En
apparence, l’article 15 de la Constitution de 1958 (« Le Président de la République est le Chef des Armées. Il préside
les conseils et comités supérieurs de la Défense nationale », sans
préciser quelles sont les compétences qu’il exerce à ce titre) est peu
différent de l’article 33 de la Constitution de 1946. De plus, l’article 19 (« Les actes du président de la
République autres que ceux prévus aux articles 8 (1er alinéa), 11, 12, 16, 18, 54, 56 et 61 sont
contresignés par le premier ministre et, le cas échéant, par les ministres responsables. »)
ne fait pas référence à l’article 15. Les actes du Président de la République
en conseil de défense doivent donc normalement être contresignés par le Premier
ministre. Si on ajoute l’article 20 (« le
gouvernement dispose de l’administration et de la force armée ») et
l’article 21 (« Le Premier ministre
dirige l’action du gouvernement. Il est responsable de la Défense
nationale ») de la Constitution mais aussi l’article 7 de l’ordonnance
de 1959 (« la politique de défense
est définie en conseil des ministres ») et son article 9 (« le Premier ministre, responsable de
la Défense nationale, exerce la direction générale et la direction militaire de
la Défense »), on obtient quelque
chose de proche de l’esprit de la IIIe ou de la IVe
République. Le général de Gaulle ne l’interprète pas de cette façon dans ses Mémoires d’espoir (« Il va de soi, enfin, que j’imprime ma marque à notre
défense […] cela pour
d’évidentes raisons qui tiennent à mon personnage, mais aussi parce que, dans
nos institutions, le Président répond de « l’intégrité du
territoire » [art.5], qu’il est
« le Chef des Armées », qu’il préside « les conseils et comités
de Défense nationale » »).
Le décret du 14 janvier 1964 « relatif aux
forces aériennes stratégiques » décidait que le Président de la République
avait seul qualité pour décider l’emploi du feu nucléaire, ce qui était en
contradiction avec les dispositions de la Constitution et de l’ordonnance de 1959.
Ce décret a été abrogé et remplacé par celui du 12 juin 1996 plus conforme aux
textes constitutionnels et législatifs (mais le conseil de défense ne fait qu’y
« définir les conditions » d’engagement alors que le Président
« donne l’ordre »).
Lors de la guerre du Golfe (août 1990- février
1991), le gouvernement pose la question de confiance selon l’article 48.1
devant l’Assemblée nationale et demande au Sénat l’approbation d’une
déclaration de politique générale (art 49.4) mais le Président dirige les
opérations seul laissant à l’écart le Premier ministre et le ministre de la
Défense qui finit par démissionner.
La reconnaissance d’un pouvoir entier et
personnel du Président de la République comme chef des Armées ne peut plus être
niée. La question a été tranchée dans ce sens par le Comité consultatif pour la
révision de la Constitution dans son rapport du 15 février 1993. Le comité,
tout en jugeant discutable l’expression « domaine réservé », a estimé
que ; malgré certaines ambiguïtés, l’exercice de pouvoirs propres en
matière de défense par le Président de la République correspondait à une
« tradition trentenaire ». En conséquence, il avait proposé de
modifier l’article 21 de la Constitution comme suit : « Le Premier ministre dirige l’action du gouvernement. Il est
responsable de l’organisation de la Défense nationale. » La
tradition est ainsi devenue une source de droit en matière constitutionnelle à
condition de justifier d’une application « paisible » pendant une
certaine durée.
Fiche au chef d'état-major des armées, 2007
Fiche au chef d'état-major des armées, 2007
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