samedi 30 août 2014
La Grande Guerre des nations-Invitation à l'avant-première d'un remarquable documentaire
Avant première de la série documentaire : "La Grande Guerre des nations"
vendredi 15 août 2014
Les légions dangereuses
Nouvelle version 17/08/14
Le
« nouvel Irak » est depuis onze ans une source permanente de « surprises
stratégiques », depuis l’apparition de la guérilla sunnite de 2003
contre la présence américaine jusqu’à son changement d’alliance à la
fin de 2006, en passant par les pulsions de l’armée de Mahdi jouant tour
à tour de la révolte armée et de la prise de
contrôle souterraine des rues de Bagdad. Autant de « cygnes noirs » agissant pendant comme révélateurs soudains des évolutions cachées des
rapports de force, que les troupes américaines et celles du gouvernement
irakien se sont efforcés à chaque fois de réduire
avec plus ou moins de succès.
Le
monopole étatique de la violence a été à peu près rétabli en 2008. Il s’est ensuite effrité au rythme de sa personnalisation croissante. Le Premier ministre Maliki s’est arrogé la direction de la police et de
l’armée laissant à son fils celle des forces spéciales de sécurité, nouvel
avatar des anciens services de Saddam Hussein, tandis que les unités militaires
de Bagdad, les plus puissantes, sont devenues la nouvelle Garde républicaine. Les miliciens sunnites du Sahwa, sauveurs des Américains, ont été abandonnés à leur sort et les Peshmergas kurdes, à la fois alliés et menace, ont reçu le moins d'aide possible de Bagdad.
La
superposition de ce fractionnement sécuritaire, laissant les unités de l'armée irakienne les plus
faibles à la marge du territoire, et du renouveau de la division politico-confessionnelle ont
ainsi créé les conditions d’une nouvelle surprise stratégique. Celle-ci a pris la forme de
l’invasion de la première vraie armée proto-étatique sunnite, celle de l’Etat
islamique en Irak et au Levant, ou Daech.
Forte
sans doute d’environ 10 000 combattants, l’armée de l’Etat islamique a adopté le
modèle désormais classique d’une infanterie mobile montée sur picks-up,
parfois d’origine américaine, et centrée autour de ses mitrailleuses lourdes et de quelques mortiers légers. Elle
dispose aussi désormais de quelques véhicules blindés et pièces
d’artillerie pris à l’armée irakienne mais cet arsenal reste marginal, la vraie
force de l’armée de l’EIIL reste avant tout la motivation de ses membres. C’est
elle qui, associée au milieu urbain, permet de résister aux forces les plus sophistiquées. En 2003, les divisions mécanisées de
Saddam Hussein s’étaient rapidement effondrées devant l’armée américaine et Bagdad avait
été prise en quelques jours. Un an plus tard, ces mêmes Américains mettaient
neuf mois pour reprendre Falloujah, tenus par quelques milliers de combattants
armés de Kalashnikovs et de lance-roquettes des années 1960.
L’armée de Daech, c’est la force de Falloujah, ou celle qui a affronté les Français au Mali en 2013, multipliée par trois ou quatre,
unie et rendue suffisamment mobile pour renouer avec les raids de bédouins et frapper à tous les
coins du Sunnistan irakien et parfois au-delà. La division irakienne présente à Mossoul a été la première victime de
cette nouvelle force, livrant par son effondrement soudain, des
ressources considérables à l'EIIL et la vallée du Tigre jusqu’à Bagdad. Il manque
cependant à l’armée de l’Etat islamique une qualité essentielle, la quantité, et
cela l’empêche de fait de s’emparer et surtout de tenir des villes dont la
population est suffisamment hostile pour armer des défenseurs aussi motivés que les Islamistes.
C’est
là que l’EEIL atteint ses limites militaires. En l’état actuel des forces,
Daech est incapable de s’emparer de Bagdad et même semble-t-il de villes comme Samarra, un des lieux saint du chiisme. Son armée est une troupe de guerriers nomades courant
d’un point à l’autre des provinces irakiennes, de Diyalah à Anbar, conquérant au
passage quelques cités, pourchassant les impies et tentant d’établir un ordre socio-politique, multipliant ainsi les frayeurs, les
indignations et les ennemis.
Le
dernier acte à ce jour de ce Jihad tourbillonnant est l’attaque du Kurdistan
irakien. C’est à nouveau une surprise et même une double surprise.
