Publié le 12/12/2019
Le 11 novembre dernier a été inauguré à Paris un monument en mémoire des soldats « morts pour la France » loin de leur pays depuis 1963. Si on examine maintenant le contexte dans lequel sont morts les 549, et hélas bientôt 562, soldats dont le nom y est inscrit, on s’apercevra que presque tous sont tombés en luttant non contre des États, mais contre des organisations armées. Nos ennemis sont le plus souvent des sigles, Frolinat, Polisario, GUNT, FLNC, FPR, pour ne citer que ceux que nous avons combattus en Afrique et désormais, pour ne considérer toujours que ce continent, nous nous battons contre Ansar Dine, Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), la katiba Macina et la katiba Al-Mourabitoune réunies dans Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) ainsi que l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS).
Ces organisations ennemies, autant les appeler par
le nom parfois changeant qu’elles se donnent et non par l’appellation « Groupes armés terroristes » qui ne veut pas dire grand-chose, abstrait le problème, le
réduit à ce qui n’est qu’un mode d’action et en limite la solution à l'éradication. Ces gens-là ne sont pas de simples
psychopathes qui n’ont envie que de semer la mort et la destruction, ce sont
des acteurs politiques qui ont un projet, des plans et des instruments pour
imposer leur volonté. Ils ne viennent pas non plus d'une autre planète, mais d'un contexte local complexe. Considérer tous ceux qui portent des armes dans leurs rangs comme de simples alter ago de ceux qui ont attaqué Paris le 13 novembre 2015 est une simplification grossière et trompeuse.
Nous leur faisons la guerre pour deux raisons. La
première, très simple, est que ce sont eux qui nous l’ont déclarée, et ce dès
1995 lorsque ce qui deviendra plus tard AQMI a organisé une série d’attentats
en France, envisageant même de fracasser un avion de ligne au cœur de Paris,
puis avec d’autres groupes ont entrepris de nous harceler dans le Sahel en
tuant nos ressortissants ou en les prenant en otages. Il y a plusieurs manières
de faire la guerre et à l’époque, on s’était contenté de se protéger de leurs
actions, sur le territoire métropolitain d’abord par un dispositif
juridico-policier dont on ne percevait pas encore les failles, et sur place au
Sahel par l’action ponctuelle de nos forces clandestines ou spéciales. Cela
pouvait suffire pour contenir la menace pour nous, mais pas pour certains États
de la région.
C’est là qu’intervient la deuxième raison. Nous nous
engageons au combat parce qu’on nous le demande, et nous acceptons parce que
nous avons des accords de Défense, des paroles à respecter et surtout des
intérêts à défendre. Quand on n’a qu’un marteau comme outil d’analyse, on ne
voit que des clous. Quand on ne voit que de l’exploitation capitaliste partout,
on cherchera immédiatement le pétrole, les minerais, les projets de gazoduc, qui
seuls peuvent justifier une intervention militaire. Ce n’est pas absurde, il
est légitime qu’un État défende ses intérêts économiques. Malheureusement,
c’est rarement le cas pour la France. D'expérience, la plupart du temps nos engagements
militaires s’effectuent dans des endroits où il n’y a pas grand-chose « à gagner » et s’il y en a, nous
savons très mal en tirer des dividendes. Il y a certes un peu d’or au Mali et au
Burkina Faso, mais il n’est pas exploité par des sociétés françaises, sans
doute le résultat des interventions australienne et canadienne dans la région.
Il y a aussi un peu d’uranium au Niger, 4 % de la production mondiale, que nous exploitons sans qu’il représente plus depuis longtemps un
approvisionnement stratégique. S’il l’était encore vraiment, il aurait suffi d’envoyer
nos troupes autour de cet uranium et nous serions tranquilles.
Bien plus simplement, parmi les intérêts à
défendre il y a des ressortissants à protéger, 6 000
au Mali par exemple en 2013. Bien plus sûrement encore, il y a la vision qu’à
la France de sa place et de son rôle dans les affaires du monde, et une
facilité d’engagement inédite dans les démocraties puisqu’il suffit que le
président de la République le décide. Nous intervenons aussi parce que nous
sommes parmi les rares à pouvoir le faire et accepter que nos soldats meurent
au combat. Tout cela donne 170 interventions militaires depuis 1963, dont un certain nombre
en soutien d’États faisant appel à nous pour les aider à lutter contre des
organisations armées.
