mardi 8 avril 2014

Comprendre l'action militaire de la France au Rwanda


Publié le 17 août 2012

L’action militaire de la France au Rwanda s’est appuyée sur l'accord particulier d'assistance militaire signé entre les gouvernements français et rwandais le 18 juillet 1975 « pour l'organisation et l'instruction de la gendarmerie rwandaise », modifié en avril 1983, puis étendu aux « forces armées rwandaises » par avenant du 26 août 1992.

A l’origine, la coopération militaire visait à faciliter la mise en place d’une gendarmerie rwandaise sur le modèle français. L'accord d'assistance portait ainsi sur la mise à disposition du Rwanda de personnels militaires, la formation et le perfectionnement de cadres rwandais dans les écoles françaises, ainsi que sur la fourniture éventuelle de matériels militaires.

La première modification en 1983 a notamment supprimé un article du précédant accord qui stipulait que les personnels militaires français ne pouvaient en aucun cas être associés à la préparation et à l'exécution d'opérations de guerre, de maintien ou de rétablissement de l'ordre ou de la légalité.

L'assistance militaire technique (1990- 1994)

En octobre 1990, au moment de la première offensive du front patriotique rwandais (FPR) vers Kigali, les effectifs des personnels militaires mis à disposition des forces armées rwandaises (FAR) en conformité avec l’accord de 1975 représentent une vingtaine d’officiers et sous-officiers, relevant du ministère de la Coopération et du Développement et sous les ordres du chef de la Mission Militaire de Coopération (MMC) et Attaché de Défense. Les détachements d’assistance militaire sont chargés de missions traditionnelles de formation technique et tactique auprès d’unités régulières, d’écoles ou d’états-majors des FAR :

- Détachement gendarmerie (6 militaires en 1990, 7 en 1994): état-major central et école des sous-officiers de Ruhengeri ;
- Détachement terre (6 militaires en 1990, 11 en 1994): instruction et aide au soutien logistique des unités de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT), troupes aéroportées et blindées ;
-  Détachement air (3 militaires en 1990 et 1994) : gestion de l’avion Nord-Atlas.

Le déclenchement de l’opération Noroît (4 octobre 1990)

Déclenchée en réaction à l'offensive du 1er octobre 1990, menée par le FPR dans le nord-est du Rwanda, l'opération Noroît est destinée à assurer la sécurité des ressortissants français et officieusement à dissuader le FPR de tenter de s’emparer de la capitale. Son dispositif (2 compagnies d’infanterie initialement) couvre Kigali au Nord sur une profondeur de 10 kilomètres et comprend la participation au contrôle de l’aéroport de Kigali, nécessaire pour l’évacuation des ressortissants. Un bataillon belge est également présent jusqu’au mois de novembre 1990 ainsi que des forces zaïroises qui interviennent directement dans les combats aux côtés des FAR. Les 23 et 24 janvier, le détachement Noroît envoie deux sections dans le Nord du pays (Ruhengeri) afin d’évacuer vers la capitale 300 ressortissants français ou étrangers.

Le détachement Noroît, réduit en décembre 1990, est maintenu à la demande du président Habyarimana dans une stricte mission de préparation à une éventuelle évacuation des ressortissants.

En octobre et novembre 1990, puis de janvier à juin 1991, un officier supérieur est nommé comme adjoint de l’attaché de défense, chargé d’une mission de conseil à l’état-major des FAR. Il est à l’origine d’une profonde réorganisation des FAR et du renforcement de la mission d’assistance militaire afin de répondre aux besoins de formation d’une armée en expansion.

Les détachements militaires d'assistance et d'instruction (DAMI)

A la demande des autorités rwandaises, la France décide en mars 1991 d’implanter un détachement militaire baptisé Panda dans la région de Ruhengeri, pour une durée de 4 mois. Comprenant initialement une trentaine de militaires du 1er Régiment parachutiste d’infanterie de marine, sa mission consiste essentiellement à participer à la formation et au recyclage d’unités des FAR. Cette formation technique et tactique est destinée aux commandants de bataillon, aux commandants d’unité et aux unités en charge des appuis (mortiers, blindés légers, génie). Les règles d’ouverture du feu sont limitées à la légitime défense du détachement ou à celle des ressortissants. Ce détachement d’assistance militaire (DAMI) sera progressivement renforcé (composantes artillerie et génie) pour atteindre près de 80 militaires français au début de 1993 (soit un total de 100 pour l’ensemble de la MMC).

Par ailleurs, en janvier 1992, un DAMI « gendarmerie » est déployé afin de compléter le travail de formation à l'Etat de droit. Son action vise à :
- la formation des officiers, sous-officiers et gendarmes au sein de l’école de la gendarmerie nationale ;
-  la formation de compagnies de la garde mobile (maintien de l’ordre) ;
-  la formation d’officiers de police judiciaire  au sein de la gendarmerie rwandaise ;
- l’instruction de la Garde Présidentielle (GP) (une équipe de deux à trois officiers assurant une formation élémentaire)
-  la maintenance des matériels transmissions.

En août 1992, la France retire ses conseillers auprès de la GP, les activités de cette dernière étant fortement critiquées, mais envoie quatre assistants techniques pour aider à la création d’une section de recherche anti-terroristes. Ce sont eux qui introduisent le matériel informatique qui justifiera l’accusation de fichage de la population tutsi.

Après les missions temporaires de 1990 et 1991, un lieutenant-colonel est désigné en avril 1992 comme adjoint opérationnel de l’attaché de défense, officieusement chargé de conseiller le chef d’état-major des FAR. Son rôle consiste à apporter un conseil dans les domaines de la conduite des opérations, de la préparation et l’entraînement des forces, et de l’organisation générale des armées rwandaises.

