La France est entrée en guerre contre l’État islamique le 19 septembre 2014 en acceptant de participer à la coalition formée par les États-Unis pour lutter contre l’organisation armée.
Cela n’a pas été évoqué à l’époque, mais cela constituait un changement profond d’attitude. L’EI n’est pas né en 2013 comme semblait alors découvrir le gouvernement, mais en 2003 sous un autre nom. En 2006, devenue l’État islamique en Irak (EII) cette organisation ravageait le pays jusqu’au cœur de sa capitale. Nous étions alors, nous Français, d’un silence total devant les horreurs que perpétrait cette filiale d’Al-Qaïda. On considérait sans doute qu’il s’agissait là d’une conséquence de cette intervention américaine à laquelle, avec raison sans aucun doute, on n’avait pas voulu s’associer. De plus, l’EII ne nous avait jamais attaqués directement. Nous estimions donc inutile de prendre les devants en rejoignant tardivement une coalition que par ailleurs tous les Alliés s’efforçaient de quitter au même moment. Le destin et surtout le retournement d’alliance des arabes sunnites ont permis finalement de vaincre l’EII en 2008. De vaincre, mais pas de détruire. L’EII était très réduit mais survivait dans les marges des zones de peuplement mixte, là où il pouvait encore apparaître parfois comme protecteur des sunnites.
Cinq ans après sa défaite de 2008, l’État islamique est revenu le devant de la scène, et le gouvernement irakien, en particulier le Premier ministre al-Maliki, porte une énorme responsabilité dans ce retour. L’organisation a alors enchaîné un cycle de renforcement assez spectaculaire, nourri il est vrai par la faiblesse de ses opposants. Le nouvel EI, qui a appris de ses erreurs, multiplie les ralliements de groupes locaux, se renforce et enchaîne des victoires spectaculaires, ce qui accroît encore les ralliements. En juin 2014, l’État islamique (devenue un temps « en Irak et au Levant » puis EI tout court) contrôle suffisamment de territoire pour proclamer un Califat. Il poursuit son expansion en Irak et en Syrie, et reçoit même, à la manière d’AQ dont il s’est séparé, des allégeances de groupes internationaux.
C’est à ce moment-là, et alors qu’un journaliste américain a été assassiné, que les États-Unis décident d’intervenir à nouveau. Comme d’habitude, ils forment une coalition non pour disposer de moyens supplémentaires (tous les Alliés réunis ne représenteront jamais plus du quart des moyens américains), mais pour renforcer la légitimité de l’action. Contrairement à son attitude précédente, la France décide cette fois de faire la guerre à l’État islamique et de rejoindre la coalition.
J’étais à l’époque assez sceptique sur l’opportunité de cette nouvelle guerre. Nous étions alors déjà engagés en guerre au Sahel après avoir décidé d’y rester militairement après la destruction du « califat nord malien ». Nous étions également engagés dans une opération de stabilisation (= opération où il n’y a pas d’ennemi désigné, donc une opération de police) en Centrafrique beaucoup plus délicate qu’annoncé initialement par le ministre. L’opération Vigipirate était toujours en cours en métropole ainsi que plusieurs autres opérations plus petites qui absorbaient encore quelques forces. En vieux soldat, je pensais qu’il valait mieux ne pas multiplier les ennemis. Les conditions stratégiques n’avaient pas fondamentalement évolué pour la France depuis la guerre civile irakienne, et l’EI ne nous avait toujours pas attaqués. Il valait sans doute mieux se concentrer sur le théâtre africain, où nous pouvions avoir un rôle militaire important, que d’ouvrir un nouveau front où notre impact serait forcément faible si on se contentait de faire comme les Américains.
L’échelon politique, qui peut user et abuser de cet outil militaire qui obéit et donne l’impression de faire quelque chose, ne voyait pas forcément les choses de la même façon. L’engagement militaire français est souvent une fin en soi dont les principaux effets attendus sont rarement sur l’ennemi. Pas avare de contradiction, tout en empilant les opérations le même gouvernement décidait par ailleurs de poursuivre et même d’accélérer la réduction du budget, des effectifs et des moyens qui permettaient de les réaliser. En cela, il est vrai qu’il n’innovait pas.
