L’analyse
de la façon dont Che Guevara entend développer une insurrection selon le
principe du foco permet en effet
d’identifier quatre modes d’action qui sont à même de réellement affaiblir un
mouvement insurrectionnel. Ces modes d’action sont :
1)
Le recours à la communication en tant qu’arme de propagande. L’objectif est ici
d’employer la même arme que les insurgés tout en appliquant systématiquement
les principes de transparence et de vérité. Cette communication doit être
agressive et ne doit pas être contrainte par une fausse pudeur : il ne
faut ainsi pas hésiter à montrer les exactions commises par les rebelles pour
sensibiliser les opinions publiques occidentales comme les populations locales.
2)
L’infiltration permanente des mouvements ennemis. Face à un ennemi qui
a l’avantage de choisir où et quand il veut agir et frapper, il est impératif
de rechercher à limiter cette liberté. L’infiltration systématique des
mouvements (par des agents amis ou en soudoyant des combattants ennemis) est
fondamentale pour cela car elle permet d’une part d’obtenir du renseignement et
donc d’anticiper les actions ennemies, d’autre part de cibler et neutraliser
les chefs rebelles et enfin de créer un climat de suspicion à l’intérieur même
du mouvement insurgé, pouvant amener à des purges dont l’effet sur la cohésion
sera néfaste.
3)
La destruction méthodique des structures d’entrainement
insurgées.
La formation et l’entrainement des combattants sont des fonctions vitales pour l’ennemi
sous peine d’être acculé à des modes d’action purement terroristes. Or ces
fonctions nécessitent des infrastructures et des moyens qui peuvent être
détectés, ciblés et détruits. De telles opérations permettent ainsi de
maintenir l’ennemi à un niveau militaire faible, ce qui contribue, à défaut de
le faire battre, à éviter qu’il ne l’emporte militairement.
4)
Le respect absolu de règles éthiques. Pour gagner
« les cœurs et les esprits » et éviter leur propre décrédibilisation,
les forces anti-insurrectionnelles doivent faire preuve d’un comportement
éthique strict. Un tel comportement implique :
·
de
développer un profond respect des cultures locales pour entretenir de bonnes
relations avec les populations et leurs représentants ;
·
d’adapter
son comportement aux différentes missions et situations (combat, police,
humanitaire…) afin d’éviter tout dérapage ou de créer des tensions
inutiles ;
·
de
préserver au maximum la vie des non-combattants, même si cela implique pour les
troupes d’accepter des risques supplémentaires ;
·
de
respecter les prisonniers et de les traiter humainement dans le respect des
conventions internationales.
Dans
un environnement hostile et violent, le maintien de valeurs éthiques élevées
n’est pas forcément simple à appliquer. Il relève donc directement des
prérogatives et des devoirs du commandement, d’autant plus que sa criticité
dans la lutte est avérée. Une instruction spécifique, des rappels permanents,
des consignes claires et largement diffusées doivent donc être mises en place.
Par ailleurs, tout manquement à l’éthique doit faire l’objet d’une enquête et
d’une sanction s’il est avéré, mais aussi d’une étude au profit des autres
soldats. Enfin, il ne faut pas hésiter à faire connaître la sanction aux
populations locales si sanction il y a eu pour montrer l’importance que l’on
attache à ce domaine.
Plutôt
délaissée dans les études militaires qui redécouvrent depuis une petite dizaine
d’années les théoriciens de la contre-insurrection, les auteurs
« insurgés » ouvrent pourtant un champ de réflexion et de
compréhension nécessaire à la planification et la conduite d’une campagne de ce
type. Que ce soit d’un point de vue politique, stratégique ou tactique, au
sujet de la lutte armée ou de la constitution de mouvements clandestins, les
écrits de Lénine, de Engels, de Mao, de Giap ou de Guevara sont de véritables
mines. Ce dernier notamment a une pensée qui s’adapter particulièrement bien
aux situations actuelles que rencontre le monde occidental face à la
« franchise » Al-Qaïda. Il est donc urgent de le lire et de
l’étudier !
Bonjour,
RépondreSupprimerMon commentaire manque de précision, mais j'ai entendu une émission sur un officier français en Algérie et la manière dit il avait su oeuvrer pour créer un climat de suspicion au sein du FLN et pousser ce dernier à opérer des purges et s'amputer ainsi de ses cadres.
Est-ce que cette période est comparable avec les théories que vous citez ?
Bonjour,
RépondreSupprimerJe pense que l'opération dont vous parlez est la "bleuite" qui, dès 1957, a permis à l'armée française de manipuler le FLN en lui faisant parvenir de fausses listes de collaborateurs des Français. Les objectifs de créer un climat suspicieux et des purges ont été atteints grâce à ces méthodes. C'est en tout point comparable à ce que je développe dans cet article.
L'infiltration permanente et la destabilisation des mouvements insurgés sont des modes d'action majeurs quelle que soit l'insurrection à laquelle on fait face. Ceci se retrouve de façon différente chez tous les théoriciens, d'un côté comme de l'autre (ce qui se traduit chez les "révolutionnaires" par la crainte permanente de la traitrise et l'absence de certitude quant aux informations détenues, etc, etc).
La pertinence de Guevara dans les conflits auxquels les pays de l'OTAN sont confrontés par rapport à Lénine ou à Mao repose sur le concept du foco qui est certainement ce qui est le plus proche du fonctionnement en "franchise" des mouvances islamistes.
J'espère avoir répondu à votre question. Amicalement.