Mesdames et messieurs
les députés,
Je précise que je
m’exprime ici en mon nom propre, n’engageant en rien l’armée de terre et encore
moins le centre de doctrine dans lequel je sers, et qui, par ailleurs, ne
traite pas de ses questions. C’est un simple officier, un peu expérimenté et un
peu historien, qui vous parle en essayant de refléter ce qui lui semble être
l’opinion générale de ses camarades.
Pour commencer, je
voudrais rappeler certaines évidences. Le service des armes est certes un
métier mais c’est aussi tout autre chose, et c’est ce « tout autre
chose » qui fait la différence. Ce « tout autre chose », c’est
en réalité une série de caractères extraordinaires relatifs à la chose
militaire.
Le premier est son
importance. L’armée est, ne l’oublions pas, l’instrument de défense des
intérêts de la nation et de sa vie même. Que ce mur humain se fissure et c’est
la Patrie qui se trouve en danger. Il y a encore des millions de Français qui
ont connu l’occupation allemande. Avant eux, leurs parents avaient connu
l’invasion allemande de 1914 et leurs grands-parents celle de 1870.
On ne peut que se féliciter de l’apaisement des relations entre Etats européens
qui nous connaissons depuis plusieurs dizaines d’années. L’historien ne peut
s’empêcher cependant d’y voir plus une heureuse anomalie qu’une nouvelle
normalité, une parenthèse qui peut hélas se refermer très vite. S’il avait
existé à l’époque, le prix Nobel aurait sans doute été attribué à la
Sainte-Alliance issue du Congrès de Vienne qui avait déjà régulé les relations internes
de l’Europe peu de temps que celle-ci ne bascule dans deux guerres totales. Le
prix Nobel de la paix a, en revanche, été attribué à Norman Angell auteur d’un essai au
retentissement mondial où il expliquait que dans le cadre de ce que l’on
n’appelait pas encore la mondialisation toute guerre entre Etats européens
était devenu impossible. Ce livre s’appelait La grande illusion et il a été publié en 1910.
Le premier principe
extraordinaire est donc qu’on ne badine pas avec la vie de la nation et que
rien ne doit entacher le fonctionnement de ce qui la protège. L’exemple
ukrainien est là pour nous montrer ce qui peut advenir lorsqu’un
Etat vide son armée de toute substance.
J’ajoute, et ce n’est
pas neutre dans le débat en cours, que contrairement aux armées qui nous
entourent, à l’exception du Royaume-Uni, le combat n’a jamais cessé pour
l’armée française. Le nombre de soldats français tombés au combat depuis 1945
dépasse, et de très loin, celui de tous les autres armées de l’Union européenne
réunies. Et ils tombent encore, plus de 600 depuis 40 ans, et ce sont même les
seuls soldats européens qui tombent actuellement au combat. L’armée française
reste donc, plus que d’autre, sensible au deuxième caractère extraordinaire de
la chose militaire : la mort comme hypothèse de travail. Lorsque je suis
revenu d’une mission de six mois dans Sarajevo, période où j’ai vu plus de 50
soldats français tués ou blessés, j’ai
découvert la nouvelle existence dans mon régiment d’une chargée de prévention
qui est venue me demander quels étaient les emplois dangereux dans mon unité.
Le moment de surprise passé, je lui ai expliqué que par principe tous
l’étaient. Car notre première association professionnelle se fait avec la mort.
La mort reçue, bien sûr, et il n’est pas inutile de rappeler que, même si nous
n’avons pas le monopole du risque, être soldat dans l’armée de terre reste le
métier le plus dangereux de France. La mort donnée surtout, car c’est bien là
la spécificité du soldat. Il a dans certaines conditions légales bien entendu,
le droit de tuer, ce qui, on en conviendra, cadre mal avec le premier des
droits de l’homme : la vie. Il faut donc peut-être s’attendre à ce qu’un
jour la Cour européenne des droits de l’homme soit saisie et conclut qu’il
serait mieux que les soldats combattent sans mourir et surtout sans tuer.
Le troisième caractère
extraordinaire de la chose militaire, lié aux deux précédents, est son
caractère non-linéaire, sa turbulence. Le soldat passe son temps de la paix à
la guerre, de la préparation à l’opération, de l’attente au combat, combat qui est sa finalité, ce pourquoi il
existe et il se prépare. Ces variations, ces projections rapides de la quiétude
en France au cœur d’une crise à l’étranger, parfois en quelques heures, ces
dilatations de violences et d’émotions, cadrent mal avec le fonctionnement
habituel et réglé des autres organisations humaines. Dans cette turbulence, c’est
l’impératif de la victoire qui conditionne tout ce qui peut survenir en amont.
