On assiste donc depuis le début à une course de
vitesse entre d’une part l’érosion mécanique du soutien que subit toute
intervention militaire, en France ou localement en fonction de ses coûts et de
ses effets, et d’autre part la montée en puissance des forces de sécurité
locales, elle-même structurellement liée au renforcement de l’autorité et de la
légitimité des États. Le problème est qu’avec les faibles moyens déployés dès
le début dans l’opération Barkhane,
en concurrence avec ceux des autres opérations engagées au même moment, en
particulier Sentinelle, et les
problèmes structurels des États locaux, cette course était perdue d’avance.
Barkhane a bien cumulé les succès tactiques au cours des années, mais ceux-ci sont restés insuffisants en nombre pour, au niveau opérationnel, empêcher les organisations ennemies de se renforcer, s’étendre et se diversifier. Dans le même temps, la « relève » tardait singulièrement à venir. La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a des moyens considérables et est mieux organisée que le dispositif français en intégrant sous une seule autorité tous les instruments civils et militaires, mais elle est incapable militairement de faire autre chose que de défendre ses sites. Quant aux forces locales, et en premier lieu les Forces armées maliennes (FAMa), malgré la mission de formation de l’European Union Training Mission (EUTM-Mali), elles n’ont guère progressé, car personne n’a touché vraiment à la corruption de leur infrastructure. La Force commune du G5-Sahel, créée officiellement en 2017, afin de coordonner l’action des armées locales autour des frontières avec un état-major commun et des bataillons dédiés, souffre depuis l’origine du manque de moyens et d’une cohésion incertaine de la coalition politique. Ses capacités de manœuvre sont encore limitées.
Insuffisance d’un côté, inertie de l’autre et quelques
raisons fortes de prendre les armes enfin, tout était réuni pour que la
situation se dégrade à partir de 2015 une fois terminés les effets de
l’opération Serval. Cette dégradation elle-même a bien sûr contribué encore à ralentir le
processus en s’attaquant prioritairement à des forces de sécurité locales, par
ailleurs souvent coupées de la population par leurs exactions. À la fin de
2019, on pouvait même considérer que les forces armées maliennes et burkinabés,
dans une moindre mesure nigériennes, régressaient et se trouvaient même au bord
de l’effondrement. Dans le même temps, les deux organisations principales de la
région, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM)
associant les groupes djihadistes présents sur le sol malien et l’État islamique
au Grand Sahara (EIGS) dont l’action s’étend dans la zone des « trois
frontières »
entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, s’offraient même le luxe de
s’affronter, indice qu’elles ne se sentaient pas forcément aux abois.
Comme souvent, c’est dans
la crise que l’on trouve les ressources nécessaires pour surmonter des blocages.
Les principales innovations militaires sont venues du champ organique plutôt
qu’opérationnel. Il n’est pas possible à court terme d’élever les capacités des
forces locales sans en passer par des formes d’hybridation avec les forces
alliées allant bien au-delà de la fourniture de formations techniques.
L’accompagnement des unités locales par des équipes de conseillers français, ou
désormais issus des forces
spéciales européennes dans le cadre de la Task
Force Takuba, va dans le bon sens. C’est une hybridation limitée, mais
l’expérience montre que les unités accompagnées respectent la population et
combattent mieux. C’est déjà beaucoup.
Après le sommet de Pau en janvier 2020, il a également
été décidé de renforcer l’opération Barkhane.
Avec ces nouveaux moyens, 600 soldats de plus et l’emploi des drones armés
en particulier, la pression exercée sur l’ennemi a rapidement été beaucoup plus
forte qu’auparavant. Les pertes françaises ont aussi logiquement été plus
élevées, mais pour un soldat français qui tombe il y a désormais
100 combattants ennemis. Ces pertes ennemies sont actuellement deux fois
supérieures à celles de l’année précédente. Elles pénalisent surtout EIGS qui
est particulièrement visée, mais en juin dernier, Abdelmalek Droukdel, émir d’Al-Qaïda
au Maghreb islamique, organisations membre du GSIM, a été tué, ainsi que très
récemment Bag ag Moussa, chef des opérations de la coalition. Le 30 octobre
dernier dans la région de Boulikessi, zone frontalière entre le Mali et le
Burkina Faso, les frappes des drones armés et des Mirage 2000, suivies d’un
raid des Forces spéciales, ont cette fois détruit une colonne ennemie de
soixante combattants qui s’apprêtait à attaquer une garnison malienne. Ce sont
sans doute les plus fortes pertes djihadistes en une seule journée depuis le
début de l’opération Barkhane. Les
combattants appartenaient à la petite organisation Ansarul Islam, qui se trouve
ainsi comme EIGS à plus grande échelle, largement neutralisée. On a retrouvé ainsi
sensiblement l’efficacité militaire de l’opération Serval.
