Adaptation d'un billet du 26/08/2014
« Les barbares habitaient dans
les angles tranchants
exilés au large du business »
Bernard
Lavilliers
Dans
les passionnants Brève histoire des
empires et plus récemment Fascination
du djihad-Fureurs islamistes et défaite de la paix Gabriel Martinez-Gros
reprend les thèses d’Ibn Khaldun sur la dynamique des empires en les étendant
au-delà des cas étudiés par le grand penseur arabe. Il y pose en particulier la
question fondamentale de la contradiction entre le monopole étatique de l’usage
de la violence, qui induit une démilitarisation de la société, et la défense de
cette même société. Le problème se présente de manière de plus en plus aiguë au
fur et à mesure que la pacification (associée chez Ibn Khaldun à l’idée de
sédentarisation) permet le développement d’un cycle de croissance économique
fondé sur les échanges entre un centre urbain consommateur et une périphérie
productrice. Cette prospérité ne manque pas en effet de susciter les
convoitises des « nomades » extérieurs, qui eux restent de culture guerrière
tribale (asabiya), alors même que les
guerriers qui ont permis la création et la prospérité de l’Empire ont été
domestiqués ou, s’il s’agit de citoyens-soldats, comme les premiers Romains,
ont de plus en plus de réticence à servir au loin d’une cité qui n’apparaît
plus menacée.
Un
empire peut rester dans cet état de faiblesse, voire de démilitarisation, comme
la Chine des Song du Xe et XIIIe siècle. Il finit
généralement dans la douleur, envahi par les Mongols dans cet exemple. Il
décide généralement de faire appel à des mercenaires, soldats professionnels qu’il
trouve en son sein dans les classes les plus modestes (« la partie la plus vile
de la nation » selon l’Encyclopédie) ou, de plus en plus, à l’étranger, en particulier
dans le limes qui fait fonction à la fois de frontière et de lieu d’échanges.
La richesse permet le recrutement de guerriers et celui-ci permet en retour
l’expansion. Les « nomades » se sédentarisent à leur tour adoptant les mœurs de
l’Empire et il faut pousser toujours plus loin pour « importer » des guerriers.
Arrive le moment où le moment où la charge combinée des « coûts de sécurité », qui augmente plus que proportionnellement
avec la taille de l’empire (le nombre de voisins ennemis augmente), et de l’entretien
de l’élite devient supérieur à ce que peuvent offrir l’économie locale et la
prédation des voisins. L’empire brille à son maximum mais ce n’est déjà que la
lumière résiduelle d’un astre d’autant plus mourant que l’élite dirigeante est
passée du stade méritocratique au stade héréditaire. Le reflux n’est alors pas
très loin de cette « surexpansion impériale » qu’on décrit également
Paul Kennedy dans Montée et chute des
grandes puissances et avant lui Arnold Toynbee.
Gabriel
Martinez-Gros décrit les exemples des empires romain, arabe, chinois, mongol et
moghol, poussant jusqu’aux empires coloniaux modernes mais en considérant
cependant que la démocratisation et la révolution industrielle ont permis de
rompre avec le système décrit par Ibn Khaldun. La concurrence permanente des
Etats-nations européens a permis, en trois siècles, l’émergence des révolutions
scientifique, politique et économique. Grâce aux innovations de toutes sortes
imaginées par les Européens, il devient possible de dépasser la loi de Malthus.
La croissance économique et démographique peuvent être parallèles et mêmes
fortes. Pour la première fois, il devient possible d’arracher les bras des activités
agricoles pour d’autres activités tout en continuant à être nourri. Dans le
cadre des Etats modernes, il devient même possible de mettre en place un
service militaire permanent et de mobiliser des millions d’hommes pour le
combat, jusqu’au paroxysme des guerres mondiales. Ibn Khaldun ne pouvait
évidemment pas anticiper non plus l’apparition de l’arme thermonucléaire qui
modifiait considérablement la manière d’envisager l’emploi de la force. Et puis
l’ « horloge du destin » de l’université de physique de Chicago,
qui indiquait en 1983-84 que l’on n’était plus qu’à quelques minutes de minuit
(l’apocalypse nucléaire) s’est arrêtée soudainement en 1991.