Le Mali en fait partie. Il
fermait les yeux jusque-là sur AQMI, mais il n’a pu cacher son impuissance lorsque
des mouvements plus locaux, Touaregs d’Anse Dine ou Arabes maliens du Mouvement
pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) se sont associés à
Al-Qaïda pour former en 2012 un califat non proclamé dans le nord du pays. Ces
trois organisations représentaient à peine plus de 3 000 combattants, peu en soi, mais une superpuissance face au
vide l’État malien et la lenteur interminable de constitution de la force
interafricaine, la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA), qui était
censée pallier cette faiblesse. Le risque était grand, non pas forcément d’un
prise de Bamako par quelques centaines de combattants, mais d’une
déstabilisation générale, d’un chaos sur lequel des jihadistes auraient pu
ensuite prospérer avec des conséquences certaines sur les pays voisins, dont
la Côte d’Ivoire où pour le coup les intérêts français sont beaucoup plus
importants, et des conséquences indirectes possibles sur l’Europe proche.
La dernière fois que nous sommes intervenus
militairement directement contre des organisations armées en Afrique, c’était
en 1978, dans ce qui était à l’époque au Zaïre, mais surtout au Tchad avec
l’opération Tacaud. Tacaud s’est mal terminée puisque nous
avons été incapables d’empêcher le pays de basculer dans le chaos surtout à partir du moment où le gouvernement français de l’époque a cessé d’utiliser
ses soldats pour combattre. Depuis, lorsque
nous sommes intervenus en guerre en Afrique, nous l’avons fait en « appui et soutien » des armées locales qui
elles, menaient le combat en première ligne. Cela réussissait parfois, cela
échouait plutôt, le succès reposant presque entièrement sur la valeur de ces
armées locales, elle-même souvent liée à celle de leur État, de sa légitimité,
de son autorité, de son honnêteté. Lorsque les États et donc leurs armées étaient de manière persistante plus faibles que leurs adversaires, nos conseillers,
nos avions, nos canons, nos équipements, n’ont fait que retarder une défaite
inéluctable. Nous avons cessé cette pratique avec l’opération Noroît au Rwanda en 1993 et cessé alors pour un long temps de faire la guerre en Afrique.
Depuis nous n’avons mené que des missions sans
ennemis en espérant ainsi que l’on n’en aurait pas, soit des missions
d’interposition, soit des « opérations de
stabilisation ». À chaque fois que l’on
pouvait, on cachait le drapeau français derrière le drapeau européen des
missions EUFOR, ou celui des Nations-Unies, parfois des missions
interafricaines. Tout était bon pour agir sans être visible et sans prendre
trop de coups, même si cela ne fonctionnait pas beaucoup. Ne pas vouloir d'ennemis n'empêche pas d'en avoir ponctuellement et nos soldats de tomber aussi dans ces opérations. Cette période s’est presque terminée en 2011 avec l’intervention discrète des forces françaises au
profit des forces du président ivoirien élu Ouattara contre celles de Laurent
Gbagbo. Il y eu encore l'opération Sangaris en République centrafricaine, une des plus difficiles, sans doute la dernière du genre avant longtemps.
L’intervention française de janvier 2013 au Mali
renoue donc avec l’intervention directe au combat contre des organisations armées,
témoignant de l’échec de toutes les autres formes. Cette opération Serval a été un remarquable succès, en grande partie justement du fait de la territorialisation de l’ennemi qui
permettait de donner la priorité à l’affrontement force contre force et de
fournir des résultats visibles. Pour être plus précis, on peut qualifier Serval d’« opération séquentielle », une forme d’intervention où on agit exclusivement contre la
force armée ennemie en progressant d’objectif en objectif jusqu’au but final.
Il suffit alors de regarder sur la carte la progression des petits drapeaux
pour savoir dans quel sens va l’histoire. Les petits drapeaux français et
alliés, les Tchadiens principalement, ont ainsi été placés sur Gao et Tombouctou
libérées d’Ansar Dine et du MUJAO, puis sur la base d’AQMI dans la vallée de l’Ametettaï.
Ajoutons que dans cette forme opérationnelle, la réponse à la question « pourquoi nos soldats meurent-ils ? » est claire et n’induit que rarement le doute puisqu’elle
s’accompagne de résultats visibles.
Toute la difficulté de la lutte contre les
organisations armées et parfois contre les États est de savoir où s’arrête ce
qui suffit. Il n’y a que peu de capitulations et encore moins de destructions
complètes. Il n’y a bien souvent que des situations plus ou moins acceptables.
