Beaucoup de
crises stratégiques modernes ressemblent en fait à la crise des subprimes
en 2007. Des gens vendent des produits financiers auxquels personne ne comprend
rien, y compris les vendeurs, mais qui sont étiquetés fiables par des institutions
qui ont intérêt à minimiser le risque. D’autres gens les achètent en ne comprenant rien, mais en faisant d’autant
plus confiance aux indicateurs de fiabilité qu’ils gagnent de l’argent. Les
achats massifs confortent alors les vendeurs dans l’idée qu’ils doivent continuer.
Tout le monde est content puisque tout le monde est apparemment gagnant jusqu’à
ce qu’on découvre que le roi est nu. On appelle cela aussi le « moment de Minsky ». L’optimisme fait alors
place à une dépression brutale. Quelques illustrations sur les vingt dernières
années.
Green Lantern
Nous sommes au
mois de mars 2004 en Irak, le général Swannack commandant la 82e division
aéroportée américaine rend public son rapport de fin de mission dans la province
irakienne d’Anbar. En lisant le résumé pour le lecteur pressé, on comprend qu’il
est très content de lui. En lisant la suite, on s’aperçoit qu’il s’agit surtout
d’un bilan comptable, avec des inputs d’un côté : nombre de
patrouilles, de soldats et policiers irakiens formés, d’argent dépensé dans les
actions auprès de la population, etc., et des outputs de l’autre qui
font office de résultats : nombre d’ennemis neutralisés, nombre d’attaques
contre les troupes américaines et pertes américaines. Pour rendre le tout plus
sexy, on trouve quelques photos de raids héliportés et les cartes à jouer représentant
les dignitaires du régime de Saddam Hussein qui ont été éliminés.
Pour relier
tout cela une explication simple : les résultats sont passés du rouge au
vert grâce à ce que nous avons fait. Logiquement, tous les gens qui lisent ce
rapport, commandement militaire, décideurs politiques, membres du Congrès,
journalistes, n’importe qui en fait, ont tendance à faire, comme le propose le général
Swannack, de la corrélation entre les inputs et les outputs une
causalité. Qui plus est, ce que dit le général est corroboré par les rapports
de fin de mission, très semblables, des trois autres commandants de division. L’un
d’entre eux, le général Odierno déclare au même moment qu’après la capture de
Saddam Hussein en décembre 2003, la rébellion est en à genoux et qu’il n’y a
aura plus de problème en Irak dans quelques mois. La très puissante preuve
sociale, tout le monde dit pareil = vrai, renforce donc la première impression.
Pire, elle s’autoalimente. Les discours premiers sont repris et souvent encore
simplifiés par tous ceux, politiques et médias, réseaux divers, qui ont envie
et intérêt à ce que cela soit vrai. Ils deviennent donc encore plus vrais, et d’autant
plus que l’expression publique d’une opinion est une colle forte. Il est très
difficile de s’en détacher ensuite.
Il se dégage
de tout cela l’idée que l’on peut envisager la suite des évènements avec confiance.
Les successeurs de ce premier contingent américain n’auront plus qu’à gérer la
transition politique de l’autorité provisoire de la Coalition avec un nouveau
gouvernement irakien et militaire avec les nouvelles forces de sécurité locale.
Ce n’est pas du tout ce qui va se passer.
Petit retour
en arrière. D’abord, pourquoi présenter des bilans militaires avec des indicateurs
chiffrés ? Tout
dépend de la manière dont on combat.
Dans les opérations de
conquête ou séquentielles, il suffit de regarder le déplacement des drapeaux
sur une carte pour comprendre qui est dans le sens de l’histoire. C’est le plus
souvent le cas dans les combats terrestres entre armées étatiques répartis le
long d’une ligne de front. Le mouvement de la ligne donne alors la tendance. Mais
cela peut être le cas contre une organisation armée, comme lors de l’opération
militaire Serval au Mali au début de 2013. Les objectifs sont alors des
points géographiques, villes à libérer et bases à détruire, et lorsqu’ils sont
tous atteints la campagne est terminée.