La
fin des affrontements idéologiques, la suprématie de la puissance militaire
américaine et du modèle économique libre-échangiste ont semblé marquer pour
certains la fin de la guerre et donc la fin de l’Histoire. Dans ce Nouvel ordre
mondial à sens unique, les ennemis disparaissaient au profit des risques et des
délinquants (Etats-voyous), la guerre laissait la place à la sécurité, les
armées de conscription à un petit nombre de professionnels. En 1910, Norman
Angell écrivait que toute guerre entre Européens ne pouvait être qu’une Grande illusion dans cet univers
mondialisé et prospère. C’était évidemment lui qui se trompait. La prospérité n’empêche
pas le désir de combattre. Norman Angell écrivait une nouvelle version de La Grande illusion en 1933, où il
persistait dans son idée. Il obtenait le prix Nobel de la paix mais se trompait
toujours autant. C’est finalement une forme de dégoût après les horreurs du siècle,
la protection par le nucléaire et les Etats-Unis et la fin de la menace
soviétique qui ont fait de l’Union européenne une nouvelle Chine des Song.
Pour
autant, si le monde s’est unifié en un immense ensemble libéral et
partiellement démocratique, si les guerres entre Etats ont fortement diminué,
la violence est toujours là dans les marges et souvent même en réaction contre
cette platitude générale. Pour Gabriel Martinez-Gros, le djihad globalisé est
une insurrection contre la mondialisation libérale. Une volonté de combattre là
face à l’idéologie de la paix, l’envie de participer à un groupe fort plutôt qu’à
une atomisation consumériste et le choix de l’Islam comme cadre idéologique
viril. Ces gens ne manquent généralement de rien de matériel, ils ne sont pas
frustrés de démocratie et de paix, ils ont envie d’être des combattants et d’être
reconnus comme tels. Un caporal-chef issu de l’immigration maghrébine me
déclarait un jour que chaque fois qu’il franchissait l’entrée du 21e
Régiment d’infanterie de marine, il passait de rien à quelqu’un. Combien parmi les
départs en Syrie, ont-ils simplement envie de devenir « quelqu’un »,
de faire partie d’une aristocratie guerrière, petite (« équipe de basket
de 3e division » selon Barack Obama) mais capable de défier les
Etats arabes et les puissances occidentales. Ils ressemblent bien plus aux volontaires français de la Waffen SS qu'à de simples criminels psychopathes. Ils se moquent bien des
anti-racistes, des pacifistes ou tiers-mondistes.
Nous
voilà donc placé à nouveau devant le dilemme impérial que décrit Ibn Khaldoun.
Comment une société qui n’aspire qu’à une paix bien éloignée des valeurs
guerrières peut-elle se défendre ? Ces hommes, on les trouve finalement à
la périphérie de la France mondialisée, dans quelques poches d’asabiya (en
Polynésie par exemple), par l’émigration combattante (Légion étrangère) et
surtout chez les « nomades » internes, au cœur des « fractures » décrites par
Christophe Guilly. Sur les 89 hommes morts pour la France en Afghanistan, bien
peu sont issus de la bourgeoisie des grands centres urbains. Les sociétés
militaires privées recrutant dans les terminaux des empires ou y amenant des
volontaires venus du monde entier sont une suite logique du recrutement de ces
nouvelles armées. Le problème est alors que ces petites guerres étaient
longtemps cantonnées aux marges, les nomades frappent désormais au centre car
la périphérie existe aussi en France autour des grands centres mondialisés. L’élite
gouvernante, qui n’avait pas anticipé cela et qui se trouve être la moins « guerrière »
de toute notre Histoire, s’en trouve visiblement troublée, ne trouvant pour l’instant,
ni réponse, ni discours cohérent.
