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vendredi 3 mai 2019
lundi 20 août 2018
L'embuscade d'Uzbin (18 août 2008)- 3 Choc et tremblements
Les combats étaient à peine terminés dans la vallée
d’Uzbin qu’une nouvelle offensive commençait. D’un seul coup l’Afghanistan
devenait intéressant pour les médias. Pour la première fois depuis longtemps un
combat mené par des soldats français était décrit au grand public. Il l’était avec plus ou moins de bonheur tant les choses étaient complexes et les experts
peu nombreux parmi les enquêteurs mobilisés en masse. Il s’agissait dans la
majorité des cas de trouver une belle polémique, si possible avant les autres.
N’écoutant que leur honneur qui ne leur disait rien, certains sont même allés
interviewer l’ennemi lui apportant ainsi les quelques points de gloire lui
permettant de s’imposer par rapport à ses rivaux.
On attend en revanche toujours l’équivalent d’un Mark Bowden décrivant
sur plusieurs centaines de pages un événement similaire en Somalie (La chute du
faucon noir) et de la même façon les combats de Wanat en Afghanistan pas très
loin d’Uzbin. Le premier de ces combats était d'ailleurs survenu en juillet 2008 sans être à ma
connaissance aucunement analysé par les Français. On attend aussi un Ridley
Scott pour mettre en scène l’héroïsme des hommes décrits par Bowden au cœur du fiasco de Mogadiscio.
L’offensive portait d’abord sur les politiques
rendus très vulnérables par la contradiction qu’ils avaient créée entre le
discours et la réalité de l'action. Le flou est la liberté d’action du politicien mais
ce principe s’accorde mal avec ceux de la guerre. Une attitude d’homme d’Etat
aurait consisté à admettre les erreurs, les assumer et annoncer certes un peu tard la
réalité des choses et de leur prix. Il n’y eut pas vraiment d’hommes d’Etat. A la question « Est-ce donc la
guerre ? », le gouvernement s’enfonçait dans un déni maladroit. Hervé
Morin « réfutait toujours le mot de guerre » qui ne « s’applique
qu’à des situations entre Etats ». Il avait ensuite beaucoup de mal à
expliquer de quoi il s’agissait alors.
On parlait alors d’une opération de stabilisation
pouvant comprendre des opérations de guerre, ce qui est un oxymore. Une
opération de stabilisation, qui est une mission de police internationale, peut
comprendre des combats (apparemment confondus avec « opérations de
guerre ») et une guerre, il est vrai très rarement, peut se terminer sans
combat. Ce n’est pas le combat qui fait la distinction entre la police et la
guerre, c’est le caractère politique. Même si elles sont souvent mêlées à ce qui
ressemble plus à des groupes de bandits, le HiG ou les Taliban sont des organisations politiques. Il en est de même pour Al-Qaïda. La
qualification terroriste a tendance à effacer le caractère politique. C’est
volontaire, une qualification politique donne un statut d’interlocuteur violent
à l’ennemi (ce qui pour le coup est un pléonasme) et ce statut d’équivalence
déplaît fortement. On fait donc tout pour l’éviter en espérant que ceux
« dont on ne veut pas dire le nom » (les « groupes armés
terroristes » !?) vont finir par être détruits ou se dissoudre avant
que l’on soit obligé de les rencontrer autour d’une table.
Toujours pas de guerre en Afghanistan donc (le
terme reviendra quand même par la petite porte quelques temps plus tard) mais
comment traiter ce qui vient de se passer à Uzbin ? Pourquoi ne pas en
faire une bavure ou mieux un accident, ce qui permettait d’écarter encore plus les
responsabilités du politique ?
Depuis l’absence de la ministre de
l’écologie sur les lieux du naufrage de l’Erika
en 1999 ou de celle du ministre de la santé dans les hôpitaux pendant la
canicule de 2003, un responsable politique français se doit de se précipiter
sur le lieu des événements. Cela complique généralement les choses sur place
mais il faut se faire voir et surtout montrer que l’on fait quelque chose. A la grande joie des chefs rebelles qui voyaient
ainsi combien leur action avait eu d’effets stratégiques, le Président de la
République se déplaçait donc immédiatement en Afghanistan. Il annonçait aux
soldats que toute la lumière serait faite sur ce qui avait provoqué la mort de
leurs « collègues » (un terme employé dans la Police mais inconnu dans
les Armées). En réalité, ils savaient bien ce qui avait provoqué la mort de
leurs camarades : les balles de l’ennemi. Ils demandaient plutôt à ce que leurs
camarades tombés fussent reconnus pour ce qu’ils étaient. Ce ne sont pas les
armées qui font les guerres mais les nations et les soldats n’en sont que des
représentants. Lorsqu’ils portent des armes, ce ne sont plus des personnes
privées mais des porteurs de la force légitime et publique.
Il fut un temps où les choses étaient
plus claires. Les soldats appartenaient à la France et lorsqu’ils tombaient,
leurs noms étaient inscrits sur des monuments publics, des sortes de petits
panthéons, afin qu’ils puissent être honorés par tous. Et puis, les
« morts pour la France » ont commencé à disparaître de l’espace
public. Ces professionnels combattaient au loin dans des petits conflits
inavoués. Les reconnaître, les honorer lorsqu’ils tombaient nécessitait d’en
parler. Cela n’intéressait pas beaucoup les médias, sauf lorsque le nombre de
morts pouvait d’un seul coup constituer un « événement », et encore
moins les politiques qui auraient eu besoin de se justifier.
Je connais encore beaucoup d’anciens qui restent
marqués par le traitement public de l’embuscade de Bedo, au Tchad le 11 octobre
1970, le vrai précédent de l’embuscade d’Uzbin. Les blessés avaient été
rapatriés en métropole le plus discrètement possible et envoyés de nuit dans
les hôpitaux. Ceux qui étaient morts, douze au total, ne bénéficièrent d’aucune
reconnaissance particulière. Le soir de l'embuscade, un ministre trouvait bon de
déclarer que les familles devaient se rassurer car il n’y avait pas d’appelés
parmi les douze morts.
En 2008, le Président Sarkozy ne connaissait rien
au monde militaire mais il se rappelait que quand même que les soldats
professionnels avaient aussi une famille. A elles aussi, il déclarait que toute
la lumière serait faite. Il les amenait même sur les lieux de l’attaque.
C’était un geste de compassion pour ceux qui vivaient un drame
immense mais cela contribuait encore à privatiser un événement qui encore une
fois, relevait de l’ensemble de la nation. En fait, la compassion, indéniable et par
ailleurs évidemment nécessaire, s’accompagnait aussi probablement d’un peu de peur.
Depuis le milieu des années 1990, on parlait
beaucoup dans les armées du « caporal stratégique », une trouvaille
d’un général des Marines américains pour expliquer qu’avec la présence des
médias et des nouveaux moyens de communication, l’action d’un caporal pouvait
être relayée et amplifiée jusqu’à avoir des effets stratégiques. Ces mêmes
médias et désormais réseaux de toutes sortes ayant tendance dans une proportion de 100 pour 1 à
amplifier le négatif, plutôt que le positif (il y plein de héros vivants dans
nos armées, le public n’en connaît aucun), il pensait surtout aux dommages que
pouvaient faire une erreur de ce caporal.