Dans les opérations de pression,
ou cumulatives, il s’agit cette fois de multiplier les petites actions afin de
faire émerger d’un coup un effet stratégique, généralement une soumission. Cela
peut être le cas dans des conflits entre États, comme lorsqu’on bombarde la
Serbie en 1999, mais c’est surtout le cas dans les conflits contre des
adversaires irréguliers dissimulés dans le milieu local et combattant de manière
fragmentée, ce que l’on appelle aussi la « guérilla » et la « contre-guérilla ».
C’est toute la différence entre Serval et l’opération Barkhane. Il
est beaucoup plus difficile dans ce contexte de voir qui est dans le sens de l’Histoire.
On peut multiplier les coups, les frappes, les raids, les éliminations, les
distributions d’argent, les stages de formation, etc., et ne rien voir venir. On
introduit des inputs dans une boîte, souvent noire parce que les choses
sont compliquées à l’intérieur, et on attend.
Le problème est qu’il n’y a
pas que les militaires qui attendent. Il y a aussi des politiques nationaux qui
ont des comptes à rendre, surtout à l’approche d’élections, mais aussi des
Alliés locaux ou simplement plein de gens qui regardent leur télévision,
Internet ou qui lisent des journaux. Une des difficultés des opérations
militaires modernes est donc qu’il faut obtenir des effets sur plusieurs publics
différents et parfois contradictoires. Face au public « ennemi »
il faut prendre des risques pour avoir des effets importants sur lui, mais dans
le même temps le public « politique » n’aime pas trop les risques, car il
est persuadé que le public « opinion » est très sensible aux pertes.
Bref, au bout d’un certain
temps, lorsque rien de décisif n’émerge de la boîte noire, on finit par chercher
des indices que l’on va dans le bon sens et des indices que l’on peut aussi montrer
aux publics prioritaires. Sans drapeau à déplacer sur une carte, la tentation est
forte de s’en remettre à des indicateurs chiffrés pour déterminer si on
progresse vers la victoire. Encore faut-il choisir les bons. Les indicateurs
choisis en 2003 par les Américains en Irak sont les 55 cartes des dignitaires
du régime baasiste encore en fuite et quelques chiffres clés très
américano-centrés comme la quantité d’argent américain dépensé ou le nombre
d’agressions contre les Américains et les pertes américaines. On forme ainsi un
discours sur l’évolution de la guerre destiné avant tout à des Américains :
l’institution militaire elle-même, l’opinion publique et les parlementaires qui
votent les crédits, c’est-à-dire tous ceux qui jugent, accordent les promotions
et les ressources.
Point particulier : lorsque ceux présentent
les résultats sont également jugés sur ces mêmes résultats, il est assez rare
que ces derniers soient mauvais, quitte à tirer parfois les estimations du bon
côté et surtout s’ils sont difficilement contestables. Les interventions extérieures
sont en effet le plus souvent en périphérie ou à la surface de réalités locales
complexes. Pour tenter d’y voir clair, il faut travailler, se documenter
longuement, interroger, si possible aller sur place. Peu de gens font en
réalité cet effort, ne serait-ce que parce qu’ils sont souvent autre chose à
faire en même temps. On lit donc quelques fiches, on écoute quelques exposés,
et ça suffit. La réalité présentée par les militaires aux politiques, les
politiques aux médias, les médias au public, les gens entre uns dans les
réseaux sociaux est ainsi très souvent une réalité outrageusement simplifiée et
donc aussi fausse que l’Irak dans le American sniper de Clint Eastwood.
Qui fait l’effort de spéculer en France sur les politiques particulières des 30
et quelques groupes armés présents au Mali ? On préfère
les regrouper par les étiquettes, dont les fameux « groupes armés terroristes » où tout est
dit en trois mots, voire trois lettres « GAT ». Les mots sont des abstractions de la réalité, les acronymes sont des
abstractions d’abstractions. T = méchant sans doute psychopathe qu’il faut détruire,
fin de l’analyse. On y revient : quand les idées sont simples au-dessus de
choses compliquées, leur justesse relève le plus souvent du hasard.
