lundi 17 mai 2021

Une brève histoire des snipers-1ère partie : Les mal aimés

Lors de la Seconde Guerre mondiale, les tireurs d’élite américains étaient surnommés les « Ten cent killers », le prix de la cartouche du fusil Springfield 1903 qu’ils utilisaient. Durant la guerre du Vietnam, avec l’évolution des coûts sans doute, ils étaient devenus les « Thirteen cent killers » ou la « Murder Inc. ». Ils sont aujourd’hui, à l’image de Chris Kyle, des héros aussi spontanément célébrés aux Etats-Unis qu’ils ont pu l’être de manière organisé par l’Etat soviétique pendant la Grande guerre patriotique. Pendant ce temps, nul nom de tireur de précision, d’élite ou « sniper » ne se détache vraiment de l’histoire des armées britanniques et françaises plutôt mal à l’aise avec ces combattants particuliers, qui apparaissent comme un expédient nécessaire mais dont a un peu honte et qui disparait avec le besoin, la guerre de position qui l’a vu naître. Entre tueur en série et protecteur, lâche et héros, individualiste et rouage essentiel d’un ensemble, le sniper est une figure à part dont l’image a beaucoup fluctué en fonction des contextes dans lesquels il est apparu et a été utilisé.

Ce mal aimé du combat a d’abord beaucoup souffert de combattre à distance. L’arme de jet et l’arme de choc sont d’origine commune, introduite presque simultanément pour la chasse. La première permet de réduire le risque par la mise à distance mais la seconde est souvent indispensable pour tuer. L’appréhension de l’agression de l’autre et surtout la peur de mourir ne s’y exercent pas avec la même intensité. Le combat par contact physique répugne et induit un stress maximal.

Les héros des légendes indo-européennes combattent à la lance, à la fois arme de jet très proche et de contact, ou à l’arc comme le dieu Krishna dans la Mahabharata indienne ou les héros de l’Illiade à partir d’un char ou après en être descendu. Si les peuples cavaliers continuent de privilégier ce combat à distance, associé à l’excellent arc composite, l’image du guerrier évolue en Europe et au Proche-Orient avec l’apparition et le développement des protections et surtout des épées de fer, à partir de 800 av JC. Le combat rapproché y devient prédominant et valorisé par rapport au tireur à distance qui apparaît ainsi de plus en plus, par contraste, comme un combattant, certes indispensable pour préparer ou accompagner le combat principal, mais moins courageux. Cette différenciation tactique s’accompagne d’une différenciation aussi sociale et culturelle. Après les citoyens-fantassins, hoplites grecs, légionnaires romains, guerriers germains, ce sont les aristocraties-cavalières, associées dans le terme de « chevalier », qui se développent en Occident qui prennent le monopole des vertus guerrières dans un combat conçu comme une série de duels entre égaux et d’écrasement des roturiers à pied.

Dans ce contexte, la mort à distance des chevaliers, par les arbalétriers ou les archers apparaît comme un crime social doublé de lâcheté, puisque avec ces armes perfides une personne « de peu » peut tuer sans  risque le plus vaillant des nobles. Lors du concile de Latran en 1139, le pape Pape Innocent II interdit « cet art meurtrier et haï de Dieu », sans grand effet il est vrai, tant ces armes sont quand même efficaces et peuvent même avoir une influence considérable sur les évènements comme lorsqu’un arbalétrier tue Richard 1er « Cœur de lion » lors du siège de Châlus-Chabrol en 1199. Toute l’ambiguïté est là, le tireur à distance déplaît mais il est nécessaire. On l’utilise donc mais on le licencie dès la fin des combats.

L’apparition de l’arme à feux accroit encore le malaise. Bayard, l’archétype du chevalier, considérait qu’il était honteux « qu’un homme de cœur soit exposé à périr par une misérable friquenelle dont il ne peut se défendre ». Car l’arme à feux, outre sa capacité de perforation, présente la particularité inédite de lancer un projectile invisible, phénomène non-naturel qui dépasse les capacités des sens et accroit encore l’impression de ne pas avoir de prise sur son environnement. Bayard ordonnait la pendaison de tout arquebusier capturé avant de périr lui-même d’un coup d’escopette dans le dos en 1524. Par contraste, l’arme de jet, qui permet de compenser la supériorité du chevalier apparaît aussi comme l’instrument de l’affranchissement politique et social. Les figures qui incarnent cette vision sont d’abord légendaires comme l’archer anglais Robin Hood ou l’arbalétrier suisse Guillaume Tell.

