Cela s’appelle
le combat couplé et le principe est en simple qui consiste à associer ses
forces à celle du pays dans lequel on intervient. De nombreuses formules ont
été pratiquées depuis les petites équipes de conseil et de liaison au
sein d’unités régulières ou non jusqu’aux brigades complètes placées sous
commandement étranger, en passant par le « jaunissement » des
bataillons d’Indochine ou les compagnies tchadiennes du début des années 1970
encadrés par des Français.
On connaît les
inconvénients de ce mode d’action. Les alliés locaux ont leur propre agenda
politique qui ne correspond pas forcément au notre, ils ne respectent pas obligatoirement les canons de la démocratie et des droits de l’homme, ils ne sont pas
non plus toujours très compétents et enfin certains choix simultanés peuvent être
contradictoires comme par exemple celui de l’armée régalienne ou des forces
locales. On restera pudique aussi sur les situations où on s'est crû obligé de les abandonner à leur sort.
Ces
inconvénients ne doivent pas occulter les énormes avantages de cette solution,
les principaux étant la connaissance du milieu des alliés locaux et l’apport
numérique ou qualitatif qu’ils apportent à nos petites armées professionnelles
et de haute-technologie. Rappelons que la seule grande victoire récente contre
des organisations non étatiques dans le grand Moyen-Orient a été le
rétablissement de la sécurité en Irak en 2007, et que celle-ci a été le fruit
de l’association de la connaissance du milieu des miliciens irakiens du Sahwa et des soldats de l’armée
régulière avec la puissance et la technologie des Américains. On peut imaginer
également que les cours des deux conflits de Bush auraient été différents si
les armées irakienne et afghane avaient été organisées bien plus tôt.
Il ne faut pas
oublier enfin qu’à partir du moment où nous intervenir quelque part sans avoir
l’intention d’y maintenir des unités combattantes, il faut bien à un moment
donné faire quelque chose avec des forces locales ne serait-ce que leur passer
le relais. La coordination, la formation, l’encadrement de troupes étrangères
sont des obligations du combat moderne et il ne s’agît pas de choses qui s’improvisent.
On utilise parfois pour cela les forces spéciales mais en dehors du caractère
confidentiel que peut revêtir ce genre de mission, il n’y a pas là de
compétence qui en relève spécifiquement. Qui plus est le forces spéciales sont
limitées par la contradiction avec leur mission principale : le raid à
haute valeur ajouté, et de toute façon leur nombre est insuffisant pour le
couplage avec un grand nombre.
Plutôt que les
structures ad hoc qui ont cours pour armer l’opération Epidote (formation de l’armée
nationale afghane) ou les équipes de mentoring
(OMLT), longues à se mettre en place, je propose la création d’un régiment d’assistance
militaire. Cette structure permanente, bras armé de l’Ecole militaire de
spécialisation de l’Outre-mer et de l’étranger (EMSOME), serait la laboratoire tactique
du combat couplé et de l’assistance technique avec une direction des études et
de la prospective (DEP) dédiée, des compagnies spécialisées dans certaines
régions du monde et où les équipes en attente apprendraient de celles qui
reviennent, sans parler des facilités pour l’apprentissage des langues ou de la
géographie. On disposerait ainsi de plusieurs dizaines d’équipes de liaison et
d’assistance immédiatement disponibles pour la guerre de corsaires ou l’AMT
classique.
La parole est à
la critique.
Peux-tu nous dire pourquoi ce rattachement à une école et pourquoi l'EMSOME: connaissance des zones ?
RépondreSupprimerPourquoi pas une école d'arme ?
Je ne crois pas trop à cette idée, dans un contexte de réduction du format, et de réduction des engagements extérieurs.
L-A
je pense au contraire qu'en période de réduction des engagements extérieurs, une forme renouvelée d'AMT pourrait avoir toute sa place, car elle permet de maintenir une présence à moindre coût.
SupprimerPar ailleurs, ce type de mission est forcémment interarmes.