Or vaincre dans cet univers extrême impose aussi une préparation, une formation
voire un modelage des hommes qui doivent, pour être efficace, se rapprocher
autant que faire se peut de la dureté et de la complexité du combat réel. Un
entraînement difficile reste le gage de l’efficacité au combat selon le vieil
adage qui veut que « la sueur épargne le sang ». Un dernier
point mérite d’être souligné. Contrairement là-aussi à toutes les autres
organisations et administrations nous devons faire face à des ennemis, pas des
concurrents, des contestataires ou même des délinquants, mais bien à des
ennemis, c’est-à-dire des groupes politiques qui veulent nous imposer leur
volonté par les armes. Outre qu’ils amènent bien sûr avec eux la mort, ces
groupes que nous affrontons, dont on constatera au passage qu’aucun n’est
syndiqué et n’envisage a priori de
l’être, introduisent aussi l’incertitude. Face à un ennemi, le chemin le plus
rapide n’est pas forcément le plus court car c’est peut-être là qu’il vous
attend. Une armée doit être capable de faire face aux attaques de l’ennemi, à ses
surprises, et elle a donc aussi un impératif de souplesse, de réactivité.
A la base de tout cet
édifice, on trouve la relation entre toutes ces exigences du combat et de sa
préparation et celles de la « condition militaire », entendu au sens
de conditions de vie et de travail. La conception que l’on a de cette relation
est alors essentielle.
On peut considérer
qu’il y a étanchéité entre les deux et que ce qui relève de la condition
militaire relève simplement du droit du travail. On peut estimer aussi et
surtout qu’il y a bien une influence. On peut penser par exemple qu’au sein
d’un même budget de fonctionnement que ce qui est pris pour le confort des
hommes le sera au détriment par exemple de moyens d’entraînement ou même que l’amélioration
du confort des hommes est contraire à la rusticité et la rudesse nécessaires
aux combattants. On peut estimer au contraire que l’effort sur les conditions
de vie et de travail ont une influence positive sur le fonctionnement général
d’une armée, surtout quand elle compte dans ses rangs 70 % de contrats courts
et qu’elle est donc fondée sur le volontariat et la bonne volonté à rester. Beaucoup
des jeunes gens qui s’engagent chez nous, notamment dans les unités de combat,
viennent certes pour y trouver une vie exigeante mais si on peut les faire
vivre et notamment les payer correctement c’est encore mieux. Cela contribue à
augmenter le nombre de volontaires et donc la sélection à l’entrée, cela
contribue aussi à les maintenir en service et donc aussi à augmenter notre
niveau d’expérience.
On est bien là au cœur
du commandement qui doit arbitrer entre tous ces éléments y compris jusque dans
les combats, où il faut là encore estimer le risque pris au regard de
l’impératif de réussite de la mission et c’est bien ici également que se situe
la problématique des associations destinées à la défense des droits individuels
ou collectifs de ses membres. La plupart des militaires français, en
particulier dans le corps des officiers pensent que l’introduction de telles structures
et en particulier des syndicats aurait tendance à modifier négativement la
préparation et même l’engagement de nos forces, jusqu’à avoir des conséquences
stratégiques graves. Cela pour plusieurs raisons.