On s’engageait donc dans une nouvelle guerre. Avions-nous en mémoire les rétorsions des États-Unis la dernière fois que nous leur avions dit non ? N’avions-nous plus simplement la volonté de refuser ? Peut-être considérait-on plus justement que la menace nous concernait plus directement que quelques années plus tôt. De nombreux Français rejoignaient les rangs de l’EI, des journalistes étaient otages de l’organisation en Syrie, l’attaque du musée juif de Bruxelles en mai 2014 pouvait constituer le premier acte d’une campagne européenne d’attentats. On pouvait donc considérer que cette guerre était sans doute inévitable. Fallait-il prendre les devants ? Aurions-nous été traités de naïfs si nous avions été attaqués malgré le refus de participer à cette nouvelle expédition ? Peut-être. Difficile de le dire désormais.
A ce stade, une fois la décision prise et annoncée quelque chose me gênait. Ce sont les nations qui font les guerres et non seulement les armées. Alors qu’il annonçait cette nouvelle guerre (mais je ne suis pas sûr que le terme de guerre ait été employé), le gouvernement aurait dû logiquement mettre tout le pays en ordre de bataille. Si l’ennemi était aussi détestable et dangereux que cela, on pouvait logiquement s’attendre à ce qu’il nous porte des coups ou au moins tente de le faire. Quatre jours seulement après notre entrée en guerre, un Français était effectivement assassiné au nom de l’État islamique. Les mêmes Livres blancs qui concluaient à la nécessité de réduire les moyens de la défense contenaient tous des paragraphes sur le risque élevé d’attentats terroristes en France. C’était d’ailleurs, semble-t-il, pour essayer de les prévenir que nous étions entrés en guerre en Afghanistan, au Sahel et maintenant en Irak, et que nous maintenions des patrouilles de soldats dans nos villes.
La moindre des choses aurait été de prévenir les Français, de dire des choses comme « Nous entrons en guerre, mais l’ennemi ne restera pas passif. Nous mettons tout en œuvre pour le combattre, nous renforçons les services de sécurité intérieure, nous adaptons les moyens et les méthodes de police pour intervenir efficacement contre des attaques importantes sur le territoire national, nous adaptons les procédures juridiques, etc., mais il est hélas probable que l’ennemi parviendra quand même à nous faire mal. Il faut s’y préparer aussi dans les esprits… ».
Dans les faits, le discours politique d’entrée en guerre a été d’une incroyable pauvreté. C’est d’autant plus étonnant que celui accompagnant la guerre au Mali à peine plus d’un an plus tôt, sans parler de celui la guerre du Golfe en 1990, tranchait plutôt par sa clarté et le risque assumé. Plus de quatre ans après l’entrée en guerre contre l’EI, certains demandent encore s’il s’agit vraiment d’une guerre, si donc on peut y tuer des gens (sic.), ce qu’on doit faire des prisonniers, etc. Au-delà de l’annonce de la guerre, il aurait été utile de préciser quelques évidences : la zone de guerre contre l’EI est le territoire de l’Irak et de la Syrie, le droit de la guerre s’y applique exclusivement (et donc pas sur les autres territoires dont celui de la France) qui autorise évidemment de tuer des combattants adverses tout en préservant autant que possible la population. Il aurait été visiblement utile aussi de préciser dès cette époque, rien ne l’empêchait, ce que l’on ferait des traîtres capturés. Tout cela est normalement le kit de base de l’entrée en guerre.
