Voici
ma réponse à l’article du contrôleur général des armées Yché (« Quelle défense
pour la France ? ») paru dans le Figaro du 20 juin dernier.
Régulièrement,
dès lors qu’il s’agit de réfléchir sur la forme de notre outil de défense
resurgit l’idée d’un resserrement sur une force de haute-technologie, supposée
capable par les seules frappes à distance, aériennes pour la grande majorité, de
faire plier à sa volonté n’importe quel adversaire. On s’épargnerait ainsi les
affres d’un engagement au sol supposé forcément couteux. La formule paraît
séduisante. Le seul problème est qu’elle ne fonctionne pas.
On
serait en effet bien en peine, depuis la première guerre du Golfe jusqu’à la
guerre récente en Libye de trouver un seul exemple de réussite de l’action à
distance seule. Les raids aériens ou aéromobiles sont souvent très efficaces
mais ils sont insuffisants à emporter une décision politique, sauf peut-être
dans le cas de lutte contre des réseaux sans implantation populaire. Dans tous
les autres cas, l’expérience montre encore et toujours qu’il est nécessaire
pour emporter la victoire que quelqu’un plante un drapeau quelque part. Même la
campagne aérienne lancée contre la
Serbie en 1999, souvent citée en exemple car seul
significatif, aurait eu un autre destin sans la menace d’une force terrestre
puissante et prête à pénétrer au Kosovo. Pendant le mois de juillet 2006, les
Israéliens ont lancé chaque jour plus de5 000 obus et 250 missiles, bombes
guidées ou à dispersion de munitions sur le rectangle de 45 km sur 25 du Sud-Liban. Le
Hezbollah n’a jamais plié et il a bien fallu engager une force terrestre dont
on s’est aperçu alors qu’elle ne savait plus mener des opérations à grande
échelle.
La
seule question qui mérite en fait d’être posée est de savoir qui va planter ce
drapeau. Si on veut éviter de s’engager soi-même, on peut effectivement s’appuyer
sur des forces locales comme les seigneurs de la guerre afghans en 2001 ou les
groupes rebelles Libyens en 2011. Tout repose alors sur la fiabilité et
l’efficacité de ces alliés qui obéissent toujours à leurs propres agendas et à leur
propre éthique. En 2001, la prise spectaculaire de Kaboul par les seigneurs de
la guerre afghans appuyés par forces aériennes américaines a été rapidement
gâchée par leur refus d’aller plus au sud et la persistance des Américains à ne
pas engager de troupes au sol. Malgré les bombardements et l’appel à des
mercenaires locaux plus que douteux, Oussama Ben Laden et le mollah Omar ont
ainsi eu le loisir de quitter Tora Bora et Kandahar pour reconstituer leurs
forces au Pakistan.
Qu’il
faille améliorer notre capacité opérationnelle d’intervention à distance, c’est
l’évidence mais cela peut difficilement s’obtenir en marchant sur une seule
jambe. La solution est sans doute justement, et comme le prévoyait le Livre
blanc de 2008, dans l’investissement dans les forces terrestres afin que l’on
obtienne au sol la même supériorité écrasante que l’on connaît désormais dans
les airs et sur mer. Les interventions
extérieures autonomes françaises des années 1970 faisaient l’admiration de tous
pour leur efficacité. Celles des années 1990 et 2000, en coalition, beaucoup
moins. Les procédés « à l’ancienne » avaient donc parfois du bon et c’est
peut-être là que devrait se situer notre source d’inspiration plutôt que dans
la simple imitation des modes américaines.
Sur la campagne aérienne du Kosovo, lire et relire le chapitre 4 de "Les guerres asymétriques" de Barthélémy Gourmont et Darko Ribnikar, (PUF 2002). Le reste de l'ouvrage est à mon sens fort bien construit, notamment pour son approche de la dissymétrie et de l'asymétrie ; les 25 pages consacrées au ruses utilisées par l'armée yougoslave sont une merveille, et, à la réflexion, anticipent le "1 million de dollars le milicien".
RépondreSupprimerDes Serbes m'ont raconté comment ils imitaient la signature thermique d'un char avec un moteur de tronçonneuse très chaud et quelques rondins.
Supprimer...et puis c'est "10 millions de dollars le milicien". Par contre on peut dire "1 million de dollars le but à l'euro".
Deux autres exemples : le pont repeint de façon à ce qu'il soit considéré comme détruit par les photographies aériennes, et donc ne soit plus frappé, ce qui permettait de l'utiliser la nuit ... et les fours à micro-ondes trafiqué pour fonctionner ouverts, qui attirent les missiles anti-radars comme des mouches ...
SupprimerLe chapitre regorge d'exemples comparables et, semble-t-il, documentés.
Si l'Europe ne dispose pas d'une Force d'action aéromécanisé de
RépondreSupprimer300 000 hommes au minimum, organisée,articulée avec des forces légères,nous allons au devant de serieux problème. Nous devrons nous mettre à la guérilla ! mais chez nous cette fois et pour 100 ans. Notre ennemi sera puissant et conbinera force lourde et légère, haute technnologie et milice primitive le tout en masse. Le reste du "bla bla" Douet et Harris pensaient gagner la guerre, à oui il reste l'atome !!!
Citoyen tu tiens ton avenir entre tes mains !
Bonjour,
RépondreSupprimerN'étant pas spécialiste, je me demande quelle est l'utilité réelle, sur le plan militaire, de l'aviation de combat?
Merci pour ces éléments de réflexion qui nous permettent d'appréhender les enjeux actuels de la défense, loin des rets de la séduction, mais bien en s'appuyant sur la raison secondée par l’expérience. Sur le même sujet, on lira avec intérêt les articles publiés dans la rubrique "les réflexions d'Arès" sur Blog Fob.
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