On
peut combattre en cherchant à détruire les forces armées ennemies et s’il s’agit
d’organisations non étatiques en s’efforçant de réduire les raisons qui font que
des gens aient décidé de prendre les armes contre un État. La première manière
est le fait des soldats, qui essayent de tuer des soldats ennemis tout en acceptant
de l’être éventuellement, la seconde est le fait de nombreux acteurs et en
particulier des autorités politiques locales des pays souverains au cœur
desquels nous combattons.
Ajoutons
cette évidence que la guerre se fait au moins à deux, même s’il suffit d’un
seul pour établir cet état de fait et de droit. La France de la Ve République
a mené beaucoup de guerres et contre des organisations non étatiques le plus
souvent même si elle a toujours préféré les qualifier de groupes « criminels » ou, plus récemment, de « terroristes », plutôt que d’« ennemis ». Cela équivaut à policiariser
un phénomène politique, ce qui n’a guère de conséquences si l’ennemi est
suffisamment réduit pour être détruit ou traité sans faire appel aux forces
armées, mais ce qui en a toujours lorsqu’il est nécessaire de faire appel aux
soldats.
La France
est actuellement en guerre au Sahel contre l’État islamique au Grand Sahara
(EIGS) et la coalition formant le Groupe
de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), dont Al-Qaïda au Maghreb
islamique (AQMI). Elle est en guerre d’abord parce qu’AQMI lui a déclaré depuis
longtemps et ensuite parce que les États de la région le lui ont demandé. La
France, comme de nombreux pays, a considéré qu’il était dans son rôle de
répondre à cette demande d’autant plus que la déstabilisation des États de la
région pourrait avoir de nombreuses conséquences néfastes sur ses intérêts et
sa sécurité, dans la région ou même en Europe. En lançant l’opération Serval en
2013, devenue Barkhane l’année suivante, le président de la République a décidé
de signer des actes de décès au nom de ce qu’il croyait être, à tort ou à
raison, les intérêts supérieurs de la nation.
Dans cette guerre, la France n’a que peu de prises sur les causes profondes de
l’existence de groupes djihadistes, qui dépendent de la volonté et des capacités
des autorités locales. Elle ne peut véritablement avoir une action efficace
qu’en s’attaquant aux forces armées, en espérant au mieux les détruire et au
pire les affaiblir assez pour que les forces de sécurité locales puissent
prendre le combat à leur compte. De leur côté, les organisations djihadistes ne peuvent pas vaincre la France sur le champ
de bataille, mais peuvent l’obliger à renoncer à son action. Ces objectifs différents
aboutissent à des stratégies identiques visant à tuer le maximum de combattants
adverses. Ce qui n’est alors normalement qu’un moyen de s’imposer devient une
fin en soi.
Pour les groupes djihadistes, le centre de gravité
de l’ennemi est le taux d’approbation des Français à l’engagement militaire au
Sahel. En dessous de 50 %, le retrait devient inévitable à court terme. Infliger des pertes est le
moyen le plus simple, peut-être le seul, qui leur est offert pour atteindre cet
objectif.
Les
morts ennemis n’ont cependant pas toujours la même valeur stratégique. Pour les
familles et les proches, le sacrifice sera toujours irréparable. Pour la nation
tout entière, il peut être compensé par ce qu’il a permis d’obtenir. Six
soldats français tombent d’avril à mai 2013 au début de l’engagement français
au combat au Mali, mais les Français peuvent alors voir le bilan qui accompagne
chacune de ces pertes : offensive djihadiste stoppée, libération des
villes de Gao, Tombouctou et Kidal, destruction des bases ennemies, libération
d’otages. La forte prise de risques, et donc mécaniquement des morts et des
blessés, permet à ce moment-là d’avancer vers une victoire même floue.
L’erreur
française a sans doute été à ce moment-là de ne pas se contenter de cette
victoire relative et de revenir à la posture antérieure mais de poursuivre la quête d’une victoire totale. À la fin
de l’opération Serval, on entre dans une forme de combat plus diffus, où les
bilans associés aux combats sont différents. Il n’y a plus de villes à libérer
mais seulement des hommes à tuer.
Si
ces hommes sont des émirs auxquels on peut reprocher beaucoup de choses graves,
cela peut encore avoir une valeur symbolique, et même pratique, forte, encore
que dans une vision criminalisée de la guerre, à la fois pour des raisons
différentes par l’exécutif et son opposition, cela peut passer pour des
exécutions extrajudiciaires. S’il s’agit d’anonymes et de chiffres, même en les
qualifiant de « terroristes », cela devient de la
comptabilité à la fois morbide et abstraite, et de plus en plus au fur et à
mesure que cela se répète et devient de la statistique.
