lundi 16 février 2015

Djihadist sniper

Le combat d’infanterie est pratiqué depuis des millénaires. Il constitue donc une source inépuisable d’inspiration pour les organisations qui veulent terroriser les peuples. Dans le dernier numéro de Défense et sécurité internationale, Yves Trotignon décrit parfaitement ce qui s’apparente désormais à un combat mondial de tirailleurs en périphérie des fronts principaux du Djihadisme. Ce combat de tirailleurs terroristes n’est pas nouveau en soi, les groupes palestiniens l’ont par exemple pratiqué dans les années 1950 contre les villages israéliens proches de la frontière de Gaza et de la Cisjordanie. Il s’agissait alors de raids en aller-retour proches dans leur forme des razzias des bédouins ou des commandos de la Seconde Guerre mondiale.

Les choses ont changé lorsque ces modes d’action sont devenus suicidaires et n’ont donc plus pris en compte la phase de repli, souvent la plus complexe à organiser. On s’est aperçu ainsi que si le conditionnement psychologique nécessitait un certain contexte et quelques délais de préparation, les savoir-faire nécessaires pour obtenir des effets étaient en revanche souvent moins sophistiqués. Il était techniquement plus facile pour un avion kamikaze de se jeter sur un bâtiment de l’US Navy que d’essayer de larguer avec précision une bombe ou une torpille. L’avion lui-même étant sacrifié n’avait pas besoin de revenir et le carburant emporté permettait d’accroitre considérablement le rayon d’action et la charge explosive. L’avion et son pilote humain étaient devenus un missile de croisière. Les véhicules-suicide et les fantassins-suicide apparus dans les années 1980 en sont devenus les équivalents terrestres face à des forces terrestres occidentales (israélienne inclue) devenues aussi difficiles à vaincre en combat rapproché que pouvait l’être la Task Force 58 dans le Pacifique.

Comme souvent le plus compliqué fut d’introduire l’innovation. Jusque-là les guérillas sunnites, palestinienne ou afghane face aux Soviétiques, ne pratiquaient pas le combat-suicide. C’est par l’islam chiite, empreint de l’éthique du sacrifice, qu’est apparu, le premier emploi moderne systématique de combattants-suicide au Moyen-Orient. Ils ont d’abord été utilisés comme « missiles de croisière » puis, alors que des parades étaient trouvées par les armées occidentales, de plus en plus en conjonction avec des modes d’action classiques, en particulier en Irak puis en Afghanistan. Parmi de multiples exemples, en mars 2005, à Bagdad, un commando a pénétré en force dans le ministère de l’agriculture ouvrant la voie à un camion-suicide rempli d’explosif. Le 2 avril suivant, une cinquantaine de rebelles ont attaqué la prison d’Abou Ghraïb, en commençant par neutraliser les tours de contrôle à l’arme légère et au lance-roquettes puis en lançant, en vain, une voiture suicide contre la porte d’entrée. Le combat a duré ensuite plus de douze heures avant que le commando ne se replie.

Après son emploi en va-et-vient il est apparu rapidement que par sa capacité à durer et sa capacité d'adaptation au terrain et à l’ennemi, les effets du commando d’infanterie pouvaient être multipliés s’il était délibérément sacrifié. Le 16 septembre 2012, un commando pénétrait ainsi dans le Camp Bastion, grande base de la Coalition dans la province afghane du Helmand et, avant d’être détruit, y réalisait des dégâts considérables. Six avions de combat du Corps des Marines y étaient ainsi détruits, les plus grandes pertes aériennes américaines en une seule journée depuis la guerre du Vietnam.

Quelques années plus tôt, en novembre 2008, le procédé du commando-suicide avaient été employé par le Lashkar-e-Taïba (LeT) aidé par l’Inter-Services intelligence pakistanais pour attaquer directement la population civile au cœur de la ville indienne de Mumbaï. L’opération avait été minutieusement préparée pendant treize mois mais réalisée avec des moyens low cost, un armement important mais classique et courant (AK-47, pistolet automatique, grenades) associés à des équipements civils (téléphones portables, Thuraya, Garmin GPS, cartes Google map) et beaucoup de drogue. La pénétration dans le port immense s’était faite assez facilement grâce à un petit caboteur.