Votre analyse de l'origine sociale des hommes tombés en Afghanistan est intéressante. C'est sans doute une des raisons majeures qui ont conduit des hommes comme Abrams et bien d'autres à professionnaliser l'US Army (et les autres armées) à la fin de la guerre du Vietnam. Ils avaient compris que les jeunes américains de la société de consommation (en particulier les bourgeois WASP) n'iraient plus combattre comme leurs anciens à Bastogne ou en Normandie. Pour être soldat, il faut un minimum de motivation. Et de tous temps, les armées ont recruté des guerriers parmi les pauvres encadrés par quelques idéalistes. Seule une atteinte aux intérêts immédiats et à la survie fait s'engager ceux qui ont déjà tout. Il paraît que les jeunes alaouites qui avaient l'habitude de faire du jet ski sur les belles plages de leur pays sont désormais dans l'armée alors qu'ils ne voulaient pas faire leur service avant 2011. Est-ce vrai ?
RépondreSupprimerA l'opposé quand on gagne un dollar par jour dans un atelier, il vaut encore mieux être combattant...
Avant dans l'Armée, on voyait du pays et on avait une vie (sur le plan des moeurs en particulier...) loin des conventions sociales. Aujourd'hui, on trouve cela ailleurs que l'Armée. Et puis le soldat occidental voit-il vraiment du pays avec toutes les contraintes (sécurité, grandes bases, peur des médias, etc) qui pèsent sur lui ? Franchement, ca donne pas envie de s'engager...Six mois enfermés sur l'aéroport de Kaboul, ca vous tente ?
Selon vous, peut-on imaginer recréer une sorte de Garde Nationale ? Avec une instruction limitée au secourisme, au tir de combat et au combat de la section comme niveau tactique. Mais comment attirer des personnels ? Réduction d'impôts ? Compensation financière ? Paiement du permis de conduire ? Recrutement prioritaire dans la fonction publique ? Rendre obligatoire le service pour les candidats reçus à l'ENA et à l'X ? Mais est-ce qu'une telle Garde Nationale forcément peu équipée et peu ou pas projetée intéresserait réellement les industriels de l'armement et les chefs militaires ?
Je crois que c'est Van Creveld qui a du écrire un truc du genre : "La seule chose qui compte vraiment dans l'Histoire militaire, c'est la motivation et l'esprit de sacrifice. Sans cela, rien d'autre n'a d'importance"...
Merci encore pour votre blog.
'' Rendre obligatoire le service pour les candidats à l'ENA et à l'X '' Pour cette dernière grande école, le Président du conseil Clemenceau déclaré en 1917: " Vous voulez que l'Allemagne perde rapidement la guerre? Donnez leur l'école polytechnique !" et pour l'ENA, je n'aurais pas l'outrecuidance de rappeler que notre PdR actuel a voulu faire son service militaire dans le Génie et qu'il sortait de l'ENA...
SupprimerJe vais certainement faire un procès d'intention, mais notre président actuel n'a pas voulu faire son service militaire : il a plutôt voulu s'afficher comme quelqu'un qui ne cherche pas à se planquer. Il a effectué son service non pas au 71ème RG (Régiment du Génie) mais au 1er RPCM (régiment près de chez moi). En effet, ce régiment tenait garnison à Oissel, banlieue de Rouen où habitaient à l'époque Papa et Môman.
SupprimerLes mauvaises langues les plus perfides ajouteront qu'à l'époque, Rouen était la garnison d'un régiment d'infanterie, affectation que notre président à soigneusement évitée.
VQE
Je crois que c'est Van Creveld qui a du écrire un truc du genre : "La seule chose qui compte vraiment dans l'Histoire militaire, c'est la motivation et l'esprit de sacrifice. Sans cela, rien d'autre n'a d'importance"...