Au début du XVIIIe siècle, les fusils, qui remplacent les mousquets, permettent déjà de tirer avec une certaine précision. On se rend compte aussi que les fusiliers tirant de manière autonome sont en moyenne deux fois plus précis que ceux tirant groupés. Certains Etats allemands développent alors de petites unités pour renseigner et « tirailler » en avant des troupes. Incapables d’actions de choc du fait de leur dispersion, il s’agit alors surtout pour elles de préparer le combat principal mené par l’infanterie de ligne. Les hommes qui composent ces unités sont baptisés Jägers, ou Chasseurs, du nom de la catégorie de la population où ils sont, et seront toujours prioritairement, recrutés. Malgré la répugnance dans l’Europe aristocratique à laisser les combattants hors de tout contrôle étroit, le procédé des tirailleurs se répand lentement. Certains Chasseurs tyroliens et bavarois, sont même équipés d’une carabine Gandoni utilisant l’air comprimé.

Le premier véritable emploi moderne de tireurs de précision date de la guerre d’indépendance américaine. L’absence initiale d’armée régulière impose à la nouvelle république de faire appel aux hommes déjà aguerris, comme les chasseurs, coureurs des bois ou agriculteurs de la « frontière », pour qui le tir précis est une condition de survie. Ces coureurs des bois et chasseurs, arrivent avec leur propre fusil dont le canon, « l’âme », rayé fait tourner la balle et permet de tirer efficacement beaucoup plus loin que le Brown bess des « habits-rouges ». Certains de ses hommes, baptisés Rangers, avaient déjà été utilisés contre les Français et les Indiens dans les années 1750 sans que l’armée britannique, qui avait pourtant constaté leur efficacité, n’adopte définitivement ce savoir-faire. Ces amateurs ne savent pas combattre à la manière réglée des Européens mais ils font des ravages dans les rangs britanniques et particulièrement lors de la campagne de Saratoga, en 1777, où 500 Rangers sélectionnés par le général Morgan et équipés du long fusil Kentucky harcèlent dans la forêt une colonne britannique. En tuant, le général anglais Fraser de Balnain à presque 400 mètres près de Saratoga, Timothy Murphy apparaît comme le premier sniper héroïsé.

Les Américains renouvellent l’expérience lors de la guerre de 1812.  Le 9 janvier, à la Nouvelle-Orléans, une ligne de tireurs d’élite mobilisés étrille une brigade britannique, en tuant d’abord ses officiers puis en frappant ses compagnies paralysées. Plus de 1 600 soldats de sa Majesté tombent en moins de 25 minutes pour moins de 60 Américains. Pour la première fois, quelques tireurs isolés et précis peuvent avoir une influence forte sur l’issue de chaque bataille. On les appelle déjà tireurs d’élite mais pas encore snipers, nom que l’on donne à partir des années 1820 aux excellents tireurs capables de toucher des snipes, des petites bécassines du nord de l’Angleterre.

L’expérience américaine porte en partie. A l’initiative du capitaine Ferguson, vétéran de la guerre d’indépendance et déjà inventeur d’un fusil s’armant par la culasse, les Britanniques se dotent d’une unité de tireurs de précision, le 95e régiment d’infanterie, dont les hommes sont, comme les Américains, équipés de tenues vertes et surtout, à partir de 1801, d’un fusil spécifique, le Baker. Le Baker possède une âme rayée qui donne à la balle une trajectoire droite jusqu’à presque 300 mètres, soit le double des fusils habituels à âme lisse. Cette précision accrue est cependant acquise au prix d’une cadence de tir plus faible, la balle devant être enfoncée avec un maillet puis une baguette rigide. Placées en tirailleurs en avant des troupes de ligne, les « sauterelles vertes », comme les surnomment les Français, font des ravages en Espagne, ciblant particulièrement les officiers. En 1809, le général Auguste de Colbert est tué de cette façon devant Villafranca. Paradoxalement, l’armée française, qui combat désormais surtout par la manœuvre, les feux d’artillerie et le choc de masse n’imite pas vraiment cette innovation. La Grande armée engagée en Russie n’emploie que cinq bataillons de Chasseurs dont quatre alliés et un corse. La marine française en revanche en fait un grand usage. A Trafalgar, en 1805, cela n’empêche pas le désastre, mais permet de toucher 50 membres d’équipage du navire amiral britannique, même si, contrairement à la légende, l'amiral Nelson est tué par une balle de canon lisse. 