Dans les faits, ce raisonnement s’applique à
n’importe qui, désormais susceptible à lui seul de créer un événement pourvu
qu’il y ait de l’émotion. Si le terrorisme est si utilisé, c’est entre autres
raisons, aussi pour cela. Ce raisonnement s’applique aussi aux
familles des soldats. Chaque mort est évidemment un drame pour les proches. Le
24 août 1914, il y a eu 27 000 familles frappées en quelques heures. Le caractère collectif de l’engagement, la clarté de son objectif, la certitude de la reconnaissance
collective n’atténuaient sans doute pas la douleur sinon en montrant que le
sacrifice de l’un avait été au bénéfice de la France dans son ensemble. En
faisant disparaître ce seuil, les
« maman et papa stratégiques » apparaissaient mécaniquement.
En 2004 ou 2005 je ne sais plus, j’étais appelé en
urgence par le directeur du Centre de doctrine d’emploi des forces (CDEF) qui
me demandait de faire immédiatement une fiche sur la manière de lutter contre
les engins explosifs improvisés (tristement célèbres IED). Le général m’expliquait
alors que madame le ministre était alors allée voir un soldat
blessé par une IED, peut être le premier Français dans ce cas, et qu’elle y avait rencontré
sa mère. Celle-ci avait alors demandé si des mesures avaient été prises pour
éviter que cela se reproduise. Cette question avait abouti, sans aucun doute avec d'autres, jusqu'à moi. J’avais déjà écrit
un certain nombre de choses sur le problème des IED, notamment en Irak, et
d’autres techniquement bien plus compétents, avaient aussi travaillé sur la question. Le fait qu’il faille une
intervention du ministre pour faire accélérer les choses témoignait de
l’inertie du « système », il témoignait aussi de l’importance que
pouvaient avoir les familles y compris dans les choix techniques voire tactiques.
Quelques années plus tard, alors que je soulignais l’alourdissement
considérable de nos fantassins, la dépendance au blindage, aux bases et aux
axes, toutes choses qui réduisaient notre capacité de manœuvre, un autre
général me disait « Comment veux-tu que j’explique à des parents que je
n’ai pas pris toutes les précautions pour protéger leur enfant ? Même si
c’est au détriment de l’efficacité d’ensemble ».
Tout a été fait pour préserver les familles et
surtout se préserver d’elles. Cela n’a pas suffi puisqu’il manquait toujours une réponse
claire à la question fondamentale : la mort de notre fils a-t-elle eu un
sens ? L’absence de bonnes réponses par ceux qui étaient chargés d’utiliser
le monopole de la force légitime a conduit certains à demander alors des explications
au Juge. Or, celui-ci ne juge que de la conformité au droit et celui-ci diffère
selon que l’on ait agit ou non dans le cadre d’un conflit armé ou non. On
revient au problème de qualification.
Notons que cet épisode a probablement marqué un
tournant. Après la cérémonie forte aux Invalides, les « morts pour la France » furent plus visibles et honorés. Surtout lors de l’entrée en guerre suivante, au Mali en janvier 2013,
la qualification de « guerre » fut assumée dès le départ et pour la
première fois depuis la guerre du Golfe en 1990. Il fut même donné une mission
claire aux soldats. Par la suite, le naturel reprendrait le dessus mais c’est
une autre histoire.
L’offensive portait ensuite sur les armées, double
offensive même puisque venant à la fois des médias et des dirigeants politiques
soucieux de trouver des responsables différents d’eux-mêmes.
En temps normal, les opérations sont analysées
dans le cadre d’un processus qui était alors bien établi de retour d’expérience.
Lorsqu’il y a des pertes, ce processus performant mais méthodique, fait place à
une enquête de commandement. Il s’agit cette fois de donner des réponses
rapides aux demandes et aux attaques.
Cela n’a pas été pas un exercice facile. Il fallut
d’abord établir exactement ce qui s’était passé, c’est-à-dire interroger tous les
acteurs, se rendre sur les lieux, examiner tous les documents et arriver à se
faire une image précise à travers les
souvenirs déformés par les grandes émotions, les justifications, les petits
oublis voire les couvertures. Cela prend du temps, ce qui est difficilement
compatible avec l’exigence des « Français qui veulent savoir » tout
de suite. Le problème est que ce qui est dit immédiatement est forcément sinon
faux, du moins toujours incomplet. Il est difficile ensuite de revenir en arrière.
Je servais à l’époque au cabinet du chef
d’état-major des armées. Je peux témoigner de sa volonté de transparence et de
celle du général sous-chef opérations. Le CEMA faisait très vite une première
description des événements qui comportait forcément mais de bonne foi quelques erreurs
factuelles. Dix jours après l'embuscade, le sous-chef opérations faisait la
description la plus précise possible des faits. Ce récit officiel du combat, tendait
à le positiver en mettant en avant les pertes très supérieures qu’avait subi l’ennemi,
le fait que finalement on avait réussi à le chasser du terrain et surtout que
malgré la surprise et la supériorité numérique la section Carmin 2 avait
résisté.
Ce récit survenait trop tard. Entre temps, rumeurs
et croyances forcément négatives avaient eu le temps de s’incruster et il est
apparu comme décalé. Comme d’habitude, lorsque la légende est encore plus sombre que
la réalité, on imprime la légende et le décalage est expliqué par l’« Armée qui cache
des choses ».
Il n’en restait pas moins que la réalité
comportait aussi une face sombre, pleine des erreurs commises qui ont
conduit à se faire surprendre. La recherche de la surprise est pratiquement la
base de la tactique, surtout quand les camps ne sont pas de force matérielle
égale. Une attaque au grand jour et en plein air de nos bases par nos ennemis serait
peut-être plus chevaleresque, ce serait évidemment surtout stupide pour eux. Il
est évident donc que dans les campagnes que nous menons, l’ennemi va forcément
chercher à nous surprendre. C’est le seul moyen pour lui d’égaliser ses chances
au moins un temps. Surprise et contre-surprise constitue donc un pré-combat permanent
dans nos opérations.
Une attaque surprise contre les forces françaises peut
prendre des formes variées comme l’attaque suicide à Beyrouth les
23 octobre et 21 décembre 1983 ou l’emploi d’une milice non
gouvernementale, les « jeunes patriotes », et l’argument de l’erreur
humaine lors de la frappe du site de Bouake le 6 novembre 2004 par un avion ivoirien. L’embuscade est évidemment un classique tactique mais nos ennemis
avaient eu du mal à en organiser une depuis Bedo. Il y aura d’autres surprises après
2008 en Afghanistan ou même en métropole avec l’attaque à la voiture contre les
soldats de l’opération Sentinelle à Levallois en août 2018. Même les IED,
responsables d’une grande partie de nos pertes depuis 2008 peuvent être
considérés comme des micro-embuscades qu'il faut déjouer. La
surprise est inhérente à la guerre, il y en aura d’autres.
L’erreur aussi est inhérente à la guerre. Il faut
y prendre des décisions qui engagent des vies dans des contextes rendus
forcément incertains par l’intelligence de l’ennemi. Certaine de ces décisions sont forcément des erreurs, il reste à déterminer quand celles-ci sont acceptables.