J'aime cette idée de corsaires, elle pourrait s'apparenter à "une troupe chirurgicale" comme les frappes du même nom.
RépondreSupprimerAndré
Il me semble que malgré un aspect séduisant, cette proposition se heurte à un inconvénient major qui est celui de la pratique de son art.
RépondreSupprimerUn régiment dédié à l'assistance militaire aurait certainement de grandes difficultés à s'entrainer dans toutes les fonctions opérationnelles qui nécessitent des moyens humains et matériels. Qui plus est, n'étant pas une unité classique, il ne serait pas engagé en opération et donc ne possèderait pas la compétence pratique qui donne son sens à la compétence théorique. Comme il y a des stratégistes (qui pensent et théorisent la stratégie) et des stratèges (qui la pensent, la théorisent et la pratiquent), il y aurait des "tacticistes" (pardon pour le néologisme) des "tacticiens". Or je ne crois pas que des spécialistes sans pratique soient les meilleurs formateurs ou conseillers...
Dans une campagne victorieuse, la guerre à Oman au tournant des années 60, les britanniques ont mis en disponibilité de leur armée pour des "tours" de 1 an des cadres qui se sont engagés dans l'armée du Sultan pour en faire l'ossature. Cette méthode reste certainement la plus opérationnelle et la moins coûteuse.
Quant au rattachement à l'EMSOME si cette idée voyait le jour, je suis pour car cela va dans le sens du développement d'une école française dédiée au développement des capacités en matière de contre-insurrection qui a été évoqué sur ce site précédemment.
L idée est effectivement séduisante mais le rattachemement à l 'ENSOME est trop marqué "TDM". Je vous rappelle qu'avec la professionnalisation de l 'Armée de terre, tout engagé ou cadre est apte à être engagé sur n'importe quel théatre d'opérations, de ce fait le rattachemet doit se faire au CFT afin que ce régilment soit ouvert à tous "sans marquant d'arme ou defunte subdivision d'armes'
SupprimerCrdialement
Je ne vois pas exactement ce qu'est une "défunte subdivision d'armes", et je récuse un certain discours rationalisant qui voudrait, au nom de la nécessaire intégration interarmes, priver les soldats de l'Armée de terre de ces identités diverses mais essentielles à la cohésion et à la motivation de nos unités.
SupprimerCela-dit, l'essentiel me semble bien de reconnaître l'importance du "combat couplé" et de chercher à développer cette capacité. La question du rattachement hiérarchique de ce type de régiment, forcément inter « fonction-ops » et donc interarmes dans son recrutement est en effet discutable, et pour l’instant assez secondaire, me semble-t-il...
Une très bonne idée, à développer sous la forme d’un régiment avec pourquoi pas la certification « Ranger », intermédiaire entre les forces spéciales et les unités classiques, à organiser comme le 13e RDP, mais rattaché EMSOME.
RépondreSupprimerRappelez-vous quand l’infanterie de Marine formait des instructeurs appelés du contingent pour un service long type coopération 2 ans pour les RSMA d’outre mer !
Par contre petit régiment (plus un copeck) de la taille d’un groupement.
Les éléments de ce régiment viendraient de tous les horizons pour y faire un passage, et le recrutement serait fait sur l’expérience pour moitié et la jeunesse sortie d’une école militaire pour l’autre.
Je propose les traditions d’un régiment de Zouave (rigolés pas)
- 1 compagnie de commandement et log
- 3 compagnies d’instructeurs/moniteurs en 6 équipes interarmes de 18h
- 1 compagnie de renseignement/sécurité
- 1 compagnie de transmission
Sur un plan étique nous les aidons à défendre leur cause ? pas la notre évitons de faire des victimes après notre départ, (Indochine, Algérie,Afganistan ?)
Et Bien sur un régiment brassé interarmes citoyen..
Effectivement, il y a des choses à faire. Joseph Henrotin avait fait un très bon article là-dessus dans un des derniers DSI (celui avec le CRAB en couverture). Si mes souvenirs sont bons, il en parlait déjà dans son bouquin de 2005 sur la puissance aérienne.