Bien entendu si les indicateurs à verdir sont
l’alpha et l’omega de ceux qui sont sur le terrain, ils seront privilégiés
parfois au détriment de tout le reste. Les pertes deviennent sensibles, qu’à
cela ne tienne on ne prendra plus de risques, on ne fera plus de patrouilles et
on restera dans les bases. Spoiler : c’est ce qui explique en grande
partie le bon bilan du général Swannack au printemps 2004 qui oublie de
préciser que les rebelles ont eu tôt fait de réoccuper le vide.
Autre effet pervers : une fois que l’on
a établi une norme qui répond aux indicateurs choisis, il est difficile pour
les acteurs sur le terrain de s’en écarter. Au début des
années 2000, l’économiste David Romer a montré que la plupart des
stratégies des coaches d’équipes de la National Football League étaient
sous-optimales. Non que ces coaches soient mauvais, mais ils avaient tendance à
suivre la norme des styles de jeu. Pourquoi ? Parce qu’ils
ont une carrière et qu’ils ont vite compris qu’ils seront excusés plus facilement
s’ils échouent dans la norme plutôt qu’en essayant quelque chose de nouveau. Les
généraux américains déployés en Irak n’ont pas à gagner la guerre contre les
rebelles, la plupart n’iront pas jusqu’au bout, mais feront seulement une période.
Ils seront jugés sur cette période et la plupart seront donc tentés de faire
comme tout le monde avant et à côté, même s’ils sentent que ce n’est pas forcément
la meilleure chose à faire. Pour être juste, dans le cas irakien, le général
Petraeus, commandant la 101e division d’assaut aérien affectée
dans le nord de l’Irak en 2003-2004, a effectivement tenté des choses
différentes de ses trois collègues, mais il est vrai que la période était
encore fluide que la norme dominante n’était pas complètement établie.
Toujours
est-il qu’avec toutes ces bonnes nouvelles remontant du terrain au printemps 2004,
on décide au niveau politico-stratégique de réduire la voilure. Au lieu de
quatre divisions, trois suffiront, et ces divisions se préparent plus à faire
de la stabilisation et à passer le témoin aux nouvelles forces de sécurité
locales plutôt qu’à combattre. Personne ne se souvient visiblement qu’un an
plus tôt, le 1er mai 2003 le président Bush avait annoncé la
fin des combats en Irak sur fond de bannière « Mission Accomplished »
accrochée sur la tour du porte-avions Abraham Lincoln. À ce
moment-là, 97 % des pertes américaines en Irak sont encore à venir et les
combats reprennent de l’ampleur sous forme de guérilla quelques jours après ce
discours.
Opérations Sisyphe
Le même schéma se
reproduit en avril 2004. Ce qui sort de la boîte noire après l’arrivée de la relève n’est pas du
tout ce qui était prévu. À peine arrivés en remplacement de la 82e aéroportée,
les Marines de la 1ère division sont engagés à Falloujah pour
venger la mort filmée de quatre contractors de Blackwater à Falloujah. Les
Marines ont alors la surprise de voir que la ville désertée par les forces
américaines est tenue solidement par des bandes armées et qu’il va falloir
livrer un siège. Ils constatent aussi à l’occasion l’extrême faiblesse des
nouvelles forces de sécurité irakiennes créées sous l’égide de la coalition et
qui disparaissent presque complètement au cours du mois. Ils ont la surprise
enfin de voir leur propre gouvernement finir par imposer la levée du siège à nouveau
sous la pression de l’émotion suscitée par les images de la bataille sur CNN,
en décalage net avec la réalité des combats. Entre-temps, ils ont eu le temps
de voir également sur tous les écrans de télévision les révélations sur ce qui
s’était passé quelque temps plus tôt dans la prison d’Abou Ghraïb. C’était l’époque
où leurs prédécesseurs voulaient des résultats rapides pour mettre leurs indicateurs
de résultats au vert et que la torture leur a paru une idée intéressante pour
cela.