Villes libérées, bases détruites, 300 combattants jihadistes tués, la plupart
des autres en fuite et incapables de monter des opérations d’ampleur sous peine
d’être frappés, à la fin de 2013 le corps expéditionnaire français avait
accompli sa mission. Il aurait été possible de le retirer quitte à revenir plus
tard en cas de besoin. C’est ce que nous avons fait au Tchad en 1972 après
avoir vaincu, mais non détruit le Front de libération nationale.
Nous avons préféré rester dans une guerre dont la
forme basculait de la forme « opération séquentielle » à celle d’« opération cumulative», des Échecs au jeu de Go. Cette fois pas de drapeau à planter sur des villes
libérées, pas de batailles, mais une multitude de petites actions isolées dont
on espère qu’elles finiront par faire émerger après des années l’« État final recherché ». C’est la forme utilisée
par toutes les organisations armées clandestines avec de la guérilla, des
sabotages, de l’action auprès des populations, des attentats terroristes
éventuellement. C’est un pointillisme que pratiquent aussi généralement ceux
qui les combattent, par des raids, des frappes, des actions
civilo-militaires, etc. C’est beaucoup plus long et ingrat que les
opérations séquentielles. Les combats y ont moins d’ampleur, mais sur la longue
durée, ils finissent par faire beaucoup plus de morts dans nos rangs, des morts
que l’on a du mal cette fois à associer à des bilans concrets, ce qui induit le
doute et l’accumulation du doute induit le sentiment d’enlisement alors que
l’enlisement est inhérent à ce type d’engagement.
Le passage de Serval
à Barkhane en 2014 consacrait ce
changement de forme, inévitable du fait du succès même de la première opération qui interdisait désormais aux organisations ennemies de paraître en grand
quelque part sous peine de destruction. Cette forme faite de coups, de frappes
et de raids pouvait être menée depuis la périphérie du Mali, depuis des bases
solides. Il fut décidé au contraire de maintenir un corps expéditionnaire dans
et autour de Gao en attendant la relève par d’autres forces, la Mission
multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali
(MINUSMA) d’abord puis surtout les Forces armées maliennes (FAMa).
Cette relève, comme c’était hélas prévisible,
n’est pas venue. La MINUSMA, 13 000 soldats et un budget
d’un milliard d’euros par an, s’est avérée aussi inefficace et peu utile que
toutes les autres opérations des Nations-Unies, et la Mission européenne de formation des
FAMa, succédant à un programme équivalent américain, s’est révélée largement stérile. Là encore 13 000 soldats ont été formés où reformés en six ans au camp de
Koulikoro près de Bamako, avec un effet pratiquement nul car le problème premier
des FAMa n’est pas technique, mais leur adossement à un État failli et
corrompu.
Une bonne stratégie recherche le centre de gravité
de l’ennemi, ce qui fait sa force, et s’efforce ensuite de le détruire ou moins
de le réduire au maximum. Or, le centre de gravité des jihadistes n’est pas
leurs chefs ou leurs quelques milliers de combattants au total. Quand nous les éliminons au rythme moyen d'un tous les deux jours, ils se renouvellent, preuve que le problème est plus dans la cause de leur existence que dans cette existence même. Le centre de gravité des jihadistes est à Bamako. Ce qui
fait la force de nos ennemis sur place, c’est l’incapacité de l’État malien à
établir une paix durable avec les Touaregs, à faire venir son armée ou la
police dans les villages qui appellent à l’aide, à rendre la justice entre les
éleveurs du centre du pays, à empêcher par voie de conséquences la création de
milices communautaires qui vont à leur tour provoquer des exactions contre cet
Autre qui est forcément à la source des problèmes. Il apparaît comme une
administration corrompue et inefficace face à des organisations qui, elles, rendent la justice, éduquent parfois, font la police et payent leurs combattants.
Et c’est ainsi que l’on a laissé nos soldats au milieu
d’une situation qui ne pouvait que se dégrader tant que l’échelon politique
malien ne prenait pas ses responsabilités, ce qu’il n’a jamais fait. Peut-être que notre présence y a même contribué. Pourquoi faire des efforts difficiles
pour résoudre les problèmes internes ou pour combattre vraiment les jihadistes
quand on est protégé dans son existence par les soldats français ? Pourquoi changer quand la persistance des problèmes incite à
une aide internationale de plusieurs milliards d’euros dont peu arriveront dans
les villages ? Atout supplémentaire,
les Français peuvent faire d’excellents boucs émissaires lorsque les problèmes
ne sont pas résolus.