Jamais sous la Ve République, une
opération militaire française n’a été active plus de neuf ans après le premier
soldat français tué et nous en sommes déjà à sept ans au Sahel. Cinquante
soldats y sont déjà tombés, ce qui classe cette opération parmi les plus
couteuses en vies humaines et en associant dépenses militaires et aide civile
on dépasse le milliard d’euros par an, ce qui est pour le coup le record de
tous les engagements français depuis 1962. Dans ces conditions, Barkhane n’a qu’un crédit de quelques
années au maximum.
Dans le même temps, un dialogue est engagé par les
nouvelles autorités maliennes avec l’émir du GSIM, Iyad Ag-Ghali, qui est avant
tout un homme politique local, ou encore avec la Katiba Macina, membre du GSIM,
dont les griefs sous-tendant l’insurrection peuvent être entendus. C’est une
bonne chose. Dialogue ne veut pas dire pour autant tout de suite la paix, ni
même l’arrêt des combats, mais il y a intérêt pour la France de favoriser tout
ce qui peut contribuer à la réduction de l’instabilité locale. C’est d’ailleurs
l’objectif de Barkhane et non
simplement le fait de tuer des ennemis, ce qui n’est qu’un moyen. La guerre est
un acte politique qui sert à faire de la politique, autrement dit à imposer sa
volonté à l’autre par la destruction, rare, et surtout par la négociation. Pour
autant, ne nous leurrons pas, l’instabilité restera chronique dans la région
tant les États sont faibles et les défis à relever importants.
Les succès militaires français actuels sont
l’occasion de changer de posture dans de bonnes conditions avant qu’il ne soit
trop tard. Le moins que l’on puisse faire dans le nouveau contexte qui peut se
dessiner est de défendre nos intérêts sécuritaires et diplomatiques au moindre
coût dans la durée. Le temps est sans doute venu de lancer une nouvelle
opération militaire avec un nouveau nom, plus légère, discrète et hybride, en
retirant le contingent au Mali, l’élément le plus visible et le plus couteux du
dispositif. Si cela peut faciliter par ailleurs les négociations locales, tant
mieux, mais cela ne doit en aucun cas en constituer un préalable ou une
conséquence. Si cela facilite l’indispensable coopération avec l’Algérie, tant
mieux aussi, mais le départ doit se faire en vainqueur et il n’est pas certain
qu’il y ait beaucoup d’autre opportunité de le faire.
Après il sera possible de continuer le combat contre les organisations qui menacent directement la France, EIGS et AQMI, avec notre force de raids et de frappes, forces spéciales et aériennes. Il sera toujours possible aussi de « refaire Serval » en cas de dégradation importante de la situation grâce aux forces prépositionnées ou en alerte. Il sera possible de combattre sur place au sein des forces locales, selon des modalités à imaginer. Gageons que le résultat sera sensiblement le même pour notre sécurité, pour beaucoup moins cher et plus longtemps.
Quelques réflexions.
RépondreSupprimerPremièrement, heureusement que la sixième armée du monde, et "première armée européenne" (soi disant) arrive à prendre l'ascendant tactique sur quelques bandes d'irréguliers. Qqui plus est sur un théâtre désertique ou semi désertique avantageux pour notre différence technologique. C'est le contraire qui aurait été fort étonnant, il faut ramener les choses à leur juste réalité.
Pour autant on ne peut malheureusement que constater que ces quelques succès tactiques, dont le dernier en date, depuis plus de sept ans, n'ont nullement réussi à inverser la tendance.
Bien au contraire puisque de nombreux experts de l'Afrique nous disent que, malgré tout, la situation globale n'a cessée et ne cesse de se détériorer année après année. Les réelles solutions de fond, ne situant nullement au niveau militaire.
En résumé, si l'on a quelques succès tactiques, par ailleurs normaux, force est de constater que nous sommes bien effectivement en train de perdre cette guerre, stratégiquement et plus encore politiquement.
