samedi 23 juin 2012

BH-De l'emploi de la réserve opérationnelle (1/2)-Guillaume Lasconjarias


« Que la Réserve s’active pour que l’active se réserve »

En commençant par une boutade, ce texte a pour objectif d’ouvrir quelques pistes qui, pour la majorité, existent, mais demeurent à l’état de brouillon. En effet, et malgré des efforts croissants depuis plus d’une dizaine d’années, la situation des réserves – et d’abord de l’armée de terre, exemple que je connais le mieux – ne progresse guère vers ce que l’on serait en droit d’attendre d’elles. Les raisons en sont à la fois budgétaires, sociales, politiques et peut-être aussi, militaires. Ici, je ne parlerai que de la réserve dite opérationnelle, ne souhaitant pas m’approfondir sur la composante dite « citoyenne » et qui n’est guère qu’une réserve de rayonnement sans capacités proprement dites.

Évoquer les réserves et la composante des réservistes appelle une définition. Par nature, les forces de réserve intègrent les soldats, sous-officiers et officiers non professionnels ou soumis à l’obligation de disponibilité (pour les anciens personnels d’active), appelés à servir soit au sein d’unités constituées, soit comme complément individuel, pour une période qui légalement, peut aller de 5 à 210 jours – ce dernier cas étant rare. Depuis les lois d’octobre 1999 et avril 2006, les forces de réserve ont profondément évolué, s’adaptant aux bouleversements stratégiques. Composante liée à la conscription, jouant sur la masse, elles sont devenues réserve d’emploi, calquée sur les besoins de la Défense. Moins nombreuses, mais mieux intégrées, ces forces participent, aux côtés des personnels d’active à la réalisation de missions – en France comme en opérations extérieures – où leurs savoir-faire parfois liés à leurs connaissances professionnelles apportent une plus-value jugée importante. Les atouts de la réserve comme des réservistes font souvent l’objet d’une publicité vantant à la fois les mérites d’un « militaire à temps partagé », « doublement citoyen », apportant dans sa vie professionnelle de nouvelles compétences développées sous l’uniforme et, en tenue, les techniques et connaissances parfois issues du monde civil. Sans même évoquer le sacro-saint lien armée-nation, auxquels les réservistes sont attachés en se considérant comme vecteur d’un idéal républicain, celui de la Nation en armes.

Les quelques lignes précédentes reprennent une doxa à laquelle il est permis d’apporter de la nuance. Toutes armées confondues – à l’exception de la gendarmerie –, près de 40 000 réservistes sont employés, dont presque les deux tiers dans l’armée de terre, et cela pour une moyenne d’un peu plus de 20 jours par personnel et par an. Un soldat sur cinq est réserviste. Pour autant, le coût global de ce renfort appréciable – qu’on pourrait estimer à près de 2 000 équivalents temps-plein – est plus que modeste. Pour 2010, les dépenses en rémunérations et charges sociales tournaient autour de 142 millions d’euros. Rapportés aux 5,773 Mds € - correspondant au titre 3 du Budget opérationnel de programme 178 – cela correspond à 2,46 % des dépenses…

Ce chiffre illustre une réalité contrastée : de droit, le réserviste bénéficie de cinq jours ouvrables que son employeur – public ou privé – doit accorder. Au-delà, il doit bénéficier d’une autorisation particulière. Aussi, depuis quelques années, le seuil des 25 jours d’activité peine à être atteint et forme une sorte de « plafond de verre » : les contraintes de la vie professionnelle pèsent, si l’on considère que 25 jours ouvrés forment plus d’un mois de travail. Une partie des réservistes peine à s’absenter plus que les cinq jours légaux, quand certains, par leur appartenance à un ministère particulier qui autorise plus largement ses administrés à souscrire à ces activités, ou par leur statut de profession libérale ou indépendante, peuvent même être projetés avec leur état-major ou leur unité pour quatre à six mois.

Plusieurs mesures incitatives ont été mises en œuvre : ainsi, quelques formations reçues par les réservistes peuvent s’intégrer dans le droit individuel à la formation (DIF) tandis que les entreprises qui accordent des dérogations à leurs personnels bénéficient de certaines mesures de défiscalisation. C’est un progrès ; mais on peut sans doute faire mieux et faire plus. Pourquoi ne pas développer le label « Entreprises partenaires de la défense » en élargissant les avantages et les atouts pour les entreprises qui y souscriraient (http://www.defense.gouv.fr/reserves/reserve-et-entreprises/conventions-de-soutien-a-la-politique-de-la-reserve-militaire/conventions-de-soutien-a-la-politique-de-la-reserve-militaire )?