La situation s’est donc finalement et forcément dégradée, avec
une accélération cette dernière année, contaminant par effet domino, le Burkina
Faso voisin, à l’État tout aussi défaillant, et même le Bénin, où deux soldats
français sont tombés aussi.
En l’état actuel des choses, il n’existe que trois
options pour la France.
La première est le maintien en l’état. On peut
rester ainsi en espérant que les choses vont finir magiquement par s’améliorer,
qu’un sursaut national va donner des forces nouvelles au Mali et au Burkina Faso.
Le plus probable est au contraire le basculement dans une situation complexe
incontrôlable, la raison de l’échec de Tacaud
au Tchad en 1979-1980, et comme à l’époque, de prendre pour rien des coups y
compris de la part de ceux que l’on est censé défendre, et ce jusqu’au repli inévitable.
Tout ce qu’on peut espérer est que le chaos reste localisé, comme ce fut le cas
au Tchad, et qu’une forme d’équilibre s’instaure et d’un point de vue
militaire puisse fournir à nouveau des objectifs clairs que l’on puisse
attaquer depuis l’extérieur.
On peut décider de replier dès à présent les
forces du Mali pour se redéployer ailleurs, sensiblement faire ce qu’il aurait
été possible de faire à la fin de Serval
mais désormais dans une ambiance de défaite. Ce serait sans doute redonner de
la liberté d’action aux jihadistes et nourrir de nouvelles accusations,
d’abandon cette fois, succédant à celle de trop grande présence. Mais cela peut
être considéré comme un signal fort au Mali et susciter par peur ce sursaut
national. Au pire, là encore, il sera toujours possible d’attaquer depuis la
périphérie.
On peut décider au contraire, un renforcement, à
la manière du « sursaut » américain en 2007 en Irak. Pour que cette option ait une
réelle influence, il faut des renforts en nombre significatif mais aussi de
nouvelles méthodes. On peut doubler le nombre d’avions Rafale et d’hélicoptères
Tigre au Sahel, on peut y ajouter des drones armés, cela permettra de plus et
mieux frapper, mais cela ne suffira pas. Ce qui manque réellement au Mali et au
Burkina Faso, ce sont des combattants, des bataillons motivés,
compétents, bien commandés, qui puisse surpasser l’ennemi sur son propre
terrain avec l’appui de la population et non contre elle, à l’instar des huit
Groupements spéciaux d’intervention mauritaniens (GSI) qui tiennent la
frontière désertique avec le Mali.
Ces bataillons ce ne sont pas les armées
européennes qui vont les fournir, on n’y pratique plus le risque et le combat sauf chez les
Britanniques et chez nous. Nous pouvons éventuellement en fournir quelques-uns si on
se désengage des opérations dont le premier « public
visé », opinion publique, Etats-Unis, États locaux,
n’est pas l’ennemi. Du point de vue opérationnel ce serait plus efficace, mais délicat politiquement. Le vrai renforcement ne peut venir que de la région, de
la force commune G-5 Sahel bien sûr, la solution annoncée depuis quatre
ans et qui comme toutes les forces interafricaines bute toujours sur le byzantinisme de son financement. Un mandat des Nations-Unies faciliterait les choses,
étrangement il ne vient pas. Il peut venir surtout du Mali, du Burkina Faso et
du Niger. En réalité, la seule solution serait, comme dans le passé au Tchad,
au Dhofar ou en Irak, que l’État malien laisse provisoirement sous commandement
et contrôle étroit étranger des soldats locaux, réguliers, irréguliers, étrangers
mercenaires, peu importe pourvu qu’ils soient motivés pour combattre. Mais bien
entendu, pour de multiples raisons qui n’ont rien d’opérationnelles cela est
difficilement concevable.
Le plus probable est donc que la guerre dure longtemps
et que l’on évoque encore régulièrement des solutions destinées à montrer que l’on
fait quelque chose, mais qui n’affectent pas profondément le cours des choses, pour finalement improviser dans l'urgence lorsque la catastrophe viendra.
Mon colonel ne voit-on pas aussi au Sahel les limites d'un certains "modernisme" ? Nos troupes au sol sont souples et maneuvrieres mais ne peut-on pas réfléchir à des appuies, aériens notamment, plus en conformité avec l'adversaire ?
RépondreSupprimerNe doit on pas aussi revenir aux fondamentaux de la contre-guérilla ?