Mourir
pour des statistiques passe alors nettement moins bien que pour libérer une
ville surtout si on ne voit pas bien comment une victoire va émerger au bout de
cette accumulation de chiffres. Le doute finit par s’installer quant à
l’intérêt de chaque sacrifice. À ce moment-là intervient généralement l’argument
du « il ne
faut pas qu’ils soient morts en vain », ce qui signifie le plus souvent qu’effectivement ils
meurent en vain, mais on continue quand même et parfois très longtemps. Lorsque
survient enfin la perception que les soldats tombent vraiment pour rien ou pour
un bilan négatif, le retrait est alors irrévocable et généralement rapide.
Ce
processus classique d’usure peut accélérer considérablement avec le nombre de
soldats tués en un seul combat. Un seul soldat qui tombe fait l’objet d’un
communiqué. De deux à trois, l’évènement suscite des articles et des débats
dans les médias. À partir de quatre, l’enjeu devient clairement politique, les
armées peuvent être remises en cause sur la conduite de l’opération et le chef
des armées appelé à se prononcer sur leur sens. À partir de dix, c’est une
crise majeure qui impose une inflexion forte. Cela est arrivé quatre fois
depuis 1962 : en octobre 1970 au Tchad, en octobre 1983 à Beyrouth, en
août 2008 en Afghanistan et en novembre 2019 au Mali. Avec cinq soldats tués en
moins d’une semaine au tournant de 2021, huit ans après le premier soldat tombé
et sans bien voir ce qui pourrait ressembler à une victoire, nul doute qu’il y
aura de profondes interrogations en France sur le sens du combat.
Notons
que par un biais classique qui veut que l’impact émotionnel des pertes soit
toujours plus fort que celui des gains, à beaucoup plus forte raison lorsque
ces pertes et des gains sont des vies humaines, on s’interroge assez peu sur l’effet
sur l’ennemi des pertes que nous lui infligeons. On demandera si « Barkhane n’est pas en train
de s’enliser » ou « s’il n’est pas temps de
partir »,
mais jamais si l’ennemi n’est pas en train de craquer. Pourtant la pression qu’il
subit est très supérieure à la nôtre.
Cette
pression peut même être mesurée par une sorte d’équation de la mort : taux
de survie pour soi + taux de pertes de l’ennemi/2. Le nombre de tués et blessés
français en 2019 représente sans doute nettement moins de 1 % du
contingent déployé au Sahel, chez l’ennemi ce pourcentage doit être de l’ordre
de 30 à 40 %. Cela donne un taux de pression sur l’ennemi de l’ordre de 65
à 70 % (99 + 30-40/2). C’est énorme. C’est comme si nous-mêmes déplorions
entre 1 000
et 2 000 soldats
tués ou blessés chaque année. Nul doute que l’on aurait craqué depuis
longtemps, mais l’ennemi non. Les enjeux, vitaux pour lui, juste importants
pour nous, et un autre rapport à la mort font qu’il tient toujours, mais cela
ne signifie pas pour autant qu’il ne souffre pas, ne doute pas et ne franchit
pas le même processus d’acceptation-doute et refus. La demande de négociations
de certains membres de GSIM peut être l’expression d’une profonde lassitude,
voire d’un découragement qui serait enfin le début de cet effet émergent que
l’on recherche à coups de raids, de traques et de frappes.
Descendons
d’un échelon. Une fois définie cette stratégie d’usure par ailleurs très
discutable, il faut la mettre en œuvre sur le terrain avec le maximum d’efficacité,
c’est-à-dire en faisant en sorte que le taux de pression soit le plus élevé
possible en fonction des moyens dont on dispose. Le chef opérationnel s’efforce
donc de réduire au maximum ses propres pertes tout en augmentant celles de l’ennemi.
Le problème est que ces deux objectifs peuvent être contradictoires. Frapper un
adversaire clandestin en touchant le moins possible la population, un enjeu aussi important que la préservation de ses propres troupes, implique de prendre
des risques en allant le chercher et l’attaquer avec le maximum de précision. Autrement
dit pour infliger des pertes à l’ennemi, il faut souvent en accepter soi-même.
