Reprise des billets des 9 et 10 mai 2012
Dans les monarchies et monarchies
constitutionnelles, c’est le souverain qui, par tradition, commande les armées.
Le problème se pose donc avec la France républicaine et notamment la
Constitution de 1848. Son article 50 précise que le Président de la République,
élu au suffrage universel « dispose
de la force armée, sans pouvoir jamais la commander en personne ». La reprise
de la formule dans les premiers projets de lois constitutionnelles de la IIIe
République suscite la colère du « maréchal-président » Mac Mahon
(élu en mai 1873). Devant sa menace de démission, l’amendement Barthe (1er
février 1875) est repoussé et l’article 3 de la loi du 25 février 1875 indique
seulement que le Président « dispose
de la force armée ». Ce
pouvoir est néanmoins limité par l’obligation de contreseing d’un ministre pour
toutes les décisions du Président, la possibilité d’être poursuivi pour haute
trahison et l’obligation d’assentiment des deux chambres pour déclarer la
guerre.
Le maréchal de Mac Mahon a donc suffisamment de
latitude pour organiser un « domaine réservé ». Il accorde beaucoup
de d’intérêt aux réformes militaires en cours et traite directement avec les
ministres et les généraux de corps d’armée qu’il reçoit à l’Elysée. Il tient à
désigner lui-même les ministres de la Guerre et de la Marine. La crise du 16
mai 1877 coupe court à cette interprétation. Avec la
« constitution Grévy » et la révision de 1884, la France adopte un
régime parlementaire et le Président de la République n’exerce plus qu’une
« magistrature morale », ce qui permet à Poincaré d’imposer
Clemenceau comme Président du Conseil en décembre 1917 mais ne suffit pas à
Albert Lebrun pour empêcher la crise des institutions de juin 1940.
En
apparence, l’article 15 de la Constitution de 1958 (« Le Président de la République est le Chef des Armées. Il préside
les conseils et comités supérieurs de la Défense nationale », sans
préciser quelles sont les compétences qu’il exerce à ce titre) est peu
différent de l’article 33 de la Constitution de 1946. De plus, l’article 19 (« Les actes du président de la
République autres que ceux prévus aux articles 8 (1er alinéa), 11, 12, 16, 18, 54, 56 et 61 sont
contresignés par le premier ministre et, le cas échéant, par les ministres responsables. »)
ne fait pas référence à l’article 15. Les actes du Président de la République
en conseil de défense doivent donc normalement être contresignés par le Premier
ministre. Si on ajoute l’article 20 (« le
gouvernement dispose de l’administration et de la force armée ») et
l’article 21 (« Le Premier ministre
dirige l’action du gouvernement. Il est responsable de la Défense
nationale ») de la Constitution mais aussi l’article 7 de l’ordonnance
de 1959 (« la politique de défense
est définie en conseil des ministres ») et son article 9 (« le Premier ministre, responsable de
la Défense nationale, exerce la direction générale et la direction militaire de
la Défense »), on obtient quelque
chose de proche de l’esprit de la IIIe ou de la IVe
République. Le général de Gaulle ne l’interprète pas de cette façon dans ses Mémoires d’espoir (« Il va de soi, enfin, que j’imprime ma marque à notre
défense […] cela pour
d’évidentes raisons qui tiennent à mon personnage, mais aussi parce que, dans
nos institutions, le Président répond de « l’intégrité du
territoire » [art.5], qu’il est
« le Chef des Armées », qu’il préside « les conseils et comités
de Défense nationale » »).
Le décret du 14 janvier 1964 « relatif aux
forces aériennes stratégiques » décidait que le Président de la République
avait seul qualité pour décider l’emploi du feu nucléaire, ce qui était en
contradiction avec les dispositions de la Constitution et de l’ordonnance de 1959.
Ce décret a été abrogé et remplacé par celui du 12 juin 1996 plus conforme aux
textes constitutionnels et législatifs (mais le conseil de défense ne fait qu’y
« définir les conditions » d’engagement alors que le Président
« donne l’ordre »).
Lors de la guerre du Golfe (août 1990- février
1991), le gouvernement pose la question de confiance selon l’article 48.1
devant l’Assemblée nationale et demande au Sénat l’approbation d’une
déclaration de politique générale (art 49.4) mais le Président dirige les
opérations seul, laissant à l’écart le Premier ministre et le ministre de la
Défense qui finit par démissionner.