RépondreSupprimerJ'aime bien cette idée de régiment spécialisé car elle permet en effet de développer sur le long terme une connaissance approfondie des bassins géographiques. Le risque associé est de créer une unité qui soit un peu déconnectée des forces vives de l'Armée de terre (pour ne pas dire un cimetière des éléphants). Celà dit, une fois le risque identifié, on peut le réduire par des mesures de gestin adéquates.
RépondreSupprimerL'EMSOME pourrait par ce biais trouver une nouvelle dynamique : à l'heure ou nos principaux alliés mettent en exergue la "cultural awarness" et développent des politiques ambitieuses en ce domaine, le budget de l'EMSOME diminue d'année en année... il est possible que nous ayons raté quelque chose...
Mais, en plus de ce régiment d'assistance militaire (RAM), auquel reviendraient plutôt des missions de long terme, ou stratégiques, je propose de développer la capacité tactique des unités conventionnelles à s'associer à d'autres unités locales : par exemple, on pourrait considérer comme une mission du groupe de "renforcer" une section amie en lui apportant, outre sa propre puissance de feu, l'intégration dans la bulle numérique, la gestion des appuis feux, le conseil et liaison. Une section peut ainsi jouer le rôle de "super agent de laison" au sein d'une compagnie locale qui peut du coup facilement être intégrée dans la manoeuvre du bataillon.
Celà ne nécessite pas énormément de moyens, mais plutôt une intégration de ces missions dans nos réglements d'emplois, et surtout dans les cursus de formation des cadres.
Je ne pense pas celà soit redondant avec le RAM, mais plutôt complémetaire.
Bonjour,
RépondreSupprimerl'idée est séduisante de la création d'un RAM par contre la localisation à l'ENSOME me parait moins judicieuse car excepté le fait qu'il soit sous la coupe des "Troupes de Marine", je ne vois pas un Régiment opérationnel en école. Il doit être subordonné au CFT qui saura "armer" équitablement ce RAM car l'ensemble de l'armée de terre est professionnelle donc apte à être projeté.
Cordialement .
« L’ensemble de l’armée de Terre est professionnelle et donc apte à être projeté ». Je voudrais revenir sur cette « buzz –phrase », qui est tout à fait vraie (qui en doute ?) mais qui véhicule néanmoins quelques inexactitudes….
Supprimer- une armée a-t-elle besoin d’être professionnelle pour être « apte à être projetée » ? Non à l’évidence, il suffit d’évoquer nos appelés en Algérie, et les quelques centaines de réservistes américains morts au combat depuis 2001 (au moins 700 je pense, en incluant la Garde Nationale).
- qu’une armée soit projetable signifie-t-elle qu’elle doive-t-être composée de clones interchangeables ? J’espère que non ! Les exemples historiques développés sur ce blog montrent bien à quel point la « pensée unique » militaire est dangereuse. Il est donc bon que cohabitent dans nos armées des cultures opérationnelles différentes… à condition de ne pas sombrer dans le sectarisme, cela va de soi !
Pour revenir à notre régiment d’assistance militaire, il semble assez légitime qu’il soit raccroché aux Troupes de Marine (pas forcément à l’EMSOME), car le type de mission que nous évoquons font partie de l’héritage culturel de la « coloniale » (ce qui signifie entre-autres que l’on choisit/ ne choisit pas de servir dans la « colo » parce que l’on est plutôt sensible/indifférent à cet « héritage culturel »). Mais ne confondons pas « expertise » avec « exclusivité » : ce type de régiment devrait évidemment être interarmes dans son recrutement, un peu à l’image du 1er RPIMa. J’ai par ailleurs proposé dans un autre commentaire que le « combat couplé » fasse partie des « missions » ou « procédés » réglementaires des unités de l’Armée de terre, au même titre que l’appui ou la reconnaissance….