La première, sur
laquelle je passe rapidement tant elle est évidente, est qu’elle peut introduire
une deuxième hiérarchie, potentiellement contradictoire et même concurrente de
la première. Elle introduit un biais qui sape le principe d’obéissance aux
ordres. La discipline, force principale des armées, ne sera jamais une formule
ringarde tant qu’il sera question de vie et de mort, depuis les individus
engagés au combat jusqu’à la nation même. La deuxième est l’idée que cette
séparation entre ceux qui s’occuperaient spécifiquement de la
« condition » et ceux qui
s’occuperaient simplement de la conduite des opérations auraient des
conséquences graves sur l’efficience et même l’efficacité de ces dernières. Dans
un monde certes différent du monde du combat, qui est celui de la sécurité
intérieure, la comparaison entre la police et la gendarmerie est édifiante. Pour reprendre les propos du député Folliot, la
syndicalisation de la première induit un coût supplémentaire pour obtenir une
efficacité équivalente à la seconde. Ces différences de coût sont
essentiellement le fait d’une différence de traitements qui sont eux-mêmes source
de frustrations. Quand on a vu, pendant les évènements en Nouvelle Calédonie,
des gendarmes mobiles loger sous des tentes à côté de l’hôtel où logeaient les
CRS, on peut le concevoir. Surtout, la présence de syndicats est souvent
synonyme de contraintes supplémentaires destinées à améliorer les conditions de
vie mais bien souvent au détriment de l’efficacité opérationnelle. Invité par
un ami commissaire, j’ai passé une nuit dans un commissariat. J’avoue avoir été
sidéré lorsque j’ai constaté que tous les policiers s’arrêtaient de patrouiller
entre 1h à 2h du matin pour respecter la « pause syndicale ». C’est à
ce moment-là que j’ai compris qu’un tel mode de fonctionnement était
incompatible avec les exigences opérationnelles militaires.
Vous pourrez me
rétorquer, qu’il ne s’agit pas là du
même métier que le mien, c’est vrai et c’est heureux. On peut constater cependant
et malheureusement, que même si le droit de grève ou de retrait n’existe pas
dans les armées syndiquées, l’habitude, une certaine posture intellectuelle,
font malgré tout que les contraintes appliquées en « temps de paix »,
y transpirent plus qu’ailleurs dans le domaine opérationnel. Alors que je
débutais ma carrière, un de mes anciens me racontaient comment le bataillon
belge arrivant au sein de la FINUL (Force intérimaire des Nations-Unies au
Liban sud) en 1978 avait arrêté d’un seul coup son installation, pourtant en
zone dangereuse, parce qu’il ne fallait pas dépasser le nombre d’heures
réglementaire de travail d’affilée. A un autre moment, le bataillon français
avait dû même prendre en compte le secteur belge, le temps de la résolution de
problèmes internes. Quelques années plus tard, ce sont des militaires néerlandais
qui ont refusé de partir en mission dans la province afghane de l’Uruzgan
prétextant que les matériels n’étaient pas adaptés et qui ont demandé à un
syndicat de les appuyer dans leur refus d’exécuter un ordre.
D’une manière
générale, il n’est pas inutile de souligner que les armées les plus en pointe en
terme de syndicalisation sont aussi celles qui ne combattent le moins parmi les
nations occidentales. Cette causalité est évidemment factice, c’est la
conception politique de l’emploi de la force armée qui est en cause mais c’est
cette même conception politique qui a facilité, sinon imposé, l’existence des
syndicats. Quand on ne conçoit pas son armée comme un instrument de combat mais
comme une force de présence ou au mieux une organisation humanitaire, autrement
dit que l’on nie l’existence d’un ennemi, l’efficacité tactique importe peu et
on peut tolérer toutes les contraintes syndicales. On notera au passage que les
armées allemande, néerlandaise et belge, sont aussi parmi celles qui déclinent
le plus vite en Europe. L’existence des syndicats militaires n’a donc pas plus
sauvé ces armées que dans des nations où ils n’existent pas, comme en France.
Car après ces
critiques générales, il y a un problème conjoncturel majeur qui risque de se
poser en France, avec l’introduction éventuelle de syndicats. Ce problème est
que cette introduction, forcée car les militaires n’en veulent pas,
interviendrait dans une institution déjà en crise. Les exigences que j’évoquais
plus haut sont déjà en réalité mises à mal depuis un certain nombre d’années et
plus particulièrement depuis le livre blanc de 2008 qui peut apparaître
désormais comme une sorte de Mai 1940 administratif. Depuis 2008, la
rationalisation des coûts au sein des armées françaises s’est faite au prix
d’une profonde désorganisation. Avec des monstres comme les bases de défense et
des réductions d’effectifs plus importantes que celles réalisées par le Viet
Minh et le FLN réunis, notre structure s’est rendue vulnérable à des
catastrophes, internes comme Louvois mais peut-être aussi bientôt opérationnelles.
Nous voici désormais
entrés dans une spirale de démoralisation avec les coûts humains et financiers
que cela comporte. Cette implosion humaine déjà se manifeste surtout par des
départs plus rapides et importants que prévus et une plus grande difficulté à
recruter, des problèmes disciplinaires et des problèmes médicaux qui augmentent.