Pendant ce temps, les provinces chiites du Sud
irakien étaient occupées plusieurs dizaines de contingents militaires nationaux
aux objectifs, perceptions, moyens et méthodes très différents. Cette
collection n’a pas vraiment eu de prise sur le terrain et un mouvement comme
l’Armée du Mahdi a pu s’implanter sans grande difficulté dans les milieux populaires.
Lorsqu’on la Coalition envisage d’arrêter son leader Moqtada al-Sadr avant la
relève, il suffit à ce dernier de déclencher une insurrection qui surprend tout
le monde, paralyse une partie de Bagdad et presque toutes les villes du sud. Les
autres secteurs ne valent pas mieux. Plusieurs organisations rebelles, notamment
celle qui n’allait pas tarder à devenir Al-Qaïda en Irak puis l’État islamique
en Irak en 2006 (avec la bienveillance de la Syrie de Bachar al-Assad ne l’oublions
pas) ont profité du retrait partiel américain pour, comme à Falloujah, se
réimplanter discrètement dans les villes sur le Tigre et l’Euphrate. Si
le mois de février avait été le moins meurtrier pour les Américains depuis leur
entrée en Irak, avec 19 soldats tués, celui d’avril est de loin le plus
violent avec 136 morts.
Tout est à refaire. Au prix d’un an d’effort
et de 1 000 soldats tués, la rébellion mahdiste est
matée provisoirement, à la place de la plupart des contingents alliés qui ne veulent
pas combattre, et les forces américaines ont repris un contrôle apparent des
villes sunnites. Au tournant de l’année 2005-2006, les indicateurs sont à
nouveau au vert ou du moins fait-on tout pour qu’ils soient au vert avant les
élections de Midterm aux États-Unis. Non seulement les divisions américaines
ont repris pied dans toutes les villes, des élections ont eu lieu, un gouvernement
démocratiquement élu se met en place et une « nouvelle » nouvelle armée de plus 150 000 hommes
a été formée.
C’est donc le moment, croit-on à nouveau,
de diminuer un peu les coûts en se retirant à nouveau des villes pour se
regrouper dans de grandes bases extérieures en attendant la relève par les
forces locales. Et là, nouvelle catastrophe. En février 2006, le pays bascule
dans la guerre civile. Les provinces sunnites et la capitale sont un grand
champ de bataille entre l’État islamique en Irak, les organisations sunnites
nationalistes et les différentes milices chiites, dont certaines dirigées par
le gouvernement et surtout l’armée du Mahdi.
On est passé ainsi de choc en choc succédant à des points de situation élogieux jusqu’à ce que les Américains parviennent enfin à s’en sortir en 2007-2008. On notera au passage que le changement de stratégie n’est survenu qu’après un constat général qui fin 2006 ne pouvait être que négatif. Pour le général Petraeus, alors commandant en chef, tout est à cause de lui. Ce n’est pas complètement faux, mais en y regardant de plus près il omet le rôle essentiel du retournement de la plupart des organisations nationalistes et des tribus sunnites contre l’État islamique en Irak. Nommé par la suite également commandant en chef en Afghanistan, les mêmes inputs ne produiront par les mêmes outputs, car il n'y a pas de cette fois de retournement d'une grande partie de l'ennemi. On y rebascule donc sur une politique du chiffre baptisée « contre-terrorisme » pour faire croire à du neuf et où les drones et les Forces spéciales sont les principaux pourvoyeurs d'indicateurs vers. Après 2014 et le départ du gros des forces de la coalition, c’est le Commandement américain des opérations spéciales qui a le « lead » sur les opérations et en profite pour bien faire et surtout le faire savoir. Il fournit de bons chiffres d’élimination, quelques têtes de leader, de belles images d’« opérateurs » en action qui vont inspirer plein de monde, y compris les polices. Tout cela contribue à la réputation et aux récompenses, places et budgets, mais au bout du compte maintient une illusion de solidité pour un ensemble de plus en plus creux.