D'ailleurs, on remarquera le parallèle, toujours plus important avec l'Afghanistan.
On peut par exemple le voir au niveau des pertes : 50 morts au bout de 7 ans contre 89 en 10 ans, malgré un terrain plus avantageux le ratio est quasiment le même. On a retrouvé ainsi sensiblement le même niveau de pertes. Probablement avec le même résultat au final.
Nos dirigeants actuels n'étant nullement dans une logique de retrait, puisqu'à l'Elysée on ne cesse de nous annoncer la victoire finale ! ? ?
Espérons seulement que comme pour ce fiasco, nous n'y resterons que dix ans, et que nous finirons quand même par sortir de cette pitoyable et piégeuse situation dans quelques années :
Il leur faudra bien encore ça avant de se rendre compte de la vraie réalité encore.
Ronin.
Absolument.
RépondreSupprimerMon colonel
RépondreSupprimerSuivi pour votre analyse...je ne connais pas assez la situation pour la commenter. par contre, vous etes bien sévère avec la MINUSMA
Tout ce que fait la MINUSMA, Barkhane n'a pas à la faire. Garde de poste isolés, protection de pistes d'atterrissage, escorte de convoi, protection de la population, contact avec les autorités locales. Combattre le terrorisme n'est pas dans le mandat de la MINSUMA.
RépondreSupprimerLa MINUSMA fait un travail considérable de liaison et de discussion entre les parties. Ses liaisons aériennes maintiennent le lien entre le nord et le sud du pays. Tout ce qu'elle fait, c'est 5000 hommes de plus que Barkhane devrait déployer...c'est autant de moins ...Je ne crois pas que la Fr aurait pu le faire dans la durée. Partout ou elle est déployée, les atteintes au droit de l'homme sont réellement moindres.
RépondreSupprimerMon colonel, je trouve que votre article apporte une réflexion pertinente quant aux limites générales d'une telle OPEX et de l'enjeu d'une transition qui tarde à se structurer.
RépondreSupprimerLes dernières comptabilités des combats ont en effet pu révéler une amélioration des capacités d'adaptation opérationnelle de Barkhane dans une région aux telles dimensions et quasiment sans contrôles frontaliers.
Cependant, l'analyse des motivations des insurgés reste entière. Quels que soient leurs dénominations auto-proclamées ou celles issues du marketing politique, ces groupes recruteront encore longtemps parmi une jeunesse nombreuse, sans ressources et témoins de violences multiples. Le besoin d'acquérir des armes pour assurer sa sécurité ou pour acquérir quelque bien va certainement demeurer une réalité avec ce glissement vers l'insurrection. A côté de la disponibilité des armes (et de l'or pour les payer), les groupes armés à prétention djihadiste ont fondamentalement besoin d'un ennemi désigné pour recruter. L'efficacité opérationnelle des unités hybrides pourrait également mener à la désignation d'un ennemi local allié aux "Blancs" et à "leurs" raids aériens dont les effets sont peut-être peu mesurés parmi la population qui héberge les insurgés, passivement ou activement.
Au printemps 2019, la MINSUMA a évité un carange dans le centre du pays. entre Peuls et dozos je crois...des villages étaient attaqués. Dans l'un d'eux 130 morts. la MINUSMA s'est déployée très vite et fait cessé les tueries
RépondreSupprimerC'est vrai. Mon aversion pour les opérations ONU biaise un peu mon jugement et je vais modifier mon propos, mais de voir plus de 12 000 hommes déployés et plus d'un milliard d'euros dépensés chaque année pour ce résultat me gêne beaucoup.
SupprimerPour avoir effectué un mandat MINUSMA, je peux vous assurer que du bas au haut de l'échelle ce qui caractérise cette mission, c'est l'incompétence et le j'en-foutisme.
SupprimerEn janvier 2019, les casques bleus tchadiens ont repoussé une attaque d'envergure à Aguelhok. les GAT ont du rebrousser chemin et abandonné des morts et des armes sur le terrain...La MINUSMA ne sait aps toujours communiqué mais elle fait un énorme travail que l'on ne peut pas négliger...
RépondreSupprimerL'essentiel du budget de la MINUSMA est payé par les USA....ainsi qu'une bonne partie des parcs de blindés MRAP des pays contributeurs...le méchant Mr TRUMP...cela ne devrait pas changer avec l'éventuel futur locataire de la Maison Blanche...
