dimanche 1 juillet 2012

BH-Les nouveaux centurions (3/4)


La première grande offensive civilo-militaire a lieu au centre et à l’est du pays à partir de la base de Mongo. L’EMT 1 du 2e REP arrive le 7 avril 1969 avec comme mission de réduire les bandes rebelles afin de les mettre à la portée des forces de sécurité nationales et de faciliter la reprise d’une activité civile normale. Une semaine après son arrivée, un de ses éléments est accroché par une bande de 250 rebelles qui commet l’erreur de venir à son contact. Selon une séquence qui se reproduira fréquemment, la bande est fixée par l’élément au contact puis encerclée par des sections héliportées avant d’être réduite par une combinaison de feux aériens et de corps à corps. Plus de 50 cadavres rebelles sont dénombrés alors que les Français n’ont subi aucune perte. C’est un choc pour les rebelles, qui vont désormais éviter le combat direct, mais aussi pour le camp loyaliste qui reprend confiance.

L’EMT 1 et le 6e RIAOM dans le Chari (remplacé par un autre EMT de Légion en octobre 1969) vont ainsi multiplier les opérations de traque des bandes pendant un an. Au fur et à mesure de la progression française, la MRA multiplie les projets d’aide à la population, remet en place une administration locale, y compris les chefferies traditionnelles des sultans, et installe un maillage de petites milices villageoises. En juin 1970, plus de 2 400 armes ont déjà été distribuées à 60 milices. Le Frolinat perd progressivement le contact avec la population alors que l’action diplomatique de la France lui coupe le soutien de la République centrafricaine. En mars 1970, la situation est suffisamment pacifiée dans ces régions pour ne relever qu’un seul des deux EMT en mars 1970. Renforcé d’une compagnie de l’ANT, le 3e RIMa continue la politique de nomadisation du 2e REP jusqu’à obtenir la fin des opérations militaires du Frolinat au moment de la saison des pluies. La mission du 3e RIMa évolue alors vers le soutien de la MRA avec l’aide aux populations, la formation des milices, dont le nombre dépasse la centaine à la fin de 1971, et l’incitation au ralliement. Une dernière offensive du Frolinat à lieu en février 1971 qui se termine comme le premier combat du REP par la destruction de la bande rebelle sans aucune perte française.

A ce moment-là, le centre de gravité des opérations militaires s’est déplacé vers le nord du pays. Celles-ci se déroulent en deux phases. La première, qui occupe tout le deuxième semestre 1970, est clairement défensive. Le nouveau régime libyen du colonel Kadhafi  apporte son soutien à la « 2e armée » du Frolinat et en juillet 1970 celle-ci se sent assez forte pour lancer une série d’offensives sur tous les postes avancés du BET. La CPIMa est engagée depuis la base de Faya-Largeau. Le 11 octobre, après deux jours de reconnaissance dans le Borkou, le 1er commando est pris dans une embuscade dans la palmeraie de Bedo. La bande rebelle est finalement détruite mais 11 soldats français ont été tués et 16 autres blessés. Avec les renforts venus de Fort-Lamy et de Fort-Archambault, les Français parviennent à dégager les postes encerclées. Au début de 1971, le général Cortadellas, commandant la mission militaire, décide de passer à son tour à l’offensive avec l’opération Bison. De janvier à juin 1971, 900 soldats français et 350 tchadiens, avec 150 véhicules, 18 hélicoptères et 8 avions traquent les rebelles Toubous dans les refuges montagneux du Tibesti. Depuis Faya-Largeau, des bases avancées sont créées avec la CPIMa portée par Transall, rejoints ensuite par un DIH et des Skyraider, pour lancer enfin, une fois les pleins faits, le tout dans le bouclage et la destruction des bandes repérées. Des opérations de ce type vont durer jusqu’en juin, provoquant des pertes très sévères au Frolinat mais ne parvenant pas à obtenir la décision. La consolidation avec les forces paramilitaires ne peut pas non se faire et l’ANT reste en position délicate dans le BET.