L’armement d’infanterie connaît une évolution considérable tout au cours du XIXe siècle. Les fusils à âme rayée deviennent plus faciles d’emploi et ils s’arment par la culasse, ce qui augmente la cadence de tir et permet de tirer par tous les temps et dans toutes les positions. Avec les fusils Dreyse ou Chassepot qui apparaissent au milieu du siècle, n’importe quel fantassin peut déjà tirer plus loin, plus vite et plus précisément que les green jackets de Wellington. Avec l’apparition des poudres blanches à la fin du siècle, et la mise en service d’armes comme le Lebel ou le Mauser 98, il peut également tirer sans être décelé ou gêné par la fumée. Dans ces conditions, la distinction entre tirailleurs, qui combattent par le feu, et soldats de ligne, qui combattent plutôt par le choc, disparaît.

On oublie cependant que chaque fois que le combat s’est figé quelque part, devant la ville de Sébastopol en 1854-55 (où des Britanniques utilisent, sans doute pour la première fois, des lunettes de tir) ou lors de la guerre de Sécession, des tireurs isolés sont apparus spontanément. En 1861, le colonel unioniste Hiram Berdan regroupe ceux du Nord dans deux unités spécialisées, les 1er et 2e US Sharpshooters, équipés de fusils à lunettes et en tenue verte. De leur côté, les Confédérés les emploient de manière beaucoup plus dispersée. L’un d’entre eux, Jack Hinson, est peut-être responsable de la mort de cent soldats de l’Union le long des rivières Tennessee et Cumberland. Lors des combats de Spotsylvania, en 1864, le général de l’Union Sedgwick est abattu à 700 m juste quelques minutes après avoir déclaré qu’ « à une telle distance, les confédérés ne toucheraient même pas un éléphant ».

Ces manières de combattre, mal contrôlé, ne plaisent cependant guère et cette expérience de la guerre civile américaine est négligée par la suite. Avec la généralisation des fusils s’armant pas la culasse et l’apparition des poudres sans fumée ces manières plaisent encore moins. Les snipers peuvent désormais se cacher complètement ajoutant l’invisibilité du tireur à celle de la balle. Sous la menace de tels combattants, la mort devient totalement imprévisible et presque inévitable, ce qui induit un stress encore plus fort et réintroduit l’idée d’un combat inégal et lâche. La menace de snipers ennemis est toujours particulièrement détestée, impliquant souvent des rétorsions fortes qui déplaisent aussi souvent aux voisins de ces tueurs volontaires. Les grandes armées régulières n’aiment pas les tireurs isolés. Ce sont donc les amateurs qui leur rappelle à chaque fois leur efficacité. Lors de la guerre des Boers, de 1899 à 1902, des « commandos » de fermiers et chasseurs tiennent tête à l’armée britannique en la harcelant de tirs au fusil. A la fin de la guerre, on constate simplement que les Boers n’ont été capables de s’emparer  d’aucune position sérieusement tenue. Dans le combat géant, bref et très mobile que l’on envisage en Europe au début du XXe siècle, quelques tireurs de précision ne semblent guère avoir d’importance. C’est une erreur.

(à suivre)

16 commentaires:

  1. Merci, très intéressant. On attend avec impatience la suite (guerres mondiales et après).

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  2. Remarquablement bien fait et documenté. Merci.

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  3. L'historique est bon mais qu'en est-il maintenant du métier de Tp et de TE dans l'armée Française quelle est la doctrine d'emploie de ces hommes. car à une époque Ils étaient mal vu, on ne savait pas les utilisé et surtout on ne leurs faisait pas confiance.

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  4. L'amiral Nelson n'a pas été tué par un tireur d'élite, mais soldat ordinaire équipé d'un classique fusil mle 1777, comme l'atteste la balle de 18 à la livre qui l'a tué.

