Qui
se souvient encore du Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale de
2013 ? De celui de 2008 et de sa réactualisation préélectorale ? Soyons
réalistes, personne n’y fait plus référence et pour une raison simple :
voulant coller au contexte géopolitique du moment, ces documents ne sont
valables que le temps d’arrivée du premier « évènement » d’une certaine ampleur.
À cet égard, le record de faible longévité appartient sans aucun doute à celui
de 2008 publié quelques semaines avant le début de la crise financière.
Cela n’a pas empêché de mettre en œuvre à sa suite une loi de programmation
dont évidemment personne ne pouvait ignorer qu’elle ne pouvait être respectée.
On en a quand même conservé les éléments calamiteux pour notre outil de défense
comme les 54 000 suppressions de postes pour économiser (en vain)… 3 %
du financement de la LPM. On a même trouvé le moyen de sécréter ainsi des « évènements »
internes avec le logiciel Louvois et les bases de défense prouvant ainsi qu’il
n’était même plus besoin d’ennemis pour se faire mal. Cette politique sans
vision stratégique a été rééditée en 2013 avec les mêmes médiocres résultats.
Il
n’est donc pas inutile à la suite des attaques de janvier de rappeler cette
évidence qu’une stratégie nationale ou grande stratégie ne consiste pas à
s’adapter à un contexte, mais à le changer à son profit, qu’elle ne se limite pas
à définir un contrat chiffré de moyens à déployer, mais à déterminer comme
parvenir à ce changement politique face à des rivaux et surtout des ennemis,
actuels ou potentiels. Ce n’est pas non plus parce que nous ne voulons pas
d’ennemis que nous n’en aurons pas. Pour les groupes, groupuscules et individus
isolés du djihadisme international, il n’y a en tout cas aucun doute : la
France est bien un ennemi majeur et la guerre a été déclarée par eux depuis
longtemps.
On
peut considérer l’ennemi avec un certain dédain, les victimes du terrorisme ne
représentant après tout qu’une très faible part des 20 000 meurtres commis
en France depuis vingt ans, et se contenter d’un traitement policier. Il faut
se demander dans ce cas pourquoi on a fini par engager contre cette menace autant
de forces militaires que contre l’Irak après son invasion du Koweït en 1990. Ce
déploiement correspond d’ailleurs au fameux contrat opérationnel prévu par le
livre blanc pour un engagement majeur. Dans ces conditions, soit le principe du
contrat opérationnel est inutile, soit c’est effectivement un engagement majeur
et il faut alors peut-être imaginer comment nous allons l’emporter, autrement dit
établir une vraie stratégie.
Il
semble pour l’instant se dessiner l’idée d’une résistance (containment) et d’appuis aux forces locales, en liaison avec des
alliés, américains en premier lieu, en espérant que ces forces locales
vont-elles-mêmes éliminer le problème. C’est clairement une stratégie a posteriori imposée par les faits plus
qu’une réelle réflexion à long terme.
Est-ce
efficace ?
Considérons
d’abord l’adéquation avec les moyens. On a déjà considéré à plusieurs reprises
la « baisse de la garde » depuis la fin de la guerre froide. Rappelons une
nouvelle fois que si on faisait le même effort de protection (défense, justice,
diplomatie, intérieur, services de renseignement) des Français qu’en 1990, on
dépenserait pour cela chaque année environ 80 milliards d’euros et non 40.
Toutes choses égales par ailleurs, on peut imaginer que les choses seraient ou
auraient été plus favorables. Le budget n’est évidemment pas tout et force est
de constater aussi que s’il y a eu évolution (souvent en réaction) de certaines
méthodes et moyens, l’outil de défense reste encore bien plus adapté à un
conflit interétatique qu’à la lutte contre des organisations non étatiques. La
distribution des forces pose également problème. À force de vouloir être
présent partout, pour des raisons souvent diplomatiques, on en vient à n’être
tactiquement suffisant nulle part. On peut s’interroger dans les conditions actuelles
sur le maintien d’une force dans la FINUL ou l’engagement incertain en
Centrafrique alors même que les opérations se poursuivaient au Sahel. On peut
se demander si les forces aériennes au Moyen-Orient ne seraient pas plus utiles
au Sahel. Oui, mais voilà, de la même façon qu’on empilait les opérations, on
empile aussi les rigidités. On a ainsi le sentiment permanent d’une
impossibilité d’inflexions importantes (vraiment importantes, pas l’achat de
quelques engins) dans l’adaptation du modèle de forces à l’ennemi, un peu comme
lorsque le Président du conseil Laval s’accrochait en 1935 à la politique
d’austérité et réduisant les effectifs militaires alors même que l’Allemagne
nazie réarmait.
