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Nous devons
remonter un peu dans notre histoire des années 1962/1984 pour en retenir
quelques subtilités dont je ne vous donnerai quelque lignes sans rentrer dans
le détail de toute cette aventure que nous connaissons tous. Mais simplement
pour se remettre dans le contexte des problèmes techniques et des difficultés
principales de pilotage inhérent au Mirage III. Certains dictant à d'autres ses
choix plus personnels à l'état-major de l'AA et de la Direction des
constructions aéronautiques du ministère de la Défense incitant momentanément
Dassault à abandonner sa recherche sur la formule delta aux profit d'une
commande pléthorique de prototypes divers de Mirage G qui intéressait également
notre Marine. D'où a été tiré le F-1 présenté en concurrence du F-16 ce qui lui
a fait perdre le marché du siècle ! Pour un retour un peu plus tard de la
formule delta améliorée par les commandes de vol électriques et enfin d'un
moteur qui pousse 10 tonnes ! Présenté ainsi le monomoteur M-2000 ainsi que le
bimoteur Mirage 4000 de ce que l'Armée de l'Air souhaitait toujours mais dont
elle aurait à en assurer son développement soit 5 avions de présérie. Ce qui
n'était d'ailleurs pas très cher puisque Dassault l'a fait pour un exemplaire
sur ses fonds propres en mars 1979. Mais l'AA avait dans ce même temps à
financer trois avions nouveaux le M 2000 C, le Mirage F1 et le Jaguar, conçu à
l'origine comme un avion école de combat et d’appui léger, il finit par devenir
un avion d'appui tactique au poids et au prix sans commune mesure avec sa fiche
programme originelle. Ce que bimoteur fût-il, ne nous a pas épargné de se faire
descendre par des sam7 et des ZSU de 23 mm au Tchad ! De ces deux avions l'AA
n'en avait nul besoin ! Le MIII E amélioré avec ses moustaches et équipé de
l'Atar 9k50 aurait tenu sans problème la première ligne jusqu'en 1995. Pour son
remplacement d'un appareil M 4000 multirôle supérieur dans tous les domaines au
F15 et le M 2000 bien supérieur au F16 ! Multirôles, je le répète, et non pas
trois versions actuelles différentes, déclinées des missions mais une seule à
l'exemple du Mirage 2000-9 des EAU remplaçant du MIII E.
Je ne suis pas
seul à être persuadé que si Marcel Dassault et toute son équipe avait concentré
tous leurs efforts sur le delta remplaçant du MIII E, les 2 prototypes mono
M-2000 et bimoteur M-4000 auraient été prêts pour le marché du siècle quitte à
voler avec des réacteurs Pratt & Whitney/ et notre oncle Sam aurait dû
partager le marché du siècle avec nous ! Il est bien évident que dans ces
conditions, le Rafale n'aurait jamais vu le jour et les bureaux d'études
auraient eu à se concentrer sur les exportations et le nEURon !
La décision du
chef des Armées Valéry Giscard d'Estaing en 1974, sans doute excédé de toutes
ces gabegies financières précédentes à pris celle de revenir à la formule la
moins chère déjà éprouvée ; celle du delta M2000 C. Ce qui a engendré quelques
années plus tard en 1984 la question des remplacements. L'AA avait déjà demandé
en 1977 à la Direction des constructions aéronautiques du ministère de la
Défense de faire une étude préliminaire sur la succession du Jaguar mais aussi
celui de la fonction interception embarquée de la marine puis celle du
remplacement des Etendard . Nommé à cette époque avion de combat tactique
(ACT).
Depuis le
Mirage IIIC réceptionné en 1962 nous souffrions d'un manque de puissance
chronique de nos moteurs Snecma Atar 9B de 6 tonnes de poussé avec ses problèmes
de jeunesse. Notamment son arbre d'entraînement de la boîte de relais
d'accessoires, et l'adjonction d'un circuit de lubrification et d'une
régulation de secours pour subvenir aux pannes d'alimentations d'huile. Si les
poussées étaient en augmentations sensibles, les mises au point de ses
problèmes récurrents nécessita plusieurs années et ce retard ne fût jamais
comblé sur les Atar par rapport à la féroce concurrence américaine de Pratt
& Whittney et de Général Electric ! Ces soucis valurent à nos valeureux
pilotes, dans le meilleur des cas, de recevoir un magistral coup de pied aux
fesses de 19g et en récompense, la cravate Martin Baker !