C’est un exercice toujours délicat. L’erreur n’apparaît
généralement qu’après coup. Avant l’embuscade à Uzbin personne, à ma
connaissance, n’a vraiment vu de problème. Après, ils devenaient évidents. En
fait, il s’agissait d’un cumul de petites erreurs et donc de petits mauvais
choix qui ont abouti à l’encerclement d’une section à pied. Difficile de faire
la part des responsabilités là-dedans. Le deuxième écueil, tout aussi
classique, est que l'inacceptable appelle la sanction et que celle-ci peut apparaître comme la confirmation que les
critiques étaient plus justes qu’on a bien voulu l’avouer.
Quand on salue, honore
et finalement récompense le courage, la réactivité, la bonne conduite dans les événements, ce qui corrobore le côté positif de l'action que l’on veut mettre
en avant, il est ensuite difficile de sanctionner les mêmes individus. Les
mauvais choix ne sont pas pourtant pas incompatibles avec le courage. Il
devrait donc être possible à la fois de citer et de relever de son commandement
le même individu. On ne fit finalement que le premier choix. Aucun des chefs,
dont il faut souligner qu’ils assumèrent presque tous leur responsabilité, ne fut visiblement
sanctionné. La carrière de certains fut juste un peu bousculée.
Les leçons de l’ennemi sont les plus coûteuses mais ce sont hélas souvent les meilleures. Dans les jours qui suivirent l’embuscade
tout s’accéléra. A l’état-major des armées, un amiral fut nommé « monsieur
stratégie en Afghanistan », un groupe de travail opératif fut constitué au Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), un retour d’expérience
tactique des combats d’Uzbin fut rédigé (mais ne fut jamais diffusé). Les deux zones de Surobi et Kapisa furent réunies en 2009 sous le commandement d’une brigade, ce qui semblait effectivement plus cohérent.
Surtout l’armée
de Terre construisit une architecture complète de préparation à l’Afghanistan
et des équipements, en dotation ou acquis en urgence opérationnelle, furent
envoyés sur le théâtre. Pour être juste, beaucoup de ces choses étaient déjà en
cours au moment de l’embuscade mais encore victimes de l’inertie bureaucratique
ou des rabotages de Bercy. L’ensemble était lourd, centralisé, polarisant et « sanctuarisant »
beaucoup de ressources rares au profit de seulement deux groupement interarmes, un groupement aéromobile et un
groupement logistique, mais cela fonctionna bien. Un nouveau sentier se forma où à force d’améliorations le visage du soldat français se transforma. Cela n’empêcha pas les
difficultés, les attaques parfois réussies de l’ennemi, et bien sûr parfois les
pertes mais l’instrument tactique fut perfectionné jusqu’à un niveau indéniablement remarquable.
Le problème est que l’efficacité tactique devient
vite un simple bruit de fond s’il n’y a pas de stratégie. L’évolution positive de
nos capacités rencontrait malheureusement une évolution politique contraire. Le
retour d’expérience politique avait plutôt été d’éviter à tout prix d’être à
nouveau embarrassé par les actions des militaires. A chaque « choc » suscitant un emballement médiatique (un « choc » est une action militaire où plusieurs soldats
français ont été tués) correspondait une
nouvelle intrusion politique dans les opérations. Cette intrusion s'effectuait toujours dans le sens d’une
contraction et non dans celui d'une plus grande audace. Les soldats reprenaient le terrain, le Président, pour qui ce n’était
pas l’essentiel, le rendait de fait à l’ennemi. Lorsque la campagne
présidentielle commençait on assista même à une course entre les deux candidats
à coup de date de départ toujours rapprochées.
Le dernier mort au combat français fut l'adjudant-chef Bouzet presque quatre ans jour pour jour après l'embuscade d'Uzbin. Il était le 89e à tomber dans ce pays. On quittait définitivement la
Kapisa-Surobi à la fin de 2012 sur une situation très ambiguë. Avait-on
gagné ? Avait–on rempli la mission ? On pouvait le considérer. La région n'était pas pacifiée et on était certes revenus physiquement au point de départ mais on pouvait considérer au moins que
les forces de sécurité afghanes pouvaient, grâce à nous, reprendre la mission à
leur compte. Il suffisait de le dire clairement. On attend toujours le grand discours
et le défilé de la victoire. On attend toujours une vraie reconnaissance pour
les efforts et les sacrifices consentis.
Les grands événements s'écrasent mutuellement. Il s'est passé beaucoup de choses depuis cette guerre. Avec le temps, il devenait plus difficile d'y revenir. Le dixième anniversaire des combats d'Uzbin aurait pu être au moins une occasion de saluer des hommes courageux. Cette occasion n'a pas été saisie.
Les grands événements s'écrasent mutuellement. Il s'est passé beaucoup de choses depuis cette guerre. Avec le temps, il devenait plus difficile d'y revenir. Le dixième anniversaire des combats d'Uzbin aurait pu être au moins une occasion de saluer des hommes courageux. Cette occasion n'a pas été saisie.
vendredi 17 août 2018
L'embuscade d'Uzbin (18 août 2008)- 2 Un col trop loin

Modifié le 18 août 2018
A l’été 2008, la France prenait simultanément en compte la province de Kapisa ainsi que le commandement de la région de Kaboul (Regional command capital, RCC) et donc également le district de Surobi.
Le 8e
Régiment parachutiste d’infanterie de marine (RPIMa) était l’instrument premier
de cette double-opération. Selon les mots de son chef, il se préparait avec la
« souplesse d’un gymnaste ». La structure de son groupement ne
cessait de fluctuer au gré des incertitudes politiques. A Bucarest en avril, on
annonçait bien les fameux « 1 000 soldats de renfort » mais en
réalité ce n’était plus que 700 pour la nouvelle mission et 300 pour le RCC afin
de remplacer le départ d’une unité allemande et d’occuper la base de Tora en
Surobi. Le tout s’effectuait alors que l’on avait retiré les véhicules
des régiments pour les grouper dans des parcs mais l’on entamait seulement les très
rigidifiantes réformes issues de la RGPP. Louvois ne serait adopté que quelques mois plus tard et les marsouins-parachutistes pouvaient au moins être certains d’être soldés.
Laissés un peu
à eux-mêmes, sans grande orientation opérative et tactique, le 8e RPIMa s'est quand même très bien préparé et ceux qui sont
partis en Kapisa en juillet s’en sont finalement bien sortis. Jusqu’au mois de
décembre, ils ont mené la première campagne de contre-insurrection française
depuis le Tchad dans les années 1970 et ils l’ont bien fait, au prix de quinze
soldats blessés. C’était un tournant majeur de notre engagement en Afghanistan
et même de l’emploi de nos soldats depuis les années 1980 mais cela
n’intéressait alors guère les médias. Cela se passait sans doute trop bien et
puis cette Task Force Chimère n’avait eu « que » quinze soldats
blessés. On aurait donc pu continuer à faire la guerre à bas bruit s’il n’y
avait eu aussi le ré-engagement en Surobi.