La crise de l’été 1992 et l’opération Volcan

En juin 1992, profitant de plusieurs mutineries au sein des FAR, le FPR parvient à s’emparer d’une portion du territoire rwandais dans le Nord-Est du pays. Le dispositif Noroît monte à deux compagnies, dont une est placée en deuxième échelon des FAR sur la ligne de front. Un cessez-le-feu est signé le 1er août 1992.

C’est au cours de cette année que sont formées les milices interahamwe. Les Français sont accusés d’avoir inspiré cette création mais surtout de l’avoir encadré. Rien cependant ne permet d’étayer cette accusation d’autant plus que les milices ne monteront vraiment en puissance qu’à la fin de 1993 alors que les Français auront pratiquement tous quitté le territoire. Ce qui est certain en revanche, c’est que la France a formé des futurs formateurs des milices sans savoir comment ces dernières seraient employées.

Une nouvelle offensive du FPR en février 1993 provoque l’envoi de nouveaux renforts (le détachement Noroît comprend alors 3 compagnies), une augmentation très nette de l’aide matérielle et l’intervention française dans le Nord du pays (opération Volcan) afin d’évacuer de 67 ressortissants dont 21 français.

L’opération Chimère

Cette nouvelle crise, qui révèle une nouvelle fois la faiblesse des FAR, provoque l’envoi d’un détachement RAPAS (Recherche aéroportée d’action spéciale) d’une vingtaine d’hommes, qui forme, après fusion avec le DAMI Panda, le détachement Chimère.

La mission du détachement Chimère consiste à rehausser le niveau technique opérationnel des FAR en plaçant des conseillers au niveau de l’état-major des FAR et des principaux commandements de secteur ainsi qu’en envoyant des conseillers appuis sur la ligne des contacts. Cet encadrement français, la présence dissuasive du détachement Noroît et la réorganisation des FAR permettent de stopper définitivement le FPR. Cette période marque le sommet de l’engagement militaire français au Rwanda.

C’est au cours de cette période de février-mars 1993 que sur ordre du colonel commandant des opérations, les troupes de Noroît contrôlent les accès Nord de Kigali à partir de trois points de contrôle. Elles y agissent en soutien de la gendarmerie rwandaise qui procède aux contrôles d’identité. Il est possible, mais rien ne le prouve, que des soldats français aient procédés eux-mêmes à des contrôles d’identité. Il est en revanche exclu que des Français aient participé, à ce moment là comme dans tous les autres, aux interrogatoires de prisonniers.

A partir des accords d’Arousha (4 août 1993), les effectifs français au Rwanda sont réduits. Les détachements Chimère et Noroît quittent définitivement le Rwanda (15 décembre 1993 pour les derniers éléments) et seuls 24 assistants militaires techniques restent sur place comme avant l’intervention de 1990, sans participer en quoi que ce soit à des activités d’instruction des FAR ou autres.

La Mission des Nations-Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR), soit 2 300 hommes, est mise en place au Rwanda.

L'opération Amaryllis (9-14 avril 1994)

Le 6 avril 1994, l’avion du président Habyarimana est abattu (avec trois Français à bord). Le 7 avril 1994, deux sous-officiers  de l’AMT et une épouse sont assassinés. Simultanément, le FPR parvient à atteindre la capitale.

Le 8 avril 1994, devant l’aggravation de la situation, la France décide d’évacuer ses ressortissants du Rwanda. L’opération Amaryllis est déclenchée. La MINUAR ne tenant plus l’aéroport de Kigali, il est nécessaire d’en prendre au préalable le contrôle. Strictement limitée dans le temps -elle se déroule du 8 au 14 avril- elle permet la protection et l’évacuation de près de 1 500 ressortissants français ou étrangers.

Alors que des premiers massacres de Tutsis ont lieu, le détachement français s’en tient strictement à sa mission d’évacuation. A noter que ni la MINUAR, ni même le bataillon FPR présent dans la capitale depuis le 11 avril n’interviennent.

L'opération Turquoise (22 juin - 22 août 1994).

L’opération Amaryllis s’achève le 14 avril. Au cours des deux mois suivants le Rwanda connaît des massacres de grande ampleur sans provoquer de réaction de la communauté internationale. Les forces de la MINUAR sont même réduites à 270 hommes à partir du 21 avril. Toutes les tentatives diplomatiques se soldent par un échec. En désespoir de cause, le 19 juin, le gouvernement français, qui a refusé de lancer une opération d’arrêt du FPR, prend l’initiative de demander au CSNU de l’autoriser à mener une action humanitaire au Rwanda, invoquant la nécessité de faire cesser les massacres. Le 22 juin, le CSNU adopte la Résolution 929 qui autorise la France à « employer tous les moyens » pendant deux mois pour protéger les populations.

L’opération Turquoise, à laquelle seule quelques pays africains apportent leur soutien, vise donc à mettre fin aux massacres au Rwanda (mais les plus importants ont déjà eu lieu) dans un contexte de neutralité absolue. Elle suscite cependant l’opposition du FPR qui ne voit en elle qu’un écran de fumée destiné à sauver les FAR et le gouvernement intérimaire hutu.

La mission de la force Turquoise, telle qu’elle est précisée par l’ordre d’opération du 22 juin, est de « mettre fin aux massacres partout où cela sera possible, éventuellement en utilisant la force ». L’usage de la force lui-même se fonde sur la notion de légitime défense élargie aux populations protégées et à l’obstruction à l’exécution de la mission.

Il est à noter qu’en faisant participer à l’opération certains officiers supérieurs engagés précédemment au Rwanda dans l’aide aux FAR, la France a créé une ambiguïté qui a contribué au maintien du doute sur ses intentions réelles.

Dans une première phase (22 juin-4 juillet) les forces françaises interviennent au Rwanda à partir du Zaïre (seul point d’entrée aérien possible) selon un mode de va et vient afin de réaliser des missions d’extraction des populations. Le 2 juillet a lieu un premier accrochage avec le FPR.