Stratégique
d’abord car on ne voit pas très bien quel intérêt politique l’Etat islamique avait à
s’attaquer aux Kurdes et à réintroduire par la même occasion les Américains
dans le paysage militaire. La logique qui conduit l’organisation n’est
peut-être simplement pas politique et, comme Hitler envahissant l’URSS,
obéit-elle à des fantasmes racistes ou religieux. A long terme c’est suicidaire
et donc à court terme c’est surprenant.
Surprise tactique ensuite, car on
imaginait les Peshmergas- les combattants kurdes – plus à même de résister à
l’attaque des Islamistes. L’armée du gouvernement autonome avait jusque-là non
seulement tenu tête à Saddam Hussein mais elle avait aussi réussi, pendant la
présence américaine, à préserver les provinces kurdes de la guérilla sunnite. Cette
armée n’avait cependant jamais eu affaire à une force organisée de cette
mobilité, de cette ampleur et de cette motivation qui a pu concentrer par surprise assez de
forces pour menacer Erbil, la capitale. Mais l’EIIL ne prendra pas Erbil. Les
Peshmergas ont pu regrouper assez de moyens pour contre-attaquer et rependre
une partie du terrain perdu. Les frappes américaines les y ont aidé, non pas
tant par leur effet direct mais plutôt par la menace qu’elles font peser et qui
placent les forces ennemies dans la contradiction entre la dispersion nécessaire,
pour éviter d’être frappé par les airs, et la concentration indispensable pour
l’emporter au sol. Quant à l’assistance matérielle promise, elle est sans doute plus
symbolique que véritablement utile.
Pour
l’instant donc, l’EIIL bénéficie d’un outil tactique excellent mais au service
d’une stratégie désastreuse multipliant les ennemis sans grand bénéfice sur le
terrain. Si l’organisation ne se transforme pas à nouveau, à la manière des
Taliban qui ont réussi à passer d’une milice religieuse brutale à une guérilla capable de contrôler intelligemment la population,
elle est condamnée. Déjà des forces souterraines se mettent en oeuvre pour y
mettre fin par un nouveau basculement. Celui-ci peut venir à nouveau des
sunnites, comme en 2007 lorsqu’Al-Qaïda en Irak leur était devenu odieux, des
Kurdes, jusqu’à ce qu’ils apparaissent à leur tour comme trop puissants, ou, ce
qui serait sans doute préférable, de Bagdad avec un nouveau gouvernement de nouvelles habitudes politiques. Ce processus peut prendre des
années avant de basculer en avalanche stratégique mais il est inexorable.
jeudi 14 août 2014
Etats-Unis Irak, le retour-Un article de Maya Kandel sur Froggy Bottom
Pourquoi Obama a-t-il finalement décidé de bombarder l'EIIL en Irak ? Plus précisément, pourquoi maintenant ?
Plusieurs raisons semblent avoir été déterminantes.
La menace contre Erbil
Raison première, annoncée par des informations de plus en plus précises dans la semaine du 4 août, c’est l’attaque surprise d’ISIS (EIIL) contre les Kurdes, qui a surpris apparemment tout le monde à commencer par les principaux intéressés, et la menace contre la capitale du Kurdistan, Erbil, dès mercredi soir 6 août – quand le chef d’Etat-major, le général Dempsey, est venu briefer Obama qui venait de clore le sommet Etats-Unis Afrique à Washington.
Dans sa déclaration officielle à la Maison Blanche le jeudi 7 août au soir, Obama annonce d’abord une opération humanitaire destinée à apporter eaux et vivres aux milliers de civils chrétiens et yézidis fuyant l’avancée d’ISIS et piégés dans les monts Sinjar dans des conditions dramatiques ; il annonce également qu’il a autorisé des frappes aériennes pour protéger les Américains présents à Erbil, et empêcher un génocide, en insistant sur la demande des autorités locales ainsi que sur le consensus international (et le risque imminent de génocide). Le Pentagone publiera peu après les premières frappes (le vendredi 8 août au matin) un communiqué sur les objectifs militaires et les moyens utilisés (voir aussi ici sur l’utilisation de drones et ici sur le nombre de sorties). Obama a rapidement précisé que l’opération risquait de durer des mois plutôt que des semaines.
Pour lire la suite : Froggy Bottom
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