RépondreSupprimerEncore faut il pour cela avoir des repères que nous aurons légué nos parents ainsi que tout les acteurs des corps sociaux constitués encore faut il croire à la patrie terres de nos ancêtres encore faut il croire en l'avenir de nos enfants pour lesquels nous donnerons notre vie. bref une âme pour un peuple, une terre pour un peuple !...
Il semble que les volontaires étrangers au sein de l'EI ne manquent ni de motivation, ni d'esprit de sacrifice. Et ceux qui viennent de chez nous ne suivent, pour la plupart, ni les repères légués par leurs parents, ni l'amour pour une patrie ancestrale (même si il semble que l'avenir de leurs enfants semble un facteur explicatif plus crédible)
SupprimerSi c'est possible de trouver motivation et esprit de sacrifice sans s'appuyer sur les facteurs que vous évoquez pour aller s'engager chez Daech, ça devrait pouvoir aussi fonctionner pour s'engager de notre côté, non ?
Ibn Khaldun écrivait en plein moyen-âge, musulman qui plus est, donc dans une société d'agriculteurs dominés (de façon naturelle) par des guerriers.
RépondreSupprimerCe n'est effectivement plus le cas aujourd'hui : il y a peu d'agriculteurs, les guerriers ne pourraient plus dominer de manière profitable l'économie tertiarisée par la force ; la combativité reste indispensable, mais ce qui fait la sécurité de l'Occident à l'heure actuelle c'est sa supériorité technique. C'est donc aussi cette supériorité technique qu'il s'agit de maintenir.
Il est vrai qu'il ne faut pas que le lien entre l'armée et la nation s'affaiblisse, et c'est sans doute un problème actuellement. C'est aussi une question de mentalité : dans d'autres pays, qu'il y ait eu ou non historiquement un service militaire, ce lien reste de bonne qualité.
De même, en Suisse ou dans les pays germaniques, il reste un service militaire. Mais il faut bien reconnaitre que, dans les dernières années du service militaire en France, on ne savait pas occuper tout le monde. Certains, initialement motivés, en venaient à se faire réformer psycho en cours de service, tant l'inactivité leur pesait, ce qui est sans doute pire.
Je ne sais pas si les gens des grandes métropoles se font actuellement recruter dans l'armée. Qu'en est-il à Saint-Cyr, etc...? On lit parfois des diatribes sur la trop grande sélectivité sociale de ces concours.
Enfin, depuis Ibn Khaldun, les Anglais ont inventé des procédures pour entretenir esprit d'équipe et fighting spirit : il s'agit de cérémonies où l'on se met en short sur une pelouse, et où on s'efforce de porter une balle ovale (autrefois en peau de chèvre, à présent en cuir synthétique) derrière les lignes adverses.
Les Autrichiens, consultés par référendum en 2013, ont voté pour le maintien du service militaire obligatoire de six mois.
SupprimerPar contre, le service militaire a été aboli en 2011 en république fédérale d'Allemagne, après 45 ans d'existence (il a été instauré en 1956).
Ibn Khaldun, voilà un penseur que j’apprécie particulièrement. Ravi de le voir cité sur ce blog.
RépondreSupprimerSinon, votre billet fait écho aux difficultés de recrutement par l’armée avec pas loin d’un candidat par poste il me semble. Les armées professionnelles des pays démocratiques ressemblant de plus en plus à celles des armées anciens régimes !
Cette hypothèse fascinante vient naturellement à l'esprit quand on voit l'armée romaine de l'Antiquité tardive, essentiellement composée de Barbares, et qui s'est dans une large mesure finalement retournée contre l'Empire.
RépondreSupprimerEst-elle pour autant fondamentalement juste pour l'Empire romain, et peut-elle être étendue à d'autres empires ?