Et voici que l’on
annonce la mise en place éventuelle de syndicats. Certains s’en réjouissent
finalement quand ils constatent la manière dont nous avons été traités par
rapport à d’autres ministères beaucoup plus aptes à la contestation. Une étude
interne de 2008 indiquait que 28 % pensaient que les militaires seraient mieux
défendus avec des syndicats, il est probable que ce chiffre a augmenté devant
le spectacle du désastre. La grande majorité y demeure cependant très hostile
et considérerait sans doute cette mesure comme un coup de grâce.
Sans même évoquer ce
qu’il peut y avoir de choquant pour les défenseurs de la France de constater
que celle-ci ne maîtrise pas plus le fonctionnement de son armée que celui de son
économie et ses finances, il est probable qu’après avoir constaté la forte
dégradation de notre soutien logistique, de notre administration, jusqu’au
paiement des soldes, les militaires considèrent que c’est désormais le système
de commandement, déjà affaibli, et notre système de dialogue social qui
seraient aussi en danger. Que ce dernier soit perfectible est sans doute
vrai mais il faut désormais être très prudent avec les innovations sociales ou
organisationnelles.
Le point de rupture
n’est pas loin et il suffirait maintenant de peu de choses pour
l’atteindre.
Je vous remercie de
votre attention.
Michel Goya
On ne pourra pas me taxer de partialité sur le sujet ! Dans une autre vie j’ai été délégué syndical 10 ans dans la sécurité privé, au départ par hasard et par défi par la suite (une belle époque où l’on cherchait à vous acheter ou vous écraser après une réunion tardive le soir) mais globalement une belle évolution du métier, un contre-pouvoir face aux intérêts financier égoïste d’individus sans scrupule et aujourd’hui je suis préventeur des risques professionnels contre les mêmes ! Mais sans réserve mon Colonel je vous suis à 100%, nous devons préserver l’armée de de cette « marmelade » qui englue tout, des négociations interminables, des réunions stériles, des demandes absurdes, des batailles d’égo de petit-chefs, des frustrés, des altruistes (la guerre c’est mal), de plus la France à les syndicats qu’elle mérite « politisé à mort » aucune Independence.
RépondreSupprimerNotre armée doit garder des valeurs martiales, et continuer à développer ses propres institutions représentatives et fraternelles et se battre pour que l’Europe supprime ceux qui existent et l’inscrivent dans la charte de défense du citoyen Européen.
Comme Sapeur-Pompier Volontaire, je vois le niveau de connerie des relations syndicales des pompiers professionnels et l’impact négatif sur l’opérationnel.
Comparaison gardée même Staline a supprimé l’autorité les commissaires politiques dans l’armée rouge pour vous dire le niveau d’inconséquence opérationnel que cela avait atteint…
Citoyens vous êtes tous responsables collectivement de la qualité de notre Armée Nationale !
Que le "syndicat à la française" soit mal adapté au métier des forces armées est peu contestable. Il me semble même qu'il est un obstacle très au delà des forces armés, a de nombreux projets économique, et que cette particularité syndicale est sans doute pour partie responsable de notre déclin.
RépondreSupprimerRéduire la question à un pour ou contre les syndicats dans les armées me semble cependant un moyen de fausser le débat que suscitent, légitimement me semble t-il, les arrêts de la CEDH.
Le rapport du député Cornut-gentille de 2011, sur le dialogue social des militaires, proposait plusieurs pistes dont certaines méritent d'être étudiées.
Ramener de débat à deux alternatives extrêmes, le statu-quo ou le droit commun, est une manière d'esquiver des réformes potentiellement porteuses d'un vrai progrès.
Pour mémoire toutefois, le droit d'adhérer à un syndicat est inscrit dans le bloc constitutionnel, ce qui l'assimile, me semble t-il, à une liberté fondamentale. Ceci, quoi qu'à confirmer par des juristes plus affutés que moi, emporte deux conséquences:
-tout d'abord, qu'une loi simple ne saurait priver quiconque de ce droit;
- plus important, que l'avis majoritaire des uns ne saurait priver un individu, fut-il seul, d'exercer ce droit.
Le choix d'une solution équilibrée me parait ainsi souhaitable, moralement, juridiquement, et aussi parce que rien ne permet de penser que l'armée est un danger pour la démocratie chez nous.