Constatant l’impossibilité à protéger véritablement les populations avec les missions ponctuelles et l’impossibilité d’un accord politique, la France propose le 2 juillet, d’organiser une zone humanitaire sûre (ZHS) dans le sud-ouest du Rwanda. L’ONU exprime son accord le 5 juillet et la ZHS est créée le lendemain. Dans un premier temps, les forces françaises s’efforcent de coopérer avec les autorités locales pour stabiliser la région mais au fur et à mesure de la fuite des fonctionnaires, elles sont amenées à prendre de plus en plus de responsabilités (par exemple, en maintenant en service l’usine d’épuration des eaux de Cyangugu).

Contrairement aux accusations, la France ne profite pas de la ZHS pour exfiltrer les membres d’un gouvernement intérimaire avec lequel elle a tout de suite pris ses distances mais, faute de mandat international, elle ne procède non plus à leur arrestation. Des éléments d'informations sont données aux Nations-Unies. Il est vrai aussi que la très grande majorité des principaux responsables du génocide ont déjà fui le pays. Seul Nsengiyaremye, hutu modéré, ancien Premier ministre du gouvernement d’août 1992 est évacué par hélicoptère avec sa famille.

Si la ZHS permet de de réduire l'exode hors du pays des millions de Hutus terrorisés par les représailles et de sauver des milliers de de Tutsis encore menacés, la faible densité des forces et le chaos ambiant ne permettent cependant pas aux Français d’empêcher certains massacres (en particulier celui de Bisesero fin juillet même si un millier de personnes sont finalement sauvées par les Français), ni de désarmer complètement les milices et les FAR qui y transitent. Ces faiblesses du dispositif sont présentées comme des preuves de « complicité génocidaire » par le FPR qui considère également la ZHS comme un sanctuaire destiné à accueillir les débris des FAR. Le FPR multiplie les incidents jusqu’à bombarder un camp de réfugiés à Goma.

Une troisième phase débute avec l’exode vers le Zaïre par la ville de Goma d’un million de réfugiés hutus à partir du 14 juillet. Une semaine plus tard, une épidémie de choléra provoque de 20 000 à 50 000 morts. Cette nouvelle situation impose l’intervention des militaires français à Goma afin de permettre le travail de la la Bioforce et des ONG. Ce qui reste des FAR trouve également refuge à Goma avec un soutien alimentaire conséquent de la part des forces françaises, ce qui leur sera reproché.

Les Français, relevés par la MINUAR II, quittent définitivement le territoire rwandais le 21 août 1994.

27 commentaires:

  1. Bref on forme et on arme une faction, et l'on s'étonne qu'il se servent de ce qu'ils ont appris ... et on est surtout incapable de les contenir, pire on leur offre un support indirect. Comment s'étonner des critiques par la suite ?

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    1. Autant que je me souvienne, on ne leur a jamais appris à découper des enfants à la machette...ce qui ne demande malheureusement pas d'instruction particulière.
      Cette volonté de charger l'armée française pour je ne sais quelle raison (relent d'antimilitarisme, tiermondisme culpabilisateur, possibilité de se faire mousser à bon compte...)est insupportable. On peut mettre en cause les raisons politiques de notre présence sur place mais certainement pas l'attitude de l'armée française.

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    2. Certes, l'armée n'y est pas pour grand chose, mais la résolution 929 autorisait la France à « employer tous les moyens » pour protéger les populations, alors que dans les faits les moyens mis en oeuvre n'ont même pas permis d'assurer la sécurité d'une ZHS à l'impartialité discutable.

      Bref c'est plus l'implication soit trop, soit trop peu de la France et l'absence de rupture franche avec les FARs qui crée la polémique que le comportement sur le terrain je pense.

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    3. Les soldats, les vrais, sont souvent le dernier et le seul obstacle face à la barbarie. Ils le sont pour avoir été formés et avoir baigné des années durant dans une culture des opérations extérieures. Le métier des armes consiste à en maitriser l'usage et l'emploi.

      Vous confondez causes et conséquences.

      La barbarie n'est pas causée par la présence des soldats français, mais elle se déchainera après leur départ.

      En 1993, l'opération Chimère stoppe les combats et évite au pays de sombrer dans les massacres qui vont suivre l'assassinat du président Habyarimana et du premier ministre Burundais.

      Sur la ou les tragédies Rwandaises je me permets de vous proposer de lire "Noires Fureurs, Blancs menteurs" le remarquable livre de Pierre Péan. C'est un peu déprimant, mais c'est surtout très éclairant.

      Et puis, offrez-vous une étincelle de courage, cher anonyme, signez vos points de vue. Le commentaire politique et polémique n'a que peu de poids dès lors que l'on ne "signe" pas ses propos.
      GB

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    4. j'ai participé à chimère et au début de noroi etc cette affaire en m'en sens ne met pas en cause nous militaire mais certaines vision restera à jamais gravée et du mal à oublier

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    5. j'ai participé à chimère et au début de noroi etc cette affaire en m'en sens ne met pas en cause nous militaire mais certaines vision restera à jamais gravée et du mal à oublier

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  2. Dans toute cette affaire, on est tout de même en droit de se demander quelle est la part relative de cynisme et de naïveté dans l'attitude e la France. Face à des personnages aussi retords que l'actuel président du Rwanda, il ne suffit pas d'être droit dans ses bottes, il faut aussi être malin et pour cela correctement informé.Qu'ont fait nos services de renseignement ? Quelle évaluation a été faite de la situation ? Le résultat final est que la France n'est pas sortie grandie de cette histoire et que son rôle a été considéré comme passablement ambigu. Certes nous ne sommes pas les seuls : Anglais et Américains n'ont pas été clairs non plus dans leur soutien à ce qu'il considérait comme étant une nouvelle génération de dirigeants africains.