L'aérodynamique
particulière de l'aile delta chargée à 260 kg au m² fait que le pilotage est
délicat notamment l'incidence que prend l'aile aux « basses vitesses » au
décollage mais aussi à l'atterrissage où sa vitesse de décrochage reste très
élevée de l'ordre des 155 nœuds pour une approche à 180 et la visibilité vers
l'avant nulle. D'autre part les commandes de vol sont durcies artificiellement
par tout un système aux prénoms désagréables Amédée, Oscar, Arthur puis l'auto
commande Stena que l'on doit à notre camarade Roland Glavany qui a voulu faire
léger ! Un virage à 90° c'est les deux mains sur le manche et il faut pousser !
Et attention à ne pas étouffer le réacteur ni de décrocher pour partir en
vrille ! Cela devient vite très physique en combat tournoyant pour les petits
bras où la moindre erreur ne pardonne pas!
De 1968 à 1984
date de commencement de son retrait jusqu'en 1994, le MIII E est déjà
multirôles : d'interception tout temps,
de bombardement, ainsi que la pénétration par le suivi de terrain à très basse
altitude sans visibilité, détruisant sur l'axe les radars ennemis à coup de
Martel AS30/37, posant à la main l'arme nucléaire tactique 52 et de
reconnaissance ( MIII E RD) où nous gagnions souvent le Royal Flush Otan. En
tous cas le plus avancé jusqu'aux missions haute altitude à +110000 pieds par
l'ajout du moteur fusée SEPR 44 (acide Nitrique + kérosène) de 1500 kg de
poussée doublant celle de l'Atar. Où l'on se prend à rêver un instant d'être
cosmonaute en scaphandre pressurisé recouvert d'un survêtement de cuir blanc,
admirant la rotondité de notre chère petite planète bleue ! Tout ceci grâce à nos
ingénieurs, nos pilotes, nos mécanos sans lesquels rien n'était possible qui
ont assuré un taux de dispo de 75% et plus en exercice jusqu'à l'échelon 2 des
modifications majeures, espaçant ainsi les visites de 300h de vol à 600h ou
calendaire 2 ans et les visites moteur de 75h à 200h. Il restera pour beaucoup
d'entre nous le meilleur chasseur bombardier, de reconnaissance et de
pénétration au monde.
L'abandon
momentané de la voilure delta pour n'avoir pas voulu moderniser son
aérodynamique dont nous connaissons tous ses points critiques ont été remédié
facilement par le programme Astérix sur le Mirage Milan destiné au marché
suisse en 1970. Sans retoucher l'aérodynamique de l'aile, l'adjonction simple
de 2 surfaces rétractables sous le nez surnommées : «moustaches» permettaient
un emport supplémentaire de charge utile de 20% (carburant), de virer encore
plus serré, deréduire la distance de décollage de 20% et de diminuer la vitesse
d'approche de 20 noeuds augmentant considérablement la sécurité des vols.
Équipé du
réacteur Atar 9k 50 d'une tonne de poussé supplémentaire, je vous laisse imaginer que ce MIIIE était
bien le meilleur mondial ! D'ailleurs les suisses ne l'ont retiré du service
qu'à partir de 1999 à 2004 pour des F-18 ! (sans moustaches mais équipés de
surfaces canards au niveau supérieur des entrées d'air). D'autre part,
comble de tout Dassault relance en 1981 le Mirage III NG muni de commandes de
vol électriques, d'un canard important et d'un ravitaillement en vol !
Valéry Giscard
d'Estaing aura eu le choix de ne pas choisir, mais il aurait pu aussi choisir
le NG !