RépondreSupprimerVu la terre et le climat qui sont très hostile , les soldats étrangers ne peuvent résister aux durs épreuves du grand sahara, en plus c'est le travails des invistigations qui mobilise des espions pour situer les rebelles afin d'effectuer des frappes qui ont une ampleur médiatique ni plus ni moins , en plus l'aviation ne peux être performante en temps de vents de sables, en plus les populations africaines ne badine pas avec les espions des blancs et sont vu comme des traîtres donc pas facile de garder l'anonymat, la facture sera très couteuse pour les armées étrangères et surtout française et la tache est très difficile voir la partie est perdue d'avance.
RépondreSupprimerJ'ai des tres sérieux doutes sur les déclarations de Barkhane concernant les pertes des combattants djihadistes personnellement notamment cette année ou on doit être à pas loin du demi millier de djihadistes mis hors combat selon Barkhane et pourtant selon les différentes sources locales les djihadistes sont toujours partout, de Mopti à Gao , donc à mon avis soit les pertes revendiquées par Barkhane sont très exagérées soit les effectifs des combattants djihadistes sont bien plus élevés que les estimations les plus hautes avancées jusqu'ici et je rajoute une parenthèse en espérant une reponse car je trouve la communication de Barkhane sur un événement en particulier très peu transparente, c'est le cas du crash des 2 hélicoptères du 25 novembre 2019 et dont les données contenues dans les boîtes noires n'ont toujours pas été rendues publiques et je me demande vraiment pourquoi.
RépondreSupprimerTriste anniversaire en effet:
Supprimerhttps://www.air-cosmos.com/article/barkhane-la-cause-de-la-collision-dindelimane-23905
L'hélicoptère, c'est assez dangereux au Sahel:
Supprimerhttps://twitter.com/i/status/1318502969319575552
Pour plus d'info sur le crash:
Supprimerhttps://www.defense.gouv.fr/portail/ministere/organisation-du-ministere-des-armees/organisation-du-ministere-des-armees/organismes-dependant-du-ministre/les-bead/bea-e/2019/rapports-2019/t-2019-15-a
Mon colonel votre conclusion relève du plus élémentaire bon sens, suite à nos récentes petites victoire nous devrions retirez notre contingent de ce pays. A la rigueur conserver nos forces spéciales et chasseur-bombardiers, naturellement conserver nos principales bases d'appuie, et passer en quelque sort le "flambeau" à la MINUSMA. En cas de l'éventuelle création d'un califat islamique, on aura toujours revenir...
RépondreSupprimerJe ne suis pas vraiment d'accord avec votre démonstration. D'abord car elle suppose qu'en réalité qu'on ne se retire pas totalement, donc qu'in fine nous ayons toujours cette guerre sur les bras sans limite de temps et donc que dans dix ans nous nous retrouvions toujours à payer quelques centaine de millions d'euros par an.
RépondreSupprimerEnsuite les succès relatifs actuels obtenus avec un très faible contingeant français amènet à se demander si un surcroit de moyens humains et financiers vaudrait la peine d'être étudié pour espérer contraindre certains groupes à négocier.
Si nous faisons ce que vous proposez les groupes insurgés n'ont aucune raison de négocier puisqu'ils savent que nous allons tolérer leur présence du moment qu'ils ne contrôlent pas de territoires de manière ouverte.
Mais peut être suis je trop optimiste. L'avenir vous donnant probablement raison compte tenu du contexte politique.
Cordialement,
Arrêtez de vous bronzer le cul là bas et libérez la France de ses élites corrompues,
RépondreSupprimerHybridation : on aurait pu y penser avant. A l'époque de la plus grande France, l'espace considéré était tenu par une poignée d'européens encadrant des tirailleurs ou des compagnies méharistes (c.f. le livre "l'empire des sables", belle démonstration). Il faut donc veiller à l'encadrement des unités nationales, les former, les entraîner, les accompagner au combat, les soutenir avec appuis rens et aérien (dont drones) et surtout veiller à la distribution de la solde et au fonctionnement de l'ordinaire, toutes choses que réussissait parfaitement nos troupes coloniales d'antan. Pour le reste l'effectif actuel est insuffisant, on ne peut compléter avec du soldat métropolitain qui coûte cher, dont il faut recruter local, c'est le job des armées nationales. En tout état de cause cette insécurité à laquelle la paix française a mis un terme pendant quelques décennies est structurelle. Cela a toujours existé avant que nous arrivions en Afrique, cela a repris depuis que nous en sommes partis. La structure des Etats issus de la décolonisation ne permet pas d'y mettre un terme à moyen ou long terme. Il n'y a rien à attendre de possibles règlements ou accords intérieurs à ces Etats faillis. La seule solution est celle mise en place en Ex-Yougoslavie en plaçant ces entités sous administration internationale ce qui nous permettra de nous en désengager quelque peu.