Rien de cela n’a été dit. On simplement répété que nous étions face à une bande de psychopathes issus d’on ne sait où, sans contenu religieux, ni vision politique et sans autres motifs en fait que faire le mal. Désigner un ennemi, c’est désigner un alter ego politique à qui on cherche à imposer sa volonté par la force. La difficulté à dire les choses venait sans doute de la difficulté à faire un lien entre l’ennemi et l’Islam, et peut-être surtout à lui conférer ce statut d’ennemi. On poussait le ridicule jusqu’à refuser obstinément de ne pas appeler l’Etat islamique par son nom, « parce que ce n’est pas un État » (comme si cela avait de l’importance) et par mépris (comme si cela avait un effet sur lui), voire de ne pas lui donner de nom, de parler de « groupe armé terroriste » ou même de « terrorisme » tout court. On utilisait même parfois l’expression « guerre au terrorisme », un non-sens sémantique que l’on moquait treize ans plus tôt lorsque George W. Bush l’employait. Tout cela apparaîtrait simplement comme étonnant de puérilité à ce niveau, si cela n’avait pas de conséquence sur les événements. Car derrière l’absence d’explication, il y a eu surtout une absence de précautions. Sans doute persuadés que nous étions bien organisés et bien protégés, nous sommes partis en guerre la fleur au fusil, une grosse fleur et un petit fusil, nous condamnant à évoluer au rythme des coups que notre population subirait.
Entrer en guerre, pourquoi pas, mais encore faut-il savoir ce que l’on va y faire. Parlons simplement du volet militaire. Si je me souviens bien l’objectif stratégique était « détruire les égorgeurs de Daesh », selon l’expression de Laurent Fabius. Certes, mais encore, qu’est-ce cela signifie concrètement pour nos forces armées : obliger al-Bagdhadi à signer une capitulation ? Mettre hors de combat tous les combattants de l’EI ? Réduire l’organisation à l’impuissance comme en 2008 ? Mettre fin à son territoire ? Quatre ans plus tard, on attend toujours cet objectif clair. Par déduction, on semble se concentrer sur la reprise de contrôle du territoire tenu par l’EI. C’est cohérent, mais pourquoi ne pas l’avoir dit plus tôt ? Pourquoi ne pas avoir expliqué aussi, car c’était prévisible dès 2014, que cela ne signifierait pas pour autant la destruction de l’EI qui est déjà en train de retourner à la clandestinité ? En d’autres termes, un objectif aurait pu être de « contribuer [on n’est pas tout seul] à mettre fin à l’État islamique comme territoire organisé » et que le dispositif serait adapté ensuite, peut-être en ne conservant que son volet formation, la possibilité de frappes sur des objectifs précis depuis Al Dhafra et surtout la poursuite du combat clandestin en coopération avec les forces locales.
Descendons au niveau opératif, maintenant. Mettre fin à l’État islamique comme territoire organisé paraît effectivement être un objectif réaliste pour les forces armées. Comment faire ensuite ? Comme il est infiniment peu probable de voir les combattants de l’EI s’enfuir aussi vite que l’armée irakienne de Ramadi ou Mossoul et encore moins se rendre, il faut bien envisager de devoir reprendre toutes les villes qu’il tient.
Techniquement, si l’exécution est évidemment difficile, le principe est simple. Tout en conduisant une action dans la profondeur de l’ennemi (en clair, frapper les bases, les chefs, les groupements de forces, tout ce qui est repéré et vaut le coup d’une mission aérienne ou d’un raid aéroterrestre) des brigades doivent remonter le long du Tigre et de l’Euphrate ou partir du Kurdistan pour s’emparer successivement de toutes les villes tenues par l’ennemi. Les combats seront difficiles, car les combattants de l’EI sont déterminés, mais la victoire est inéluctable tant le rapport de forces est écrasant. Daesh, c’est à peu près l’équivalent de 1 % de ce que l’OTAN s’apprêtait à combattre en Europe pendant la guerre froide. En face, la coalition constituée par les États-Unis doit représenter à peu près 80 % du budget militaire mondial. Dans des combats conventionnels, ce qui est le cas ici, des coalitions similaires ont dans le passé broyé des dizaines de divisions blindées et mécanisées en quelques semaines. Sur le papier, il s’agit donc d’une des plus grandes dissymétries de forces de l’histoire.