Quand à la préservation de la capacité opérationnelle, cet argument me semble mis en avant un peu trop souvent: on peut, je pense, obéir a son chef et à ses devoir avec fidélité, et se défendre d'un abus de l'administration. Le nouveau fonctionnement des armées donne bien des occasions ou des décisions échappent à la chaine de commandement organique, notamment concernant les droits financiers individuels (soldes, indemnisation des déplacements..)
Anonyme OUI il y aura toujours des syndicats positivistes et des hommes intègres qui ne mélangeront pas tout.
Supprimer« Imaginer une manifestation pour passer les sections à 40 hommes ou avoir plus de char en service » pour moi voilà le bon côté.
Mais combien « d’emmerdeur en série » une solution intermédiaire est déjà d’interdire l’activité syndicale sur les théâtres d’opération, ou en guerre.
Je suis aussi pour une représentativité indépendante mais adaptée à l’armée surtout pas le copier-coller du civil
" Imaginer une manifestation pour passer les sections à 40 hommes ou avoir plus de char en service" n'est pas pour moi le meilleur emploi d'un syndicat ou d'une instance de dialogue social.
Supprimer- D'une part parce que cela relève du corporatisme pur et simple, et qu'il est aisé d'en constater les effets dans d'autres administrations et "entreprises étatique";
- d'autre part parce que cela impliquerait une co-gestion avec le commandement, qui doit typiquement rester maître de ces décisions, touchant à l'organisation;
- Enfin, parce que cela implique un syndicat, ou une association "aux ordres" du commandement,, donc vidé de toute crédibilité.
Parmi les emmerdeurs en séries, il est quelques cas de personne en réalité confrontées a de vraies injustice. Ce n'est pas faire insulte a l'institution que d'admettre qu'il arrive qu'un chef se trompe, d'autant que l'armée garde ce mérite de confier tôt des responsabilité d'encadrement. Je me refuse à citer ici des exemples, qui pourraient, dans le contexte d'internet, être repris sans que soient mentionnés leur caractère d'exception. Mais ce serait s'aveugler qu'imaginer qu'un cadre disciplinaire rigoureux puisse être appliqué à 200 000 soldats sans qu'il advienne occasionnellement, qu'un cadre ne fasse une erreur ou un excès. Dans les rares cas ou cet excès n'est pas corrigé par la hiérarchie elle même, une instance capable d'accompagner la procédure de recours ne me semble pas délirante.
Enfin, et comme je le disais dans mon premier commentaire, la question des droits financiers, notamment dans le cadre de Louvois, génère aussi des motifs de recours pour lesquels l'existence d'instance pouvant conseiller et le cas échéant, représenter les personnels. Elles auraient peut-être aussi pu alerter, voir simplement dissuader par leur seule existence, la mise en place d'un outil de solde dont la fiabilité n'était pas certaines. Est ce être un emmerdeur que d'exiger (et le terme n'est en rien excessif) d'être soldé, en temps et en heure, du montant duquel l'état vous est redevable ? ou d'exiger d'être remboursé des frais engagés à l'occasion d'une mission ?
Pour ce qui est de l'activité syndicale sur les théâtres d'opération, elle ne me semble, effectivement, pas envisageable. Les éventuels problèmes peuvent être traités une fois revenu en métropole, si nécessaire. Pour autant, l'OPEX n'est pas une zone de non-droit
Quoi qu'il en soit, le problème, tel que je le perçoit, n'est pas réellement celui des syndicats dans les armées: c'est surtout le syndicalisme à la française, qui implique, dans l'administration, une cogestion et un esprit de contestation arque bouté sur une idéologie archaïque. Ce syndicalisme là n'a aucune place dans les armées. Je dois dire que ce syndicalisme là m'inquiète bien plus quand je confie mes enfants à l'école, ou lorsqu'il fait planer un doute sur l'impartialité d'un juge.
Je me permet cependant de souligner que de nombreux représentant syndicaux de terrain, loin de ces excès médiatisés, font un excellent travail de concertation véritable, et se refusent à défendre les cause indéfendables. On les reconnait souvent au fait qu'ils sont à la fois représentants syndicaux et de vrais bons acteurs de leurs domaines, qu'ils se tiennent loin des outrances et des caricatures et qu'on peut, avec eux parler d'un problème dans l'optique de le résoudre, plutôt que d'en faire un clivage durable.
S'il était possible de créer un dialogue social uniquement animé par des hommes de bonne volonté, le problème serait si simple.