La reconnaissance d’un pouvoir entier et
personnel du Président de la République comme chef des Armées ne peut plus être
niée. La question a été tranchée dans ce sens par le Comité consultatif pour la
révision de la Constitution dans son rapport du 15 février 1993. Le comité,
tout en jugeant discutable l’expression « domaine réservé », a estimé
que ; malgré certaines ambiguïtés, l’exercice de pouvoirs propres en
matière de défense par le Président de la République correspondait à une
« tradition trentenaire ». En conséquence, il avait proposé de
modifier l’article 21 de la Constitution comme suit : « Le Premier ministre dirige l’action du gouvernement. Il est
responsable de l’organisation de la Défense nationale. » La
tradition est ainsi devenue une source de droit en matière constitutionnelle à
condition de justifier d’une application « paisible » pendant une
certaine durée.
Fiche au chef d'état-major des armées, 2007
Fiche au chef d'état-major des armées, 2007
Dans une démocratie, demander un vote du Parlement, pour une question si importante que l'engagement des forces dans une guerre, ce n'est pas trop de luxe, à moins que le secret ou la rapidité l'empêchent.
RépondreSupprimerLa "tradition" ne doit pas forcément devenir une source de droit : ce serait un principe dangereux. Il faut au contraire réfléchir à la question, la tête froide.
Vous faite fausse route. s'il s'agit "d'engager la force armée" suite à une décision du conseil de sécurité de l'ONU on agit dans un cadre juridique et on peu se passer d'un vote du Parlement. Mais, attaquer la Syrie, Etat Souverain menbre de l'ONU de notre propre chef, cela nécessite une déclaration de guerre. Et là il faut passer par le Parlement. ne pas le faire c'est violer le droit international auquel on tient tant quand il nous arrange.
RépondreSupprimerEt en l'occurrence, l'ONU n'a pas donné son aval, ce qui explique les atermoiements du président américain. Mais sans doute faut-il proscrire la précipitation, côté positif de la chose. L'histoire récente montre qu'on intervient souvent trop vite, et qu'on s'en mord les doigts bientôt, après avoir mis un bordel considérable !
SupprimerLa question me semble être pourquoi ce besoin d'un chef qui n'est responsable devant personne et ne rend pas compte de son action devant les élus de la nation, ni avant ni pendant ni après un conflit qu'il est les eul à diriger ?
RépondreSupprimerSle fond : qui cela sert-il de réitérer la supercherie mise au point pour les guerres d'Irak et d'Afghanistan dont il est vérifié que les causes (bien plutôt les prétextes) et les buts sont fallacieux. le peuple Anglais en a tiré les conséquences qui s'imosent : renoncer à ce type de guerre "impérialiste, les américains semblent sur le point de le faire...F. Hollande va-t-il réussir à éviter l'expresion du rejet de la guerre que la France en son peuple voudrait bien pouvoir manifester, ne serait-ce qu'en ses chambres de députés et de sénateurs....
Vraie question et réponse loin d'être simple. En bonne règle démocratique, il serait normal que les représentants élus de la nation se prononcent, mais le fonctionnement de la politique rend les choses moins simples. Chaque parti a ses propres intérêts et visées politiques : l'intérêt supérieur du pays est souvent fort loin. De plus, il y a le poids de l'opinion publique : les sondages montrent que les Français sont largement opposés à cette intervention pour des raisons très diverses. Cela va des convictions pacifistes au je m'en foutisme total : on en a rien à faire de cette histoire et qu'ils se tuent donc entre eux. Un bref moment d'émotion médiatique quand on montre des images horribles au JT, vite oublié quand on arrive aux résultats sportifs. Assad, Poutine et consorts n'ont pas de tels états d'âme. les démocraties dans le passé ont souvent montré leurs faiblesses et leur indécision. Elles finissent par agir quand elle se rendent compte qu'il n'y a plus d'autre choix : en attendant, combien de morts?
RépondreSupprimerBien sûr qu'un vote du parlement est nécessaire, surtout que, contrairement aux habitudes, le vote n'est pas acquis.
RépondreSupprimerA Michel Goya:
j'ai lu votre article du magazine LOS! N°10, on devrait le diffuser dans tous les Etats Majors de l'OTAN et autres...
Bonsoir
RépondreSupprimerDans son discours du 11 mars 2012 prononcé à La Défense, le candidat François Hollande, après avoir critiqué la gestion de l'affaire du président Nicolas Sarkozy à promis un d'avoir une attitude différente et un renforcement du rôle du parlement dans la décision et la gestion des interventions militaires extérieures et une consultation préalable. Le président François Hollande serai bien inspiré d'avoir un peu plus de fidélité à ses propos.