Les fondamentaux de la contre guérilla ne doivent ils pas reposer sur un Etat stable et volontaire ? Pour moi, ce type d'action ne peut avoir des résultat concret qu'en ayant une certitude d'avoir au chose à proposer après. Or actuellement, l'après ne peut être géré que par l'Etat Malien qui est totalement défaillant. Pour reprendre l'exemple du marteau... planter des clous dans un bois vermoulu ne sert à rien sur la durée.
SupprimerBien à vous
Mon Colonel,
RépondreSupprimerayant effectué cinq rotations de 4 à 5 mois au Mali de 2013 à 2016 au sein d'un etat-major de GTIA, j'ai également vécu le changement de structure de commandement qui a vu disparaitre un échelon brigade présent physiquement à Gao, pour y substituer un échelon "divisionnaire" à N'Djamena.
Que de difficultés pour la mise en application des bonnes pratiques en matière de renseignement ...
Nos états-majors ont oublié que le contact physique entre subordonné et supérieur ne saurait être remplacé par un échange de mail, par un coup de téléphone, ou par une vidéoconférence hebdomadaire.
Le montage d'opérations avec des moyens ISR contraints est un processus qui peut vite devenir trop long et contraignant, au regard de la mobilité de l'adversaire. La montée en puissance de la katiba Macina au sud du Gourma, ou les activités sur la zone des trois frontières ont alors donné l'impression de ne pas être traité à temps car elles remettaient en cause la bonne exécution du plan de campagne au nord en exigeant une bascule d'effort ponctuelle ou plus durable.
Si l'on rajoute à cela un caporalisme latent ou le staff du commandeur assis devant le rover du drone s’émeut à N'Djamena, par nuit de niveau 5, dans une manœuvre aéroterrestre complexe, des 3 minutes de retard lors de la dépose de GCP apres 50 minutes de vol au sud est de Kidal, on ne peut que constater l’évidence dans le décalage des perceptions entre deux entités distante de plus de 1500km ...
De plus, j'ai pu constater le manque flagrant de mémoire entre deux mandats séparés de moins de 6 mois. Les problématiques SIC de libération d'espace sur les réseaux engorgés et donc d'effacement des données jugées obsolètes ou son archivage sur des supports hors réseau, ainsi que, parfois, la volonté de monter "l'operation phare du mandat", ont plus d'une fois créé des situations cocasses ou il est difficile de contredire un chef de corps annonçant à ses capitaines qu'ils seraient les premiers à pénétrer dans telle ou telle vallée, alors qu'elle a déjà fait l'objet de fouilles multiples ...
La plupart des cadres de GT un peu éclairés font ce même constat : il manque un général de brigade à Gao. Je n'irai pas jusqu'à dire que le divisionnaire de Ndjamena est inutile, mais les décalages de perception sont identiques à ceux du CPCO. Certains camarades finissent par croire que ce montage hiérarchique est une justification opérationnelle du retour aux divisions avec Au Contact. Ça valait le coup...
SupprimerLes anglais vont renforcer nos moyens ISR au Mali:
Supprimerhttps://lemamouth.blogspot.com/2019/12/les-promesses-dune-visite.html
Les reaper sont armés, on aura bientôt le premier communiqué confirmant cet emploi:
https://lemamouth.blogspot.com/2019/12/1-2-3-reaper-arme.html
Pendant ce temps-là on a un peu plus de précisions sur le nombre de traîtres.
http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2019/12/18/une-trentaine-de-militaires-francais-devenus-djihadistes-en-20733.html
Mutatis mutandis, on peut trouver bien des analogies avec notre guerre d'Indochine. Nous agissons toujours more majorum !
RépondreSupprimerIpso facto.
SupprimerOui, au Vietnam, il me semble que le degré d’engagement du camp communiste a été bien supérieur à celui des Vietnamiens n’appartenant pas à ce camp. À cela différentes causes, mais d’abord le fait que, puisque les Français puis les Américains se battaient, il devenait moins nettement moins impératif de le faire soi-même…
SupprimerSans compter, évidemment, que l'intervention étrangère faisait que le facteur national se mettait à jouer en faveur des communistes...