Trois semaines
après la relève des Américains en Kapisa, le BATFRA renforcé remplaçait les
Italiens sur la base de Tora. On avait donc deux engagements français voisins
mais qui auraient pu se dérouler aussi bien sur des planètes différentes tant
le BATFRA restait lui dans son sentier. Alors même que la compagnie affectée à
Tora était aussi du 8e RPIMa et se trouvait à quelques dizaines de
kilomètres de ses camarades, les équipements ou les dotations en munitions étaient
restées les mêmes que ceux du reste du BATFRA, qui lui-même avait peu évolué. Si
on y ajoutait, à Tora, les certitudes d’un capitaine sur ses qualités propres et
celles de son unité, on obtenait un cocktail habitudes-prétention au destin
généralement funeste en temps de guerre.
Le district de
Surobi est alors surtout une zone de passage pour les groupes armés et bandits
locaux, dont le plus important est le Hezb i-Islami Gulbuddin (HiG) d’Hekmatyar,
un ancien allié contre les Soviétiques. Les Italiens avant nous et les Turcs
encore avant ne s’y sont jamais montré, disons, très agressifs. Un accrochage
qui avait provoqué la mort d’un soldat italien en février 2008 avait suffi à
calmer tout velléité de troubler l’activité locale.
Le nouveau
commandement français décidait de son côté de reprendre pied dans tout le district.
La méthode en serait la reconnaissance, c’est-à-dire concrètement des déplacements
sur tous les axes afin de rencontrer les populations et de voir le terrain
avant de rentrer à la base. La conjonction entre pouvoir mettre le pied quelque
part pendant une heure ou deux et contrôler ce même quelque part était sans
doute un peu hâtive (après l’embuscade, un très haut responsable des armées me
parlera ironiquement de « promenade militaire » pour qualifier cette
méthode) mais jusque-là cela paraissait fonctionner, en grande partie parce que
personne ne s’y opposait. On pouvait circuler et, avec un peu de chances,
discuter avec les chefs locaux, distribuer un peu d’aide, etc. et tout le monde
était content avant de rentrer à la base sans avoir été vraiment inquiété.
La zone est
montagneuse et difficile d’accès. Il fallut s’y reprendre à plusieurs fois pour
aller jusqu’au col d’Uzbin dans une des vallées secondaires de Surobi. Une première visite avait déjà eu lieu quelques jours auparavant au village de Sper Kunday au pied du col. Les
intentions françaises pouvaient alors difficilement échapper à quiconque prenait
la peine de les observer. Le 18 aout, une colonne forcément peu discrète était
donc partie le matin de Tora pour arriver vers 13h30 à Sper Kunday vingt
kilomètres plus loin. Normalement, c'était à une section de l'armée nationale afghane (ANA) de poursuivre la progression vers le col. C'est finalement la section du 8e RPIMa (Carmin 2) qui était arrivée en premier à Sper Kunday qui a pris cette mission à son compte.
Un peu plus de deux heures plus tard, la crise, qui est souvent un révélateur de faiblesse cachées, éclatait.
Un peu plus de deux heures plus tard, la crise, qui est souvent un révélateur de faiblesse cachées, éclatait.
La première de
ces faiblesses cachées était celle de la mission. S’il est concevable de
maintenir ouvert un axe de circulation essentiel, on ne voit pas très bien
l’intérêt d’aller sur un col inaccessible en véhicules puis de redescendre et
de revenir à Tora. S’agissait-il de prendre contact avec la population ?
Il n’y en avait pas sur le col. Mesurer la viabilité de l’axe ? Il n’y
avait pas besoin d’aller sur le col pour le constater. Servir d’appât ?
Outre qu’on ne pratique plus guère ce procédé depuis Dien Bien Phu, il aurait
fallu qu’il y ait par ailleurs un puissant et efficace dispositif de frappes
pour compléter le piège, ce qui n’était pas le cas.
En résumé, la
mission de la section du 8e RPIMa (Carmin 2) en charge de la
reconnaissance jusqu’au col était simplement la continuation de ce qui se faisait
auparavant. Elle aurait pu se faire très simplement avec des drones…si on avait
disposé de drones. On jettera une voile pudique sur le retard pris par la
France dans ce domaine, un beau ratage de notre politique industrielle de défense
qui nous aura sans doute coûté quelques vies de soldats. Idéalement, si on
avait fait un effort sur les « petits programmes », ceux qui ne
sont pas les plus rentables pour les industriels mais intéressent le plus les
combattants au ras du sol, le chef de CARMIN 2 aurait peut-être pu disposer
d’un petit drone de reconnaissance (ceux-là même qui sont vendus actuellement 200 000
euros aux armées) qui lui aurait évité d’aller sur le col et peut-être même de
déceler l’embuscade. A tout le moins, on aurait pu utiliser un SDTI (Système de
drone tactique intérimaire), système déjà opérant mais jugé plus utile au
Kosovo.
Au final, on
peut peut-être justifier la montée sur le col par la volonté de montrer que les
soldats français pouvaient aller là où ils voulaient. Il n'y avait pas là non plus une urgence absolue à le faire le jour de la visite du chef de l'ISAF à l'état-major français à Kaboul et au BATFRA, visite qui accaparait évidemment les attentions et certains moyens.
Il est vrai, deuxième faiblesse, qu'on n’imaginait pas que cela puisse être vraiment dangereux. Dans les ordres donnés au chef de Carmin 2, il n’était question que d’une douzaine de combattants légèrement armés qui pouvaient mener une action de harcèlement et/ou poser un engin explosif. Rien qui ne soit à la portée d’une section d’infanterie. C’était une énorme erreur bien sûr, qui reprenait presque en copier-coller les paragraphes renseignement d’ordres d’opérations précédents, mais ce n’était pas la principale. La principale fut d’oublier que la guerre, qui suppose la confrontation violente entre êtres intelligents, est la plus incertaine des activités humaines et qu’il était possible que ce que l’on croyait ne fut pas vrai.
Il est vrai, deuxième faiblesse, qu'on n’imaginait pas que cela puisse être vraiment dangereux. Dans les ordres donnés au chef de Carmin 2, il n’était question que d’une douzaine de combattants légèrement armés qui pouvaient mener une action de harcèlement et/ou poser un engin explosif. Rien qui ne soit à la portée d’une section d’infanterie. C’était une énorme erreur bien sûr, qui reprenait presque en copier-coller les paragraphes renseignement d’ordres d’opérations précédents, mais ce n’était pas la principale. La principale fut d’oublier que la guerre, qui suppose la confrontation violente entre êtres intelligents, est la plus incertaine des activités humaines et qu’il était possible que ce que l’on croyait ne fut pas vrai.
De là
découlait, la troisième faiblesse, celle du dispositif. Celui-ci était partagé
en deux échelons : celui de la reconnaissance avec Carmin 2 et de la section de l'ANA, puis celui des appuis avec, un
kilomètre en arrière, une autre section afghane de police militaire cette fois
(en fait spécialisée dans la protection de sites) et une section
d’appui du Régiment de marche du Tchad (RMT, Rouge 4) placée sur la ligne de crête
précédente avec son groupe de mortiers de 81 mm et son groupe de missiles
Milan. Un groupe des Forces spéciales américaines dont une équipe de guidage aérien (Joint terminal attack controller, JTAC) complétait le dispositif, un peu étrangement dans ce secteur français mais il s'agissait alors de chapeauter et surveiller les Français dans leur mentoring des forces de sécurité afghanes. Leur présence sera finalement essentielle pour les munitions qu'ils portent avec eux, et qui s’avéreront précieuses, mais surtout pour leur capacité à faire appel à des appuis aériens (même imparfaitement car ils sont aussi en formation). Une autre équipe JTAC américaine viendra les renforcer.