Considérons
maintenant les effets stratégiques. Nos services surveillent et protègent, avec
une efficacité certaine, mais qui a visiblement souffert quelques défaillances.
Nos forces aux franges du Sahel et en Irak, frappent régulièrement des cibles
et maintiennent une pression certaine sur les groupes, sans que la destruction
d’aucun d’entre eux ne soit envisageable à court terme. Nos forces dans les
rues des villes de France rassurent peut-être et protègent un peu, mais au prix
d’inconvénients qui en font une opération peu efficiente. Surtout, le problème
des rébellions, c’est qu’il existe des motifs à leur existence face aux États
locaux qu’ils combattent. S’interroge-t-on vraiment sur les raisons de la
montée en puissance des groupes jihadistes, comme leur honnêteté dans un océan
de corruption au Sahel ? Sur leur capacité à protéger la population sunnite
face à l’oppression de Bagdad et surtout de Damas ? Sur des raisons historiques
plus profondes ? Les moyens engagés sont-ils adaptés au traitement de ces
causes ? Sont-ils associés à d’autres instruments ? On peut en douter quand on
observe, par exemple, comme est répartie l’aide économique. On peut surtout se
demander si l’idée de soutenir militairement les États arabes qui luttent
contre les djihadistes comme l’Égypte ou l’Irak ou de laisser faire le régime
d’Assad contribue vraiment à l’effet souhaité.
Est-ce
la seule option possible ?
On
pourrait imaginer en effet d’autres possibilités : le repli et la
concentration sur le territoire national en faisant effort sur la guerre
souterraine, la concentration sur l’Afrique où notre connaissance et nos bases
permettent d’augmenter notre efficacité, sur la destruction de Daesh, etc. ?
A-t-on fait cet effort d’analyse collective et interministérielle, portée par une
connaissance profonde du phénomène djihadiste ? J’en doute. Le fait-on
maintenant que le combat est engagé ? Je l’espère, mais pour l’instant, hormis
le ralentissement de la réduction des effectifs, on ne voit guère de différence
d’avant les attentats de janvier.
Il
y a tant de choses à faire et pour l’instant si peu de clarté. Il est temps de choisir
entre la guerre, et sa conduite véritable, et le renoncement.
Toutes tes analyses me semblent particulièrement vraies et perspicaces, mais les obstacles évoqués me semblent si lourds et si constants (rigidités chroniques, absence de vision stratégique à moyen terme et surtout peu de courage de la part des décideurs), que je reste pessimiste sur des choix pertinents et clairs; qui puissent permettre une ligne claire dans cette guerre qui ne dit pas son nom ..., .
RépondreSupprimerA mon avis, il y a une statégie et elle se résume ainsi :
RépondreSupprimerFaire le "juste sufisant" pour se protéger au jour le jour et espérer que les USA et les forces locales battront l'ennemie à notre place. C'est peu glorieux et c'est admettre que la protection de la France se joue finalement à Washington, mais bon qui en doute ?
A très juste titre vous dites "qu’une stratégie nationale, ou grande stratégie, ne consiste pas à s’adapter à un contexte mais à le changer à son profit" : le problème est que pour cela il faut des moyens et nous ne les avons guère. Nous ne sommes ni les USA, ni la Chine, ni la Russie (même si elle essaie de jouer la puissance pauvre). Il y a l'Europe, mais elle n'existe ni politiquement, ni militairement et d'ailleurs qui le veut vraiment sur ce continent ? La protection US est si confortable. La France pratique un interventionisme tout crin pour conserver les apparences de la puissance avec sa place (contestée) de membre permanent du Conseil de Sécurité. On finit toujours par revenir aux fondamentaux : seule compte vraiment la PUISSANCE avec tous ses attributs, le reste n'est que conte pour enfants et il en a toujours été ainsi. Quant à l' "honnèteté des djihadistes dans l'océan de corruption du Sahel", je m'interroge et en doute sérieusement avec le narco-dihjadisme. C'est partout la même chose : on verra la popularité de Syriza en Grêce si vraiment ils veulent que les Grecs paient leurs impôts et en prennent les moyens.