J’ai beaucoup parlé
des Américains, car ils occupent l’espace et sont d’autant plus visibles qu’il
y a besoin chez eux et plus qu’ailleurs de montrer absolument beaucoup de choses
à court terme, comme ces bilans trimestriels d’entreprises qui doivent absolument
plaire aux actionnaires. Mais le phénomène est général dans toutes les nations
modernes qui pratiquent la contre-insurrection (ou pour faire croire que l’on
fait quelque chose de différent). On peut s’interroger par exemple sur le fait
que l’on ait été surpris par l’attaque djihadiste de janvier 2013, le retour de
la guérilla à partir de 2015, son implantation dans le centre du Mali, l’apparition
de nouveaux groupes djihadistes, le développement des milices d’autodéfense, les
coups d’État à Bamako, l’assassinat d’Idris Déby, etc. alors que dans le même
temps on n’a jamais cessé d’aligner de bons chiffres, du nombre de soldats
locaux formés aux rebelles éliminés en passant par l’argent investi dans l’aide
à la population. L’engagement français et européen au Sahel c’est quand même là
aussi beaucoup d’agitation au-dessus d’une grande boîte noire d’où sortent
parfois des résultats heureux, mais aussi très souvent de mauvaises surprises.
La solution ? En premier lieu, l’acceptation de l’analyse critique. Tout est dans les termes : « acceptation » signifie que l’on tolère, comme dans toute bonne démocratie, que ce qui est fait soit « critiqué » dans l’intérêt du pays et sur la base de vraies « analyses », c’est-à-dire de travaux en profondeur de militaires, de représentants de la nation, de chercheurs, de simples citoyens, et des travaux qui aient une chance d’être entendus. Autant de lumières pour des stratégies forcément myopes. Et puis ensuite si vous voulez maitrisez la boite noire, il faut y aller vraiment, y vivre et combattre sur le terrain. Il faut laisser aussi un chef commander avec un effet politique à obtenir sur la longue durée et pas des chiffres.
Les exemples des subprimes et du SOCOM en Afghanistan sont tirés de Cole Livieratos, The Subprime Strategy Crisis: Failed Strategic Assessment in Afghanistan, warontherocks.com
Merci pour cet article utile, nécessaire même.
RépondreSupprimerPour participer à ce débat, je reprendrai les critiques émises par le général Castres dans un article récent.
Il évoquait 5 erreurs commises dans ces conflits (ces crises?) dont concerne votre point du jour. Ces 5 erreurs sont :
1/ Vouloir appliquer des solutions clé en main, des Croyances, qui « accrédite l’idée selon laquelle les crises seraient des modèles mathématiques quasiment orthonormés » alors qu’il faut les voir comme des « organismes vivants » ayant chacun un « biotope différent »,
2/ Considérer les différentes crises comme des phénomènes Cloisonnés, sans lien entre elles.
3/ Considérer une crise uniquement sous un seul prisme, avec les yeux rivés sur les seuls « Indicateurs opérationnels »,
4/ Méconnaître ce que l'on peut appeler « l’inconcordance des temps », c’est à dire que « le temps de la résolution des crises diffère du temps médiatique, du temps militaire, du temps politique, du temps diplomatique et du temps du développement (la Montre vs le Temps) et le temps de l'adversaire.
5/ Ne pas savoir garder la « tête froide » et donc de réagir sous le coup de l’émotion, voire sous la pression des médias et de l’opinion publique.
J'ai pris la liberté d'en faire un acronyme qui témoigne d'une part d'ironie assumée : C-CITE :
Croyances (solutions "clés en main")
-
Cloisonnement (des crises)
Indicateurs (uniquement opérationnels)
Temporalité (inconcordance)
Émotions (défaut de gestion des...)
Exactement comme pour la finance mondiale, il y a bien des malins à qui cela profite.
RépondreSupprimerhttps://www.rts.ch/info/economie/6995307-comment-le-taux-libor-du-franc-suisse-a-ete-manipule-contre-des-sushis.html
Il vaut mieux passer pour quelqu'un de stupide qu'assumer ses traitrises:
Supprimerhttps://www.lesechos.fr/2017/08/quatre-questions-pour-comprendre-le-scandale-du-libor-181338
La guerre est cotée en bourse, même causes, même effets:
Supprimerhttps://lvsl.fr/lafghanistan-paradis-des-societes-militaires-privees/
Le problème avec la réalité, c'est que même si on la nie avec véhémence, elle n'a pas besoin d'un récit managérial: elle est.
https://www.franceculture.fr/emissions/revue-de-presse-internationale/la-revue-de-presse-internationale-emission-du-mercredi-11-decembre-2019
Les analystes français avaient les même informations que tout le monde, mais étaient moins bisounours.