Dans
une première phase de l’engagement, de janvier à avril 2013, six soldats
français tombent, mais l’engagement est suffisamment important en volume et la
prise de risques telle que la pression sur l’ennemi, entre les pertes et les
défections, dépasse sans doute 70 %. Les groupes ennemis ne sont pas détruits,
ni soumis, mais neutralisés. Ils sont chassés du Nord-Mali et obligés de se
dissimuler avant de se réorganise et de s’adapter à la nouvelle donne. Cet état
de neutralisation dure pratiquement jusqu’en 2015.
À
partie de l’été 2013 commence une longue période, où tout en maintenant un
dispositif sur place, baptisé Barkhane
en 2014, on en réduit considérablement le volume. Dans une incohérence totale
nous sommes alors en pleine réduction des forces armes tout en accumulant les
engagements qui se révèlent à chaque fois plus exigeants que l’on imaginait, en
Centrafrique, en Irak/Syrie puis en métropole avec Sentinelle. Même si on l’avait
voulu, il n’y a plus en 2015 de quoi renforcer l’engagement au Sahel qui reste
alors insuffisant.
Descendons
encore d’un échelon. Au niveau tactique, on s’efforce alors de limiter les
pertes par la protection des bases et des blindages. Cela paraît logique, cela
ne l’est qu’en partie. De fait, ces pertes sont effectivement relativement
contenues et étalées dans le temps, avec un homme perdu en moyenne tous les
trois mois jusqu’en novembre 2019. C’est terrible à chaque fois au niveau
individuel, c’est acceptable au niveau d’une nation pourvu que l’on ait le
sentiment que cela sert à quelque chose.
Sur
23 soldats français tués au Sahel de juillet 2013 à novembre 2019, neuf ont
été victimes d’accidents, une proportion hélas incompressible malgré les
précautions prises et qui s’étale sur toute la durée, mais neuf autres ont été
tués sur les routes avec des engins explosifs improvisés, plus connus sous l’acronyme
anglais IED. L’ennemi s’est adapté à notre système de protection en s’attaquant
aux bases, et même parfois massivement comme à Tombouctou en avril 2018, mais
toujours sans succès, puis surtout aux axes dont nous sommes dépendants pour la
logistique et la manœuvre avec les engins les plus lourds. On a compensé en
partie ce risque croissant par l’emploi le plus important possible de
l’aéromobilité, qui nous permet à la fois d’éviter les IED et de disposer d’une
grande capacité d’action/réaction sur de grandes distances. Les hélicoptères,
et notamment les appareils de transport lourds fournis seulement par les Alliés,
restent cependant limités en nombre.
Durant
la même période de six années, seuls quatre soldats français ont été tués par
des balles ennemies, dont deux pendant une libération d’otages au Burkina Faso.
Il y a eu en réalité peu de combats rapprochés, ceux où les ennemis se tirent
dessus à courte distance. La plupart d’entre eux ont été à l’initiative des
Français à partir de renseignements. Dans tous les cas, les Français ont eu le
dessus grâce à un niveau tactique très supérieur. Les pertes françaises
survenues dans ces occasions sont presque toujours survenues lors de la phase
de recherche et avant même de voir l’ennemi. Après le contact, les forces
ennemies ont toujours été vaincues avec de lourdes pertes. Ce n’est pas tant le
blindage qui protège que d’avoir l’initiative du combat et si possible aussi du
feu.
Au
bilan pendant toute cette période, on a payé, avec du sang, les conséquences de
la longue crise des moyens militaires avec le manque de drones, d’hélicoptères
lourds ou véhicule modernes de reconnaissance en particulier, mais on a contenu
malgré tout les pertes dans une zone d’acceptabilité. L’ennemi a échoué à saper
l’approbation de l’opération Barkhane par l’opinion publique française, dont
les perceptions sur les engagements ont, il est vrai, été modifiées par les attentats
de 2015 en France.
Cela peut
suffire à satisfaire l’échelon politique, mais en réalité c’est un leurre, car
s’il y a peu alors peu de pertes françaises, il y a aussi peu de pertes ennemies.
En valeur relative, celles-ci sont très supérieures à celles des Français, de l’ordre
de 45 pour 1, mais assez faibles en valeur absolue, et donc par rapport à l’ensemble
des forces djihadistes en pleine croissance. Le taux de pression ne dépasse pas
30 %. C’est suffisant pour stimuler l’ennemi qui apprend et innove en nous
combattant mais insuffisant pour l’écraser et l’empêcher de se développer, se
diversifier et multiplier les attaques contre les États locaux toujours aussi
faibles et des populations toujours aussi vulnérables.