RépondreSupprimerL'état major tchadien a annoncé des pertes équivalente a 10% de leur contingent engagé contre Boko Harram en moins de 3 mois de combat. Nos alliés locaux pourront-ils tenir le rythme face a ces mouvements qui ce renouvelleme sans cesse ?
RépondreSupprimerQuand a l'Europe... Baisse de 25 % des effectifs et de 15 % du budget depuis 2006 au niveau de l'UE selon l'agence européenne de défense-qui entre parenthèses a un site exclusivement en anglais-. Même si Poutine fait tout pour l'hémorragie s'arrête, de nombreuses capacités sont perdus.
La France a-t-elle vraiment une stratégie? Tout court...
RépondreSupprimerOn a l'impression d'un canard sans tête, qui court d'un côté et de l'autre, sans rimes ni raisons! Jamais nos hommes politiques, ignares au-delà de tout semblent-il, ne se posent un instant pour réfléchir, bâtir, expliquer. L'urgence est de communiquer. Communiquer d'ailleurs en réactif, plutôt qu'en proactif, ce dernier mode exigeant de la réflexion, de la connaissance, de l'anticipation, et donc de la culture...
Quand un Juppé avoue ne jamais avoir lu le Coran, en tant qu'ancien 1er ministre, ministre de la Défense, ministre des Relations Extérieures, et candidat à l'investiture de son parti pour les élections présidentielles, il y a de quoi se poser des questions! Comment peut-on connaître les raisonnements des adeptes de cette religion, comprendre leurs motivations et leur mode de pensée, savoir s'ils peuvent s'intégrer, ou encore mieux s'assimiler, et entonner en cœur: "L'Islam n'est pas incompatible avec la République", sans avoir lu la référence de base de tous les musulmans, le Coran? Et çà ne paraît même pas le gêner, non plus que d'autres d'ailleurs...
Alors que lui et tous ses égaux puissent même imaginer faire de la stratégie...
L'Islam n'est compatible ni avec la République ni avec la Démocratie.
RépondreSupprimer«L’islam est une idéologie arabe colonialiste et impériale engagée dans un combat cosmique pour conquérir la planète. Les djihadistes divisent le monde en deux – le monde islamique et le monde non islamique. C’est l’ultime bataille entre ceux qui valorisent la liberté, la paix et l’humanité et ceux qui les combattent, et nous devons triompher à tout prix dans l’intérêt de notre propre survie.» – Hossain Salahuddin, 24 ans, poète, essayiste et ex-musulman.
Cette vision est l'archétype-même de la vision manichéenne, source de toutes les incompréhensions et de tous les affrontements conflictuels dans lesquels nous nous débattons obscurément.
SupprimerL'humanité, la paix et la liberté passent par d'autre voies !.
Une première question : Quelle version du Coran considérez vous comme "la référence de base de tous les musulmans" ?
RépondreSupprimerIl y a de multiples transcriptions arabes de cette création orale de la révélation divine à propos desquelles les théologiens les plus exégètes ont de quoi abondamment débattre quant aux interprétations à en faire !
Une seconde question, si l'on ajoute à cela les difficultés de traduction de ces différentes versions écrites et des interprétations divergentes, voire contradictoires, qui en ont été faites par les diverses branches de l'Islam, quel "Coran" regrettez-vous qu'Alain Juppé n'ait pas lu ?
Il ne suffit pas d'avoir lu les publications dont regorgent les sites, forums et autres blogs islamophobes et leurs "citations" de versets ou sourates, prétendument extraits de je ne sais trop quel "coran" pour affirmer avoir lu "Le Coran". Et beaucoup trop de commentateurs, souvent athées ou, inversement, intégristes fanatiques, ont la prétention d'un avis définitif à partir de viles caricatures de textes des religions du Livre... Un peu d'humilité ne leur ferait pas de mal.
Différentes versions du Coran... Certes. Il en est de même pour la Bible, ou les Evangiles, antérieures d'ailleurs au Coran...