Difficile de
faire plus hétérogène donc mais là aussi on avait pris l’habitude de ces
bricolages au mépris de tous les principes de cohésion, de pratique en commun,
de confiance mutuelle, etc. Encore une fois peu importait puisque cela se
passait toujours bien (ou presque) et que de toute façon l’ennemi était faible.
Comble de la légèreté, ce dispositif était « piloté » de loin depuis
Tora. Il est vrai que l’activité principale ce jour-là, celle
qui polarisait les esprits (et les hélicoptères), était la visite du général
McKiernan, le commandant de l’ISAF. Ni le commandant d'unité, ni son adjoint n'étaient alors disponibles. A Uzbin, les chefs de section étaient
censés se coordonner entre eux.
Cette colonne
blindée d’une centaine d’hommes pouvait être encore imposante et résister à
tout tant qu’elle restait groupée. La faille, et quatrième faiblesse, est intervenue
lorsque, conformément aux ordres reçus, la section Carmin 2 s’est dissociée du
reste du groupement pour entamer la montée du col à pied, pratiquement deux
kilomètres de lacet à fort dénivelé et par 30 degrés de chaleur.
A 15h45, alors
qu’elle arrivait sur le col après une marche difficile, la section se retrouvait en partie coupée de ses appuis
directs, les mitrailleuses 12,7 de ses trois VAB restés à Sper Kunday (avec le
4e en arrière), alors en limite de portée. Restaient les mortiers de
Rouge 4 et surtout les éventuels aéronefs demandés par les Américains...aux
Américains (les deux hélicoptères Caracal français étaient alors pris par une
autre mission). Tout cela représentait une puissance de feu considérable, à
condition de garder l’ennemi à distance de façon à ne pas être frappé soi-même.
A 15h45 environ, le premier coup de feu claquait.
Les « combattants
en haillons », pour reprendre l’expression postérieure d’un général
français, avaient su mettre en place une embuscade très sophistiquée. Contrairement
à ce qu’on imaginait, différentes factions locales s’étaient entendues pour
réunir bien plus que la douzaine attendus et avec suffisamment de
munitions stockées dans des caches pour combattre toute une journée. Cette
force, parfaitement dissimulée dans le terrain, a bénéficié d’une surprise
complète. Par la suite, à l'afghane, la première force a été rejointe par les bandes d'autres chefs de guerre qui voulaient leur part de gloire.
Carmin 2 a tout de suite été durement frappée, des snipers rebelles prenant en plus pour cibles son encadrement. Rapidement blessé au bras, l’adjudant Evrard est parvenu néanmoins à continuer à commander et à assurer la liaison avec ses équipages de VAB et tous les appuis. Après la surprise initiale, le sergent Cazzaro qui était presque arrivé au col parvenait à se replier avec la plupart de ses hommes. Toute la section se trouvait alors postée derrière les quelques rochers aux alentours de la piste. Les risques diminuaient d’un coup mais au prix de la fragmentation et de la quasi-immobilisation.
Carmin 2 a tout de suite été durement frappée, des snipers rebelles prenant en plus pour cibles son encadrement. Rapidement blessé au bras, l’adjudant Evrard est parvenu néanmoins à continuer à commander et à assurer la liaison avec ses équipages de VAB et tous les appuis. Après la surprise initiale, le sergent Cazzaro qui était presque arrivé au col parvenait à se replier avec la plupart de ses hommes. Toute la section se trouvait alors postée derrière les quelques rochers aux alentours de la piste. Les risques diminuaient d’un coup mais au prix de la fragmentation et de la quasi-immobilisation.
Dès lors que
les rebelles étaient imbriqués autour de Carmin 2 les appuis disponibles
étaient presque totalement inopérants. Les mitrailleurs des VAB, rapidement
accrochés eux-aussi, ont fait ce qu’ils ont pu sur des ennemis qu’ils voyaient
peu mais le groupe mortiers de Rouge 4 n’a pas pu tirer sans risquer de frapper
autant les Français que les rebelles. Son chef a donc annoncé à la radio une « impossibilité
technique de tir », ce qui sera à l’origine de la légende stupide de l’oubli
des percuteurs et d’une brouille, tout aussi stupide, entre le RMT et le 8e
RPIMa.
Le chef de
Rouge 4 a fait alors embarquer sa petite section dans les VAB et tenté de venir
au secours de Carmin 2 par Sper Kundaï. Il s’y est trouvé tout de suite pris à
son tour sous le feu d’armes légères et de dizaines de roquettes RPG utilisés
comme artillerie légère d'une autre force rebelle. Comme la section de l’ANA qu’elle rejoignait, il fut impossible à Rouge
4 de manœuvrer au-delà du village. Tout au plus, le groupe antichars réussit-il
à tirer quatre missiles. Ces quatre missiles à charge creuse n’ont sans doute pas
changé grand-chose. Ils ont même freiné beaucoup plus tard la progression de
nuit de renforts, les fils des missiles qui traînaient faisant croire que la
zone était piégée. Les chasseurs-bombardiers américains qui sont arrivés au
bout d’une demi-heure de combat ont fait le même constat de l’impossibilité
d’agir du fait de l’imbrication.
De fait seuls,
auraient été efficaces des appuis directs et précis comme des canons de 20 mm
ou des canons de 9o/105 mm de Sagaïe ou d’AMX-10RC en admettant qu’ils aient pu
accéder à la zone. Une paire d’hélicoptère Tigre aurait peut-être été aussi
très utile mais l’appareil, alors en service au 5e Régiment
d'hélicoptères de combat depuis la fin 2007 poursuit sa phase normale et
réglementaire d'expérimentation tactique puis une, essentielle probablement,
mise au standard naval. Il n’y en avait donc pas en Afghanistan.
Pendant ce
temps à l’état-major du RCC, c’était stupeur, sidération et même colonels en
pleurs selon un témoignage de première main. On envoyait néanmoins tous les
renforts possibles. Deux sections d’infanterie et une section d’appui, étaient
parties immédiatement de Tora pour arriver vers 17h00 dans la zone et se faire
prendre à partie à leur tour par des rebelles qui eux-mêmes s’étaient
renforcés. Le terrain à la fois vallonné et très découvert rendait très
difficile toute manœuvre, à moins d’accepter des pertes importantes. La
compagnie parvenait néanmoins à Sper Kunday à relever les VAB de Carmin 2 qui
arrivaient en limite de munition et à tendre la main vers les premiers hommes
qui étaient parvenus à s’extraire de l’embuscade. Une autre compagnie en
provenance de Kaboul a également été envoyée mais elle ne pouvait arriver qu’à
la tombée de la nuit.
La section de
l’adjudant Evrard se trouvait donc isolée sans espoir de secours rapide avec,
cinquième faiblesse, l’impossibilité de résister très longtemps. Là encore, Carmin
2 payait en bout de chaîne des années d’errements, de bidouillages et de petites
économies qui avaient affaiblies les sections d’infanterie et que le courage
seul ne pouvait entièrement compenser.