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  5. Merci pour ce texte très intéressant.
    Vous dites en évoquant l’armée du 1er Empire que « Paradoxalement, l’armée française, qui combat désormais surtout par la manœuvre, les feux d’artillerie et le choc de masse n’imite pas vraiment cette innovation ».
    C’est justement parce que l’armée de Napoléon manœuvre qu’elle n’utilise plus depuis 1792 la carabine. Duthilt, capitaine au 1er léger, donne une raison de cet abandon dans ses mémoires :
    « Cette mesure fut nécessité par l’embarras qu’avaient les carabiniers de convertir les cartouches ce fusil en cartouches de carabine, et les balles de fusil en lingots (…) il en résultait un travail pénible, assujettissant et très dangereux (…) et de plus un plus grand inconvénient lorsque dans une affaire ils venaient à en manquer, ils ne pouvaient facilement les remplacer de suite par des cartouches ordinaires. » (Toutes les armes réglementaires françaises ; fusils, pistolets, mousquetons ; utilisaient en effet la même cartouche qui était saignée pour adapter la charge de poudre.)
    Le général Bardin précise même « d'excellentes compagnies de carabiniers se trouvèrent pour ainsi dire, désarmées quelquefois par la raison même qu’elles avaient des carabines (…). On demeura convaincu que ce n’était nullement une arme de plaine. »

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    1. Pardon mais vous faites erreur les armées napoléoniennes n'ont a leur disposition que des armes a Silex donc a chargement par la bouche, parler de cartouche à l'époque est donc faux ....
      le 1er empire prend fin en 1815
      le canon rayé est apparu en France en 1793 avec la carabine de Versailles mais c'est une arme a silex
      le passage du fusil a silex ce fait en 1808 avec l'invention par Lepage de l'amorce
      lefaucheux invente la première "cartouche" avec son système de percussion a broche en 1835 et uniquement pour les armes de poing
      la cartouche a percussion centrale pour fusil est inventée aux USA en 1865 a la fin de la guerre de Secession

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    2. Les fusiliers de l'époque napoléonienne utilisent des cartouches en papier, qui rassemblent une mesure de poudre et la balle. Le terme existe avant l'invention de l'amorce à percussion. La cartouche est déchirée pour pouvoir verser la poudre par la bouche du fusil, et le papier sert de bourre pour maintenir la balle en place et faire un minimum d'étanchéité entre la balle et l'âme du canon.
      Et si on peut jeter le trop plein de poudre pour charger un pistolet avec une cartouche prévue pour un fusil, c'est parce que la balle est la même. Ce n'est évidemment pas possible si l'arme utilise une balle différente de forme adaptée à une âme rayée.

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  6. je ne pensais pas que les tireurs d'élite étaient présents dans les guerres du 18e siècle ! merci pour cet exposé très intéressant...et la suite prochainement !

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  7. Un très bon article sur ses soldats de l'ombre et du camouflage mais pourquoi mal aimé. ils étaient et sont des soldats à part entière avec leurs spécialités. Ils sont aussi indispensables que les cuisiniers et artilleurs et ils ont certainement sauvés beaucoup de vies humaines en empêchant moults attentats de kamikases.

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    1. "Ces manières de combattre, mal contrôlé, ne plaisent cependant guère" cette phrase explique parfaitement que cela ne plait guère car c'est mal contrôlé. Mal contrôlé sous entendant pas sous le contrôle d'un officier.... Des groupes qu'ils soient en binôme ou trinôme ne peuvent être laissé loin des yeux surtout derrière les lignes ennemies. Aucune forme de cellule de combat n'est acceptable en dehors de la section car elle est proprement encadrée.....

