Sergent Maurice Boyau |
Ces « acteurs » exceptionnels est-il
possible d’en établir un profil type décelable avant le révélateur du combat ?
En examinant la vie de ces 40 premiers As français avant 1916, quelques traits
saillants apparaissent. Beaucoup ont eu manifestement le goût pour l’action
avant de devenir aviateur et avant même la guerre. Certains peuvent être
qualifiés d’aventuriers comme Nungesser, qui avant 1914 avait pratiqué une
multitude de métiers à travers le monde. La guerre le surprend dans une
plantation au Brésil. Il s’engage alors volontairement et se distingue dès le 3
septembre 1914, pendant la bataille de la Marne , alors qu’il est avec une poignée d’hommes
sur les arrières de l’ennemi. Par un coup d’audace, il arrête une auto
allemande abat froidement ses quatre occupants et rejoint les lignes avec son
lieutenant blessé et deux fantassins. L’automobile étant de marque Mors, il
devient le « hussard de la Mors », qu’il
transformera en « hussard de la
Mort ». Il faut noter que parmi les quarante As, il y a
cinq étrangers (Lufbery, d’Argueff, Putnam, Baylies, Waddington) et, outre
Nungesser, six autres français sont des voyageurs civils ou militaires (deux
ont fait campagne au Maroc) ou des résidants en Afrique du Nord. Pourjade, dans
sa quête spirituelle, voyage en Espagne et en Suisse avant la guerre et devient
missionnaire en Océanie ensuite. Il meurt en 1924 en soignant des lépreux.
Beaucoup
d’entre eux sont d’excellents sportifs, à une époque où le sport n’est pas
encore une activité de masse. Il existe même une escadrille, la N 77 dite « des
sportifs », qui regroupe de nombreux champions dans diverses
disciplines : Decoin (natation), de Mouronval et Strohl (rugby), Felloneau
(boxe, foot), Mevius (tennis), Boilot (automobile) et deux grands As, Maurice Boyau
(35 victoires), 11 fois international de rugby et capitaine de l’équipe de
France, y compris pendant la guerre, et Luc Sardier (15 victoires), champion de
boxe et pratiquant assidue de cyclisme, cross-country et équitation. Parmi les
autres, Nungesser, Chaput ou Haegelen sont aussi d’excellents sportifs avec
toujours une prédilection pour les sports « virils ». On peut classer
aussi comme sportifs, Madon, Pinsart, Jailler, Navarre et Tarascon, qui se sont
passionnés avant guerre pour l’aviation. Le frêle Guynemer est bien sûr un
contre exemple mais sa faiblesse physique était pour lui une source de
frustration quand il se comparait à ses rivaux. Ajoutons qu’avec une moyenne
d’âge de 24 ans en 1916, ils sont en pleine possession de leurs moyens physiques
et cognitifs et que la pratique avant-guerre
d’un sport, de l’automobile ou de l’aviation est plutôt le signe d’appartenance
à un milieu social aisé.
Ces
hommes ont trois origines militaires principales. Dix d’entre eux commencent la
guerre directement dans l’aviation. Les autres viennent essentiellement d’armes
combattantes, infanterie (dix) et surtout cavalerie (quinze). Ce sont
visiblement des hommes qui recherchent le combat. Beaucoup sont militaires
d’active ou engagés volontaires pour la durée de la guerre, ils appartiennent à
des armes combattantes où ils s’illustrent déjà souvent par leur agressivité.
Mais ce sont pourtant des frustrés qui s’« ennuient » dans la guerre
de tranchées. C’est clairement le cas des cavaliers, dont les montures n’ont
visiblement plus leur place sur le nouveau champ de bataille et qui voient de
profondes analogies entre l’avion et le cheval. Pour les fantassins, il s’agit
surtout de blessés, devenus inaptes au combat de tranchées, ou d’individus
affectés dans des postes non combattants. Parvenus dans l’aviation, pour la
plupart à une époque où les avions de chasse n’existent pas, ils continuent à
faire preuve d’une grande agressivité contribuant ainsi à faire de l’aviation
une arme de combat. Madon largue des obus de 90 mm dans ses missions de
reconnaissance. Boyau invente un système permettant de porter cinq bombes entre
les roues de son avion et initie les bombardements d’aérodromes à faible
altitude. Pinsard est le premier à effectuer une « mission spéciale »
consistant à déposer ou récupérer un agent sur les arrières de l’ennemi. Il est
d’ailleurs capturé à cette occasion mais s’évade et reprend le combat. Alors
même que les monoplaces sont apparus mais que les combats aériens sont encore
rares, Heurtaux et Deullin défoulent leur agressivité en mitraillant les
fantassins allemands et effectuent ainsi les premières missions d’appui
aériens. Beaucoup commencent d’ailleurs dans l’aviation de bombardement qui, en
1915, se bat beaucoup plus que la chasse embryonnaire. Nungesser effectue ainsi
53 missions de bombardement.
(à suivre)
Je poste ici mon commentaire, n'ayant pu bizarrement le faire sous un autre sujet. Une suggestion, mon Colonel, en un temps où Maroc et Algérie représentent à eux seuls - selon certaines sources - un peu plus de 60% des achats d'armement en Afrique : Pourquoi pas une synthèse documentée sur un hypothétique conflit entre Maroc et Algérie, les deux ordres de bataille et les possibles stratégies respectives ? Le sujet n'est pas si hypothétique que cela, quand on considère la nette dégradation des relations entre les deux pays..
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