Avec l’opération Bison mais aussi la résistance grandissante à la réforme de l’administration, la France atteint les limites de son action. Le choix pourrait être fait de poursuivre plus avant avec des moyens accrus mais on y renonce devant le coût humain, financier et politique élevé que cela induirait pour des résultats aléatoires et finalement marginaux. Le Tchad utile est pacifié et l’ANT, forte des 12 nouvelles compagnies formée et équipées par les Français (mais aussi les Belges au Zaïre), peut désormais en assurer la sécurité. Le Frolinat, divisé, est très profondément affaibli et perd, au moins provisoirement, ses soutiens extérieurs : le Soudan de Nimeiry et la Libye de Kadhafi qui vient de signer des fructueux contrats d’armement avec la France. Le moment est choisi pour organiser le repli. A l’été 1971, le 6e RIAOM reste seul avec quelques éléments aériens comme force de soutien et d’appui. Le nombre de conseillers est réduit à 200 à la fin de 1972. A l’été 1972, une campagne de relations publiques avec comme point d’orgue la visite du président Pompidou au Tchad, est organisée pour marquer symboliquement la fin de la mission française et sa réussite.
(à suivre)

3 commentaires:

  1. Merci de ces précisions sur un pan de l'histoire militaire française méconnue.

    Pour vos lecteurs, je signale un nouveau magazine sur la ''Dernière Guerre Mondiale'' qui sort en PDF téléchargeable gratuitement, ils en sont au n°3. J'ai juste commencé à feuilleté les premiers articles :


    http://derniereguerremondiale.net/indexDGM.php

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  2. Des moyens humains en qualite et en quantite, des materiels nombreux et eprouves, le soutien d'une partie des fprces locales et de la population, pas de reaction en France permettent le succes de cette operation. On pourrait dire de ces operations africaines sans trop s'avancer. Pardoxalement le chant du cygne de ces operations exterieures sera Kolwezi dont la mediatisation a conduit a ine mauvaise interpretation et par contrecoup des consequences facheuses sur nos forces et leur engagement. Les operations en RCA seront le dernier avatar de ces missions a la fois lourdes et confidentielles. Mais entre la qualite des forces engagees (elles formeront la future FAR et forment encore parmi les meilleurs soldats possibles) et la qualite des materiels (18 helicopteres, 9 avions, le detachement en Aghanistan en compte deux fois moins), les francais sont "chez eux" au Tchad. Sur le terrain pas de ce distingo mielleux et mortifere entre "combattant" et son "soutien", tout l'effectif est " souples, felin et manoeuvrier". Les tenues sont adaptees (des treillis de qualite, des shorts, du cam' des chapeaux de brousse credibles), le materiel est connu et le manque devient un atout traduit en termes de mobilite et de liberte d'action. Attention, ce modele historique est tres difficilement transposable aujourd'hui. Il manque des inconnues a une equation rendue aujourd'hui tres complexe pour aller trop loin dans la replique de ces OPEX. L'exemple de l'operation Turquoise (Rwanda 1994), est assez symptomatique de l'echec d'un tel procede, la bas, les forces francaises sont ce que nous avons de mieux, ellles ont un mandat national, une autonomie tactique et OPS, mais, medias, population, echo en France et ailleurs depassent les buts finaux recherches, voire les changent en cours d'operation. Mais oui la direction a prendre est bien de specialiser nos forces dans la conduite de "petites guerres" etas seulment nos Forces specialisees ou nos regiments d'infanterie speciale, mais nos futurs jeunes chefs. Nos soldats en general ont besoin de retrouver du soufflek des muscles, et de l'autonomie d'action. Sinon la pesanteur et leur tres mauvais rapport cout/efficacite orientera les politiques vers d'autres solutions alternatives.



    mobilite, de liberte d'action

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    1. Je crois que le problème est survenu lorsque nous avons commencé à ne plus employer nos forces pour frapper un ennemi mais à nous interposer entre deux camps, ce qui est le cas de Turquoise. Le courage politique c'est soit s'abstenir d'intervenir, soit choisir un camp et l'aider. Les entre deux sont souvent désastreux. On le sait maintenant puisqu'on a perdu des centaines d'hommes dans ces missions d'interposition stériles. Avec les interventions en Kapisa en 2008, en RCI et en Libye en 2011 on est revenu à une conception plus traditionnelle de l'emploi des forces mais en conservant encore des contraintes qui en limitent l'efficacité (entrisme politique, opération en coalition, mandat CSNU).
      Je pense que la principale limite à l'efficacité de nos forces est d'ordre politique.

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