Dans les faits, cela a été plus compliqué. Si la coalition dans son ensemble avait décidé de faire comme la France au Mali en 2013, on [en fait les rares nations occidentales qui font encore combattre leurs armées] aurait engagé des dizaines de bataillons aux côtés des forces locales. Cela aurait été difficile, des soldats seraient tombés, à peu près un soldat pour cinquante de Daesh, mais l’objectif de destruction du califat aurait pu être atteint en quelques mois, peut-être un an. C’est le temps qu’il avait fallu aux seuls Américains pour reprendre les villes sunnites le long du Tigre et de l’Euphrate de l’automne 2004 à septembre 2005.
Les États-Unis se sont interdit cette voie. Les contraintes psychologiques et politiques locales et surtout américaines étaient sans aucun doute beaucoup trop fortes. Ils ont logiquement opté pour une approche indirecte, c’est-à-dire tout le reste de ce que l’on a évoqué, les campagnes de frappes, l’appui des forces locales par les feux, le soutien logistique, l’équipement, la formation, etc., mais pas de bataillons au contact (ce que pour une raison mystérieuse certains persistent à appeler « troupes au sol »). Et même dans cette approche, ils se sont même interdit initialement l’emploi de certaines armes, apparemment encore trop risquées, comme l’artillerie ou les hélicoptères d’attaque.
Nous nous sommes complètement alignés sur cette approche. Nous l’avons pratiqué dans le passé, rarement avec succès il faut le dire, mais peu importait le passé, peu importait le fait qu’à partir du moment où l’action aérienne primait, cela nous condamnait à ne représenter que 5 % de l’action globale (contre 80 % pour les Américains), l’essentiel était clairement de participer et d’être présent.
Cette approche présente le grand avantage politique (politicien plutôt) de réduire considérablement les risques pour nos soldats, au moins à court terme. Elle présente néanmoins de nombreux inconvénients que l’on a, sans surprise, retrouvés ici.
Le principal est que cela lie les évènements aux forces locales. On passera sur le fait que, quel que fut le mode opératoire choisi complet ou indirect, il fallait s’associer avec une armée qui, comme en Syrie, lançait des barils d’explosifs sur Falloujah en 2013, ou des milices chiites radicales peu avares d’exactions sur la population sunnite (comme à Tikrit en 2015 par exemple). Concentrons-nous sur les problèmes techniques. Par principe, ces forces locales souffrent de nombreuses faiblesses, sinon elles n’auraient pas été battues et au moins, elles n’auraient pas besoin d’aide extérieure pour combattre l’ennemi. Or, il faut toujours du temps pour combler ces faiblesses, en admettant simplement qu’il s’agisse d’un problème de nombre, de compétences et d’équipements.
Dans ces conditions, au lieu de mois, il faut compter que la reconquête demandera des années. On savait dès 2014 que la seule phase de destruction du territoire-Califat durerait déjà probablement plus longtemps que la Première Guerre mondiale. Il est d’ailleurs toujours étonnant de voir nos dirigeants se lancer dans des prédictions, toujours optimistes et toujours démenties. La dernière en date étant celle du président de la République annonçant la fin du territoire de l’EI pour le printemps 2018. Notons déjà que pour une organisation comme l’État islamique, une résistance aussi longue face à une telle puissance constitue au moins une victoire symbolique sur laquelle il peut peut-être capitaliser.
Surtout, la statistique joue. Plus une guerre dure, plus les destructions et les souffrances sont grandes. Des risques faibles à court terme deviennent importants sur la durée.
Les pertes de soldats, qui l’on voulait éviter à tout prix, finissent par arriver. Au bout de quatre ans, plus de 90 Américains, militaires ou civils contractors (lire « soldats discrets ») sont morts pour la plupart par accidents. On est loin des pertes de la période d’occupation, mais cela correspond déjà à que la France a perdu en Afghanistan ou à Beyrouth en 1983. Deux soldats français sont morts également en Irak, un par l’ennemi, un par accident (plus deux autres du service Action en Libye).