RépondreSupprimerMon Colonel,
RépondreSupprimerPour la première fois, je me trouve en opposition avec vos propositions. Je doute en effet que la "négociation" avec AQMI puisse apporter quoi que ce soit, en témoigne l'exigence de ses chefs du départ de Barkhane et de la MINUSMA comme préalable à toute négociation. Ce mouvement nous hait par principe, appelle régulièrement tous les djihadistes de ce monde en déglingue à tuer nos compatriotes et à menacer nos intérêts. Comme il s'agit d'un mouvement non-étatique, tout relâchement de notre part ne pourrait que lui être favorable d'une façon ou d'une autre, ne serait-ce que pour nous avoir forcé à négocier. De toute façon, vous l'avez dit vous-même, ce mouvement nous a déclaré la guerre il y a près de 30 ans, quand ce qui s'appelait alors GIA a commencé à commettre des attentats en France. Il n'y a donc rien à en attendre, sinon des ennuis.
L'issue possible serait plutôt de négocier avec des mouvements comme le HCUA, qui en est proche mais n'a pas d'opposition "de principe" face à la France, et revendique un objectif plus "local", l'indépendance de l'Azawad. On pourrait aussi marginaliser AQMI auprès des Touaregs en rappelant que ces terroristes sont d'origine étrangère et ont été les premiers à saccager leur patrimoine local à Tombouctou, en 2012. Peut-être pourrait-on donner d'ailleurs satisfaction aux Touaregs en reconnaissant l'indépendance de leur territoire, afin d'en faire des alliés plutôt que de continuer à apparaitre comme les laquais/maitres d'un gouvernement sudiste largement discrédité. Mais, je le reconnais, cette issue est aussi très dangereuse: les séparations se font rarement à l'amiable, et beaucoup ont fini dans le sang (voire l'Inde et le Pakistan, modèle du genre). Il n'est pas garanti non plus que cette Azawad serait plus sûre. Mais c'est une option qui reste valable, ne serait-ce que pour la réponse apportée à un conflit qui dure depuis l'indépendance ou presque.
Reste aussi un problème constant, la déliquescence des administrations maliennes, corrompues et incompétentes, qui ont permis à AQMI de s'imposer sans mal dans les régions du nord. Rien n'a vraiment été fait pour remédier à cette corruption, cette impéritie. Sans doute parce que l'on voulait éviter de passer pour "colons" en conservant ce qui est vu comme un élément de souveraineté. Pourtant, la remise en ordre de l'administration est un préalable indispensable, de Suchet en Espagne à la réforme de l'administration et des forces militaires tchadiennes en 1969. Or si l'on veut des forces "hybrides" bien adaptées et bien intégrées, il faut qu'elles soient honnêtes et correctement payées, quitte à les payer nous-même (ce qu'ont fait les soldats britanniques en Sierra Leone en 1999). Cela aurait d'ailleurs pu être fait depuis longtemps.
Un dernier point à régler est diplomatique, il s'agit de nos relations avec les pays du Golfe, Arabie Saoudite en tête. Car si le poison du djihadisme s'est répandu (et continue de s'étendre) dans les pays du Sahel, c'est bien grâce au généreux "mécénat" de nos amis du Golfe, qui ont tout fait pour promouvoir leur vision de l'Islam par des aides humanitaires, des formations d'imams, etc. dans le pays (cf. cet article d'Abou Djaffar: https://www.lemonde.fr/blog/aboudjaffar/2013/02/18/you-can-fool-with-your-brotherbut-dont-mess-with-a-missionary-man-missionary-man-eurythmics/ ). A un moment ou à un autre, il faudra vraiment se demander s'il est dans notre intérêt de rester "allié" avec de tels autocrates.
Respectueusement.