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    1. C'est sûr qu'après coup, on a un tas d'experts qui viennent vous expliquer que c'était facile à prévoir. Ridicule.

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  3. J'étais à Goma du 06 juillet au 6 septembre 1994.
    Il nous aura fallu pas moins d'une vingtaine d'avions, des Illiouchines loués pour l'occasion, pour rejoindre Goma. Certains ont transité par Djibouti, le Sénégal ou la Côte d'Ivoire. Une semaine pratiquement pour regrouper tout le monde et le matériel.
    Le 14 juillet 1994 nous étions sur l'aéroport de Goma pour défiler lorsque le flot des réfugiés nous a contraints à sécuriser l'aéroport en quelques minutes (sans commentaire, je préfère le casque lourd au képi en position de combat). Plusieurs milliers de personnes ont franchi la frontière et mangeaient tout sur leur passage. Les arbres, fleuris en début de journée, n'étaient plus que des troncs dépouillés de leur écorce, mangée par des êtres affamés.
    Nos principales missions ont été d'apporter une aide médicale d'urgence (avec des médecins militaires français), de sécuriser autant que possible les camps de réfugiés et rassurer, aider si possible, les médecins comme ceux de MSF pour qui je garde un souvenir respectueux, par notre présence armée dissuasive, et escorter les convois d'eau. Les consignes d'ouverture du feu étaient limitées, pour ne pas dire... Interdiction formelle de tirer. Nous étions au Zaïre, Goma étant située sur la frontière.
    J'ai constaté une très importante présence d'officiers français sur le terrain (1/10 ème des effectifs sur Goma, 2 200 militaires dont 220 Officiers). J'ai vu l'arrivée d'un contingent africain que nous avons habillé, nourri, soldé et armé (FAMAS de série D, magnifiquement alignés).
    J'ai constaté un changement radical dans le traitement de l'information lors de l'arrivée des soldats américains sur Goma. Il est clair que leurs moyens étaient autrement plus importants que les nôtres, même si nous abattions autant de travail qu'eux. Seulement, pour un journaliste, un américain c'est mieux qu'un français. L'état d'esprit de la population française a aussi changé par ce traitement journalistique. Sur le terrain, il nous est arrivé de tancer un photojournaliste ravi de pouvoir photographier un enfant que nous faisions boire pour le sauver et qui se délectait d'une telle détresse. Cette détresse humaine a été un cauchemar pour certains de mes camarades, un hurlait la nuit. Il a quitté l'institution dès notre retour. Nous sommes tous passés devant des psychologues en fin de mission.
    Vous parlez du rôle ambigu des français, pour ma part, la mission était claire. Le traitement de l'information ne l'a sans doute pas été. L'armée doit évoluer et inclure plus encore l'élément "information". Cela se fait aujourd'hui, à l'époque, un peu moins et sans aucun doute moins bien. Ce que je retiens de cette mission, c'est qu'elle a été la plus courte et la plus dense que j'ai effectué. Une demi-journée de repos au bout d'un mois et demi de missions incessantes. La fatigue ne comptait pas, ce que nous faisions, nous en connaissions l'importance, nous faisait dépasser nos propres limites.
    Je suis plus fier de cette mission où je sais que le travail réalisé a sauvé des vies, que celle faite à Sarajevo, entre mai et septembre 1995, avec l'ONU. Fier de porter le béret bleu de l'ONU, mais encore plus fier de ma mission à Goma même si j'ai été critiqué par mes propres amis civils qui ne comprenaient pas tout ou n'avaient pas simplement toutes les informations en main. Je n'ai eu une qu'une vue partielle des évènements tragiques qui se sont déroulés dans ces pays, le Zaïre et la Rwanda. Je tenais à vous apporter mon témoignage en souhaitant que d'autres apportent le leur pour que la vérité soit faite. Si tant est qu'elle puisse l'être un jour.

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    1. Quand je parle du rôle ambigu de la France, je ne mets pas en accusation les militaires et plus particulièrement ceux qui sont intervenus dans les conditions difficiles que vous relatez. Le premier responsable est le pouvoir politique de l'époque qui n'a pas su apprécier correctement la situation, n'a pas su expliquer suffisamment son action aux Français et au reste du monde. Il y a des moments où il faut savoir dire quelques vérités désagréables à entendre peut-être à ceux qui se disent nos alliés. Il faut aussi savoir bien communiquer.