Cette section
à terre était équipée exactement de la même façon que celle que j’avais
commandée quinze ans plus tôt, époque où nous étions très heureux des
nouveautés (gilets pare-balles, casque, Minimi, fusil mac Millan) incorporés en
urgence après déjà un certain nombre de tués en Bosnie. Depuis il n’y avait pas
eu grand-chose de nouveau pour les fantassins, ou pour être juste des choses qui
arrivaient mais très lentement. Pas de mort pas d’urgence, pas d’urgence pas
d’argent pour ce que les Britanniques appellent la « poor boody infantry ».
Au lieu d’une
section à terre théorique de 30 hommes (structure déjà réduite par économie), il
n’y en avait que 23, une habitude prise depuis longtemps dans les missions
extérieures afin d’économiser quelque postes. On avait alors atteint un minimum
historique depuis l’invention de la section d’infanterie en France. Cette
section réduite était en revanche organisée comme le prévoyait le règlement, ce
qui cette fois ne me paraissait pas judicieux. Passons sur les groupes à sept
hommes (un chef et deux trinômes), les plus réduits des armées développées et
donc aussi les plus rapidement déstructurés en cas de pertes. On se rendra bien
compte un jour de cette faiblesse.
Constatons en
revanche que toutes les armes d’appui, mitrailleuses légères Minimi,
lance-grenades individuels, fusil de précision, étaient réparties dans les
groupes. Alors que les combattants étaient collés à l’ennemi, ces armes d’appui
n’avaient plus beaucoup d’utilité. A quelques dizaines de mètres de l’ennemi, on
ne tire pas au FRF2 ou au LGI et la Minimi n’apporte pas de plus-value par
rapport au Famas. Je prône pour ma part, une organisation en 3 + 1 avec trois
groupes légers et un groupe rassemblant les armes d’appui. Placé en arrière, ce
groupe peut utiliser ses armes plus facilement et même combiner ses effets
(précision, saturation légère et tir indirect). A Uzbin, le tireur de précision
placé un peu en arrière, Kevin Chassaing, a fait des ravages (peut-être huit
ennemis) avant d’être mortellement frappé à son tour. Son camarade plus en
avant et plus mal placé a également abattu avec certitude au moins un combattant
ennemi. Les tireurs de précision sont de loin nos soldats les plus redoutables,
c’est sans doute la raison pour laquelle, il n’y en plus que deux par section
au lieu de trois comme au temps de la section à 42 hommes.
D’une manière
générale, la section d’infanterie française en opérations était devenue une
petite unité porteuse d’armes légères en 5,56 mm et par ailleurs déjà vieilles
de presque trente ans (en qu’en trente ans on ait toujours conservé les mêmes mauvais
chargeurs reste pour moi un mystère). Rien là-dedans qui écrase, sature, tient
en respect à distance. Pire, alors qu’au même moment, les sections françaises
en Kapisa étaient surdotées en munitions, les hommes de Carmin 2 ne disposaient
que de 200 cartouches, la dotation « habituelle ». C’est peu
lorsqu’il faut tenir des centaines de minutes. Avec trente hommes à terre, un groupe
d’appui et 300 voire 400 cartouches par soldat, peut-être une arme de poing en surdotation pour chacun, et sans autre innovation, la
section pouvait peut-être tenir deux heures de plus et attendre l’arrivée des
renforts sans avoir à tenter un périlleux décrochage.
Au lieu de
cela, vers 18h, la situation était devenue très critique pour Carmin 2, qui
commençait à manquer sérieusement de munitions, et même à Sper Kunday dont les
rebelles s’approchaient dangereusement. La décision a alors été prise de faire
tirer les avions A-10 et les hélicoptères OH-58 Kiowa puis les mortiers de 81
mm malgré l’imbrication, afin de couvrir autant que possible le décrochage individuel
ou par petits groupes, des marsouins-parachutistes, effectué dans les plus
mauvaises conditions (je ne me souviens plus pourquoi le décrochage ne s’est
pas fait non plus dans un océan de fumigènes, peut-être parce qu’il n’y avait
pas).
Le combat a
encore duré longtemps. Il fallut attendre 20h et l’arrivée de renforts de
Kaboul et des appuis américains, drone Predator, hélicoptères Kiowa, gunships
AC-130 (frappant surtout le district voisin de Methar Lam base de l'attaque ennemie) mais aussi mortiers français de 120 mm pour commencer à faire basculer le rapport de forces. Les rebelles, lourdement frappés desserraient leur emprise et laissaient aux Français plus de liberté d'action. Les
premiers blessés ont pu alors, enfin, être évacués et il faut souligner à cette occasion, le travail remarquable des pilotes d'hélicoptères Caracal une fois libérés de leur mission à Kaboul. Les rebelles ont décroché à
partir de 21h30 mais des tirs intermittents ont continué pendant plusieurs
heures. Le désordre était alors très grand dans les forces françaises qui s’étaient
empilées dans la zone et la progression fut particulièrement prudente. Il
fallut ainsi des heures pour sécuriser Sper Kunday et ses alentours avant que
deux sections puissent remonter à nouveau la long de la piste jusqu’au col. Une équipe de Forces spéciales norvégiennes était également héliportée courageusement sur la crête. La
zone a pu être fouillée jusqu’au matin du 19 août, les derniers soldats isolés
récupérés et les corps évacués. C’est à ce moment-là qu’un accident de VAB a
provoqué un décès et trois blessés supplémentaires.
Le 19 août, à
l’aube, Carmin 1, la nouvelle section du 8e RPIMa qui tenait le col était à
son tour prise à partie par des tirs à distance des rebelles. Elle parvenait à
guider sur eux un tir de mortiers lourds qui s’est avéré semble-t-il efficace.
Les rebelles ont abandonné définitivement le combat vers midi, la crête a été définitivement conquise.
Dix de nos
soldats sont morts, ainsi que l'interprète qui les accompagnait, et 21 autres ont été blessés. Les deux sections afghanes ont eu deux blessés au total. Plusieurs véhicules ont été
très endommagés et nos adversaires ont capturé un certain nombre d’équipements
avec lesquels ils ont pu parader devant des journalistes de Paris Match venus
leur servir la soupe quelques jours plus tard. On ignore le nombre réel de
rebelles qui ont été tués ou blessés en deux jours, les chiffres qui vont de 10, selon Hekmatyar
lui-même, à 80. Un seul corps a été trouvé dans la zone des combats puis deux le lendemain sur la crête mais le drone Predator a permis de voir des dizaines de tués et blessés portés par les rebelles dans une vallée voisine. Par la suite, cela prendra du temps, mais la plupart des chefs de guerre et les bandes qui auront participé à l'embuscade seront frappés. Hekmatyar, lui, a été pardonné en 2016 et a fait la paix avec le gouvernement afghan.
