mardi 11 octobre 2011

La petite muette

Une question me taraude depuis quelques semaines : a-t-on le droit d'exiger d'un officier qu’il demande préalablement une autorisation pour toutes ses interventions dans les médias ou dans des colloques ? N'est-ce pas contraire au nouveau statut général des militaires qui a supprimé toute idée de censure préalable ? 

Bien entendu, il ne s’agit là que d’une hypothèse.

7 commentaires:

  1. Exiger d'un Officier qu'il demande préalablement une autorisation pour toutes ses interventions dans les médias ou colloques doit être distingué de la censure et est à mon sens une démarche tout à fait justifié qui s'exerce dans le cadre du contrôle de l'information.

    Il est du devoir des responsables de ces Officiers d'être au courant des canaux d'échanges existant entre l'Armée et les médias afin d'éviter les fuites d'informations confidentielles, d'autant que tout le monde n'est pas nécessairement formé à la gestion des questions qui peuvent être de plus en plus pressantes de la part des médias ou encore à la liberté d'interprétation de ces derniers. Je dirais donc que ça se passe comme pour toute entreprise, il y a une "Dir Comm" qui doit contrôler ce qui se dit à l'extérieur.

    Contrôler au sens "se tenir au courant", j'entends, car si je préconise la traçabilité de l'information et la capacité de réaction laissée aux autorités en cas de problème (puisque prévenues à l'avance des infos qui auront été "sorties" par ces Officiers), je rejette l'idée de la censure.

    Il y a la confidentialité, qui doit bien être appliquée, comprise et respectée car liée à des enjeux cruciaux.

    Par contre, la censure des propos de ces Officiers par leurs supérieurs car pas d'accord avec les idées dévoilées ou parce qu'ils risquent de véhiculer une image négative de l'Armée est à bannir.

    Si ça va mal, c'est à la source qu'il faut s'attaquer et utiliser justement ces interventions pour repérer les endroits qui posent problème... Mais je l'avoue, à part au pays des bisounours, je ne connais pas d'institution où ça se passe comme ça...

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  2. Le code de la défense est très clair : depuis 2005 (et le nouveau statut des militaires) plus aucune autorisation préalable n'est exigée pour qu'un militaire puisse s'exprimer.

    Pourtant, dès 2007, le ministre de la Défense de l'époque diffuse aux hautes autorités militaires une lettre dans laquelle il demande « de trouver auprès de [lui]-même ou de [son] cabinet, par l’intermédiaire de la délégation à l’information et à la communication de la défense, un accord de principe avant toute expression publique et de soumettre à [son] approbation les articles et discours écrits » ! Un beau déni de droit...

    Preuve que les esprits doivent encore évoluer.

    Je vous livre en conclusion une réflexion du maréchal Juin (dans Trois siècles d'obéissance militaire) : « le régime de l’autorisation préalable porte une large part de responsabilité dans la défaite française de 1940, car, privés du droit d’écrire, les officiers avaient perdu l’habitude de penser »...

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  3. Et j'en profite pour mettre une touche d'Hervé Coutau-Bégarie, « le temps n’est plus où les professeurs aux Écoles de guerre (…) publiaient sans retard leurs enseignements. La liberté d’expression qui régnait au début du siècle n’existe plus. Il est évidemment possible de soutenir qu’elle avait engendré une confusion source d’errements désastreux (…), mais cette corrélation n’est pas obligatoire, et le silence officiel n’exclut pas (…) les luttes d’influence internes, tout aussi coûteuses et dangereuses. La liberté d’expression n’est dangereuse que si le modèle officiel est fondamentalement vicié et si ceux qui prétendent intervenir dans le débat manquent de la formation leur permettant une vue globale, au-delà des problèmes techniques ou tactiques. C’est le rôle de la stratégie de fédérer les approches sectorielles et de susciter cette vision globale ».

    Personnellement, je rajouterais que lorsque l'on fait confiance à des hommes pour mener une guerre - avec toutes les conséquences que cela suppose - la première de leur responsabilité est de pointer du doigt tout problème potentiel, ce qui passe naturellement par l'expression. Les officiers sont des gens (bien) formés et matures.

    Ce sont sans doute ceux qui sont les plus pertinents à pouvoir parler de questions militaires. Je ne m'inquiète personnellement pas trop quant à leur capacité à ne pas dévoiler ce qui serait sensible... On leur fait confiance pour nous protéger, l'Etat devrait également leur faire confiance par ailleurs...

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  4. cette question avait été évoquée dans un article paru à l'AJDA (actu juridique de droit adminstratif), en qualifiant l'ordre fait à un subordonné de transmettre au préalable ses interventions de "pratique" (au sens du droit administratif),in L'incertaine liberté critique du militaire : AJDA 2005, p. 2156...
    l'auteur de l'article est un certain J.-H. Matelly

    XD

    n'étant pas spécialiste du statut des militaires, je dirais bien qu'à première vue, quand même, que le fait d'exiger d'un militaire qu'il demande une autorisation pour toutes ses interventions est illégal (car en contradiction avec la liberté d'expression dont ils disposent).
    les militaires ont déjà bien suffisamment à faire avec leur devoir de réserve...

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  5. Effectivement demander au ministère ou à sa hiérarchie s'oppose au droit de 2005.

    Toutefois, pourquoi ne pas envisager une adaptation (à ré-écrire) qui permettrait à tout militaire de s'exprimer conformément au SGM mais uniquement pour les sujet ne s'opposant pas au devoir de réserve (politique, stratégique, militaire, philosophique ou religieux).
    A cette précision, pourquoi ne pas ajouter un "droit de tirage" permettant à certains de de détenir une liberté de parole notamment pour parler stratégie et militaire. Certes, cela serait très stalinien. Cependant, si ce droit était attribué à tous les officiers supérieurs (par exemple), cela permettrait une avancée significative. Il faudrait alors que ces "parleurs" ne soient en situation de dépendante, notamment en terme de carrière.

    Idée à chargoner, évidemment.

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  6. En tout cas, je me délecte de votre liberté d'expression, toute en finesse certes... A moins que vous ne soyez en service commandé ?

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  7. Rappelons nous cette fameuse phrase : "il vaut mieux entendre le bruit sec du parapluie qui s'ouvre que le grondement sourd de la carrière qui s'effondre". Le CDT (Gend) Matelly en est un bon exemple. Maintenant, avec l'âge et la carrière qui s'avance, le risque diminue, d'autant plus qu'on approche de la fin (voir tous ces généraux qui s'expriment ... au moment de partir). Donc choix personnel et risques "calculés". Bonne chance pour votre MRT.

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