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  4. Le débat sur le Rwanda n'est pas encore apaisé. Ce n'est pas encore de l'histoire donc. La situation dans l'ouest de la RDC voisine l'atteste. Pour ce qui est des faits Historiques:
    Le FPR a pris le pouvoir par la force en 1994 grâce à l'effondrement du pouvoir rwandais à cause de deux faits majeurs: 1. Assassinat des présidents rwandais et burundais hutus tous les deux à leur retour d'une conférence d epaix à Arusha en Tanzanie. 2. Isolement puis mise au ban du pouvoir rwandais par la communauté internationale (Implantation de la Mission de l'ONU au Rwandais après celle des casques blancs africains, arrivée dans la capitale rwandaise d'une unité de combat du FPR pour "protéger" les politiciens Tutsis présents à Kigali dan sle cadre de l'application des accords d'Arusha).
    Autres faits historiques: Après l'assassinat du président rwandais et la perte du soutien des puissances locales (Burundi hutu), régional (RDC en état de chaos), international (France, Belgique), les forces armées rwandaises sont battues par le FPR qui prend en tenaille des forces non préparées. La défaite consommée en 1994 un hutu d'opposition est nommé président de la république rwandaise. Paul Kagamé est ministre de la défense. Après l'affichage, et la remise en ordre M.Kagamé devient président du pays... Il l'est toujours. Dernier et hélas pire épisode Historique ô combien:
    - Le maintien des tsutsis au pouvoir depuis 1994 a vu une transformation radicale du pays dans son identité même. D'abord colonie allemande puis belge après la première guerre mondiale, le Rwanda était peuplé entre 80 et 90% de Hutus parlant le kyniarwandais, francophones et catholiques Depuis 1994, la langue officielle du pays est devenue l'anglais et le swahili (langue vernaculaire de l'ouest africain) s'est étendu au détriment du kyniarwandais. Les pasteurs anglo saxons sont très présents et essaiment leur culte. Pour couronner ce changement historique et social, le Rwanda a été accueilli comme membre du commonwealth sans avoir jamais été auparavant ni colonie ni protectorat et ce dans l'indifférence générale. Les relations diplomatiques avec le France ont repris en 2011. Et récemment le Rwanda a été accusé de continuer à soutenir les éléments radicaux qui tuent et pillent dans l'Est de la RDC et contribuent ainsi à maintenir ce "géant" africain dans le chaos depuis 15 ans. La redistribution des cartes du centre et de l'Est africain a commencé simultanément en Ougada, dans l'ex-Zaïre, au Rwanda et au Burundi. Dénominateur commun aux conflits et massacres successifs, la présence de M. Paul Kagamé; que ce soit comme comme chef du J2 des forces ougandaises (formé aux Etas-Unis), chef du mouvement de résistance tutsi le FPR, ministre de la défense, premier ministre, et président du Rwanda.
    Dernier fait Historique, la perte d'influence durable de la France dans cette région pour n'avoir su adapter le modèle d'opération extérieure utilisé jusqu'alors avec succès (Tchad, RCA, Congo Brazzaville). La France a perdu plus que le Rwanda au Rwanda, et depuis cette tendance s'est aggravée. La série est en cours et est encore de l'actualité pas encore de l'Histoire.
    Pour le reste, et donc les débats de proximité, le qui a fait quoi? Attendons que les historiens puissent faire leur travail? Dans 30 ans?

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    1. Pas un oubli mais une précision de "taille". Le massacre des Tutsis par les Hutus pour lequel l'appellation génocide a été retenue et s'impose comme historique justifie t'il à lui seul la nouvelle identité rwandaise et le maintien des hutus toujours 80% de la population comme citoyens sans "voix" dans leur propre pays? L'histoire pour l'heure a tranché et c'est ce massacre en a justifié et en justifie d'autres encore dans l'indifférence générale. L'opération "Artémis" en 2003 n'y a pas changé beaucoup et a confiré la perte d'influence de la France derrière les affichages et satisfecits de façade. Combien de morts dans la région des grands lacs depuis 1994?

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  5. Bonjour,

    Je me permets de revenir sur l'un des points que vous soulevez :
    "Il est à noter qu’en faisant participer à l’opération certains officiers supérieurs engagés précédemment au Rwanda dans l’aide aux FAR, la France a créé une ambiguïté qui a contribué au maintien du doute sur ses intentions réelles."

    Insoluble contradiction : se passer de personnels connaissant le terrain pour y avoir effectivement servi, ou des personnels n'ayant une connaissance qu'indirecte.
    Dans le 2nd cas, cela n'aurait néanmoins pas évité à la France d'être montrée du doigt.
    Comme vous le rappelez, l'armée ne fait "que" servir. C'est la Nation, et donc son échelon politique, qui sont incriminés dans les propos polémiques.
    Il est certain, et naturel, que les liens interpersonnels établis lors des précédentes missions entre personnels français et rwandais auront eu un prolongement sur les contacts lors de Turquoise ; mais il y a difficulté à juger si cet impact aura été positif ou négatif en terme d'engagement.
    Finalement le fond de la polémique se résume abruptement ainsi : nos troupes auraient-elles pu avoir un comportement particulier eu égard à leur pré-connaissance du terrain et des gens ?

    A mon sens, cette polémique ne vaut pas sous cette forme.

    Soit des instructions particulières auront été données, soit la mésinformation aura lentement donné corps au soupçon infâmant.
    Mais ce ne sont pas les liens interpersonnels qui auront pu orienter la conduite des opérations à l'échelon global.

    Bien à vous,
    Cl'H

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  6. Comme les généraux, Lafourcade, Poncet, Tauzin et la majorité d'entre-nous ; je réfute les accusations mensongères de «complicité de génocide» perpétrés par l'Armée française, telle que Sarkozy veuille réécrire son histoire en avalisant cette infamie par la réception au château du principal accusateur, Kagame !

    Combien de temps encore devrons nous vomir l'odeur des cadavres perpétré par ces génocidaires reçus en « chef d'Etat » à l'Elysée par Sarkozy.
    Serait-il subitement frappé d'amnésie récurrente en qualité de ministre délégué au budget en 1994? Le coût de l'opération Turquoise étant à notre charge! et Noroît nous coûtait 300 millions de francs annuel d'aide militaire.
    Quel jeu nous joue-t-il d'un "rétablissement diplomatique" pour le renouveau d'un safari sarkozien comme giscardien en 1975 ?

    De la justice française et son «indépendance» dont les plaintes des militaires incriminés sont bloquées. Le juge Bruguière a toutefois signé neuf mandats d'arrêt internationaux contre des proches de Kagame en date du 23 novembre 2006. Le face à face au pouvoir politique se pose et aucune raison d' Etat ni de secret défense opposable n'est plausible, ni acceptable pour un militaire accrédité.
    La question est simple pourquoi:" le Conseil de sécurité de l'ONU a décidé de retirer 90 % des troupes de la Minuar le 6 avril, jour de l'assassinat du président Habyarimana, et le 21 l'Onu retire la Minuar, alors que les massacres sont en cours laissant le champ libre aux génocidaires ? Deux mois d'inaction de Balladur; alors qu'il avait le feu vert de Mitterrand qui lui a bien dit en conseil de défense «vous ferez comme vous l'entendez monsieur le 1er ministre» 
    De l'opération Volcan dans le dispositif Noroît dont Thomann notait : «le rôle stabilisateur que joue la présence, même non active, d'un contingent d'intervention étranger, pour conforter un pouvoir menacé par une agression extérieure et confronté à un risque non négligeable de troubles intérieurs, d'origines ethniques ou politiques». Par notre départ en septembre 1993 pour être remplacée par la Minuar et son échec...