Les pertes civiles augmentent aussi. Au lieu de quelques milliers de frappes aériennes ou d’artillerie, de millions de cartouches qui auraient été nécessaires pour une campagne de quelques mois, il faut désormais parler en dizaines de milliers de bombes et obus et en dizaines de millions de cartouches. Malgré toutes les précautions prises, et en particulier par les Français il faut le souligner, avec la pratique ennemie des boucliers humains, cela finit par faire forcément des dégâts sur le terrain et la population. Les villes reconquises sont ravagées et des milliers de civils sont tués. La Coalition admet être directement responsable de la mort de 1 200 civils. Le site AirWars, qui recense et recoupe des témoignages, évoque une fourchette probable entre 6 000 et 9 000, soit sensiblement ce qui est aussi imputé à l’État islamique. Ces dégâts et ces pertes, outre leur aspect moral et éthique, ne sont jamais neutres politiquement. Aurait-on eu moins de dégâts que cela peut avoir en agissant plus vite, avec des troupes au contact ? Sans aucun doute, ne serait-ce que justement parce qu’on aurait été plus vite.
On n’en parle jamais, mais accepter qu’une organisation qui pratique le terrorisme conserve une grande liberté d’action, c’est également augmenter la probabilité d’occurrence d’attentats majeurs en métropole. En commençant cette guerre, on aurait dû avoir l’obsession de réduire au plus tôt cette liberté d’action et en particulier la possibilité d’engager des commandos en France. Cela n’a pas le cas et l’ennemi a pu organiser des attaques majeures en France. La lenteur des opérations en Irak et en Syrie n’est évidemment pas seule en cause. La faute en revient surtout, malgré les dénégations un peu pathétiques qui ont suivi, aux défaillances des organismes « boucliers » de la population, en partie de leur faute et partie par la négligence de l’État dans ses missions régaliennes.
Au bilan, en acceptant docilement l’approche américaine, nous avons effectivement préservé nos soldats, mais en transférant le risque sur d’autres, forces locales bien sûr, irakiens, syriens, kurdes, qui prennent complètement le combat direct à leur compte, et donc aussi par la lenteur des opérations en partie aussi aux populations locales, mais aussi nationales. La guerre de la France contre l’État islamique est la seule de notre histoire où il est à ce jour tombé presque cent fois plus de Français civils que de soldats. Nous sommes en contradiction complète avec le principe de base qui veut que ce soient les soldats qui prennent le risque sur eux pour justement en préserver les autres.
A-t-on pour autant modifié notre façon de faire ? Nullement. Après les attentats de janvier 2015, dont un était revendiqué par l’EI (et l’autre par AQPA, contre qui aucunes représailles visibles n’ont été exercées) on a énergiquement lancé nos soldats… dans les rues de France. Après les attentats de novembre 2015, le président de la République déclarait « solennellement » devant les familles des victimes qu’il mettrait « tout en œuvre pour détruire l’armée des fanatiques qui avait fait cela ». Le « tout en œuvre » a consisté à envoyer une batterie d’artillerie en Irak. Cela ne constituait même pas une audace vis-à-vis des Américains puisque ceux-ci, qui ne demandent pas leur avis aux Français pour agir, l’avaient déjà fait depuis des mois. Si cette batterie d’artillerie était si importante, et quant à rester dans la même approche, pourquoi ne pas l’avoir engagé d’emblée alors ? Pourquoi ne pas en envoyer plusieurs ? Pourquoi ne pas avoir engagé d’hélicoptères d’attaques ? etc. Les Russes ont d’emblée engagé un dispositif de frappes et d’appui complet et cela a été plus efficace que les renforcements progressifs auxquels la Coalition a procédé.
Était-ce une question de moyens ? Si c’est le cas, il faut revenir plus haut aux paragraphes « empilement des opérations » et « réduction des moyens depuis vingt-cinq ans » et se poser de sérieuses questions.