Les pays cibles sont attaqués maintenant par des mini, voire mono, commandos. Rien n’empêche l’apparition de procédés plus sophistiquées, organisés sur le territoire même ou venus de l’extérieur. On peut très bien imaginer désormais un raid amphibie venu d’une ville côtière de Libye, Syrte ou Derna, sur les côtes provençales ou l’infiltration d’un commando sur une ville ou même n’importe quel village français, sans avoir forcément à charger une cible symbolique. Il est possible aussi et même probable, la surprise (et donc l’inattendu) étant une qualité en soi des actions terroristes, qu’il s’agisse d’un mode d’action inédit. Le sniping, par exemple, déjà utilisé pour terroriser les populations en Bosnie ou en Irak serait redoutable. Un seul sniper, équipé d’un fusil Dragunov, le plus courant sinon le plus performant, des fusils de tireurs d’élite, placé sur un toit, au mieux dans un appartement parisien ferait des ravages sur les foules rassemblées, par exemple, un soir de 14 juillet ou du 31 décembre, profitant même des bruits (feux d’artifice) pour camoufler ses tirs. Il serait déjà particulièrement difficile à déceler. Il le serait encore plus s’il se déplaçait sur plusieurs emplacements de tirs avec armes prépositionnées. Plusieurs snipers croisant leurs feux ou se succédant dans l’action à partir d’angles différents sèmeraient, outre des pertes humaines, une confusion considérable. 

On peut imaginer malheureusement beaucoup d'autres procédés et l'ennemi ne manque pas d'imagination. La guerre est loin d'être terminée. 

Joseph Henrotin, « Le terrorisme comme forme de guerre » et Yves Trotignon, « Menace djihadiste : quelle évolution », in Défense et sécurité internationale n°111, février 2015.

8 commentaires:

  1. Aux deux journalistes de DSI, je rappellerais que c'est durant la guerre libanaise (dans les années 70 et 80 entre les différentes factions armées) que le fusil Dragunov ''s'est fait un nom grâce '' aux tireurs isolés qui sévissaient dans les quartiers de Beyrouth . Les objectifs de ces psychopathes ''de la queue de détente'' : des miliciens et autres spadassins des factions adverses, mais également des civils libanais , sans oublier des militaires français de la FMSB et les observateurs aux badges tricolores dénommés Casques blancs ( 3 tués sur 7)

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  2. Rappelons nous que l'armée de Terre a supprimé les tireurs de précision de ses sections d'infanterie en 2013. C'en serait presque drôle. Pas grave, on les y remettra dès qu'on aura eu quelques pertes sur un théâtre d'opérations à venir.

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  3. Il semble que le mot sniper soit trop souvent utilisé. La majorité des tireurs ne sont pas sniper. Tireur de précision à courte distance . Un peloton d'infanterie bien mené et entraîné peut se déjouer de ces tireurs. Reconnaissance par le feu et emploi du feu maximum lors de la riposte.

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  4. Il semble que le mot sniper soit trop souvent utilisé. La majorité des tireurs ne sont pas sniper. Tireur de précision à courte distance . Un peloton d'infanterie bien mené et entraîné peut se déjouer de ces tireurs. Reconnaissance par le feu et emploi du feu maximum lors de la riposte.