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  7. Suite 1

    Le FPR n'est pas un parti national, c'est une organisation ethnique, qui ne représente que sa minorité. C'est la raison pour laquelle Kagame ne pouvait pas tolérer ces élections et qu'il a fait abattre le Mystère 20 du Président Habyarimana afin de faire sauter l'application de l'accord d'Arusha qui allait aboutir à des élections au bout de 22 mois. Kagame savait pertinemment que le FPR ne pouvait pas les gagner.
    Tous les pions de Kagame au Congo, sont exactement de la même réplique. Le RCD-Goma n'était pas non plus un parti national. Le RCD-Goma s'est formé trois semaines après l'invasion de la RDC par les troupes rwandaises. C'était une organisation de type politico-militaire subversive armé par les anglo-saxons tout en se prétendant le protecteur d'une ethnie minoritaire. Or, tous les groupes ethniques congolais (+250) sont minoritaires. Le RCD-Goma n'a pas réussi à faire sauter le processus qui a abouti aux élections. C'est pourquoi, il a disparu en tant que force politique ; Ruberwa à 2 % des votes. Peu importe il suffit d'en créer un autre tel le CNDP qui poursuit les buts que le RCD-Goma n'a pas pu atteindre. Il est clair que le CNDP n'est pas un parti national. Il ne parle que de la défense d'un soi-disant «peuple tutsi». Comme le RCD-Goma, le CNDP n'est qu'une couverture pour les opérations de l'armée de Kagame en RDC, qui se fait passer pour une organisation regroupant les «congolais rwandophones». Son objectif avoué est le renversement de Kabila et si cela ne réussit pas, créer au moins un Etat ou une région tampon entre la RDC et le Rwanda, contrôlé par Kagame.

    Nous l'avons constaté dans tous les combats sur les axes Goma/Rutshuru, Goma/Walikale et Goma/Bukavu via Minova ; l'objectif ne pouvait apparaître aussi clair : l' affaiblissement de Goma pour qu'elle tombe comme un fruit mûr ! La guerre au Nord Kivu ou pour le nommer le troisième génocide après +-4800000 morts (FDLR, Maï-MaÏ et M23 (ancien CNDP) sous le nom opérationnel : « agaciro » ) à ce jour contre les FARDC et la Monuco est loin de se terminer dans les Grands Lacs !




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  8. Suite2

    Quelle ambiguité ?
    Ce qui suit ci-dessous n'est qu'une interprétation plausible.
    En effet du cabinet restreint sur le Rwanda composé de : Mitterand, Balladur, Léotard, Juppé, Roussin, Vedrine, Boidevaix, Fougier, Denoix de saint Marc les généraux: Huchon, Quesnot, Rannou, contre amiral Lecointre, et le cema l'amiral Lanxade.
    Juppé avait son mot à dire contrairement à l'obéissance du cema car il a participé aux réunions en cabinet restreint sur le Rwanda en ne donnant pas son accord sur l'intervention militaire plus conséquente et ambitieuse au motif de la non interposition française dans l' Etat rwandais et des accords d'Arusha. Contrairement à ce que préconisait le général Quesnot bien mieux informé afin de stopper ce génocide et l'offensive du FPR ; ce que les Mitterrand père et fils étaient plus en accord vers une intervention du rétablissement de l'ordre à Kigali et du soutient inconditionnel aux FAR et que Balladur ait opposé son veto prenant en considération les arguments de son ministre des affaires étrangères, Juppé et de la défense Léotard.

    Quant à Lanxade, alors cemp, partisan de l'accord de cessez-le-feu de N'Sele fin mars 1991 pour retirer les troupes de l'opération Noroît, Mitterrand pas d'accord le remplace par Quesnot et le nomme cema.
    Hormis toutes les opérations dont Amaryllis et Turquoise il faut aussi rendre hommage à ceux de l'ombre ! Comme le souligne Colin l'Hermet .
    C'eût été pire encore sans Quesnot, Huchon, Roussin Jehanne, Bon à Kinshasa, Urbano à Goma, Gadoullet et Barril Rwabalinda, Ntahobari, Kayumba, Le Page du COS, le 13ème RDP et le CRAP. Beaucoup d'actions du CRAP rwandais formé par Barril lors de l'opération Insecticide ont aussi contribué à sauvé des vies. Quesnot n'accompagne d'ailleurs pas Léotard au Rwanda.

    Je pense qu'il est aussi probable que le général Quesnot ne fût pas nommé cema par Chirac qui le tenait pour responsable de l'échec rwandais, sur la foi de Juppé ? Les militaires ne sont pas en cause mais bien le gouvernement Balladur mis devant les faits dont l'incapacité de réaction immédiate ait aggravé l'affaire devenue incontrôlable d'où cette amalgame politico-militaire que l'on veut nommer ambiguité en faisant porter une responsabilité aux militaires là où il n'en existe pas !