SupprimerPourtant, à force de Conciles, ou de travail des "érudits" dans les synagogues, la civilisation judéo-chrétienne a pu dégager un message consensuel et de paix, de séparation des pouvoirs temporels et spirituels, ce qui n'est pas le fait de l'Islam... Ne vous en déplaise...
Quant à lire le Coran, toute librairie française propose différentes versions des textes traduits en français, avec notes, commentaires, explications, interprétations, permettant de se forger sa propre opinion sur une religion qui a été, c'est vrai, une religion de paix pendant plusieurs siècles, une religion qui ne perpétrait plus de massacres aveugles de populations sous prétexte d'imposer la "vrai foi", celle du Prophète. Posez-vous la question sur une régression totale de l'interprétation des textes...
Pensez-vous que nos hommes politiques devraient s'abstenir de se cultivez, avant de discuter avec les "autorités musulmanes"? (Qui n'existent d'ailleurs pas, puisque chaque musulman est son propre interprète des textes, les imams n'ayant qu'un rôle de guide spirituel...) Et de trancher sur des sujets qui visiblement leur échappent, en fonction de leurs idées personnelles, et plus grave, de la volonté d'être élus ou réélus en donnant des gages à certaines communautés... Hollande pour les présidentielles, Juppé à Bordeaux, comme bien d'autres, d'ailleurs.
Ce n'est pas être islamophobe que de le rappeler... Au contraire, je pense que si nos politiques s'intéressaient vraiment aux populations, ils auraient à cœur de mieux comprendre les raisonnements et les réflexes spirituels de chacun, les grands courant de pensées et de philosophie, et s'attacheraient à en faire une synthèse acceptable par tous... Par exemple, la laïcité devrait s'imposer à tout citoyen... Le fait de traiter différemment les juifs, les musulmans, les chrétiens, ou les athées, n'a aucune raison d'être dans la République, les services publiques (Hôpitaux, piscines municipales, ...), les Armées, etc... Nos hommes politiques feraient bien de s'en rappeler...
Petite remarque complémentaire et amusante, mais qui en dit long. Il existe une très bonne traduction française du Coran faite par D. Masson. La quelle traduction avait même fait l'objet de l'imprimatur d'un célèbre cheik libanais : il a été bien sûr été assassiné pendant la guerre du Liban. J'ai mis quelques temps à savoir qui était donc D. Masson car le prénom n'était jamais indiqué en toute lettre. Et pour cause, car il s'agissait de madame DANIELLE Masson : une femme !
SupprimerOù est la solution dans votre commentaire? Oui je parle de la solution au djihadisme qui fait jouer les enfants avec les têtes tranchées des chrétiens d'Orient et les militaires syriens capturés. Avant de rallier l'ennemi par votre pusillanimité relisez votre Coran et l'histoire de la conquête islamique des premières années. C'est édifiant. Rien n'a changé.
SupprimerPour mettre en place une stratégie, encore faut-il avoir une idée de celle de l'adversaire. Or elle est connue : Tous (ISIS, Al Qaeda, Boko Haram, etc ) se fichent pas mal du coran comme de leur première chaussette, mais s'inspirent assez largement d'une stratégie de mise en oeuvre du djihad claire et parfaitement articulée, écrite en 2004 en langue arabe par Abou Bakr Naji, dans un recueil intitulé '.the-management-of-savagery-the-most-critical-stage-through-which-the-umma-will-pass' (traduction anglaise depuis l'arabe en 2006 par William McCants de l'université Harvard).
RépondreSupprimerCe serait déjà bien que des historiens militaires et des chercheurs s'intéressent à ce genre d'écrit qui actuellement est une des sources essentielles d'inspiration de nos adversaires. Bâtir les éléments d'une vraie stratégie est plus efficace quand on sait comment s'articule la pensée de l'adversaire, sur quoi il s'appuie, quels leviers il cherche à faire jouer, quels facteurs sont importants pour lui. Même si nous avons 6 ans de retard, ça sera toujours mieux que nos hommes politiques ignares qui sifflent dans le brouillard pour savoir où il faut tirer.
Oui, mais non.
SupprimerLa lecture de la littérature sur la stratégie de l'adversaire et la connaissance et l'analyse de cette stratégie sont bien sûr des préalables à toute action stratégique, mais en fait le point de départ, ce n'est pas cela.