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  5. RENATO à raison, je préfère le terme Tireur de Précision, cela implique des troupes régulières et un cadre d’ordre, et le respect d’une éthique militaire. Pierre-André peut-il nous donner des précisions sur ce que sont devenu nos TP ! Ils sont regroupés au niveau de la compagnie ?
    Je reviens sur mes TOC millénaires et anti-commando !! la France doit s’organiser rapidement une réserve opérationnelle à base d’infanterie légère (type Ranger) le projet de service citoyen pourrait être le déclencheur. Le but avoir rapidement un volume de force en cas de besoin, le système pourrait s’Inspirer des Sapeurs-Pompiers Volontaires avec un BIP pour un rappel dans les 4H00. Le problème semble lié à comment garder la motivation (pas d’intervention comme les SPV) après réflexion il y a de quoi faire :
    Les missions de sécurisation pourraient leurs êtres confiés (Vigipirate, Protection mobile de sites sensibles aléatoire, VIP de passage, grand rassemblant culturel, entrainement avec d’autre unité).
    La formation à la sécurité ferait parti du cursus avec le CQP d’agent de sécurité à la clé (Aujourd’hui beaucoup de SPV sont SSIAP dans les ERP) l’entrainement militaire y serait très motivent pour attirer les jeunes : sport extrêmes, skie, air soft, paintball, tire de précisions, sport de combat (TIOR, KAPAP), bien souvent le prix de l’adhésion/licence les rends inaccessibles, bien sur une formation tactique, une culture militaire, du savoir être etc.…..
    Peut-être commencer avec un Bataillon par département (ou 1 GTIA) soit 95 en métropole
    - Section 30 soldats : 5 groupes de 6 soldats dont un GPC
    - Compagnie 150 soldats : 5 sections dont un SCA
    - Bataillon : 750 soldats : 5 compagnies dont CCS
    Cela donne 71250 soldats (fille ou garçon) pour un pays de 65 millions d’habitant une goutte d’eau, le bataillon serait regroupé sur une même emprise (ancienne caserne ou ancien fort réhabilité) chaque compagnie aura un week-end bloqué par mois et la semaine qui suit sera d’astreinte sur bip.
    Prévoir 40 heures par an d’instruction au niveau bataillon.
    La zone de défense aura un bataillon EMZ en charge de la gestion, des programmes, des contrôles, de la logistique, avec une école d’instruction et d’application (7 BAT EMZ 5250 soldats)
    Chaque emprise abritera une brigade de Gendarmerie (à relocaliser) en charge de garder l’armurerie, des plus les armureries seront sous télé-sécurité via la COG départemental (centre opérationnel de la Gendarmerie). L’encadrement sera issue des réservistes de l’actives après passage dans un centre d’instruction spécialisé pour intégrer l’objectif et les moyens, dans l’attente d’une promotion interne.

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  6. Bonjour ,
    Cette hypothèse d'un raid amphibie est d'autant plus plausible que des cargos chargés de 500 personnes peuvent se balader comme ils le veulent au milieu d'une mare aux canards surveillée par x satellites et toutes les marines de l' OTAN ;0)
    http://www.lesechos.fr/monde/europe/0204050860855-italie-un-navire-a-la-derive-avec-450-migrants-clandestins-a-son-bord-1079615.php
    On en vient à regretter le temps de l'entre deux-guerres où des hydravions effectuaient des patrouilles en " demi-camenbert " à partir de Marseille et de Mers El Kebir et où un submersible " descendant " vers l'Algérie croisait un submersible " montant " vers la France .
    Apparement , les Barbaresques peuvent se trimbaler comme au temps des ...Barbaresques !
    Enfin un tireur " home grown " serait aussi efficace , sinon plus , qu'un tireur " importé " !
    http://www.imdb.com/title/tt0381116/
    Cordialement
    Daniel BESSON

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  7. Bonjour,
    A la lumière des récentes menaces (en l'air ?) proférées par "Daech en Libye" à l'encontre de l'Italie, vos propos prennent tout leur sens. Merci pour la grande qualité de votre blog.

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  8. Bonjour, et pourquoi ne pas diviser le monde en 2 catégories ?
    - les occidentaux ainsi que leurs alliés
    - les autres
    À force de vouloir faire la loi partout dans le monde et vouloir imposer notre style de vie occidentale ne sommes nous pas devenus des terroristes ?
    Charité bien ordonnée commence par soi donc arrêtons de combattre ces fous sanguinaire aux quatre coins du monde pendant qu'il se passe des choses graves en France à cause notamment des répercussions. Comme nous avons pu l'observer les terroristes qui ont commis les attentats du 11 janvier dernier n'ont ils pas agis en représailles ?

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