Pour l'Empire romain, j'ai lu dans Paul Veyne récemment ("L'empire gréco-romain") que l'engagement de Barbares était un bon calcul : soldats bon marché, dont on faisait ses propres combattants au lieu d'avoir éventuellement à les combattre.
Bref, ce n'est pas que les Romains ne voulaient plus devenir soldats, c'est qu'il était plus utile à l'Empire que d'autres le deviennent. Les choses auraient finalement mal tourné, sous la pression d'autres Barbares plus lointains, et aussi un peu par hasard.
Paul Veyne n'entre nullement dans les détails et ne démontre pas, mais tient cette thèse pour acquise ou probable. Je ne l'ai pas vue contredite dans un autre livre récent, "The Fall of the Roman Empire", de Paul Heather.
Par ailleurs, en Europe, la violence hors guerre a beaucoup régressé du Moyen-Age au XXème siècle, mais le courage militaire semble plutôt avoir augmenté. Combien de Thermopyles ont-été défendues jusqu'au dernier homme dans la Seconde Guerre mondiale !
Ceci n'est pas pour dire que ce livre ambitieux et au sujet fascinant est faux, bien entendu - et je serais d'autant plus en peine de l'affirmer que je ne l'ai pas encore lu - mais plutôt pour dire que, s'il est robuste il est très important.
L'extension que vous donnez à sa thèse pour les sociétés contemporaines est vraiment très bien venue.
Comme toujours avec Michel, un excellent article. On peut effectivement se poser des questions quant au recrutement dans l'armée. Mais ce problème se pose de façon encore plus locale: plus de 80% des effectifs de Sapeurs-Pompiers sont volontaires. Et le malaise en recrutement est persistent, alors qu'on ne risque pas vraiment sa vie, que c'est proche de chez soi, qu'on est formé (et qu'on est payé quand on se forme) etc...
RépondreSupprimerPlus gênant, ce problème n'est pas Français mais mondial.
Quelques pistes, sans doute applicables aux militaires, après quelques modifications:
http://www.pompiers.fr/docs/default-source/chambery2013/plan_sapeurs_pompiers.pdf?sfvrsn=2
Sincèrement, au vu du comportement de nos gouvernants actuels ou passés, et dans une société vouée au culte du « fric », il faut vraiment être motivé pour défendre l’idée du patriotisme, voire même celle des simples valeurs de probité et de décence morale.
RépondreSupprimerLa qualité de citoyen et/ou de soldat est antinomique de l’idée du consommateur.
Ils ressemblent bien plus aux volontaires français de la Waffen SS qu'à de simples criminels psychopathes.
RépondreSupprimerVoici une étude sur les combattants non allemands de la 2e guerre mondiale, réalisée par un ex capitaine du corps des Marines américain :
http://www.gutenberg-e.org/esk01/frames/fesk06.html
il cite par exemple une étude néerlandaise sur 264 volontaires en 1948 (van Hoesel) et d'après eux les motivations citées pour les Néerlandais étaient les suivantes : pour 176+13, il s'agit de motivations idéologiques (devoir envers leur engagement ou celui de leur père pour le NSB, parti national socialiste propre aux Pays-Bas) ; pour 83, il s'agit de pauvreté (manque de nourriture à domicile, ce qui était effectivement le cas pendant la guerre) ; et pour 65 d'un besoin d'aventure.
La motivation idéologique semble également très forte pour les trois autres études citées, au Danemark, en Belgique et en Espagne, mais il n'y a pas de chiffres. Les deux principaux contingents de volontaires étaient le contingent espagnol et le contingent néerlandais, les Danois étant également fortement représentés (en proportion de leur population).
Il y avait donc un aspect idéologique et de loyauté important (la date d'engagement joue aussi, il faut se souvenir que pour les Français une partie des combattants ont en fait été des gens initialement engagés dans la Milice, réfugiés en Allemagne en 1944 et versés plus ou moins d'autorité dans la division Charlemagne).