Le
problème de l’emploi des hélicoptères, est que même si prendre un hélicoptère
est peut-être statistiquement moins risqué que prendre la route et risquer de
rencontrer un IED, lorsqu’un d’entre eux est abattu ou s’écrase, cela devient
tout de suite un « évènement ». Lorsque le 25 novembre
2019, deux hélicoptères français se percutent au cours d’un combat, les pertes sont
telles, 13 soldats tués, l’ébranlement est de suite stratégique et sert de
prétexte à un changement de stratégie, qui aurait dû sans doute survenir de
toute façon tant la situation générale autour des Français devenait critique.
Une
nouvelle phase commence donc début 2020 avec le renfort de 600 soldats
supplémentaires, ce qui permet à Barkhane d’atteindre un volume double de celui
de 2014 et qui n’augmentait jusque-là que par « petits paquets ». Il y a aussi des moyens
nouveaux très importants comme les drones Reaper armés, dont on ne peut que se
scandaliser que la France n’ait pas réussi à en concevoir elle-même d’équivalent
et depuis longtemps.
Avec ce
surcroît de volume, d’activité et de prise de risques, les pertes françaises
augmentent aussi forcément. De décembre 2019 à janvier 2021, treize soldats
tombent à nouveau, dix par engins explosifs, deux par accident et
un dans combat rapproché. Cela ne veut pas dire que les
choses vont plus mal, au contraire car les pertes ennemies augmentent bien plus et, ce
qui est plus important, suffisamment pour atteindre des résultats stratégiques.
À la
fin de cette période, le rapport des pertes est redevenu proche de celui des
premiers mois de 2013, avec 80 ennemis tués pour un Français, au lieu de 1
pour 45 dans la période intermédiaire, et le taux de pression est remonté à 70 %.
Les résultats opérationnels ont été mécaniquement au rendez-vous avec la
neutralisation de l’État islamique au Grand Sahara, aidée par sa guerre avec le
GSIM, et des coups sévères portés à cette coalition. À la fin de 2020 et alors
que le potentiel d’acceptabilité de l’opération Barkhane se réduit très vite, il
y avait de quoi proclamer une victoire, relative comme toujours, qui nous aurait
permis de changer de posture pour quelque chose de moins visible et de plus
endurant.
Grâce
à une excellente organisation du renseignement et l’arrivée des drones armés,
80 % des pertes ennemies sont désormais le fait des forces aériennes et
des forces spéciales. En continuant à nous appuyer sur cette capacité, il
aurait été possible de transférer hors du Mali le groupement aéromobile et de transformer
le « groupement
désert » en force
d’accompagnement des troupes locales, sans doute plus efficace que la Task
Force Takuba, dont on sait que les membres européens ne combattront pas. On a
peut-être trop tardé à saisir cette opportunité et en parvenant à tuer cinq de
nos soldats en quelques jours, l’ennemi a réussi à réintroduire le doute. Il
faut désormais réattaquer durement pour retrouver une marge de manœuvre politique.
La
concentration des efforts est un des « principes de la guerre » de Foch que l’on inscrit dans tous les documents de
doctrine militaire. Ceux-ci n’ont visiblement jamais été lus par un exécutif
politique qui a toujours préféré être présent partout avec ses soldats si
faciles à déployer, plutôt qu’efficace quelque part. La liberté d’action est un
autre principe. Il sous-entend que l’on conserve l’initiative de nos actions et
qu’on ne se contente pas de réagir aux évènements, en changeant par exemple de
politique de défense parce qu’il y a eu des attentats (prévisibles) en France en
janvier 2015, ou de posture opérationnelle au Sahel seulement parce qu’on a eu
plusieurs soldats tombés le même jour. Là encore, ce principe est visiblement
mal connu sinon on aurait mieux conduit cette guerre.
Le
but d’une opération militaire n’est pas d’avoir aucun mort, sinon le meilleur
moyen pour y parvenir est de ne pas la déclencher, mais de faire en sorte que
ces morts presque inévitables ne l’aient pas été pour rien. Nous sommes
actuellement sur le fil du doute, il est temps de changer de posture sur une
victoire avant de basculer dans la certitude de l’échec.