La fonction publique dans ses trois formes devrait porter le bon exemple : inscrire dans le marbre de la loi que tous les agents – dans un premier temps les titulaires – peuvent prendre jusqu’à six mois de congé, sous certaines conditions (par exemple un intervalle d’au moins trois ans entre deux autorisations d’absence). Comme cela se pratique déjà, ils seraient placés en position de détachement et reprendraient à l’issue leur poste et leur carrière. Une deuxième piste, plus originale, viserait à favoriser le passage des fonctionnaires titulaires dans les armées sur des postes et des domaines où leur compétence est demandée. En théorie, cette possibilité a été ouverte avec la circulaire de janvier 2009 sur la mobilité des fonctionnaires (http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2009/04/cir_2544.pdf) , mais il semble que les armées soient encore réticentes à s’y convertir. Or, sur des tâches ou des missions particulières, et à condition que le volontaire acceptant d’y souscrire soit convenablement formé, il y aurait moyen de répondre à des besoins de façon rapide et efficace.

La question de la formation est donc un enjeu crucial. Qu’un réserviste soit moins formé qu’un soldat professionnel relève de l’évidence ; encore faut-il pondérer ce jugement en s’appuyant sur ce qu’on attend de chaque catégorie. De fait, au fur et à mesure que la majorité des réservistes est issue de la société civile sans être passée par le filtre et la période du service national, la formation initiale devient un pré-requis. De vrais efforts ont été faits, notamment dans la formation initiale des cadres et leurs soldats – désormais tous titulaires de l’IST-C par exemple. Le contrôle opérationnel des unités de réserve insiste aussi sur les savoir-faire détenus par les personnels dans le cadre des missions PROTERRE. Mais ce niveau initial doit être entretenu et pérennisé. Là encore, plusieurs idées peuvent aboutir : la fidélisation des réservistes – comme celle des EVAT – est un enjeu. Pourquoi ne pas encourager et favoriser – par exemple par l’attribution du grade immédiatement supérieur ? – l’intégration dans la réserve des jeunes quittant l’active ? Cette main d’œuvre jeune, formée, souvent avec l’expérience du déploiement à l’étranger, contribuerait à un nouvel amalgame. Un ancien commandant d’unité d’active insistait, quant à lui, sur la mise à disposition d’un cadre d’active en accompagnement et en conseil des personnels de réserve dans les phases d’instruction pour favoriser une cohérence entre les deux régimes et statuts. Ce n’en est que plus clair dans les préparations à certaines missions du type Vigipirate qui pourrait à bien des égards servir d’exemple : une instruction courte qui balaie l’ensemble des connaissances nécessaires à l’engagement le plus susceptible de répondre aux missions des réservistes : connaissance juridique du cadre d’emploi, instruction TIOR, premiers secours et actes réflexes, le tout en une semaine ou dix jours.

Autre modèle de formation reconnue, celle des officiers de réserve. Dans le cas de l’armée de terre, après un choix initial qui intègre l’aspirant dans la voie commandement ou état-major, un véritable cursus a été institué, sanctionné par des stages de qualification plus ou moins calqué sur ceux de l’active – quoiqu’en temps contraint. La deuxième partie de carrière et l’accès au grade d’officier supérieur n’est d’ailleurs validée qu’après la réussite au concours de l’École Supérieure des Officiers de Réserve Spécialistes d’État-Major (ESORSEM). Cette « pépinière » de cadres destinés à servir essentiellement comme complément individuel en état-major (du régiment à l’état-major des armées, en passant par les DMD) vaut aussi par les origines professionnelles très variées qui apportent, dans des contextes de crises de plus en plus complexes, des connaissances et des savoirs dont les armées ne bénéficient pas naturellement. Ce vivier est une source dont certaines unités savent mieux se servir que d’autres.

(à suivre)

1 commentaire:

  1. Commentaire: Traduction, tout ce qui touche actuellement à la Défense foire lamentablement.

    Quelle volonté pour la réserve quand l'active ne va pas bien ? Les réservistes avec lesquels j'avais bossés se plaignaient de l'état général des véhicules (en pannes), cependant leur état était exactement le même que l'active (en panne): c'étaient nos véhicules.

    Les difficultés de recrutement sont un comble alors que l'Armée de Terre perd 54 000 emplois (30-35 000 déjà partis), qui sont un vivier formé de candidats opérationnels pour la réserve. Après avoir perdu les appelés pour la réserve, les 54 000 pro n'y vont pas, une occase en or de perdue à tout jamais?
    De plus le lien Armée-Nation n'existe pas,car la seule vision de l'armée d'un jeune français se résume à:
    _mourir en Afgha (papy déconseillera l'engagement)
    _ne pas être payé ( si le jeune regarde les infos)
    _ et surtout grâce à la JAPD si t'es une merde (échecs à un test de lecture/compréhension d'un programme TV), l'armée te propose de faire EVAT.

    L'armée sait donner envie...

    Et je parle pas, pour une entreprise privée ,de l'intérêt d'avoir des réservistes...

    remarque: la circulaire sur les fonctionnaires ne concerne pas l'armée (il n'y a pas de fonctionnaires dans l'armée), l'armée est composée à 70-80 /100 de contractuels de droit public, c'est à dire à statut précaire...

    Quel avantage à s'engager? Un droit à une prise en charge des études comme aux USA à l'issue du service? Y a pas.

    Quel avantage à servir dans la réserve? Carte de circulation (1/4 de place) ou autre par exemple? Y a pas


    PS: dédicace à nos Généraux, plus nombreux que nos régiments

    "l'ancien cuirassier"

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