La foudre
était finalement tombée. Elle a servi de révélateur de faiblesses structurelles
ou circonstancielles de notre armée. Elle a permis aussi de révéler le courage,
la force et la compétence admirables de beaucoup de nos soldats. Retenons les
deux.
jeudi 16 août 2018
L'embuscade d'Uzbin (18 août 2008)- 1 Prolégomènes de l'échec
Je suis allé pour la première fois à Kaboul durant
l’été 2006. Cette période correspondait à de grands changements. Il y avait
alors en Afghanistan cette situation étrange où les forces armées d’une même
coalition étaient séparées en deux opérations différentes et parallèles. Ces deux opérations correspondaient aux visions divergentes du département d’Etat, qui voulait faire
du Nation Building, et de la
Défense, qui ne voulait faire que combattre. Le tout s'appuyait sur une stratégie globale américaine largement improvisée, et comme d’habitude, totalement ignorante des réalités
locales.
Il y avait donc l’armée qui faisait la guerre le
long de la frontière pakistanaise, celle de l’opération Enduring Freedom, et celle qui aidait à la construction du
« nouvel Afghanistan », la Force internationale d’assistance et de
sécurité (FIAS ou plus communément ISAF). Dans les faits, l’ISAF, armée
principalement par les membres non-Américains de l’OTAN (40 000 soldats
européens au plus fort de l’engagement, sans par ailleurs la moindre vision
commune européenne), restait longtemps confiné à Kaboul par les Seigneurs de la
guerre afghans, premiers alliés des Américains. La plupart d’entre eux ne
souhaitaient pas en effet avoir trop d’interférences dans leurs affaires. Ils étaient
favorables à l’aide économique, qui permettait de construire de belles villas à
Dubaï, mais moins aux importuns. La « sous-traitance » de la sécurité
leur convenait bien et effectivement selon leurs rapports les choses semblaient
ne pas trop mal se passer, y compris dans les provinces pashtounes du Sud et de
l’Est.
Après des années, l’ISAF avait pu finalement
étendre son action dans les zones calmes du Nord et de l’Ouest d’abord, où
allaient se réfugier les Allemands et les Italiens. Et puis en 2006 elle a pris en compte le reste du pays. Les contingents britanniques, canadiens, néerlandais et danois, pour ne citer que les principaux, s’engageaient dans les
provinces pashtounes du Sud, avec la ferme intention d’y étendre les bienfaits de la
stabilisation. Il n’était nulle part question de combat mais plutôt d’appui aux
Equipes provinciales de reconstruction (PRT), ces organismes de
coordination des moyens de la gouvernance et du développement mis en place dans
chaque province. Le ministre britannique de la défense déclarait même qu’il espérait
qu’aucune cartouche ne soit tirée durant les trois ans de la mission.
La surprise fut totale. Les soldats de Sa Majesté, très insuffisants en nombre et
assiégés partout, tirèrent finalement plus de 500 000 cartouches et 13 000 obus en six
mois. Quant aux autres nations engagées, adeptes des missions de maintien de la
paix ou de stabilisation, ce fut un choc. Quelqu'un leur avait menti et cette guerre dont ils ne voulaient
pas entendre parler les avait pris par surprise. C’est dans ce contexte que le
Canada demanda l’aide de la France.
La position de la France en Afghanistan était
alors, à l’instar de beaucoup, celle de l’engagement symbolique. Il était
difficile après les attaques du 11 septembre 2001 de ne pas montrer sa
solidarité avec les Etats-Unis en n’étant pas présents à leurs côtés mais dans le
même temps il n’était pas question non plus pour le Président Chirac de prendre de srisques. Tout au plus, après la crise avec les Américains en 2003 avait-on
accepté, en geste de bonne volonté, d’engager 300 hommes des Forces spéciales
dans la province sud de Kandahar à la frontière du Pakistan (Task Force Arès).
Pour le reste on refusait de constituer une PRT française, à la différence de tous les autres alliés. Les équipes de conseillers, OMLT (Operational
Mentoring Liaison Team), venaient d’être mises en place mais la France
refusait alors d’en envoyer dans les bataillons afghans. Les règles
d’engagement de nos chasseurs-bombardiers étaient si restrictives qu’ils
ne frappaient quasiment jamais.
Nous étions depuis le début de l’intervention
centrés sur Kaboul avec un dispositif de formation, par ailleurs très efficace,
des cadres de l’armée afghane (Epidote) et un petit bataillon (le BATFRA), qui
faisait de la « présence » dans la capitale et ses abords. Nous
étions clairement dans la continuité des opérations de stabilisation pratiquées
en Bosnie depuis 1995 et au Kosovo depuis 1999 à ce détail près que ces deux
opérations balkaniques se déroulaient « après » la paix et non pendant une guerre
qui continuait.
Dans le cadre de la réorganisation de l’ISAF, nous
étions très satisfaits de rester à Kaboul dans le nouveau « Commandement
de la capitale » dont nous assurerions la direction tournante avec les
Italiens et les Turcs. Il y a avait juste un petit district, la Surobi, à
prendre en compte aux sorties Est de Kaboul. Il fut décidé que ce serait à la
charge de la nation alors au commandement de la zone.
Nous étions très clairement dans le camp des
combattants non-pratiquants et entendions le rester, avec même l’idée de se retirer
le plus vite possible. Mais dans le même temps, nous étions fiers de ne pas
afficher de « caveats », ces restrictions d’emploi (« nos
hélicoptères ne prennent pas d’afghan à bord », « nous ne faisons pas
de maintien de l’ordre », etc.) qui empoisonnent la capacité
opérationnelle des forces en coalition. Prenant prétexte de cette absence
officielle de restrictions, les Canadiens, alors très en difficulté dans la
province de Kandahar, demandaient à ce que l’on engage à leurs côtés la
compagnie d’infanterie du BATFRA. Après quatre jours de tergiversations, la France refusait, suscitant une belle
période de French bashing au sein de certains de nos Alliés.
Quelques temps après ce refus, je suis allé voir
la compagnie d’infanterie qui s'était malgré tout préparée à partir, une excellente unité du 126e Régiment d'infanterie. Je me
suis alors rendu compte qu’il n’avait jamais été sérieusement envisagé, hors la
TF Arès, d’engager une unité au combat en Afghanistan. Le commandant d’unité
n’avait pas de véhicule de commandement blindé (heureusement, comme la France
venait de prendre le commandement de la zone de Kaboul, la compagnie de
transmissions a pu lui en prêter un), il ne disposait pas de plus d’une unité
de feu et demi (en gros de quoi combattre pendant 72 h) bien
évidemment stockée comme en métropole, ce qui a pris un temps fou à
reconditionner en dotations de combat. Le ravitaillement pour la suite ?
Les Américains ! Leurs munitions sont compatibles avec nos armes ? On
ne sait pas ! (au passage, cela ne pouvait être pire que celles qu’on
importait à l’époque). Depuis assez peu, les camions avaient été remplacés par
des VAB (des véhicules blindés donc), avec seulement avec des mitrailleuses
légères de 7,62, mais pas pour la logistique, qui restait en camion. Aucune arme à
longue portée, hormis deux mortiers de 81 mm, et bien sûr des sections réduites
très en deçà du tableau d’effectifs théorique. Sans entrer sans plus de détails,
il était évident que si cette unité, comme n’importe quelle autre de
l’infanterie française, avait été engagée dans le Kandahar elle aurait éprouvé
de grandes difficultés et sans doute des pertes sensibles.