Ce qui n'a pas empêché que sur 170 demandes d'afghans ayant travaillés avec nos soldats, seuls 21 ont été traitées...
Au Sahel, ça y ressemble aussi:
Supprimerhttps://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/02/15/au-sahel-la-guerre-est-transformee-en-business_6069969_3212.html
Ne parlons pas du Levant, où Total veut investir plus de 10 milliards d'euros:
https://www.marianne.net/monde/michel-goya-nous-allons-partir-d-irak-la-queue-entre-les-jambes-cause-de-notre-suivisme-envers
Très bonne analyse, là encore.
RépondreSupprimerLa notion d'indicateurs a toujours été intéressante en ce qu'elle est universelle. Dans ma formation en biologie, un indicateur se définit en spécificité et sensibilité (pertinence et fiabilité si on veut faire simple), c'est en fait vrai en tout domaine.
Néanmoins, un indicateur reste ce qu'il est: une information, un jalon, ce n'est pas une fin en soi et l'accumulation stérile de ceux-ci ne produira pas d'effet nécessairement (en tout cas voulu). Comme vous le soulignez avec une notion très clauswitzienne: il faut savoir dans quel sens politique on veut aller et accepter les frictions/inconnues/chaos/boîtes noire (biffer la mention préférée) inévitables. Prendre de la hauteur de vue, détecter les signaux faibles, c'est très compliqué, mais c'est probablement la seule solution.
Cette culture du chiffre omniprésente dans notre société (cf la gestion de la crise Covid qui en est emblématique) ne permet souvent pas de "lever la tête du guidon" pour voir plus loin, c'est dommage.
Les talibans ont remporté une victoire définitive contre la plus puissante coalition militaire de tous les temps, juste en tenant une durée qui a écoeurée leurs ennemis.
SupprimerSans remplir un PowerPoint, ni tenir un indicateur statistique.
Une leçon à réapprendre: même causes, même effets...
https://lavoiedelepee.blogspot.com/2017/12/datapocalypse-big-data-et-guerre-du.html
Un indicateur mis à jour par soi même comme une preuve fabriquée pour une démonstration
RépondreSupprimerPlutôt, la malédiction de la pastèque, en tant qu' indicateur vert en surface et si on creuse un peu complètement rouge , avec des pépins et en plus sa dégouline
RépondreSupprimerOn est gouverné par des lascars qui fixent le prix de la betterave et qui ne sauraient pas faire pousser des radis.
RépondreSupprimerhttps://start.lesechos.fr/travailler-mieux/metiers-reconversion/cabinets-de-conseil-consultants-et-unites-delite-militaires-meme-combat-1252395
Des milliards dépensés pour se substituer à l’Etat, le recours à des cabinets de consultants est en très forte augmentation, autant pour se protéger d'éventuelles poursuites judiciaires quand à ses actes, que surtout pour se placer dedans dans un proche avenir pour les gens "aux manettes"...
https://www.nouvelobs.com/politique/20210627.OBS45815/des-milliards-depenses-pour-se-substituer-a-l-etat-enquete-sur-la-republique-des-consultants.html
Pourquoi changer une équipe qui perd la France, mais quirapporte si gros (un exemple parmi d'autres)...
https://www.lefigaro.fr/vox/economie/2015/09/21/31007-20150921ARTFIG00189-hauts-fonctionnaires-un-sapin-a-19-millions.php
On a juste remplacé le divin par l'algorithme...