    La nouvelle version historique du «khmer noir» :
    http://tempsreel.nouvelobs.com/file/543095.pdf

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  9. Sur la volonté de charger l'armée française, il s'agit plus de géostratégie que d'antimilitarisme. Voir à ce sujet l'article de Bernard Lugan : http://bernardlugan.blogspot.fr/2014/04/rwanda-un-genocide-en-questions.html

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  10. ... et enfin, la France a commis l'erreur de redistribuer les armes confisquées lors de Turquoise aux miliciens Hutus réfugiés au Zaïre, sans doute en accord avec le Président Mobutu (hostile au FPR). Ce qui a contribué à transformer les camps de réfugiés en base sous la coupe des ex-génocidaires. Voir le témoignage du lieutenant-colonel ANCEL (ex-capitaine au 68e RAA au Rwanda) : "Pendant cette période, nous avons confisqué des dizaines de milliers d’armes légères aux Hutus qui traversaient la frontières, essentiellement des pistolets, des fusils d’assaut et des grenades. Toutes ces armes étaient stockées dans des conteneurs maritimes sur la base de la Légion étrangère à l’aéroport de Cyangugu. Vers la mi-juillet, nous avons vu arriver une colonne de camions civils et j’ai reçu l’instruction de charger les conteneurs d’armes sur ces camions, qui les ont emmenées ensuite au Zaïre pour les remettre aux forces gouvernementales rwandaises. On m’a même suggéré d’occuper les journalistes pendant ce temps pour éviter qu’ils s’en rendent compte. Quand je lui ai fait part de ma désapprobation, le commandant de la Légion m’a répondu que l’état-major avait estimé qu’il fallait montrer à l’armée rwandaise que nous n’étions pas devenus ses ennemis, afin qu’elle ne se retourne pas contre nous. La France a même payé leur solde aux soldats rwandais."

    Le lien : http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20140407102638/

    On appelle ça une faillite stratégique, dans laquelle l'armée n'a été que le discipliné et honnête exécutant d'un pouvoir politique qui s'est retrouvé coincé entre la peste et le choléra - et a eu la peste et le choléra.

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    1. Les forces gouvernementales rwandaises et les milices, ce n'est pas la même chose.

      Par ailleurs :

      "Aucun raid de l’armée française sur Kigali n’a pourtant eu lieu à l’époque…

      La confirmation de l’ordre de mission n’est jamais arrivé. Peut-être était-ce lié aux problèmes logistiques que nous rencontrions, nos équipements ayant été acheminés avec retard jusqu’à Goma [en RDC, NDLR]. D’autre part je sentais un certain flottement au niveau de la hiérarchie. Puis, entre le 29 juin et le 1er juillet, nous avons reçu un ordre qui s’est substitué au premier. Nous devions stopper par la force l’avancée du FPR à l’est de la forêt de Nyungwe, dans le sud-ouest du Rwanda. Le lendemain matin à l’aube, nous avons décollé dans des hélicoptères Super-Puma afin d’aller déclencher les frappes aériennes sur les colonnes du FPR. L’essentiel de l’unité était déjà partie la veille par la route. Mais au moment où les hélicoptères décollaient de l’aéroport Bukavu, nous avons reçu un contre-ordre. L’officier en charge des opérations nous a expliqué qu’un accord avait été passé avec le FPR. Désormais nous devions protéger une "zone humanitaire sûre" (ZHS) dont la rébellion de Paul Kagamé avait accepté qu’elle échappe provisoirement à son contrôle. C’est à ce moment-là que la nature de notre mission a changé pour devenir humanitaire. Jusque-là, il était clair qu’il s’agissait de combattre le FPR."

      signifie qu'il y a eu menace envers le FPR pour qu'il arrête son avance, et laisse la France monter la zone humanitaire. Le but étant à la fois de stopper le massacre des Tutsi, et d'éviter des représailles aveugles contre les Hutus.

      Le fait que l'intervention comportait une part d'interposition au début est mentionné dans le rapport de la mission parlementaire d'enquête sur le Rwanda :

      http://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/rwanda/r1271.asp#P4679_690753
      "Les ordres d’opérations prévoyaient, dans un deuxième temps, la réalisation de deux opérations complémentaires.

      Il s’agissait tout d’abord “ d’être prêt ultérieurement à contrôler progressivement l’étendue du pays hutu en direction de Kigali et au Sud vers Nianzi et Butare et intervenir sur les sites de regroupement pour protéger les populations ”.

      En second lieu, il était demandé aux forces de Turquoise “ d’affirmer auprès des autorités locales rwandaises, civiles et militaires, notre neutralité et notre détermination à faire cesser les massacres sur l’ensemble de la zone contrôlée par les forces armées rwandaises, en les incitant à rétablir leur autorité ”.

      Il convient dès lors, au regard de l’objectif humanitaire, d’analyser le sens de ces deux missions, l’une visant au contrôle d’un territoire, l’autre tendant à l’instauration d’une autorité, celle de l’armée rwandaise, qui s’exercerait sur le même territoire."

      Bref, le dossier peut toujours être examiné, mais il ne faut pas le faire dans un esprit de polémique, dont on ne peut que constater la présence lorsque des faits connus depuis plus de 15 ans, de façon officielle, sont présentés comme des révélations.

      Comme vous le dite, "l'armée n'a été que le discipliné et honnête exécutant d'un pouvoir politique qui s'est retrouvé coincé entre la peste et le choléra - et a eu la peste et le choléra" ; sauf qu'il ne faut pas oublier que l'intention du pouvoir politique français, à la base, était positive, même si cela lui a explosé au nez.

      Il est regrettable de voir tant de gens prêts à vilipender leur propre pays, sans même lui accorder le bénéfice du doute ou tout simplement connaitre les faits de bases sur le sujet.
      D'autant qu'il s'agit en général des milieux qui se disent favorables à l'internationalisme humanitaire, qui ne retiendront aucune des autres leçons de l'affaire : les tensions créées par la surpopulation, par exemple, ou la difficulté de pousser à la démocratisation en plein milieu d'un conflit.

