Quand
on lit Guerre et stratégie au XXIe siècle, on ne peut s’empêcher de
se demander à quoi peut-il bien servir de réunir pendant des mois une grande
commission avec plusieurs groupes de travail pour faire un Livre blanc de la
défense…quand un seul homme peut faire mieux. Car il s’agit bien là de la
grande analyse stratégique que l’on aurait aimé voir surgir de nos institutions.
Tout
y est en effet. Cela commence par le rappel des théories opérationnelles
(rappelez-vous la « révolution dans les affaires militaires ») américaines
qui, servies par des moyens considérables et adossées aux visions des
néo-conservateurs et à une culture de la diabolisation-criminalisation d’un ennemi
que l’on ne peut que détruire, ont finalement abouti à une pollution du paysage
stratégique mondial. Cela se poursuit ensuite par une description fine des évolutions
en cours de ce même paysage, puis de tous les acteurs combattants qui y
évoluent, de plus en plus divers et de moins en moins militaires,
ainsi que de leurs moyens disponibles. Le discours est alors plus technologique ouvrant
par ailleurs, et même si une partie seulement des projets en cours parvient à
maturité, des perspectives considérables. On y notera le chapitre
particulièrement éclairant sur le nouvel âge du nucléaire, instrument un peu
oublié (refoulé ?) alors que toujours considérable.
La dernière partie est un appel à un retour à un certain classicisme
stratégique à la fois post-westphalien par la recherche de la limitation de l’emploi
de la force et, en ce qui concerne la France, gaullien, c’est-à-dire au service
d’une stratégie nationale cohérente. Cela suppose cependant un minimum d’effort,
au moins financier, ce qui n’est plus la cas depuis plus de vingt ans, et au
mieux de l’imagination ce à quoi nous invite l’ouvrage de Christian Malis.
En
résumé, si les questions stratégiques vous intéressent ou simplement si l’avenir
de la France vous inquiète, lisez et relisez Guerre et stratégie au XXIe siècle. C’est ce qui s’est
fait de mieux depuis longtemps.
Christian
Malis, Guerre et stratégie au XXIe
siècle, Fayard, 2014, 340 pages, 22 euros.
Bonsoir !
RépondreSupprimerCe livre a l'air très intéressant, je pense l'acheter, en espérant qu'il soi aussi bien que vous le dites.
Merci :)
Bonjour Michel,
RépondreSupprimerJe vais le lire puisque tu le conseilles.
Mais au vu de ma petite expérience, je ne pense pas qu'écrire tout seul un bouquin de stratégie, tout génial soit-it, soit le même exercice qu'un Livre blanc, qui est un document par essence politique...
C'est le même genre de raccourci qui confond doctrine militaire et réflexion stratégique (cf. articles de pseudo-chercheurs en stratégie de DSI, qui d'ailleurs montrent leur profond manque de culture dans le domaine où ils se posent en censeurs !). Ce sont des exercices très différents : on peut le déplorer, mais si la réflexion stratégique se veut par définition créative (quoique n'est pas Clausewitz qui veut...), la doctrine a un objectif essentiellement normatif et pédagogique, Foch l'avait déjà bien expliqué.
Amitiés
Cher Monsieur,
SupprimerCe que vous dites là m'intéresse, parce que je ne vois pas très bien de quel chercheur(s) ou "pseudo-chercheur(s)", au surplus censeurs, vous voulez parler.
Bien cordialement,
J. Henrotin, rédacteur en chef DSI (henrotin@areion.fr
Mon Colonel,
RépondreSupprimerj'ai suivi votre conseil. Ce livre est réellement impressionnant par sa vision, la quantité d'informations brassées et les perspectives ouvertes. Le XXI ème siècle s'annonce sous des auspices inquiétants avec un saut qualitatif majeur en termes technologiques.
Par ailleurs, je viens de finir "Sous le feu". Laissez-moi vous faire part de mon admiration pour ce travail que je juge exceptionnel. Il permet de saisir au plus près, l'intransmissibilité directe étant la règle, ce que le combat sous le feu signifie.
Merci pour ceci
Gérard Bialot
Bonjour, le livre de Christian Malis est en effet remarquable à bien des égards, notamment son analyse de la conflictualité actuelle et de ses évolutions potentielles, mais également sa critique des outils militaires contemporains, le plus souvent inadaptés à la situation malgré des coûts faramineux. Sans remplacer un Livre blanc dont l'exercice récent est totalement illusoire, il a le mérite rare de bien poser les vrais problèmes. C'est à tout le moins une base de réflexion bienvenue en ces temps de vacuité stratégique. Général de La Maisonneuve, Président de la Société de Stratégie.
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