, dont le fruit sera offert aux soutiens d'honneur lors de sa parution.

Il n'existe pour l'instant qu'à l'état d'ébauche et le travail à effectuer pour le mener à terme est important. Il sera donc offert au moment de sa date de publication estimée : entre la fin 2021 et le début 2022, c'est à dire dans environ deux ans. C'est long, mais la tâche n'est pas négligeable.

Je publierai alors, uniquement au format numérique (Kindle, mais les soutiens d'honneur pourront également le recevoir en pdf s'ils le souhaitent), un ouvrage électronique intitulé La Guerre froide africaine - Aperçu des forces armées africaines de leur indépendance à la fin des années 1980.

L'ouvrage regorgera d'ordres de bataille, d'inventaires quant aux arsenaux (de l'armement léger à l'armement lourd). L'analyse sera moins prépondérante que dans Forces armées africaines, par exemple en présentant seulement de façon succincte le contexte géopolitique pour se focaliser sur les armées africaines de cette période troublée, leurs moyens, leur organisation, leurs défauts et leurs qualités.

  QUI SUIS-JE ?  

Je travaille depuis longtemps sur les questions de défense avec une passion première pour l'Histoire militaire et une autre passion... pour l'Afrique !
J'ai participé à la rédaction de livres, dont l'original Viet Cong and NVA tunnels and fortifications of the Vietnam War chez Osprey Publishing, à deux articles pour Batailles & Blindés (éditions Caraktère, fabuleuse expérience mais trop courte pour des circonstances "hors champ", avec un rédac' chef en or, Yann MAHE pour ne pas le citer !) ; à des travaux divers comme récemment un Focus stratégique pour l'Institut français des relations internationales (IFRI) sur les frontières africaines et un regard quant à leur sécurisation. Et puis, j'ai participé à des consultances au profit du ministère des Armées.

Tout aussi récemment, j'ai eu la chance de collaborer avec Michel GOYA à un ouvrage au format Kindle consacré aux changements de mentalités et d'approches opérationnelles dans les armées africaines face aux groupes armés (Une révolution militaire africaine).

Actuellement je collabore au magazine Défense & sécurité internationale (chez Areion), avec un non moins fantastique rédac' chef (Joseph HENROTIN) pour des articles sur les armées africaines (surprenant, non ? Voir par exemple celui au sujet des qualités des forces armées africaines). Et bien entendu, je suis l'auteur de Forces armées africaines 2016-2017 et du futur Forces armées africaines 2020 !

Deuxième photo/choix 2 pour l'illustration de couverture de l'édition 2020 : soldats maliens du Bataillon Autonome des Forces Spéciales au cours d'un entraînement au Burkina Faso ; même des armées africaine avec une mauvaise "image" progressent difficilement mais sûrement, avec de vraies capacités tactiques qui s'améliorent et de belles qualités humaines parmi les personnels. Beaucoup reste à faire, mais des bases sont là (photo USAFRICOM).