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    2. Merci pour ces compléments - mon propos n'était certainement pas de critiquer les intentions du pouvoir politique de l'époque. Ces missions sont d'une complexité infernale, car les combattants ne veulent pas la paix et le danger est à 360° : Bosnie, Rwanda, Côte d'Ivoire ... et maintenant RCA.

      RCA où justement l'intervention a été poussée par les "interventionnistes humanitaires", comme au Rwanda (il faut se souvenir de la cohorte de journalistes et intellectuels médiatiques à l'époque qui enchainaient les interventions dans les médias et tenaient meeting à la Mutualité pour "exiger" que la France intervienne... Françoise Giroud, Glucksmann, BHL, Kouchner, etc. ).

      Gageons que l'état-major français saura tirer profit de l'échec du Rwanda (1994) et du Zaïre (1994-97) en Centrafrique, malgré des moyens très limités sur place.

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  11. C'est à pleurer! comment peut on croire ou, seulement penser que des militaires français aient pu encourager ou participer au " génocide" rwandai. De tout cela il reste une vaste impression de gâchis. On ne peut s'empêcher de penser que le pouvoir de l'époque ne maitrisait pas grand chose. Est ce la conséquence de la cohabitation? En tout cas il semble au vu de tout ce qui précède que, pour Paris les enjeux géopolitiques et stratégiques étaient ignorés ou incompris. Mais à qui profite le crime? Qui a abattu l'avion des deux présidents et, qui armait le bras des assassins? A cette question personne ne semble pressé de répondre. Certes, il y eut un Massacre, c'est indéniable. Devenu "Génocide" il devient tabou. Et comme tous "génénocidés", les tutsi, sauf les morts, se portent mieux après qu'avant! ( les amérindien et les khmers n'étant pas "génocidés" se portent moins bien après qu'avant.) Des Massacres, il en eu depuis, et pas des moindres mais aucun ne fut instrumentalisé en "génocide".
    Les bonnes âmes seront choquée, mais voila, pour réfléchir et avancer il faut sortir du politiquement correct et reformuler les problématiques sans se laisser enfermer dans un discours convenu qui, s'il satisfait la grande majorité ne résout jamais rien.

    ZAKALWE.

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  12. La commémoration du "génocide" rwandais et surtout la prise de position de Kagamé ont été l'occasion de nombre d'articles sur cette affaire : témoignages, points de vue, essais en tout genre...Si dans une démocratie chacun a le droit de s'exprimer, ce n'est pas pour autant que toutes les opinions se valent : il est bon de rappeler cette évidence (qui ne semble pas l'être pour certains). Grâce aux moyens de communication actuels nous disposons de plus d'informations, mais les analyses sont elles plus pertinentes pour autant. Malheureusement on peut en douter. Il ne suffit pas en effet d'avoir l'information, encore faut-il être capable de la traiter : c'est bien là que le bât blesse. Une véritable formation intellectuelle doit amener à prendre conscience de la complexité. La lecture de toute la littérature actuelle relative à l'affaire rwandaise amène à en douter. Beaucoup d'articles relèvent beaucoup d'auteurs semi-lettrés que de vrais savants. C'est l'effet pervers de la facilité d'accès à l'information d'aujourd'hui : on a un vernis de connaissances et fort de cela on se permet des jugements qui se veulent définitifs. Au-delà du ridicule, cela représente un vrai risque pour la démocratie et on commence à en mesurer les effets politiques avec le développement de ce qu'on appelle les populismes. La récente affaire rwandaise est une illustration de plus de cette dérive. D'où l'intérêt de diffuser une information qui expose bien la complexité des situations pour combattre les informations partielles, partiales ou manipulatrices.

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  13. Soutien sans faille à nos soldats !

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  14. Une France, une nouvelle fois, généreuse mais imprudente, qui n’a pas su ou pu mesurer ce qu’un tel engagement pouvait représenter, pour finalement se retrouver seule face à des réalités de génocide, qui dépassait les capacités des forces sur le terrain et la compréhension même de telles horreurs.

    La France a-telle fait le bon choix ? Et avait-elle le choix? Mais dans tous les cas nos soldats ne sont pas en cause directe. En est-il de même pour nos politiques de l’époque. Avaient-ils mesuré les risques à leurs justes niveaux? Roland Pietrini - Athena Defense

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  15. Des ambiguités, à commencer par les dates, beaucoup de commentaires et peu de faits alors que certains "anonymes" semblent en savoir beaucoup.
    Hitler, Himmler, Heidrich n'ont jamais tué un juif de leur mains
    De Gaulle n'a jamais tué un algérien, fut-il un harki, de ses mains
    Mitterrand n'a ajamais tué un rwandai, un algérien ou un bosniaque de ses mains
    Les politiques n'ont pas de mains, c'est bien connu depuis Péguy.
    Et les blanches mains, hauts gradés et pontes du renseignement, n'ont pas de couilles, en tout cas pas fourrées au bon endroit.
    Si l'on publiait enfin les preuves des crimes de Kagamé, à commencer par avant avril 1994, on y verrait un peu plus clair.
    Et si le juge compétent faisait son boulot à propos des crimes commis sur des français au lieu de délirer contre les islamistes non raisonnables ?

    E.S.

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  16. Merci pour cet article.

    Il y a 20 ans : le début du génocide rwandais. http://www.blogactualite.org/2014/04/il-y-20-ans-debut-du-genocide-rwandais.html

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  17. Toute cette affaire n'est qu'une étape, sanglante certes, de la conquête de la région des grands Lacs par les anglo-saxons. Cf le refus des USA de voir le TPI enquêter sur l'attentat, car Kagame sortirait coupable, et Kagame c'est l'homme des anglo-saxons. Les militaires français ont fait un boulot qu'aucune autre armée n'aurait su faire, surtout avec un pouvoir politique aussi mal "inspiré".

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