Si vous définissez la stratégie comme l'ensemble de la réflexion qui a trait à la détermination des objectifs à atteindre, pour un pays - c'est-à-dire la réponse à cette question très simple: qu'est-ce que je veux faire? - le point de départ de la réflexion stratégique est de nature identitaire: qui suis-je pour vouloir ce que je veux?
Donc, dans un premier temps, la stratégie de l'adversaire, et même la qualification d'un acteur stratégique donné en tant qu'adversaire, vous n'en avez rien à faire.
De fait, dans un raisonnement qui vise à déterminer par exemple si la France doit être un pays avec des usines qui fabriquent les produits industriels qu'elle consomme, et qu'elle peut du coup exporter, ou un pays avec des bureaux où les gens travaillent grâces à des produits industriels qui viennent d'ailleurs, la stratégie de Boko Haram est une donnée indifférente.
C'est d'abord à l'acteur stratégique, au sujet stratégique, de déterminer ce qu'il veut être. Et en fonction de cela, il détermine ses buts de vie, de façon pragmatique.
L'originalité du problème que nous pose le djihad est qu'à bien des égards il nous dispense de cette laborieuse introspective: comme il s'impose comme un fait nuisible, nous savons d'emblée, par simple esprit de conservation, qu'il faut nous en protéger. On n'a pas besoin d'être très cérébral, finalement.
C'est le niveau 1 de la réflexion.
Le niveau 2, c'est d'utiliser cette dynamique événementielle comme un levier au service de notre stratégie personnelle qui, justement n'existe pas. Le niveau 2 est sans objet. L'analyse de la stratégie de l'adversaire dans ce cadre n'a donc pas d'intérêt, autre que prospectif.
Comme nous restons au niveau 1, la connaissance et l'analyse de la stratégie adverse n'a qu'une valeur tactique: contrer l'ennemi sur le champ de bataille. L'empêcher de gagner, quoi.
Au niveau 1, vous n'avez en effet pas besoin de comprendre en profondeur pourquoi votre adversaire est votre ennemi, puisque de toute façon, il l'est. En revanche, au niveau tactique, une analyse approfondie de sa stratégie permet souvent de prévoir ou au moins de comprendre ses modes d'action et donc d'ajuster la riposte.
Mais, le fait de ne pas avoir de stratégie de niveau 2 a pour conséquence que l'armée française n'a pas l'initiative stratégique. Elle répond à des menaces. Ceux qui mènent le bal sont les djihadistes.
Nos hommes politiques ne sont pas ignares: ils sont le reflet du peuple français qui ne se signale pas particulièrement dans l'histoire par son appétence pour la stratégie. Notre vision du monde est idéaliste: nous associons notre vision du monde à des grandes idées, comme la république, l'humanisme, l'universalité des droits de l'homme, etc. C'est très bien, mais cela signifie aussi que nous n'associons pas notre vision du monde à un principe d'action.
C'est la grande faiblesse de la pensée française: elle est plus dans l'idée que dans l'action. Du coup quand un adversaire a à la fois des idées et une volonté d'agir, on est instantanément mis en situation de perte d'initiative, comme le joueur de tennis acculé dans le fond de cour par un adversaire qui monte au filet. Poutine en Ukraine, quoi. Dans le quart de seconde qui suit, la France se retrouve en fond de cour.
C'est le prix à payer quand on n'est plus un sujet stratégique de niveau 2. Bizarrement, il faut être plus musclé dans ces cas-là, parce qu'il faut courir après les balles. Croire que, parce qu'on est un acteur de niveau 1, on peut se contenter d'une petite armée, c'est le contraire en fait.
Brillant résumé. Bravo.
SupprimerSoit dit en passant en relisant le début de votre texte sur le dernier livre blanc, je n'ai jamais compris le raisonnement des rédacteurs de ce dernier qui nous ont expliqué dans un même élan que le monde était plus dangereux mais qu'il fallait dissoudre une brigade... Leur prose allait plutôt dans le sens : la gauche est au pouvoir, on a besoin de postes pour notre clientèle, vous autres militaire êtes plutôt de droite, vous avez perdu, on va vous faire souffrir... avec une telle logique comment peut-on encore évoquer le terme de stratégie voyons !