Surtout, il faudra qu’on explique pourquoi on a engagé une campagne aéroterrestre complète au Mali en 2013 avec quatre bataillons au contact, que l’on continue à le faire au Sahel et pas en Irak. Était-on plus menacé par le Mujao que par l’État islamique ? Il semblait, dès 2014 que non. Aurait-ce changé quelque chose de procéder en Irak-Syrie comme au Sahel ? Incontestablement bien plus que ce que nous avons fait, même si ce que nous avons fait a été bien fait. L’opération Chammal, la contribution française à l’action de la Coalition, c’est depuis septembre 2014, environ 10 000 soldats irakiens formés, et selon les chiffres officiels en moyenne une frappe aérienne et un tir d’artillerie chaque jour détruisant un à deux objectifs. Tactiquement, nos soldats ont fait et continuent de faire le travail demandé avec efficacité. Il n’est pas négligeable, on fait du mal aux djihadistes. Au niveau opérationnel, c’est simplement insuffisant. Si la France avait été seule à s’engager en Irak, avec les mêmes moyens et les mêmes méthodes qu’en 2014, l’État islamique aurait subi des coups, mais n’aurait même pas été freiné. En restant dans la même approche, mais avec la plénitude des moyens, à la manière des Russes, cela aurait été déjà plus efficace. En imposant notre autonomie opérationnelle au sein de la Coalition et avec un mode opératoire similaire à celui de Serval, notre poids sur les événements aurait été bien plus important. On serait non pas un actionnaire à 5 % mais peut-être à 30 %. Notre voix serait plus forte. Plus important, notre combat serait plus à la hauteur des enjeux, ne serait-ce d’ailleurs que par respect pour les victimes des attentats, et la destruction du territoire de l’Etat islamique aurait été accélérée.
Pour l’instant, si on fait disparaître d’un coup de baguette magique les Américains de la zone des combats, nous voilà en pleine lumière tels que nous avons toujours été dans cette guerre : légers, à tous les sens du terme.
Merci beaucoup mon Colonel pour cette contribution, qui résume parfaitement le problème où nos politiciens se sont engagés de façon aveugle. On aurait cru voir Emile Ollivier, qui déclarait en 1870 accepter "le coeur léger" la responsabilité de la guerre contre la Prusse. Ou le général Leboeuf clamant qu'il ne manquait "pas un bouton de guêtre" face à cet ennemi. On sait ce qui advint...
RépondreSupprimerPour ce qui est de l'EI, je constate que votre suggestion de mener une "guerre de corsaires" contre cette organisation aurait certainement été payante, si seulement on avait eu le courage de l'assumer et de l'expliquer (et on le pouvait, après la vague d'attentat de 2015). Mais ce qui me navre le plus, c'est de constater qu'il a fallu l'action de cet ennemi sur notre territoire et la mort de centaines d'innocents pour que le budget de la défense cesse (provisoirement) d'être rogné par une bande de technocrate, qui seront les derniers à aller défendre ce pays à qui ils demandent des sacrifices.
Maintenant que l'EI a perdu une grande partie de son territoire et de ses troupes, pensez-vous que d'autres organisations seraient susceptibles, dans un avenir proche, de constituer un "proto-Etat" menaçant ? Et si oui, quel modèle de forces faudrait-il envisager pour les affronter ?
Respectueusement.
L'EI s'est transformé et à internationaliser ses positions territoriales. L'idéologie est toujours debout.
Supprimerhttps://lvsl.fr/le-retour-de-daesh
Le tableau n'est pas beau à voir.
Oui, c'est une lourde erreur de croire que l'ennemi n'a pas de stratégie ou d'anticipation. Surtout que cette entité s'est donnée les moyens de construire une structure spéciale dédiée à ses objectifs.
Supprimerhttp://historicoblog4.blogspot.com/2018/11/matthieu-suc-les-espions-de-la-terreur.html
C'est loin d'être fini.
Bientôt nous serons sur un théâtre à 100% actif et toujours aussi "légers". Votre article sur "le jour d'après la grande attaque" est hélas toujours d'une grande actualité.