Un exemple intéressant que vous citez:
Supprimer" Est ce être un emmerdeur que d'exiger (et le terme n'est en rien excessif) d'être soldé, en temps et en heure, du montant duquel l'état vous est redevable ?" manifestement, vous ne connaissez personne à l'Education nationale, ministère pourtant fortement syndicalisé et de la "bonne couleur" actuellement. sinon, vous sauriez les énormes difficultés qu'a le personnel enseignant pour commencer à toucher son salaire? des mois sans rien, chose que je n'ai jamais vu en plus de 30 ans de service dans nos armées. Bref, les syndicats ne servent à rien dans ce cas (d'ailleurs, les représentants syndicaux sont payés, eux, rubis sur l'ongle).
Globalement j’aime bien votre analyse, je vous rappelle que j’ai été syndicaliste et que cela a été positif pour moi, pour mon métier et socialement pour des hommes et femmes en difficultés et incapable de se défendre seul, s’adresser à Dieu directement à souvent du bon ! Il apprend plein de chose qu’il ne sait pas ou qu’il ne souhaite pas savoir et inversement. Un contre pouvoir compétent et indépendant, ouvrir sa « gueule » oui dans la légalité, mais une organisation militaire: la CFDT Confédération Française des Guerriers et Troupiers.
Supprimer
RépondreSupprimerAncien universitaire, j'ai vu de très près les syndicats à l'oeuvre. Ils ont la plupart du temps un rôle de blocage, défendent souvent des cas indéfendables et pérennisent le passé.
Certes, comme tout animal, je me suis adapté à la situation et j'ai parfois réussi à faire avancer un projet ou deux, ce qui passait par des jeux d'alliances.
Tant que les syndicats fonctionnent comme nous le voyons dans notre pays, en se fondant sur des principes démontrés comme faux depuis 25 ans au moins, ils sont mortels pour l'emploi et l'ensemble de l'économie.
Alors, pour nos forces armées, ce serait la mort instantanée.
Alors, Colonel, j'admire votre intervention.
Continuez
Comme beaucoup d'organisations humaines, les syndicats ont eux aussi tendance à sortir du cadre qu'on leur a assigné. Ce sont des enjeux de pouvoir qui les conduisent à cela. Je prendrai l'exemple des syndicats dans l'enseignement que vous semblez connaître. Ils participent aux commissions de mutation et aussi de notation des enseignants. Si c'était pour vérifier le bon fonctionnement desdites commissions, la transparence, la régularité des procédures...il n'y aurait rien à redire au contraire. Mais pour toutes une série de raisons (démission du pouvoir, volonté de les "piéger" dans une prétendue "cogestion", ils en sont arrivés à intervenir directement dans la notation par exemple, ce qui n'est absolument pas leur rôle. Résultat : on voit des enseignants se syndiquer uniquement au moment des mutations et des notations ou choisir le soi-disant "bon syndicat" dans l'espoir d'obtenir plus aisément ce qu'ils souhaitent. Il y a là une profonde dérive préjudiciable à l'idée même du syndicalisme. Que l'armée soit épargnée de cela, c'est le souhait que l'on peut formuler au vu des détestables évolutions de trop de syndicats en France. J'ai moi-même été le témoin direct de pressions dans le cadre de commissions techniques nationales des programmes. Fort heureusement à cette époque nous avions encore les moyens de recadrer ces choses.
SupprimerDommage, vous vous êtes trompé d'objectif. Votre déclaration est certes excellente mais elle arrive trop tard puisque de toutes façons, nos successeurs auront des associations professionnelles. Il aurait été plus judicieux de présenter le cadre à imposer à ce dispositif pour en limiter les effets en particulier en opération et vis-à-vis de la hiérarchie.
RépondreSupprimerBonne continuation.
Bravo pour cette excellente intervention.
RépondreSupprimerles syndicats sont interdits dans l'armée américaine
RépondreSupprimerhttp://www.law.cornell.edu/uscode/text/10/976
par contre il y a une plus grande liberté d'expression
Comment est-il possible de dire et d'écrire "les militaires ne veulent pas des syndicats" ? Quels éléments vous permette cette analyse ? Personne n'est en mesure de porter un tel jugement pour la raison bien simple qu'il n'y a pas de sondages internes à l'armée sur ce sujet.