Supprimerhttps://lavoiedelepee.blogspot.com/2017/12/datapocalypse-big-data-et-guerre-du.html
https://www.lefigaro.fr/livres/2017/09/08/03005-20170908ARTFIG00004--homo-sapiens-et-homo-deus-la-nouvelle-bible-de-l-humanite.php
pourquoi vouloir expliquer le départ des US de l'Afghanistan par une incompréhension de chiffres ou d'indicateurs, les US sont restés en Afghanistan car ils y trouvaient un intérêt géostratégique, les US ne voient plus d'intérêts dans l'Afghanistan depuis plusieurs années, ils ont un accord avec les talibans comme raison de leurs retrait, l'honneur est sauf la faute est aux afghans qui n'ont pas saisis leurs occasions...
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerC'est le problème du contrôle continu qui affecte tous les domaines d’activité en Occident. Des rats de labos jusqu'au président de la République. Observer sans interruption les rats de laboratoire, influence leur comportement, ce qui fait que l'observation incessante se révèle contro-productif pour la fiabilité du résultat d'observation même. Quant aux choix des hommes politiques, elles ne sont même pas soumises aux attentes de l’électorat à l’approcher du vote, mais carrément au contrôle continu qui se fait à coups de popularité/non-popularité médiatique. Leurs choix, qu’en réalité ont souvent des effets vers la fin du mandat voire dans décennies qui le suivent, ne sont même plus jugées dans le court terme, mais carrément dans l'immédiat. Avec les résultats qu'on a sous les yeux.
RépondreSupprimerJe peux donner aussi un exemple tiré de mon domaine d'activité, dans le cadre de projets de recherche d'excellence ERC autour des manuscrits de philosophie arabe. Le fait de devoir rendre compte de résultats tous les mois dans des fiches d'activités conçue pour tout autre type de production (l'étude d'un manuscrits du moyen âge arabe vraiment important prends entre les 18 mois et les 25 ans) a fait en sorte qu'on finisse par adapter automatiquement nos démarches aux attentes. La pression était très forte vu que des millions d’euros avaient été alloués. On a commencé à analyser des manuscrits plus simples, souvent courts, peu originaux, pour pouvoir déclarer qu'on en avait expertisé trois dans le mois, quand l'étude d'un manuscrit vraiment important prend plutôt dans les trois ans. Ce qui a fait qu'un grand volume d'ouvrages ont été recensés en 8 ans d’activité, mais il n'y a pas eu d'immenses trouvailles, malgré les moyens débloqués, quand autres fois le salaire très modeste d’un chercheur auquel on demandait des comptes tous les 5 ans permettait deux ou trois trouvailles d’envergure au cours de sa carrière. Je ne dis pas que le projet ERC a été un échec, loin de là - ça n’a pas été l’Afghanistan du manuscrit, car il a permis de classer un grand nombre de mss inconnus - mais le soucis de contrôle d'efficacité l'a rendu infiniment moins performant de ce qu'il aurait pu être. Personnellement les découvertes les plus remarquables de mes 20 dans la recherche, je les ai faites une fois que j'ai cessé l'activité officielle dans le domaine. Je sais qu'il en est de même pour d'autres chercheurs qui souvent produisent leur ouvre magistrale une fois qu'ils sont partis à la retraite.
Merci bcp pour votre commentaire qui donne une excellente illustration du travers du suivi, notamment sur le caractère parfois artificiel et contre-productif d'une temporalité inadaptée.
SupprimerPassé en Afghanistan en 2009 en qualité d'officier de liaison auprès des américains, je ne peux que valider cette vision: je rendais compte tous les mois des effectifs de l'armée afghane formés par la coalition. J'ai creusé un peu les chiffres en interrogeant les officiers des différentes régions qui me rendaient compte et en me déplaçant sur place lorsque cela était possible.
RépondreSupprimerSoldats comptabilisés en double, absents comptabilisés, chiffres carrément trafiqués pour que les indicateurs soient au vert, j'en passe et des meilleurs.
Mais à l'Etat-Major, ils étaient contents: leurs indicateurs étaient au vert. Lorsque j'ai commencé à remettre en question la méthode, cette tâche a été basculée chez les américains. Mais je suis certain que l'Etat-major croyait que ces chiffres étaient justes.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
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