Hervé Coutau-Bégarie,
fondateur de l’Institut de Stratégie Comparée et président de l’ISC-CFHM, est
mort le 24 février 2012. La perte est affreusement cruelle pour sa famille, à
la douleur de laquelle nous nous associons de tout cœur. Mais le courage avec lequel
il a affronté la maladie nous montre, par-delà le deuil, le chemin de la
confiance et de l’énergie.
Cette disparition est
une immense perte pour la pensée stratégique. Là encore pourtant, l’espoir doit
l’emporter sur la peine. L’œuvre d’Hervé Coutau-Bégarie est en effet bien
vivante. Elle n’est pas derrière lui, mais devant nous. D’abord parce qu’il laisse
une trentaine de livres à publier, les uns de lui, d’autres dont il assurait la
direction ou la codirection, d’autres enfin qu’il avait retenus pour sa
collection. Ensuite parce que nous n’avons pas fini, à très loin près, de lire
et de relire Hervé Coutau-Bégarie. C’est tout un processus de réédition, de
classement, d’études qui commence. Du gigantesque corpus semé sur trois
décennies, il s’agit maintenant d’extraire un ensemble de textes canoniques par
décantation des éléments contextuels.
L’œuvre d’Hervé
Coutau-Bégarie, c’est aussi la revue Stratégique et l’ISC, une association
indépendante à la fois soubassement des publications et accélérateur de
particules intellectuelles, qui a donné et doit continuer de donner leurs
chances aux jeunes talents. Le secret de cet institut, son Président le
révélait dans un texte qui apparaît rétrospectivement comme son testament : «
Une recherche stratégique qui n’a qu’un pôle étatique est infirme ; elle a
besoin d’un pôle associatif, plus réactif, mieux capable de fédérer les
multiples initiatives de petits groupes ou même d’individus qui s’efforcent,
avec de très faibles moyens, de faire vivre la tradition de la pensée
stratégique et historique française » – et de rappeler que l’ISC, dans le seul
premier semestre 2010, a publié pas moins de 6 ouvrages totalisant 3258 pages,
soit bien plus – et de très loin – qu’aucun organisme étatique travaillant sur
le même créneau (article paru dans Stratégique n°99, 2010).
Le savoir, la culture
et la vision d’Hervé Coutau-Bégarie nous manqueront. Mais l’élan qu’il a
insufflé à la recherche en stratégie peut continuer. L’Institut et la Revue,
dont la qualité est internationalement reconnue, évolueront. Maquette,
diversification numérique, cartographie, nouveaux partenariats français et
étrangers, les chantiers ne manquent pas, il les avait lui-même ébauchés. La
Bibliothèque stratégique, Hautes études stratégiques, Hautes études militaires
et Hautes études maritimes qui constituent les quatre collections dirigées par
Hervé Coutau-Bégarie chez Economica seront reprises et développées. Elles
constituent le corpus le plus important d’ouvrages relatifs aux questions
stratégiques et à l’histoire militaire en langue française et continueront à
publier des opus ayant vocation à enrichir une réflexion enracinée dans l’étude
de la culture stratégique française et celle d’autres aires culturelles. En
outre, nous poursuivrons la publication du corpus des écrivains militaires en
langue française dont déjà plusieurs titres sont parus, mais plusieurs dizaines
d’autres attendent d’être publiés tant dans le domaine de la stratégie générale
que des stratégies particulières, navale ou aérienne.
Ces évolutions
nécessiteront une relève : elle existe, avec une moyenne d’âge qui la met en
prise directe avec les défis actuels. Hervé Coutau-Bégarie, entre autres
qualités, savait faire confiance et encourager. Il aura su, sans battage et
avec des soutiens mesurés, faire monter autour de lui une génération de jeunes
chercheurs et d’auteurs qui lui doivent énormément. Il a beaucoup sacrifié pour
transmettre. Nous voulons maintenir et poursuivre. Tous, nous gardons à
l’esprit ce qu’il ne cessait de nous répéter : la clé d’une recherche
stratégique mature et objective, c’est l’autonomie de la structure qui la porte.
Hervé Coutau-Bégarie a
continué à travailler jusqu’à l’extrême limite de ses forces, dictant encore
des articles de son lit d’hôpital il y a quelques semaines. Pour continuer son
œuvre, l’ISC doit préserver son indépendance. Il ne le pourra pas sans moyens
financiers. Nous lançons donc un appel à tous les membres de la communauté des
stratégistes, qui prendra très bientôt la forme d’une campagne d’abonnement à
la revue Stratégique, et d’adhésion à l’ISC. Lecteurs, élèves, étudiants, amis
des pays étrangers, où l’œuvre d’Hervé Coutau-Bégarie était connue et appréciée
: il dépend aujourd’hui de vous tous que le titanesque travail qu’il a
accompli, et que nous souhaitons faire vivre, continue de porter ses fruits.
Pour l’ISC,
Jérôme de Lespinois,
Martin Motte, Olivier Zajec
(suppléants d’Hervé
Coutau-Bégarie au cours de stratégie de l’Ecole de Guerre)
Emmanuel Boulard
(capitaine de frégate, doctorant de l’EPHE), Armel Dirou (colonel de l’armée de
terre, doctorant de l’EPHE), Jean-François Dubos (secrétaire de rédaction de
Stratégique, doctorant de l’EPHE), Benoît Durieux (colonel de l’armée de terre,
docteur de l’EPHE), Christophe Fontaine (lieutenant-colonel de l’armée de
l’air, doctorant de l’EPHE), Serge Gadal (chargé de recherches de l’ISC,
docteur de l’EPHE), Michel Goya (colonel de l’armée de terre, chargé de
conférence à l’EPHE), Joseph Henrotin (chargé de recherches de l’ISC, docteur
en science politique), Jean-Luc Lefebvre (colonel de l’armée de l’air,
doctorant de l’EPHE) Jean-Patrice Le Saint (lieutenant-colonel de l’armée de
l’air, doctorant de l’EPHE), Christian Malis (docteur en histoire), Valérie
Niquet (maître de recherche à la FRS), Jérôme Pellistrandi (colonel de l’armée
de terre, docteur de l’EPHE), Philippe Sidos (colonel de l’armée de terre,
doctorant de l’EPHE).
Excellent. Je suis membre du comité scientifique de l’ISC depuis 199 ? et je veux certainement, dans la mesure de ma compétence, contribuer à survie de l’ISC et la Stratégique.
RépondreSupprimerLars Wedin, Auteur du Marianne et Athéna. La pensée militaire française du dix-huitième siècle à nos jours.
Remarquable, des hommes de cette qualité seront toujours utiles pour la France.
RépondreSupprimerDans le même esprit, je vous signale la parution du Journal Politique de la Grande Guerre de Henri Galli aux Presses Universitaires de Rennes en mai 2022 que j'ai adressé en son temps à l'IHEDN. Ouvrage unique sur les plans sociologique et civil, parlementaire et militaire par un acteur et témoin de 14-18, cette partie de son journal politique met en jeu sa grande proximité du pouvoir(les 5 présidents du Conseil et le président de la République) et des grands généraux en même temps que de la population et du soldat.