Ici :
http://www.bbc.com/news/uk-32026985
on voit une galerie de photos des djihadistes britanniques, convertis ou non, et on peut se faire une idée du point commun à la plupart de ces profils.
Il n'est pas certain qu'à l'époque de la conscription, les engagés de l'époque n'obéissaient pas aux mêmes motivations que les engagés d'aujourd'hui. Lors de la guerre d'Indochine, le corps expéditionnaire français, était composé de volontaires ou de personnels considérés comme tels.
RépondreSupprimerEn 1954 sur un effectif de 177 000 personnels, les métropolitains représentaient 28% des effectifs soit 50 000 engagés. Les Nord-Africains des départements français de l’époque, 35 000 soit 20% des effectifs, les Africains à qui on demandait rarement leur avis, comme aux Nord-africains, 19 000 soit 11% et les légionnaires 14 000 soit 8%. Les autochtones quant à eux étaient au nombre de 59 000 soit 33%.
A la question « Comment une société qui n’aspire qu’à une paix bien éloignée des valeurs guerrières peut-elle se défendre ? » il serait iconoclaste de répondre : en envoyant au combat des forces qui n’appartiennent pas à la communauté nationale ou qui ne sont pas considérés comme telles, ce qui impose soit de posséder des colonies ce qui est bien entendu hors de propos, soit de faire ce que l’on fait de manière hypocrite aujourd’hui, en décidant de frapper d’en haut pour éviter de se prendre des risques en bas, hors forces spéciales bien-entendus.
Soit en engageant des forces largement sous-dimensionnées, en les associant à des forces locales ou périphériques censées pallier la faiblesse en effectif et moyens, avec le succès que l’on sait, soit en agissant en coalition large, ce qui implique de se soumettre à des objectifs et des buts de guerre pas forcément en adéquation avec nos intérêts vitaux.
Car autant que je puisse me souvenir, parmi les 50 000 hommes de métropole ayant signé un contrat pour l’Indo comme on disait à l’époque, (en puisant dans ce que j’ai connu dans ma famille), ne figuraient en quelque sorte que ceux qui avaient tout simplement le désir de toucher une solde et de respirer l’air du large et de l’aventure, plutôt que d’aller pointer à l’usine. Aucun n’y était allé par conviction, pas plus politique (lutte contre le communisme, qu’altruiste ou humanitaire). Il est même possible que mon engagement en 1966 ait été la conséquence de ce même malentendu. Faut-il pour autant le regretter ? Je ne le pense pas. Faut-il en avoir honte ? Certainement pas. Ils avaient cependant tous conscience d’appartenir à une nation, la nation française, même si dans ma famille aucun n’avait fait Saint-Cyr ou l’Ena.
Il restera, je l’espère, toujours des jeunes hommes et désormais des jeunes femmes pour penser que risquer sa peau permet aussi de se soustraire à une société qui ne fait plus rêver. Cette jeunesse à qui on a imposé un principe de précaution sans nuance qui ne fait que créer un principe de lâcheté face aux menaces de ce monde.
En répandant l’idée qu’une société qui se veut pacifique ne doit pas se donner les outils de sa propre défense et donc de sa survie, en subissant un second principe tout aussi dévastateur que le premier, celui de la repentance, on a moqué les valeurs guerrières et jetées de la même façon, par-dessus le mur toutes les autres valeurs les accompagnants.
La ressource de jeunes souhaitant s’engager pour la France sera d’autant plus solide, que l’on aura résolu les problèmes qui agitent notre société, dont l’un est récurrent, celui de savoir à quelle communauté d’histoire nous appartenons. Pour défendre, il faut se sentir propriétaire de quelque chose, il n’est pas certain que notre jeunesse se sente encore propriétaire de son propre pays. Bref, la France, en tant que Nation, a-t-elle encore un avenir ?