RépondreSupprimerIl est par contre certain comme vous l'indiquez que le moral est à zéro. Les fautes sont partagées et il serait aussi trop simpliste d'accuser le pouvoir civil de n'avoir pas donner les moyens à l'armée de fonctionner. La bureaucratisation des états-majors, le lobbying des industriels, les guerres de chapelles entre les corps, les écoles, et surtout la déperdition des valeurs fondamentales dans l'armée ont des conséquences ravageuses. Les combattants qui sont sur le terrain ne voient plus les dividendes de leur travail (ils sont souvent exclus des remises de décoration. Prenons le temps de discuter avec des jeunes militaires et de comprendre les causes profondes de ce malaise avant d'accuser Bercy.
que connaissez-vous, mon cher anonyme, de la "vraie" armée? avez-vous une "réelle" expérience d'état-major opérationnel, de commandement des hommes, de partage et de défense de ces fameuses "valeurs fondamentales"?
Supprimerquant au lobbying industriel, il existe assurément, mais ce ne sont pas les "vrais" soldats qui sont décideurs en la matière, mais le cabinets des différents ministres concernés et l'incontournable DGA, certes de statut militaire, mais particulièrement éloignée (sauf rares exceptions) de la chose militaire.
Mon cher Michel, bravo pour cette intervention limpide. Comme à ton habitude!
RépondreSupprimerLa décision de la CEDH a clos la discussion sur le fondement légal du droit d'adhésion des militaires à un syndicat ou a une association professionnelle : fermez le ban !
RépondreSupprimerLa messe est dite, il convient désormais d'en définir son nouveau contenu, les formes de sa célébration en concertation avec les fidèles afin d'assurer la plus grande adhésion.
Ceci permettra d'évaluer le crédit à accorder aux réponses données à des études internes, dont nul n'ignore que le mode de questionnement est établi de manière à obtenir les réponses souhaitées.
D'ores et déjà, l'un des initiateurs des recours a élaboré des propositions de statuts d'une association professionnelle et d'une charte éthique.
Son projet écarte toutes les sujets de crainte exposés par la hiérarchie militaire : Grève, droit de retrait, manifestations publiques, prises de parole dispersées …
Pouvait il en être autrement de la part des militaires, sauf à les penser dénués de la capacité de réflexion !
Il serait sans doute intéressant que la commission entende les initiateurs de ce projet et recueille la diversité des opinions ou sensibilité sur le sujet.
Mon Colonel,
RépondreSupprimerJ'ai écouté votre intervention, pleine d'humour devant la commission.
J'ai regretté que vous ne parliez que de syndicats, et pas d'associations professionnelles... En effet si tout syndicats est une association, l'inverse n'est pas vrai!
Par ailleurs, il existe beaucoup de sujets (logements, retards de soldes, frais de déplacement, déménagements, chancellerie, etc., ...) qui ne touchent pas à l'opérationnel, et qui mériteraient de pouvoir être abordé avec les personnels... Discutés avec eux, et non pas imposés... De même sur le choix des équipements? Pas tous, mais certains, par exemple les chaussures de combat, les lunettes pare-éclats, etc., ,.. Peut-être qu'une consultation des personnels, via leur association professionnelle, pourraient avoir du poids vis-à-vis de certains choix du Commissariat aux Armées, ou de la DGA? Je rappelle que le Code des Marchés Publics parle du MIEUX disant, et non pas du MOINS disant... Pourtant systématiquement utilisé comme critère de choix!
Je suis sûr que dans le cas de Louvois, la mise en service en aurait été retardée... Et non pas imposée par le Cabinet du Ministre à de Grands Décideurs, qui savaient bien que çà ne fonctionnait pas, si l'on avait consulté les personnels. Et tous y auraient gagné!
Ensuite, c'est à la Loi d'encadrer les domaines dans lesquels cette association peut exiger d'être consultée, et/ou doit être écoutée... Et les domaines qui lui échappe...
Là, vous voyez, Monsieur Goya, il y a matière.
SupprimerManifestement sur les sujets qui sont soulevés dans ce commentaire, on voit bien que les instances internes de concertation dans l'armée sont... je cherche mes mots:
- inexistantes
- merdent grave
- folkloriques (on peut même les visiter lors de la journée du patrimoine)
- rigolotes: mes gosses en veulent une pour Noël, si vous pouviez m'en laisser de côté ce serait sympa, le 25 approche
- etc
Et je ne vous parle même pas des viols et de la condition de la femme militaire et, encore moins cela va de soi, de la femme de militaire, ni même de la femme militaire femme de militaire. T'es mutée où chérie? Ca va pas te plaire, chou.