Très clair et percutant. Je ne suis pas spécialiste mais avec ce que je lis et du bon sens, j'ai la perception que la proportion de forces qui vont au contact et "abraser" fortement l'ennemi est encore faible et pourrait être augmentée pour un coût marginal acceptable. A l'image du surge de début d'année et du groupement Légion itinérant qui je crois a été très efficace. Pourquoi les autres forces conventionnelles ne peuvent pas faire aussi bien ?
RépondreSupprimerEmmanuel DRESS
BRAVO MR GOYA , quelle analyse contextuelle FOUDROYANTE de concision , avant je ne comprenais pas quelle etait la raison de cette présence militaire francaise dans cette région de desert sans interet materiel commercial ce qui n a pas empéché des attentats en france que nous avons eu ;
Supprimermais depuis avoir lu j ai une autre vision
(Modif paragraphe 24 : le légionnaire Kévin Clément, MPLF en mai 2020, est mort lors d'un combat rapproché.)
RépondreSupprimerEffectivement, merci.
SupprimerLa France doit elle construire une démocratie au Mali ? C'est comme la guerre en Afghanistan.
RépondreSupprimerPourquoi la France fait elle toujours la guerre à plusieurs milliers de kilomètres de chez elle ?
Je pense qu'il faut s'inspirer d'Israël.
A - Protéger les frontières. Ne pas laisser les terroristes rentrer.
B - Jamais jamais de guerre hors de son continent. Les frapper SI ils sont en Belgique, en Allemagne, en Espagne ou en Europe de l'Ouest.
C'est tout. La France j'ai l'impression que elle fait exactement le contraire.
On laisse les terroristes rentrer comme dans un moulin mais elle va faire des guerres sur d'autres continents
Il me semble qu'Israêl fait constamment la guerre en dehors de son territoire. Par le renseignement bien évidemment dans tous les pays qui représentent une menace et par des raids aériens quand les cibles sont identifiées.
SupprimerIsraël fait une guerre en dehors de son territoire mais c'est une guerre, disons, clandestine (en dehors de sa présence au Liban pendant plusieurs années) Israël ne "projette" pas, il "traite". c'est différent
SupprimerBonjour Michel, Extrêmement intéressant comme toujours.Une chose m'intrigue: As tu pu avoir accès aux types d'engins français qui subissent majoritairement ces attaques par IED? Il me semble mais je peux me tromper que continuer à évoluer en véhicules non spécifiquement étudiés et protégés pour résister aux IED comme les VBL est problématique quand ces IED deviennent quasiment la menace principale. Notre schéma de déploiement impose des convois et même si la 3D prend plus d'ampleur la voie routière restera essentielle et donc vulnérable. Quelles seraient les options pour Barkhane dans ce domaine? Modifier le parc de véhicules? réintroduire des procédures anti IED systématiques ( ouverture de route, brouilleurs...)? J'ai le souvenir que l'acquisition sur étagère de véhicules dédiés à une menace spécifique est extrêmement onéreux. Les britanniques y ont été confrontés en Afghanistan où l'acquisition de tout un parc de véhicules anti IED (ex MASTIFF) leur a couté très cher sur le moment et dans la durée car ces véhicules sont tellement spécifiques qu'ils ne sont plus utilisables une fois rapatriés à la fin de l'opération. En d'autres termes la solution au problème que tu évoques (sensibilité extrême au taux de perte qui a des incidence sur l'acceptation de l'opération quand bien même elle continue de produire des effets significatifs sur l'ennemi) serait peut-être plutôt tactique (lutte anti IED comme en Afghanistan en protégeant d'une part et en démantelant les réseaux de confection et de pose) et non pas forcément stratégique. Amicalement.
RépondreSupprimerLe succès de l'emploi des drones fait de l'ombre apparemment:
RépondreSupprimerhttps://lemamouth.blogspot.com/2020/12/pourquoi-barkhane-se-prive-de-trois.html
41% de pertes non dues à l'ennemi, ça interroge aussi
https://lemamouth.blogspot.com/2021/01/ied-pour-en-finir-avec-les-statistiques.html
Les pertes sur accident c est un impondérable de toutes les sociétés et ce n est pas spécifique aux armées l utilisation de machines diverses dans un cadre non stable augmente considérablement les risques chez les opérateurs d'où le besoin d une discipline de fer en tous temps.