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  8. Bien avant d’être appelé Sniper, le tireur de précision était un Sharpshooter chez nos amis anglophones. Si l’on remonte le temps, il était avant tout un chasseur des immenses étendues du Nouveau Continent confronté à des distances de tir que seuls les chasseurs de montagne européens pouvaient rencontrer. C’est donc dans les plaines du Kentucky ou de la Pennsylvanie que les premiers fusils de tir longue distance sont nés, ces fusils aux lignes esthétiques bien particulières étaient dotées de longs canons rayés permettant une plus grande distance entre la hausse et le guidon et donc une plus grande précision de la visée et aussi, une bien plus grande portée de tir. Souvent dotés de platines de fusils à silex français ou anglais, ces fusils étaient entre les mains de tireurs de talent, capables de toucher des cibles à 300m ce qui était des distances « énormes » pour l’époque n’oublions pas que l’on chassait rarement en Europe à plus de 60m et que sur les champs de bataille les soldats effectuaient leurs tirs à moins de 40m. De plus en Europe rares étaient ceux qui ne pouvaient compter que sur la chasse pour leur subsistance hors les trappeurs du nouveau continent ne pouvaient compter que sur elle pour se nourrir et survivre. C’est en 1775 que ces trappeurs sélectionnés par le jeune Capitaine Daniel Morgan de Virginie devinrent une force armée durant la guerre d’indépendance contre les tuniques rouges du Roi Georges III. Il fut le premier a utiliser des compétitions de tir pour ne sélectionner que les tireurs les plus habiles parmi tous les volontaires, la cible utilisée une planche de bois a peine plus grande qu’un tête sur laquelle était dessinée un nez devait non seulement être touchée mais transpercée, garantissant ainsi la précision de l’arme et du tireur mais aussi la capacité du projectile a être vulnérant à 150 yards (140m). Leur capacité a touché une cible de petite taille à plus de 100m et pour certains même jusqu'à 300m et la rusticité de leur vie le long de la frontière en faisait des combattants de premier choix dans la guerre de guérilla que devait mener les révolutionnaires américains. C’est donc une centaine de ces hommes des frontières qui combattirent au profit de général Washington durant le siège de Boston et devinrent un des vecteurs décisifs de cette bataille (1775-1776).

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  9. Tirant de loin, cachés dans les lisières, leurs vêtements de chasse en peau étaient déjà un début de camouflage, les tuniques rouges anglaises elles offraient des cibles de choix. C’est peut être ainsi qu’est née leur image de chasseurs implacables des champs de bataille.
    Bien que rapporté dans nombre d’ouvrages comme étant le premier tir de Sniper, la mort de l’Amiral Nelson qui avait été visé et touché par le tir d’un marin français posté en haut d’un mat, n’intervint pourtant qu’en Octobre 1805, soit 29 ans plus tard. Peut y a t’il dans cette inexactitude historique de trouver un début de fierté dans la débâcle de Trafalgar.
    En fait la technique de harcèlement de ces franc tireurs lors de la bataille de Saratoga, en 1777, démontra qu’une fois l’officier abattu les troupes anglaises se désorganisaient rapidement allant même jusqu'à prendre la fuite. On peut aisément comprendre leur peur face a des hommes faisant mouche à 3 ou 4 fois la distance a laquelle ils étaient capable de répliquer efficacement. Cette nouvelle, qui traversa l’Atlantique plus vite qu’une trainée de poudre, fit même dire à Voltaire "Dieu n'est pas du côté des grands bataillons, mais est du côté de ceux qui tirent mieux".
    Les anglais réagirent bien sur très vite avec la mise au point du Fusil Ferguson qui ne fut produit pourtant qu’à une centaine d’exemplaires. Ce fusil avait des qualités de précision et de robustesse certaines ainsi que la possibilité d’y adapter une baïonnette, il aurait pu changer la face du conflit. Mais pour la petite histoire le Major Patrick Ferguson, son inventeur, eu un jour dans sa ligne de visée le Général Washington, passant en revue les troupes sur son cheval, Ferguson ne pressa pas la détente considérant que ce n’était pas le rôle d’un officier et gentleman « d’assassiner » à longue distance un général ennemi… C’est un bien étrange point de vue alors qu’aux yeux de nos contemporains ce sont les batailles des régiments de ligne qui paraissent avoir été de véritables boucheries. Une chose est évidente une arme précise sans tactique d’usage ne change en rien l’histoire d’un conflit.
    Cet évènement anodin s’il en est, démontre pourtant que ce sont des souvent des considérations éthiques de ce genre qui ont freiné le développement de cette forme de combat, que l’on nomme le « Sniping ». On peut aussi se demander si les hommes de Morgan avaient conscience d’avoir mis en pratique le concept de Sun Tzu que l’on nomme aujourd’hui une guerre asymétrique. Si comme moi vous prenez le temps de chercher la définition sur Wikipédia, vous pourrez lire : « Une guerre asymétrique est une guerre qui oppose la force armée d'un Etat à des combattants matériellement insignifiants, qui se servent des points faibles de l'adversaire pour parvenir à leur but souvent politique ou religieux. Les guerres asymétriques englobent notamment le terrorisme ou la guérilla et se distinguent des guerres entre États. » J’invite les contributeurs de Wikipédia à oublier que ce serait le Général Wesley Clark qui aurait mis au jour ce concept alors qu’il commandait les forces de l’OTAN au Kosovo, et rajouter les Sharpshooters du Capitaine Morgan.
    Le major Ferguson perdit la vie le 7 Octobre 1780 quand il fut pris pour cible par un sharpshooter américain équipé Kentucky rifle qui ne devait pas être si médiocre en définitive.