Il y a dans ce type de conflit une nécessité inéluctable de comprendre et accepter pour fait la mentalité africaine. Il est difficile pour ces peuples au mental moyen-âgeux de se projeter au 21ème siècle et changer soudainement de mentalité. Nous, Européens, avons eu des siècles d'évolutions progressive que nous menions à notre façon car il n'y en avait pas d'autre plus évoluée. Les Africains vivent dans un monde qui est le leur mais qui cohabite avec des mondes bien plus modernes qui les observent avec leurs propres lunettes. Et c'est là que le bât blesse. J'ai vécu quelques temps en Côte d'Ivoire en mission médicale. J'ai toujours eu l'impression de vivre au moyen-âge après un saut dans le temps. On ne résoudra pas en quelques années une évolution qui doit se faire en plusieurs siècles. L'islam sied à nombre d'Africains car il est adéquate dans leur dimension temporelle alors que sur notre continent, l'islam reviendrait à nous ramener au 7ème siècle. La nonchalance Africaine va à l'encontre du principe de motivation dont vous parlez. La fatalisme règne, et il est en adéquation avec l'islam, tout comme la corruption endémique et traditionnelle. C'est un monde de guerres tribales (qui s'exporte en Europe pour le coup) où les sagaies sont remplacées par l'AK47, mais c'est tout ! Une stratégie s'inspirant des actions du LRDG en 1943 en Afrique du Nord a besoin de s'appuyer sur un gouvernement local coopératif. Et si en plus les Nations Unies deviennent également "nonchalantes" et indécises dans leur appui, il est difficile de voir une issue favorable à l'occident et l'armée française.
RépondreSupprimerDire que les Africains noirs vivent au Moyen-Age, ont une mentalité médiévale, il me semble que c’est insulter le Moyen-Age.
SupprimerL’Afrique noire d’avant la conquête coloniale, si on lui cherche un équivalent temporel en Europe – tout en tenant compte du fait que, de toutes façons, les civilisations diffèrent – il faut probablement remonter à plusieurs milliers d’années avant notre ère. Chaka n’est pas le contemporain de Philippe Auguste, ni de Clovis, ni de Vercingétorix.
Sous Vercingétorix, on élevait les poules y compris pour leurs œufs et on ne mangeait pas les voisins.
OK, je veux bien vous rejoindre sur ce point. On va dire une mentalité tribale primitive. Le cannibalisme rituel est toujours de mise. J'en veux pour preuve la vidéo d'un ami officier en mission discrète en Afrique printemps 2019 montrant des Africains en train de cuire dans une marmite une tête humaine, un pied, des mains. Cet ami me disait "attends-toi à voir ça un jour en France". Une autre vidéo reçue montrait un Africain qui en avait abattu un autre et lui extirpait son foie pour partir avec. Et ça rigolait. Si on lit "Guérilla" de Laurent Obertone qui est un journaliste très bien renseigné, on a un roman de fiction qui hélas a de fortes probabilité de se transformer en réalité. Les lecteurs sont avertis.
SupprimerPourquoi est-il impossible de lire ce genre d'histoires dans la presse ? Je ne sais... Mais le résultat est que de plus en plus de gens ne la croient plus beaucoup et la méprisent pas mal...
SupprimerJe me rappelle avoir dit à quelqu'un dans une discussion : "Ce que tu dis est écrit dans "Le Monde", donc ça doit être faux"...
Et d'ailleurs même votre usage du mot "Africain" est fautif, et politiquement correct - car le Nord de l'Afrique, où ces comportements n'ont pas cours, c'est quand même un gros morceau, que les mots "Afrique" et "Africains" laissent tomber.
SupprimerPour éviter le mot pc "Afrique", on dispose du traditionnel et excellent "Afrique noire".
Pour éviter "Africains", il me semble qu'on peut employer "les Noirs d'Afrique" ou "les Africains noirs".
Mon Colonel,
RépondreSupprimerJ'ai lu avec attention cet article qui résume admirablement les enjeux, les problèmes et les raisons de notre engagement dans cette partie du monde. Je pense que quasiment tous les commentateurs, quel que soit leur bord, devraient le lire (et l'article d'Abou Jaffar: https://www.lemonde.fr/blog/aboudjaffar/2019/12/01/13-ronin/). Mais je suis à peu près sûr que personne n'en fera rien.
En ce qui concerne ce conflit, j'ai constaté surtout que rien, absolument rien, ne semble avoir été fait pour lutter contre la corruption généralisée au sein de l'appareil d'Etat malien, alors même que cette corruption est bien identifiée comme une source de problèmes en particulier au sein de l'armée où les soldes ne sont pas correctement versées. En fait, on dirait bien que tous les penseurs de contre-insurrection se moquent de ce problème, alors même qu'il est fondamental pour prouver à tous, et surtout à la population, que l'on est un partenaire fiable et intègre. En outre, cette corruption permet aussi à nos ennemis de se financer, en détournant des fonds publics et en pillant les camps de réfugiés (où la comptabilité, quand elle existe, est plus que douteuse) souvent payés par nos aides humanitaires.