Supprimeren stats ce sont 22 soldats qui sont morts suite à l'explosion d'un IED ce qui représente un peu plus de 41 % (des 53 tués)- pour info 20 soldats tués suite à des accidents ( air et sol) - ; l'engin - mais je ne dispose pas de stats précises - qui "mange" le plus est le VBL. Le véhicule le mieux protégé est le VBCI
RépondreSupprimerLe commandement devrait évidemment conclure que le VBL s'il reste agile et rapide n'en reste pas moins un cercueil; avant de tergiverser sur son remplaçant, il est du devoir des politiques comme des militaires d'écarter ce 4x4 des pistes africaines
Le VBL est léger, conçu dans les années 80 dans le cadre de la défense contre le pacte de Varsovie, quand la menace des IED était inconnue. Sa protection est défaillante et inadaptée aux OPEX africaines. Il ne est pas aussi agile que cela, la revue de la cavalerie indiquait en2016 que sa vitesse de déplacement dans le désert était de 30/40 kms par heure
SupprimerDans les années 1980, les unités d'infanterie mécanisée et du génie du pacte de Varsovie vaient toutes dans leur panoplie de moyens des mines (soviétiques ou de fabrication nationale), sans compter de nombreux lance roquettes (ex. RPG7). Et certainement étaient autant en mesure de "fabriquer" les pièges que les armées actuelles ...
SupprimerDonc à.m.h.a. cet argument ne tient pas pour le VBL. Certains ici auront sans doute la réponse, mais je crois plutôt que la "doctrine" française était qu'un tel véhicule, léger,économique et mobile et assez rapide était protégé par ces caractéristiques mêmes... le pari étant risqué, encore faut-il l'expérience malheureuse d'un conflit pour le confirmer.
[Daniel]
RépondreSupprimerMerci, mon Colonel, pour cette livraison.
La France profonde soutient nos armées au sud du Sahara. Elle n’est pas soumise aux vapeurs parisiennes exagérées. Ses nerfs sont plus solides. Elle sait que ce genre de combat ne vaut que par sa durée. Et nous devons nous mettre en état de durer pour gagner.
Abandonner maintenant serait une erreur.
En revanche, la solution est politique. Faisons-nous ce qu’il faut sur ce plan? Il me semble que les conditions locales, ethniques essentiellement, jouent un rôle important. N’oublions pas les trafics interlopes, surtout ceux des drogues et des humains. Si nous ne pouvons pas agir sur ces conditions politiques sans paraître ressusciter le colonialisme honni, alors préparons-nous à partir sur la pointe des pieds.
Enfin, en matière tactique, les mines et pièges n’ont rien de nouveaux. Il est étonnant qu’ils fassent encore tant de victimes.
Rappelons que les assassins de 2015 ne venaient pas de cette région, mais de Daech en Syrie, aidés pour la logistique locale par un pays au nord de la Syrie.
https://bernardlugan.blogspot.com/2021/01/mali-allons-nous-continuer-encore.html
RépondreSupprimerBonsoir,
RépondreSupprimerJe me suis permis d'amorcer mon billet "Barkhane" d'hier par l'Equation de la Mort que vous avez si bien développée.
Merci.
C.
La démonstration est certes brillante mais elle n’aborde pas la question décisive : que veut-on et que peut-on faire ? L’armée de terre cherche peut-être à éviter une « bétravisation » redoutée et redoutable, surtout au moment des arbitrage budgétaires ; les diplomates cherchent sans doute à occuper un espace géographique qui élargit leur existence malmenée sur la scène internationale ; le CEMA s’est prononcé, il lutte contre ce « populisme » que nourrirait les migrations massives inévitables en cas de déstabilisation de cette région ; l’industrie développe et teste ses nouveaux produits, « combat proven » ; les chefs récupèrent du galon et des médailles et les soldats des primes ISSE ; l’armée gagne en expérience. Finalement, tout ce qu’il manque, c’est une belle histoire militaire, avec un bel état final recherché, des exit critérias, etc. pour emballer cette guerre de 30 ans dans un récit présentable à une nation qui a bien d’autres chats à fouetter et qui ne s’y intéresse que tous les 3 mois, lorsque le pont Alexandre III est interdit à la circulation. Tant qu’il y aura des guerres, il y aura des héros.
RépondreSupprimerSuperbe post, amen. J'ajouterai juste que le pouvoir politique cherche à se donner une posture guerrière.
SupprimerLes décideurs payent très chers avec notre argent des cabinets de conseils pour prendre des décisions à leur place et se couvrir d'éventuels démêlés judiciaires postérieurs...
