dimanche 28 janvier 2018

Louvois : enquête sur un désastre par Philippe Reltien pour France Culture

Je suis en train de lire "Jouer sa peau" de Nassim Nicholas Taleb qui décrit ce qui se passe lorsque ceux qui prennent des décisions ne prennent aucun risque en les prenant. Cela peut se passer très bien, jusqu'au moment où arrive la catastrophe...et étrangement les catastrophes semblent arriver plus souvent et prennent plus d'ampleur lorsque les responsables ne peuvent pas être coupables. 

De l'obsession managériale du rabotage au plus vite des coûts, de la suppression du soldat (mais pas du décideur catastrophique) pris comme source de productivité, de la dilution-dissimulation des responsabilités, de la lâcheté de ceux (non payés par Louvois faut-il le rappeler) qui ont pris part au fiasco, de l'indulgence voire des gains dont ils ont pu bénéficier, tout est minable dans l'"affaire Louvois". 

Les militaires (et c'est heureux) ne sont pas syndiqués, ils ne descendent pas dans la rue, ce n'est pas pour autant qu'ils doivent être oubliés et encore moins méprisés. Ecoutez-donc Louvois : une enquête de Philippe Reltien pour France culture et diffusez largement l'histoire de ce scandale, en espérant au moins que cela serve un peu de leçon. 

Au passage, les 300 millions d'euros que ce fiasco a coûté, c'est environ la solde pendant dix à quinze ans d'un régiment dissout. 

20 commentaires:

  1. Je viens de lire l'article De M. Reltien. Bien mais un peu succinct, surement une question de place. Il faut bien comprendre que ce n'est pas LOUVOIS qui a été un échec, mais la décision stupide - prise en dépit des avis des développeurs (militaires) de Louvois et en dépit des rapports de l'assistance à maitrise d'ouvrage dés 2008 - de raccorder des SIRH SAP à un calculateur. Il ne faut pas parler d'échec LOUVOIS - bouc émissaire bien pratique pour masquer les responsabilités des décideurs - mais d'échec de l'automatisation de la fonction RH-SOLDE.
    Echec technique, fonctionnel, organisationnel mais surtout échec d'une gouvernance plus soucieuse de ses intérets personnels que des interets des militaires.
    Je vous recommande la lecture de ce référé qui n'est qu'une petite partie de l'enquête conduit par la Cour : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/systeme_paye_Louvois_refere_68579.pdf

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  2. La non-responsabilité des décideurs est, d'une manière très générale, un des maux les plus terribles affectant actuellement notre civilisation. Ses conséquences sont incalculables.

    David V

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    1. Il ya des pays dans notre civilisation où les coupables sont sanctionnés.

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  3. Cette affaire aura néanmoins eu un mérite caché au grand public et surtout aux fonctionnaires. L'expérience accumulée a permis d'appeler l'attention du premier ministre sur le projet d'Office National de la Paye (ONP) qui suivait le meme chemin mais pour 2,5 millions de fonctionaires. Le projet ONP a été arrêté avec une facture officielle de 300M€ de pertes mais bien plus en réalité. Une fois de plus les militaire ont sauvé les civils :-D

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    1. je confirme mais la facture semble plus proche du milliard semble t'il..

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  4. Vous savez quoi ? Au Canada, les fonctionnaires fédéraux canadiens ont exactement le même problème avec un logiciel de calcul de paye : le logiciel Phoenix.

    http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/793851/phenix-historique-moments-incontournables

    Le comble c'est qu'ils y ont fait exactement les mêmes erreurs : mauvaise gestion, règles de calculs compliqués ... avec les mêmes conséquences : trop perçus, impayés, retards ...

    Certes les conséquences sont sans doute moins graves que LOUVOIS ( On touche à notre armée durablement, on se tire une belle balle dans le pied c'est le cas de le dire !) mais c'est amusant de voir que nous ne sommes pas les seuls à faire ce genre de bourdes !

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  5. Peut-on rappeler que c'est du temps de l'inénarrable Mindef Morin?
    Doit-on être étonné qu'il n'y eut aucune sanction (ou départ à la retraite) des généraux et autres commissaires qui avaient présenté Louvois?

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    1. Le SGA de l'époque a eut le pris manager de l'année... et a été promu ailleurs...

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    2. Il s'agissait du contrôleur général Roudière, DRH du ministère, "manager public de l'année 2011" et, je crois, mandaté ensuite par l'UE en mission de conseil en Grèce.

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    3. Avec pareil exploit à son actif, on peut être assuré des conseils judicieux que ce haut fonctionnaire donnera au gouvernement grecque !.......