RépondreSupprimerNotre pays abrite en son sein près de 60 000 salafistes déclarés, 14 500 fichés S pour radicalisme religieux (source le canard enchaîné) et s'apprête à relâcher tout au long de cette année 450 détenus condamnés pour terrorisme. C'est tout le problème du rôle de la justice et de la gestion des prisons qui s'impose dans cette actualité. Le terrorisme étant un mode d'action qui se combat par des moyens de police et de renseignement, si l État ne se mobilise pas à la hauteur du problème, la situation empirera crescendo. Traiter les terroristes comme des criminels de droit commun est une lourde erreur.
Relachés dans la nature, mais pas inactifs en milieu carcéral où ils ont converti 1 500 détenus à partager leurs vues (source pénitentiaire suite aux récentes agressions). Cela promet des lendemains qui déchantent.
https://www.huffingtonpost.fr/nathalie-goulet/a-la-prison-dalencon-une-nouvelle-preuve-du-fiasco-de-la-lutte-contre-la-radicalisation_a_23684687/
Il ne manque plus que le retour de ceux qui restent au Moyen-Orient et en effet le tableau sera complet. L'Algérie a été le théâtre monstrueux où cette idéologie mortifère a frappé et a montré de quoi sont capables ces hybrides de criminels qui se réclament de la religion.
https://www.huffingtonpost.fr/nathalie-goulet/a-la-prison-dalencon-une-nouvelle-preuve-du-fiasco-de-la-lutte-contre-la-radicalisation_a_23684687/
Nous savons tous que la peur n'empêche pas le danger. Nos défenses face au phénomène sont dérisoires et nos victimes sont moins defendues que leurs bourreaux.
http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2018/12/12/31003-20181212ARTFIG00208-attentat-de-strasbourg-condamne-27-fois-le-suspect-aurait-il-du-etre-en-prison.php
Quand on voit très clairement que le problème est nié, le nommer est tabou et la réponse de nos autorités à l'air d'être inexistante. Au détriment de tous ceux qui travaillent à contrer la menace. Sur tout les théâtres la guerre est faite à l'économie. L'Etat ne veut pas dépenser pour le regalien, même pas sur notre sol, c'est criant. Paraît il que "nul n'est assez naïf pour croire qu'il n'a pas d'ennemis parce qu'il n'en veut pas". A voir...
Allons, allons... tout est sous contrôle, on vous dit !
SupprimerCe sont des dérangés, sans aucun but idéologique et certainement tous des "loups solitaires" sans aucun complice et encore endoctriné tout seul à cause d'Internet. Prenez l'exemple de Trebes, une petite enquête facile et bien menée qui a rapidement dévoilée tous ces secrets. Ou pas.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/03/23/attentat-de-trebes-la-delicate-enquete-sur-les-soutiens-du-djihadiste_5440131_3224.html
Vous reprendrez bien un petit "pasdamalgame 3000" et visionner 15h de BFM par jour. Ayez confiance...
Si on ne sépare pas Guerre (de militaires) et sécurité anti-terroriste (polices et SR) on court à la cata, cf le rôle qu'on a fait jouer à l'Armée en Algérie. La dispersion des extrémistes relève absolument de la Police (criminelle et proxi), de ce que je vois de l'extérieur il n'y a pas une fédération Daesh de France comme il y avait pour le FLN : structurée et puissante. Mais plutôt des individus sur-excités par des contacts internet avec des marionnettistes en Syrie. L'aiguille est sur-fine dans une grande meule de foin !
RépondreSupprimerIl ne s'agit pas de FLN, mais il y a des structures puissantes qui veulent changer l'ordre républicain en autre chose... Par exemple, avez-vous déjà entendu parler de l' UOIF liée aux frères musulmans devenus "musulmans de france" ? Il ne s'agit pas d'appel au djihad, mais d'un discours justifiant d'imposer ses valeurs à la place des valeurs républicaines. Et du fait qu'il trouve un écho dans une large population. Il y a des enjeux de société, une clientèle électorale à flatter et beaucoup d'argent.
SupprimerUne fois que ce système de valeurs est partagé et admis, il n'y a qu'un pas pour avoir des gens qui veulent aller plus loin que le discours (il y en a toujours, dans toutes les idéologies).