Supprimerhttps://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/02/05/de-la-creation-d-en-marche-a-la-campagne-de-vaccination-mckinsey-un-cabinet-dans-les-pas-de-macron_6068833_4500055.html
Des mecs qui ne se sont toujours pas remis des claques qu'ils ont pris sous le préau en maternelle, mais se prennent pour des forces spéciales... en économie:
https://theconversation.com/cabinets-de-conseil-consultants-et-unites-delite-militaires-meme-combat-147230
Les résultats de leur médecine est semblable à celle des médecins de Molière, mais la persévérance dans l'erreur reste constante dans le monde occidental.
Comme toujours, un article pertinent, factuel, loin des polémiques,…
RépondreSupprimerCe qui suit est bien sûr simplificateur mais peut apporter un éclairage pour la compréhension de cette crise.
L’hypothèse de départ est que depuis les indépendances les pouvoirs sahéliens (Burkina, Mali, Niger) ont délaissé les campagnes car les ruraux ne constituaient pas, et ne constituent toujours pas, un contre-pouvoir suffisant, pouvant exercer une influence sur les politiques nationales.
L’aide au développement et les ONG, pensant renforcer la paysannerie, ont plutôt contribué à prolonger cette situation.
Des ruptures géopolitiques (chute de Kadhafi, montée de l’islamisme) ont déstabilisé ce fragile équilibre.
Le dispositif opérationnel de Barkhane à ce jour vise à reprendre le contrôle des zones rurales (cf. les trois frontières) retardant d’autant la prise de responsabilité des pouvoirs urbains.
Si Barkhane était redéployer uniquement autour des capitales et des 2 ou 3 villes les plus importantes, le roi serait nu et serait face à ses responsabilités.
Cette stratégie est bien sûr très risquée car :
• Les pouvoirs urbains pourraient se contenter de régner sur des fiefs si les routes d’approvisionnement sont plus ou moins sécurisées (ce qui devrait être possible).
• L’installation d’un califat en zone rurale ne peut pas être écartée.
• La réduction du « glacis urbain » demeurant le dernier levier pour mettre les pouvoirs urbains face à leur responsabilité.
Un espoir, la société civile est plus nationaliste qu’il n’y parait et pourrait trouver la motivation nécessaire pour représenter une alternative pérenne à ces pouvoirs corrompus.
@Makaevitch. Votre propos exclusivement centré sur l'opposition ville vs campagne me semble négliger l aspect ethnique, qui ,de ce que j'ai compris de la situation, serait fondamental. La volonté des Touareg de disposer d'un état ne serait elle pas une des clés politiques de ce conflit. Je laisse le soin aux connaisseurs du Sahel, dont je ne fais pas partie, de m éclairer.
Supprimerquelle puissante et cinglante analyse et historique nous fait l auteur de cette opex ,
RépondreSupprimercelui qui a pris la lourde décision d engager l armée française dans les sables maliens
c est " ensablé "" tout seul ( combien dautres pays de l UE l ont suivi ?, aucun)
son successeur devrait prendre connaissance de ce document et appeler cet officier superieur comme conseiller militaire présidentiel ;
Dieu sait que je n'aime pas Hollande mais en 2013 pouvait-on laisser le Mali tomber aux mains des islamistes ? Je pense que non et que notre intervention était justifiée, pour assurer la sécurité, in fine, de notre pays. Pour moi le vrai scandale, c'est l'absence de l'Europe qui nous laisse tout seul, avec des miettes de coopération (quelques hélicos, deux trois FS...)
SupprimerMon colonel,
RépondreSupprimerExcellente et fort pertinente analyse, entre autre votre denier paragraphe. Je parodierai ce dernier par: savoir se retirer à temps d'un conflit..
Il fallait en effet s'en tenir à ce qui était prévu initialement, quitte à revenir en cas de besoin :
RépondreSupprimerUne intervention ponctuelle limitée à six mois, avec la destruction des colonnes de pick-up fonçant sur Bamako, dans un premier temps, puis le reconquête du nord Mali et l'éradication du "califat" qui y avait été installé, dans un deuxième temps. Pour une fois que nous avions des buts de guerre clairs (pas comme aujourd'hui en tous cas)...
Et ensuite, laisser l'état malien gérer son propre pays en faisant ce qu'il faut, et non en s'abritant, et en prenant prétexte de la présence militaire française, pour ne rien faire. On n'en serait pas là près de huit après déjà.