Dans mon rapport final, je concluais que l’alerte
avec été chaude mais que la foudre ne nous épargnerait pas éternellement. Il fallait
absolument se préparer sérieusement à combattre en Afghanistan, non pas
simplement répondre à des agressions dans des petits accrochages mais être
capables de manœuvrer plusieurs sections ou pelotons, coordonner des feux, faire
face à une menace IED omniprésente, toutes choses qu’à force de « soldats
de la paix », d’interpositions, de « tirage de la violence vers le
bas », de « non emploi raisonné de la force », nous avions un
peu perdu l’habitude de faire.
Je n’étais évidemment pas le seul à penser cela, loin de là, mais les forces contraires étaient puissantes. Nous gérions la misère le nez
sur le guidon en multipliant les opérations avec des moyens toujours réduits,
avec des unités de marche », des non-fantassins effectuant des missions de
fantassins, des mélanges d’unités, des structures toujours différentes d’un
théâtre à l’autre (et parfois même sur le même théâtre), des économies de postes
qui faisaient fondre et désorganiser les sections, bref toutes choses qui
permettaient de faire les choses à peu près bien…tant qu’il n’était pas
question de combattre, auxquels cas tous ces manquements au principes de base nécessaires à l’efficacité au combat ne manqueraient pas de
nous éclater au visage. En fait, ils n’avaient pas déjà manqué d’éclater déjà à
plusieurs reprises sur différents théâtres mais heureusement à échelle
réduite.
Ajoutons que nous venions de sortir des
turbulences de la professionnalisation pour tendre les bras vers la Révision générale des politiques publiques (RGPP) (à ce jour le plus grand ennemi des armées françaises depuis le Front de libération nationale pendant la guerre d'Algérie), le
tout avec un budget en berne, un capital matériel massivement usé et modernisé
au compte-gouttes et des effectifs qui s’apprêtaient à être à nouveau taillés
au sabre. Difficile dans ces conditions de préparer sereinement des combats
dont nous percevions de toute façon qu’ils étaient la hantise de nos
gouvernants. Parmi les conclusions de mon rapport, il y avait la nécessité de
demander aux forces spéciales de nous transmettre leur retour d’expérience
tactique de leur action dans la province de Kandahar, où sept d’entre eux
étaient tombés, et surtout de regarder de très près ce que faisaient les armées alliées
qui combattaient en Afghanistan.
Je plaidais pour ma paroisse puisque c’était alors
mon travail, avant que l’on décide de ne plus s’intéresser à ce que faisaient les
autres et finalement que je ne sois pas remplacé à mon poste après mon départ en 2007. Je ne suis pas
sûr qu’il y ait eu alors à ce moment-là quelqu’un dans nos armées qui ait eu le
temps de s’intéresser en profondeur aux campagnes militaires du moment.
En tout cas, je n’ai vu aucune publication.
Pour autant, il y avait des évolutions
intéressantes comme la mise en place de l’adaptation réactive, une manière
d’assouplir les procédures d’acquisition des équipements, ou celle du
« bureau exploitation », synthétisant les comptes rendus de fin de
mission (CRFM) des unités françaises, pour les présenter régulièrement aux
décideurs de l’armée de terre pour leur demander de…décider des suites à
donner. Un processus rationnel se mettait en place qui aboutirait à la
transformation du visage de nos forces engagées en Afghanistan mais, avec l'inertie, après août 2008. Il présentait
cependant plusieurs limites. La première étant d’être un processus
« d’exploitation », au sens de James March, c’est-à-dire un processus incrémental, et non un processus « d’exploration ».
On améliorait progressivement les choses et essentiellement d’un point de vue matériel mais
sans grande réflexion de niveau opératif. On restait dépendant de notre
« sentier » à l’intérieur duquel on circulait de mieux en mieux jusqu’à
le creuser continuellement et avoir de plus en plus de mal à en sortir et même
voir au-delà.
Il est vrai aussi que le flou de la conduite
stratégique n’incitait pas non plus à sortir de ce sentier. Il n’avait jamais été
question de rester très longtemps en Afghanistan et il était en 2006 plus que jamais question de
se replier. Les Forces spéciales étaient retirées du pays et lors de la
campagne présidentielle de 2007, le futur vainqueur laissait assez clairement
entendre qu’il en serait de même pour les autres soldats français.
Et puis une fois élu le Président Sarkozy a changé
d’avis. Le 26 mars 2008, il annonçait devant le Parlement britannique que la
France enverrait un millier de soldats supplémentaires en Afghanistan pour
relever les forces américaines dans la province de Kapisa. Les raisons de cet
engagement n’ont jamais été très clairement expliquées, hormis la lutte contre
« ces barbares qui coupent les doigts vernissés des petites filles »
(une fake news venue des Etats-Unis). Il s’agissait sans doute plus
vraisemblablement de donner des gages de bon élève à cet OTAN dans lequel nous
revenions tout entier. En avril 2008, lors du sommet de l’OTAN à Bucarest, un
sommet marqué par les difficultés de l'organisation en Afghanistan, la France pouvait briller et faire preuve de
volontarisme. Contrairement aux nations qui avaient envoyé des troupes dans le
Sud afghan et qui avaient été surprises, la France s’engageait volontairement en juillet dans une zone que l’on savait largement tenue par divers mouvements
rebelles. En août, elle apprêtait à faire de même en Surobi après avoir repris le commandement de Kaboul.
Etait-on vraiment bien conscient de ce que l’on
faisait ? Rien n’est moins sûr. Comme souvent au niveau politique, l’envoi
de militaires était une fin en soi, leur nombre constituant la mesure de
l’action. Que d’énergie dépensée là-aussi, avec celle des réorganisations à
absorber ou des listes de postes à supprimer, à respecter des structures de
forces à l’homme près (pas un de plus que 4 000 !), un exercice aussi
crétin et déstructurant que si on passait au crible le porte-avions Charles de
Gaulle pour le faire fonctionner avec pile 1 000 marins parce que
1 950, c’est trop. Que l’on songe simplement à ce qui
pouvait rester là encore comme temps disponible pour la réflexion opérative et tactique.
Le Président de la République n’avait pas
pris la peine de s’adresser aux Français pour expliquer une décision qui allait
faire des centaines de morts et blessés et coûter des milliards d’euros et
avait choisi les parlementaires britanniques plutôt que français pour l’annoncer.
Cela suscita une petite grogne. Une motion de censure du gouvernement fut
déposée, ce qui permet au Premier ministre d’expliquer que « La France n’est nullement en guerre en Afghanistan »
(François Filon, 8 avril), mantra repris ensuite à plusieurs reprises par le
ministre de la Défense, Hervé Morin. L’argument premier était que la guerre ne
pouvait se faire et donc se déclarer (prérogative un peu oubliée des
parlementaires) qu’entre Etats, ce que les anciens des guerres d’Algérie ou
d’Indochine ont pu apprécier. Après le Président Mitterrand déclarant « La France n’a aucun ennemi au Liban » après la mort de quinze soldats en six mois et quelques jours avant l'attaque du poste Drakkar (58 morts), la France s'engageait pleinement en guerre tout en proclamant le contraire. Les dégâts d'une mauvaise surprise ne pouvaient alors n'être que considérables.
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