RépondreSupprimerOn ne peut réduire celà à un débat gauche-droite, rappellons que le livre blanc de 2008 supprimais bien plus de postes, faut il penser que Sarkozy est de gauche et soignait alors son électorat enseignant ?
SupprimerBonjour Monsieur Goya,
RépondreSupprimerIl y a deux plans dans ce que vous dites: d'un côté vous constatez l'absence de stratégie nationale, et ça, c'est un fait. La France n'a plus de stratégie. Son dernier grand geste stratégique, c'est la création de l'euro, qui est d'ailleurs aujourd'hui remise en cause, la continuité dans l'action stratégique n'étant pas ce qui nous caractérise le mieux.
Depuis, plus rien ou presque, même dans des domaines à fort contenu stratégique, comme l'énergie: il suffit de voir que les atermoiements de notre "politique énergétique" (c'est un bien grand mot, puisque l'essentiel des préoccupations qui font qu'on peut parler d'une politique dans ce domaine porte en pratique sur des questions tarifaires) en matière de mix énergétique nous conduisent à nous interroger encore et toujours sur le gaz de schiste, ou l'intensité du panachage éolien ou solaire dans le bouquet, compte tenu du coût des subventions, sans qu'on ait pris de réelle décision sur le nucléaire, ni même vraiment exploré des technologies alternatives, comme les réacteurs nucléaires à sels fondus.
Je ne parle même pas de la mise en valeur de la ZEE, la deuxième du monde, ni même d'un secteur aussi anodin que la filière bois (la France dispose d'une des plus grandes forêts d'Europe mais importe du bois, alors que sa forêt se dégrade - encore un truc intelligent).
Tout cela est acté: on est des gros nazes dans un monde qui bouge. Amen.
L'autre plan, c'est que faire face au djihadisme international? C'est un sujet stratégique qui, normalement, devrait relever de la grande stratégie non pas en tant que sujet moteur, car la lutte contre le djihadisme ne peut pas être le moteur d'une stratégie nationale sans qu'on trahisse le sens du concept, mais en tant qu'objet auquel une stratégie nationale doit pouvoir s'appliquer, avec cohérence, par rapport à la dynamique des événements.
Faute, précisément, de grande stratégie, quelle cohérence rechercher?
Puisque nous n'avons pas de vision du monde pour nous-mêmes, pourquoi aller s'emmerder à prendre notre part dans un conflit qui ressemble énormément à une guerre de religion planétaire et interne à l'islam dont, au demeurant, on a strictement rien à foutre, sauf quand elle nous éclabousse ponctuellement (avec les Kelkal, Mehra, Kouachi et autre Coulibaly)?
Lorsque les Algériens se sont foutus sur la gueule, on a été éclaboussé. Avant eux, c'était les Libanais. On a été éclaboussé aussi. Maintenant c'est les Syriens et les Irakiens de Daesh, demain les Libyens et - histoire d'éviter qu'on s'ennuie - entre tous ces épisodes, il y a eu les Maliens, les Chebabs somaliens, les Nigérians de Boko Haram et les Yéménites d'Al Qaida, toujours très actifs.
Et je suis sûr que j'en oublie. Ah oui: les talibans.
Face à ce bordel, la politique du containment, elle n'est pas si bête que ça. Si on n'a pas d'autre idée que l'attentisme, c'est même la meilleure option et je ne vois pas très bien ce que pourrait apporter l'alternative que vous présentez: le repli sur le sanctuaire national, le renforcement de la guerre souterraine (aérienne, plutôt, non? Car il s'agit des drones si je comprends bien) et la concentration de l'effort sur le théâtre africain et Daesh.
Cette alternative n'est jamais qu'une modalité opérationnelle low cost du containment à ceci près qu'on rechercherait une victoire décisive sur le terrain si je vous suis bien. Mais pour quoi faire?
3 types, 3 AK, 1 RPG; Bilan : l'armée de terre détruite sous sa forme actuelle. Plus de boucle du RETEX, plus de mise en condition opérationnelle, plus de phase de repos post opé, plus de capacité de régénération, plus de formation. En cas de gros clash (1 compagnie au tas : 15 mort, 60 blessés physique+psy) il n'y a PAS actuellement dans l'armée de terre française le moyen de la remplacer. En bref avec 3 hommes, on vient de détruire la capacité de combat dans la durée de la France....
RépondreSupprimerVandro