Mais c'était sans compté comme l'a très bien dit un précédent intervenant, sans nos présidents grisés à s'imaginer "chef de guerre", le "combat proven", et les rêves de médaille d'autres. Cela au détriment de notre expérience par une accoutumance de plus en plus décalée à cet unique genre de confrontation.
Aujourd'hui, un départ sonnerait en effet encore comme un aveux d'échec (nous nous sommes nous même mis dans la nasse.).
La solution intermédiaire serait de proclamer une réduction et adaptation de notre dispositif, vers une force d'intervention allégée, aéroportée, d'intervention ponctuelle. Laissant la nomadisation et le quadrillage aux forces locales et celles déployées par l'ONU (assurant elles un volume un peu nombreux pour ce type d'opération permanente ou à très longue durée.).
En effet toujours "1 000 et 2 000 soldats tués ou blessés chaque année" en proportion ne représente rien pour ce genre de gens déterminés, il y a un siècle, nous sortions nous même d'une guerre qui avait fait 1000 morts, par jour, plus de 350 000 par an, en moyenne, et trois à quatre fois plus de blessés, souvent estropiés à vie.
Ronin.
Merci Hubert pour cet article percutant et extrêmement bien écrit!
RépondreSupprimer"... il est temps de changer de posture sur une victoire avant de basculer dans la certitude de l’échec... "
Bises,
Bernard
La supériorité tactique de notre armée dans les engagements n'est-elle pas en réalité amplifiée par la disproprotion manifeste des moyens (notamment appui aérien et ISR) ? ... entre un ennemi rustique, évasif et endurant et une armée occidentale regroupée sur des bases fortement défendues et disposant de la supériorité de la 3D pour détecter et frapper de loin ou de près avec concentration de moyens. Cela rappelle (motivations du conflit mis à part) l'Afghanistan et même le Viêt-Nam des années 70...
RépondreSupprimerUne des difficultés évidentes, c'est que paradoxalement ce type de conflit coûte plus et plus vite à notre pays qu'à ses ennemis, alors même que les prétendus "alliés" se dirigent +/- lentement mais sûrement vers une solution négociée ...
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RépondreSupprimerje ne vois pas, à titre d'exemple non limitatif, dans l'armement de fusil très longue portée à acquisition de cible y compris nocturne et encore moins de nuées de drones explosifs miniatures à webcam IR (un sur 10 équipé?) et silencieux, largués de ballons à très haute altitude protégés d'éventuels missiles (repérables et repérés) par leurres et mini-missiles.
RépondreSupprimerMichel,
RépondreSupprimerVotre analyse est claire. Il y manque une élément fondamental, à savoir le contexte malien en particulier, sahelien en général. La France a remplacé l'armée malienne dans la mission de défense de l'état malien. Sans conditions. Là fut et reste l'erreur politique, et donc l'erreur stratégique. Or celà conditionne les objectifs, les moyens, la durée, la tolérance du coût et la sortie. La France n'attends rien du Mali. Ceci est pâtent. Elle a opéré une déconnexion totale entre ce qu'elle fait et ce que la Mali fait. Pire, elle légitimise l'inaction malienne, et reproduit sinon créee une économie politique de rente stratégique dans laquelle l'appareil d'état malien (pour ce qu'il en reste) est lui-même l'enjeu de batailles entre groupes de l'élite institutionelle. Ajoutons y les conflits inter-ethniques, et il devient évident que la situation est intenable. La France sacrifie, inévitablement, au language de la souveraineté malienne, et respecte celle-ci dans la mesure où elle se tient à l'écart des questions de politique intérieure. Mais ceci est absolument absurde, puisque cette dernière est la cause du conflit. Et que Barkhane ne résoud rien... Ou bien la France se retire ou bien elle change les objectifs. Dans ce cas-ci, il faut impérativement politiser la guerre en y mettant des conditions claires pour le gouvernement malien, avec des récompenses et des sanctions, notamment attachés à la corruption, la gouvernance, le pacification et le développement. Quelle alternative pour une guerre dont la sécurité de la France me dépend pas, mais qui diminue celle-ci d'autant qu'elle use l'outil militaire dans un contexte global dangereux. Merci
Très bon papier, comme d'habitud:
RépondreSupprimerhttps://www.republicain-lorrain.fr/defense-guerre-conflit/2021/02/09/michel-goya-specialiste-des-conflits-armes-barkhane-ne-peut-plus-durer-plus-de-deux-ans