Seul le Phantom
F-4 de l'USAF, biplace biréacteur pesant 50% de plus en 2 versions spécialisées
pouvait faire mieux ; ce qu'il a démontré au Vietnam en interception et
pénétration basse altitude, et encore pas dans tout notre domaine de vol.
L'AA dans sa
gabegie des commandes de prototypes avait toujours souhaité un bimoteur, facile
à piloter, plus sécurisant car il n'était pas exceptionnel de perdre
annuellement quelques pilotes dont le taux d'attrition pour 10000h de vol
avoisinait les 0,92 pour les Mirage III et V et de (0,55 pour les Mirage F-1,
ce que nous avons déterminé bien plus tard).
C'est donc pour ces raisons citées plus haut que le F-1 d'une
architecture aérodynamique classique a été conçu en 1963 mais surtout et en
premier lieu pour répondre au cahier des charges Otan d'un chasseur bisonique
de pénétration simple et léger développé sur les fonds propres Dassault qu'il
destinait alors à cette compétition.
En 1966 notre
chef des Armées, Charles de Gaulle, annonce notre retrait de l'organisation
militaire intégrée. Comme par hasard ! Les demandes de l'AA s'orientent alors
vers un avion d'interception à capacité secondaire de pénétration. Le bureau
d'études de Dassault travaillait alors sur le Mirage F3 (monoplace,
monoréacteur Pratt & Whitney/Snecma TF 306) pour l'Otan. Qui reste à l'état
de prototype notamment parce que le retrait de l'organisation militaire
intégrée entraîne de facto une révision de la politique d'équipement et que le
chef a décidé : « pas de matériels US sur la production militaire française »..
A la suite de ces annulations successives, Dassault n'a pas de successeur pour
son MIII. Devant cette impasse, et pour assurer son avenir au cas où le
programme commandé par l 'AA d'avions à flèche variable Mirage G (F-1 mono et
bimoteur F-2 puis d'une voilure fixe à 70°F-3) seraient également abandonnés.
Marcel Dassault décide de lancer la réalisation d'un «nouveau prototype»,
dérivé du F3 dont je crois que l'aile était déjà construite. Le Mirage F-1, au fuselage plus petit que les
F-2 et F-3 intégrant le Snecma Atar 9k50. Les essais en vol se poursuivent
quand, en mai 1967, au cours d'un vol à basse altitude et à grande vitesse, les
2 gouvernes de profondeur du Mirage F-1 01 s'arrachent à la suite d’un
phénomène de vibration destructeur appelé dans notre jargon le « flutter». René
Bigand, chef pilote, vient de mourir. Malgré tout, la commande des trois avions
de présérie, Mirage F-1 à réacteur Atar 9 K 50, estnotifiée cette année-là.
«Une nouvelle fois, les vœux de l'état-major sont exaucés avant d'avoir été
formellement exprimés» ! (Bruno Revellin-Falcoz, chef des services techniques
de la recherche chez Dassault) Le Mirage F-1 est adopté, commandé par l'AA ?
D'un avion pas réellement destiné à l'AA qui plus est dont nous n'avons pas
besoin ! Il est donc arrivé en escadron en 1974 équipé d'un réacteur Atar 9K50
d'une poussé de 7,2 tonnes. Il est toujours opérationnel au sein d'un escadron
de reconnaissance et sera retiré en 2014 soit 22 ans de service ! En
l'analysant d'un peu plus près, il possède une charge ailaire très élevée de
400 kg au m² plus prédestinée à la pénétration basse altitude et grande vitesse
correspondant bien au cahier des charges Otan et vérifié par les essais ! Dans
le combat en altitude en virage serré sous fort facteur de charge dans le plan
horizontal l'Atar 9 K50 manque de puissance de plus de 2 tonnes de poussée !
Dassault parfaitement conscient du problème monta le nouveau M-53 sur le F-1
devant les nouveaux enjeux internationaux du marché du siècle qui se
profilaient mais là encore le rapport poussée /masse de 0,85 restait très
inférieur à la concurrence américaine qui était supérieure à 1 du MDD F-16
monoréacteur qui fit son premier vol en décembre 1976. Le marché du siècle
était perdu ! Retour à la formule delta.