Qu'il est facile aujourd'hui pour ce colonel de critiquer la politique militaire du gouvernement mais qu'ont-ils fait tous ces généraux et colonels grassement payés pendant ces années pour défendre notre institution militaire. Pardon il est vrai qu'ils étaient tous occupés à copiner avec nos pourris de politiques pour certains obtenir leurs étoiles et pour d'autres d'obtenir les suivantes car ce que ce monsieur oubli de vous dire c'est que tout cela se fait en conseil des "sinistres" pardon des ministres et ils commencent maintenant à flatter le troufion de base maintenant qu'il a compris que ce dernier ne lui obéit plus aussi docilement qu'avant et qu'en cas de conflit beaucoup de nos chefs tomberont mais pas sous le feu de l'ennemi...
RépondreSupprimerJuste un petit mot, en réponse au commentaire de "Anonyme, du 23 nov à 14:50". M. Michel Goya est tout sauf un "colonel grassement payé" qui serait "occupé à copiner". Pour suivre ces écrits depuis quelques années, j'ai appris qu'il est en réalité un homme de terrain (de mémoire, sous-officier), ayant réalisé des "vraies missions/opérations", et qui a progressé par les concours internes, tout en devenant un analyste militaire et géopolitique de tout premier rang en France (et plus largement). Dans ce dernier cadre, ses écrits/articles/livres sont le plus souvent à contre-courant de toute pensée unique et ne sont jamais marqués par de la complaisance à l'égard des hommes politiques. Cordialement . G de la Rochebrochard
RépondreSupprimerMonsieur Goya?
RépondreSupprimerComment ce discours a-t-il été reçu?
Je vois (sur le site de l'assemblée: commission du 19/11/14; intervenants: vous-même et Mme Castillo et M. Jakubowski) que vous avez tenu un discours que vous qualifiez vous-même de conservateur et qu'il a suscité, immédiatement après son prononcé, quelques remous dans la salle.
Quand le président rappelle "l’œuvre utile" du débat d'une commission, c'est que ça coince quelque part.
Ma première question (qui ne doit pas nécessairement recevoir réponse): s'agit-il bien du même événement? Je constate une différence notoire entre votre billet, ici et maintenant, et votre intervention, là-bas et l'autre jour, et je recadre mal.
Deuxième question: n'avez pas trop l'esprit d'escalier et pas assez celui de la répartie?
Autrement dit: dans ce billet, ne répondez-vous pas tardivement et incomplètement à des objections qui, dans le cadre de ce débat dynamique, vous ont été opposées?
Madame Castillo vous dit ainsi et en substance:
"On ne peut pas rester sur cette idée que le syndicalisme consiste à donner à tout le monde le même droit à la défiance à l'égard des institutions (égalisation du droit à la défiance et la contestation versus un "dialogue social" plus constructif, voire cogéré, comme le suggérait la référence allemande faite par un autre député: Bundeswehrverband).
Une députée insiste par ailleurs sur le caractère obligatoire de la jurisprudence européenne: le "la" a été donné, maintenant, il s'agit de mettre au norme, dit-elle en substance. Pas d'état d'âme, en somme.
M. Christophe Guilloteau reprend une argumentation contre les syndicats: l'armée, c'est pas La Poste. Si on veut être un "9 to 5 man" (un homme aux horaires de bureau avec des revendications de conventions collectives et d'assurance sociale qui donnent envie de se coincer les doigts dans un tiroir pour grappiller des jours de congés ) on va à La Poste, pas à l'armée qui, par ailleurs, a tout de même des instances internes qui permettent un dialogue sociale suffisant, de son point de vue.
Madame Castillo, accommodante, oppose à cela le modèle portugais (association professionnelle de militaires).
Vous lui répliquez en revenant sur une date clé: 2008 en citant cette fois-ci une étude interne qui ventile par 25% les revendications de base de la base (je compte d'ailleurs 75% dans votre énoncé et je me demande où est passé le quart restant) mais vous insistez sur les "carrières courtes", qui trouvent inutiles la représentations syndicale, la faible demande syndicale des sous off, et la baisse de qualité du commandement, en mettant en avant le rôle supplétif des organes de concertation, qui existent, et qui pourraient permettre de se passer de syndicats.
Monsieur Jakubowski conclut en invitant à faire preuve de créativité, en militant pour un mixe: l'association professionnelle doit pouvoir siéger dans le CSFM);
A ce stade, c'est technique et je suis largué.