Un bel exemple et contre-exemple historiques : les Janissaires par Marc Pierre
RépondreSupprimerLes Janissaires, Yeni Çeri en turc, milice nouvelle ou jeune, forment un corps d'élite d’infanterie de l’empire ottoman. Créé en 1334 par Orhan, le deuxième sultan ottoman, ce il est exclusivement composé d’enfants chrétiens capturés à la guerre, Kapikulu, sujet ou esclave de la Porte, ou prélevés dans les familles chrétiennes en territoires sous égide ottomane, à raison d’un fils sur cinq en vertu du Devchirmé, récolte en turc. Ceux-ci viennent de familles grecques, bosniennes, bulgares, croates, serbes, monténégrines, russes, ukraniennes, valaques, transylvaines, moldaves, albanaises, hongroises, arméniennes ou géorgiennes.
L'instauration de ce corps d’élite résulte d'une combinaison opportune entre l’observation de la charia, la loi islamique, et les contraintes de la conquête turque en Europe à partir du XIVe siècle. Si la charia interdit la mise en esclavage d’hommes ou d’enfants musulmans, de jeunes chrétiens capturés lors d'incursions guerrières ou de prélèvements, formés à la guerre et convertis à l'Islam servent à contourner ce problème dogmatique. De plus, l’armée ottomane, héritière des traditions guerrières turco-mongoles, ne possédant pas d’infanterie organisée, si ce n'est les ya ya, la piétaille, les Janissaires vont constituer son fer de lance et se distinguer, notamment en 1396 à la bataille de Nicopolis, au Nord de la Bulgarie actuelle, face aux chevaliers et guerriers chrétiens réunis sous bannière hongroise. En s'organisant de la sorte, le pouvoir ottoman fait d’une pierre quatre coups : renforcer ses effectifs guerroyant ; réduire le nombre d'adversaires chrétiens potentiellement insoumis en territoire conquis ; préserver le nombre de sujets musulmans, moins nombreux que les Chrétiens et les Juifs alors ; convertir à l’Islam ces guerriers valeureux, voire charismatiques, qui, de retour dans leurs foyers, vont entraîner des parents et des proches à suivre les préceptes du Prophète. Les Albanais, originairement catholiques ou orthodoxes, forment un exemple réussi d'islamisation à partir du XVIIIe siècle.
Les Janissaires sont redoutés de leurs adversaires européens, car ils se montrent habiles au maniement du mousquet et du sabre. Leurs traditions sont curieusement reliées à l'univers culinaire. Leurs officiers arborent une louche dans leur coiffe, une soupière sacrée est fièrement brandie en tête de colonne (tout mécréant la touchant est voué à une mort certaine pour sacrilège, le sultan étant considéré et appelé le « père nourricier », la renverser est signe de révolte).
Par leur bravoure militaire et le prestige qu'ils en retirent, les Janissaires viennent rapidement jouer un rôle de garde prétorienne à la Cour du sultan à Istanbul et se retrouvent donc impliqués à participer à la résolution des crises de succession. Au fil des ans, ils s'érigent en contre-pouvoir et les souverains successifs se gardent bien de toucher à leurs privilèges quand ils entreprennent des réformes destinées à contenir le déclin de l'empire perçu au XVIIIe siècle et confirmé à la suite de l'échec du siège de Vienne en 1683. Lorsque Selim III veut supprimer ce corps, il succombe sous leurs coups en 1808. Ils entrent en rébellion ouverte contre le sultan Mahmud II désireux de moderniser l'armée ottomane en profondeur. Celui-ci règle définitivement la question des Janissaires en les faisant exécuter en masse en 1826 et en mettant officiellement fin par conséquent à cette institution.
La fin des Janissaires marque l'affaiblissement brutal et soudain de la menace militaire ottomane dans les Balkans en particulier et en Europe en général.
Sources : Hérodote et Wikipédia
Bonne semaine à tous