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  10. Extrait de l'article de Mars 2014 du Hors Série N°21 de Ligne De Front consacré aux Snipers

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  11. Au printemps 1861 alors que débutait la guerre de Sécession, le souvenir des « sharshooters » de Morgan capables d’infliger des pertes énormes à une force pourtant 10 fois supérieure en nombre, amena le colonel Hiram Berdan à former les 1er et 2ieme régiments de « Sharpshooters ». Equipant ces hommes d’un uniforme vert et d’armes a visée télescopique il fit merveille sur de nombreux champs de bataille, en ralentissant l’avancée des troupes ennemis à Gettysburg, ils changèrent le cours de la bataille. On peut parfaitement penser que dès que ces diables verts étaient repérés au loin nombres d’officiers confédérés devaient réfléchir avant d’apparaître à découvert. Les Snipers venaient ainsi de devenir une arme psychologique, d’une portée bien supérieure à celle de leurs armes.
    Pour se qualifier les candidats étaient invité à venir passer, avec leurs armes personnelles au besoin, un test qui consistait à placer à 200 yards (180m) 10 balles consécutives dans une cible de 25cm de coté. Ce qui a l’époque était considéré comme mission impossible selon les standards militaires en vigueur . Le nombre de candidats dut être important et ceux qui réussirent l’épreuve nombreux aussi puisqu’il permit de créer deux régiments. En Avril 1862 lors du siège de Yorktown et face aux 11 000 hommes de l’armée confédérée retranchée, les Sharpshooters de Berdan arrivèrent a réduire au silence toutes les pièces d’artillerie en éliminant leurs servants avec des tirs effectués a plus de plus d’un quart de miles (400m). Et ce avec des armes de tir sportif et non des armes de guerre. Prouvant pour la deuxième fois en moins de 60 ans que des batailles pouvaient être gagnées grâce a la précision chirurgicale de certains tirs . Il est même rapporté qu’un de ces hommes répondant au nom de « California Joe » aurait atteint un ennemi perché dans un arbre a 2 miles (3,2km). « Fanfaronnade de comptoir » me direz vous, c’est fort probable en effet mais une chose est certaine un des premiers effets des tireurs de précision que nous appelons aujourd’hui Sniper est la panique que leur seule présence peut provoquer chez l’ennemi par la simple auréole de gloire qui les précède dans l’imaginaire collectif. Dans le feu du combat il est plus facile d’expliquer la peur ressentie et souvent sa propre défaite du fait des prouesses extra ordinaires de son ennemi. Pour le combattant de 1863 qui rate souvent sa cible a moins de 100m un ennemi qui lui touche à 300m est vite crédité d’un tir depuis 600m. Et de son coté le « sharpshooter » aura vite fait au saloon de se créditer d’un tir à 2 miles.
    Dans la réalité les hommes de Berdan, tiraient avec des fusils certes équipés de lunettes télescopiques mais qui pesaient tout de même 15 kg.et pour certains 25kg. Le rechargement en haut d’un arbre devait être des plus acrobatiques. Au cour du conflit ils furent doté du nouveau « Sharp » a chargement par l’arrière, qui étaient capables de tirer jusqu’à 800 yards.
    Rendu à la vie civile Berdan donnera son nom a une première invention un système d’amorçage de percussion centrale, et de nombreuses autres comme le premier système de télémétrie à longue distance.

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