A bien y réfléchir, le vrai renfort que la force Barkhane pourrait espérer, ce n'est pas des drones, des hélicoptères, des commandos ou des paras, mais bien des comptables. En contre-insurrection aussi, il faut savoir mener la "guerre par la règle à calcul". A moins que l'alternative soit de s'assurer nous-même du paiement des soldes de nos alliés, à savoir les militaires maliens voire ceux de la future "Force G5" censée nous relever. On en vient à votre idée de "fusion" ou de "combat couplé". En tant que militaire, avez-vous déjà expérimenté quelque chose de la sorte ? Ou connaissez vous un acteur de contre-insurrection qui ait réfléchi aux problèmes évoqués?
Respectueusement.
Mon Colonel,
RépondreSupprimerJe ne peux hélas que partager vos analyses et conclusion de votre article. Si rien sur le fond ne change nous serons encore dans dix ans; et voire plus embringué dans cette opération au Mali et la bande sahélienne.
@ Anonyme10 décembre 2019 à 22:00 :
Vous avez en partie raison, la corruption généralisée au sein de l'état malien c'est une des causes principales de notre enlisement dans ce conflit. Mais elle ne fait que se surajoutée au manque de volonté politique des politiques au pouvoir dans ce pays : règlement équitable du cas des touaregs, et des populations du sud ( maliennes et Burkina Faso). Politique et corruption, elles forment un couple infernale au Mali, mais honnêtement pas seulement que dans ce pays africain
Bonjour Monsieur
RépondreSupprimer"Le plus probable est donc que la guerre dure longtemps" c'est la prévision que je fis dès 2013, vérifiable sur un forum de "Marsouins".
Bon texte, mais les "nous" et les "on" me chagrinent.
La France est dirigée côté militaire par des "chefs de Armées" par conséquent pour ce conflit : F. Hollande et E. Macron, autant les nommer. Pas de "nous", "on" mais ils.
Aucun des deux n'a connu la guerre, aussi je les taxerai au minimum d'inconscience... Ce qui n'est pas le cas des deux CEMA De Villiers et Lecointre!
Je suppose qu'ils sont parfaitement conscients des sacrifices qu'ils demandent aux français dans un conflit sans issue, une autre guerre de cent ans?
Vous l'avez écrit : "à la fin de 2013 le corps expéditionnaire français avait accompli sa mission. Il aurait été possible de le retirer quitte à revenir plus tard en cas de besoin."
Cela aurait été une sage décision!
Mais voilà, la Constitution française nous file un "chef des Armées" aux pouvoirs d'un empereur. Avant de "réformer" quoi que ce soit pour nous casser les cou....s, réformer la constitution.
Bien à vous
Analyse impécable!
RépondreSupprimerl'avis de Bernard Lugan :
RépondreSupprimerhttps://www.breizh-info.com/2019/12/17/132972/que-faisons-nous-encore-au-sahel-ou-le-changement-de-paradigme-simpose-desormais
Je vous laisse détruire ce message après avoir traité à votre convenance les suggestions qu’il contient.
RépondreSupprimer« alter ago » : alter ego
« armées locales, elle-même » : elles-mêmes
« sans qu’il représente plus depuis longtemps un approvisionnement stratégique » : sans que depuis longtemps il ne représente plus
« S’il l’était encore vraiment, » : S’il était encore vraiment stratégique
« d’un chaos sur lequel des jihadistes » : dans lequel
« auraient pu ensuite prospérer avec des conséquences certaines sur les pays voisins, dont la Côte d’Ivoire où pour le coup les intérêts français sont beaucoup plus importants, et des conséquences indirectes possibles » : rajouter une virgule devant « avec », éventuellement écrire : , et avec des conséquences indirectes
« s’est avérée aussi inefficace et peu utile » : s’est révélée
« le problème premier des FAMa n’est pas technique, mais leur adossement à » : le problème premier des FAMa n’est pas technique, mais le fait qu’elles sont adossées à
« et payent leurs combattants » : et paient
« à une aide internationale de plusieurs milliards d’euros dont peu arriveront dans les villages ? : dont peu arrivera
Quelle différence y a-t'il entre une opération française au Sahel et l'échec des opérations américaines en Afghanistan ou en Irak/Syrie, si ce n'et une question d'échelle ?