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  6. Effectivement, cela manquait au tableau évoqué à ceux qui ne s'intéressent aux armées qu'une fois par an. L'impression d'etre un citoyen soviétique en 1991 va finalement nous rattraper. Comme le dit un candidat malheureux à la primaire démocrate americaine (Bernie Sanders): "Tout ce qui nous effrayait dans les communisme perdre nos maisons, nos epargnes et etre forcer de travailler pour un salaire minable sans avoir de pouvoir politique s'est réalisé grâce au capitalisme". Le politburo est déjà en place.

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  7. Le problème est que Sarkozy devait faire rentrer l'oreiller dans la valise après la crise financière de septembre 2008. La défense était une solution tentante et dans la défense il y avait les CTAC où avec un logiciel merveilleux on pouvait économiser des postes bugétaires. J'ai lu quelque part 750, mais c'est à vérifier. Le problème c'est que dans le temps la filière trésorier du corps / CTAC fonctionnait comme une montre suisse. Les camarades qui avaient des épouses enseignantes, ces dernières étaient envieuses de notre système car à l'Education nationale c'était le b... avec des délais de paiement ou de régularisation incroyables. Bref d'une fausse bonne idée on a cassé l'Armée et engendrer des frais qui dépassent les économies espérées.

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    1. Vous avez tout à fait raison de signaler que dans l'éducation Nationale,les salaires et autres frais étaient des plus aléatoires... Mais nous militaires, nous avons des généraux, des commissaires qui auraient dû ''monter au créneau ''... A quand une commission d'enquête parlementaire? Avec les audiences filmées et diffusées sur la chaîne Public Sénat

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    2. La Cour des Comptes envisage très sérieusement de conduire une mission d'enquete approfondie sur l'ensemble du désastre Louvois. Cela pourrait conduire à des poursuites pénales ou des sanctions administratives.

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  8. Merci de signaler le problème Louvois qui n'a que trop durer.

    Récemment, j'ai croisé un député. Evoquant Louvois, il m'a dit littéralement : "Ah oui je connais bien Louvois. Grace à Louvois certains ont pu s'acheter des maisons".

    Faut il en rire ou en pleurer ?





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  9. @pamelo

    pouvez vous me citer une seule enquête de la Cour ayant conduit à des poursuites et des condamnations... C'est bien cela le problème. Elle n'a pas de pouvoir de poursuites, sinon le pays serait bien géré et les politiques honnetes...

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  10. @ MCVP

    Totalement d'accord avec vous, de fait les pouvoirs de la Cour des comptes se limitent a signaler et mettre en garde les ministres de tutelle ..... et ceux-ci quasi jamais ne prennent de sanctions et encore plus engagent des poursuites judiciaires !....

    Exemple qui n'a rien à voir avec Louvois : par deux fois au cours des cinq dernières années la Cour des comptes a demandé la mise sous tutelle judiciaire de principale caisse de retraite des professions libérales, à savoir la CIPAV. Seul résultat de cette préconisation pour le moins exceptionnelle, la Ministre en charge de cette caisse et les gouvernements n'on rien fait concrètement .... hormis de vagues projets législatifs d'éclatement de cette caisse de retraite !...

    Alors un audit du désastre Louvois par la Cour des comptes, il n'aboutira a aucune sanction et ne fera que meubler ses archives.

    Tant que cette dernière ne pourra de son propre chef engagée des poursuites tant administratives que pénales, ce que tous nos décideurs politiques (droite, gauche et cie) lui ont toujours refusés, la gabegie administrative a de beaux jours devant elle.

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  11. Les cabinets de conseil, chassez les par la porte, ils reviennent par la fenêtre... http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2018/02/27/prestations-de-conseil-au-profit-du-ministere-des-armees-87-19099.html

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  12. Je faisais partie de la toute première équipe du GEDIS (Groupe d'études et de développement interarmées de la solde). C'était en 1996. Nous étions basés à Balard (Porte de Sèvres) et y avons passé deux ans. D'entrée de jeu, nous avons compris que deux armées ne voulaient pas de ce projet. En 1998, une autre équipe s'est installée à Toulon...

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  13. C'est hors sujet (je ne sais pas où créer un nouveau sujet, mais Libération a publié une série d'articles sur des bandes de crétins qui font la guerre aux femmes dans l'institution militaire.

    http://www.liberation.fr/france/2018/03/22/lycee-saint-cyr-une-machine-a-broyer-les-femmes_1638211

    Ce que ceci m'inspire, c'est que j'ai failli avoir une carrière militaire, mais ces gens-là ne font ne pas trop regretter d'être allé vers le civil. Il est grand temps que le pouvoir politique prenne les mesures pour se débarrasser des éléments extrémistes qui minent l'Armée depuis très longtemps, et qui hélas semblent être "tolérés" par une hiérarchie qui semble être complice.
    J'ai moi-même rencontré un capitaine qui cachait peu ses convictions...nazies. Et je n'exagère en rien.

    Merci, Michel Goya, pour vos articles très intéressants.

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