RépondreSupprimerhttps://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/01/15/autopsie-d-un-enlisement-de-la-france-au-sahel_6026004_3212.html
Nous sommes limités par nos propres paradoxes.
https://comptoir.org/2017/05/24/gerard-chaliand-pour-les-pays-occidentaux-les-attentats-cest-du-spectacle/
Surtout dans nos propres rues:
https://www.lefigaro.fr/actualite-france/une-quarantaine-de-djihadistes-francais-sont-deja-sortis-de-prison-20200114
https://www.lopinion.fr/edition/politique/jihadistes-liberes-nouvelle-menace-208791
Et même ailleurs:
https://www.lefigaro.fr/actualite-france/l-inquietant-deficit-de-places-de-prison-pour-les-terroristes-20200114
Tout évaluer selon le prisme du coût-éfficacité, à l'américaine...
RépondreSupprimerhttps://www.areion24.news/2020/02/07/prendre-de-la-distance-ou-de-la-hauteur-evaluer-une-operation-militaire-au-prisme-du-risque%E2%80%89/
La guerre des managers:
https://lavoiedelepee.blogspot.com/2017/12/datapocalypse-big-data-et-guerre-du.html
Avec des matériels faits non pas pour une meilleure efficacité sur le terrain, mais pour ratisser jusu'au dernier centime d'argent public destiné aux armées.
https://lavoiedelepee.blogspot.com/2017/12/datapocalypse-big-data-et-guerre-du.html
http://dutungstenedanslatete.blogspot.com/2017/10/les-limites-du-technologisme.html
Mon colonel,
RépondreSupprimerNe conviendrait-il pas de pondérer votre analyse par trois éléments :
- les États-Unis ont plutôt axé leur action de formation vers les Touaregs du Nord-Mali, plus aguerris et formés au combat dans les milieux désertiques, à ceci près qu'ils ont massivement déserté pour rejoindre les jihadistes ;
- la France a créé des écoles pour créer et former les cadres de l'armée malienne, sans que pour autant le gouvernement de Keïta soit en mesure de créer les outils administratifs et gestionnaires pour administrer, gérer et rémunérer cette armée ;
- le conflit au Sahel se déplace du nord vers le sud-ouest avec cette coalition "anti-corruption" où la parole prédominante est celle de l'imam Dicko, formé en Arabie saoudite et tenant d'un islam rigoriste de type hanbalite, le religieux ayant l'oreille des Bamakois.
En conclusion, la corruption endémique semble la résultante plutôt que la conséquence d'une impuissance de l'État à opérer une mutation de sa gouvernance sur le modèle français.
Ce petit article, sans doute le livre aussi du même auteur, vaut le coup d'oeil:
RépondreSupprimerhttps://www.lopinion.fr/edition/international/ardavan-amir-aslani-l-occident-n-accepte-plus-mort-qui-profite-a-241947
On a de la chance en France d'avoir quelqu'un de sérieux qui fait la veille sur les barbus:
RépondreSupprimerhttps://mobile.twitter.com/historicoblog4/status/1400148380471398403
Au lieu de travailler bénévolement, que l'académie de Coëtquidan le recrute aurait du sens, à defaut de la caserne Mortier....
http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2021/03/30/un-poste-d-enseignant-chercheur-en-histoire-a-pourvoir-aux-e-22004.html
L'échéance de la présidentielle de 2022 a plus d'influence que les résultats tactiques du terrain:
RépondreSupprimerhttps://www.bruxelles2.eu/2021/06/le-barkhane-exit-de-emmanuel-macron-sauve-qui-peut-operationnel-ou-motivations-politiques/
Ça nous le fait à combien le kilogramme de viande de djihadiste?
RépondreSupprimerhttps://www.revueconflits.com/terrorisme-au-sahel-et-en-france-le-mirage-de-la-victoire-catherine-van-offelen/
À 118 millions d'euros la bête, ça dépend du pays d'origine pour le poids...
SupprimerSi Takuba est le laboratoire de l'Europe de la défense, force est de constater que même in vitro, c'est pourri!
https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/takuba-le-sahel-merite-nos-efforts-pour-servir-de-laboratoire-a-une-force-europeenne-efficace
Même si certains sont mûrs pour leur reconversion:
https://www.bruxelles2.eu/2021/07/les-takuba-a-loeuvre-ltt-col-francois/
Après tout, si le mensonge n'a plus besoin d'être crédible pour être balancé en place publique...
https://start.lesechos.fr/travailler-mieux/metiers-reconversion/cabinets-de-conseil-consultants-et-unites-delite-militaires-meme-combat-1252395