Du coup, la supériorité de la charia sur tout autre ensemble de valeurs mérite des actions avec des esprits faibles et sacrifiables semant la violence... comme le font certains pays et les mouvances terroristes. Donc dans le monde, des gens capables d'user de violence en se justifiant d'un discours victimaire et religieux, visiblement cela se trouve.
https://www.atlantico.fr/decryptage/3020369/rencontre-annuelle-de-l-uoif--le-rapport-senatorial-qu-il-faut-avoir-lu-pour-comprendre-les-dangeureuses-ambiguites-du-mouvement-islamique
Le communautarisme est un danger pour la France et un rêve pour nos ennemis. Le terreau est fertile entre quartiers en déshérence et prisons pour recruter des personnes dangereuses ayant tout raté, en quête d'un quart d'heure de télé à leur sujet. De préférence, sous un autre profil que celui du pauvre type criminel et violent qui les caracterisent.
http://www.iris-france.org/note-de-lecture/theorie-des-hybrides-terrorisme-et-crime-organise/
Tous les actes terroristes qui ont eut lieu démontrent qu'il n'y a pas de "loup solitaire". Là où il y a des actes terroristes, il y a des complices et des encouragements à passer à l'acte par des proches (famille ou fréquentations).
Cette forme de terreur a l'air d'être moins structurée vu les franchises en concurrence, mais elle sait se servir des idiots utiles à tous niveaux.
Je n'ai pas dis le contraire pour le rôle du renseignement et de la police. Mais si les types sortent au bout de quelques années ou mois, au vu du nombre il s'agit plutôt du scénario des années 90 en Algérie qui nous pend au nez. L'hybridation entre criminels et djihadistes qui puisent dans le même vivier de main d'oeuvre est un fait. Le nom de la franchise "daesh" ou "al qaïda" dont ils se réclament importe peu, l'idéologie mortifère les inspire. Les futurs assassins et leur logistique sont bien présents en France et ils ne cherchent même pas à cacher qu'ils aimeraient beaucoup passer sur BFM (pour les plus idiots). Au départ, le GIA c'était des potes de blocs d'immeubles et ça inquiètait personne à l'époque. Les moyens et les peines doivent être adaptées à la menace (renseignement, police/gendarmerie, volonté d'application les peines très lourdes qui existent par la justice, moyens donnés à la pénitentiaire). L'ignorance n'est même pas envisageable pour dédouaner les gouvernements. Le danger qui se présente est amplifié par les lâchetés de ceux qui ont la prétention d'être les grands leaders. Le nombre d'idiots utiles dans notre pays permettra une débauche d'horreurs comme n'en cauchemardent même pas ceux qui se sont fait littéralement dessus parce qu'il y avait les gilets jaunes. En face de nous, il y a de l'argent, des gens avec un objectif dans le temps long et un magnifique réservoir de désespoir.
RépondreSupprimerhttps://www.nouvelobs.com/monde/20151028.OBS8490/africanistan-dans-20-ans-nous-serons-confrontes-a-l-implosion-securitaire-du-sahel.html
Nos ennemis ont aussi appris et adaptent leurs menaces. Ils se concentrent uniquement sur la prise du pouvoir.
Gérer au lieu de decider en payant des cabinets de conseil pour assurer sa communication jusqu'à la prochaine élection n'est pas une bonne idée pour éviter les drames. Après nous le déluge, c'est toute une philosophie !
Ne pas considérer "l'aventure Française en Syrie" ,pays souverain faut il le redire, comme un ensemble militaro-politique est du même niveau que de tirer sur une maille de pull over même si l'exposé est brillant les conclusions sont erronnées.N'est-ce pas ce même Fabius qui disais que "daesh faisait du bon boulot en Syrie"ou nous n'avons rien à faire,la confusion avec le Mali ou nous défendons notre approvisionnement en uranium (malgré notre ingérence) ne tient pas.On fait la guerre pour défendre des intérets vitaux pas pour faire plaisir aux Us.Les principes du traité de Wesphalie sont foulés au pied par un soit disant devoir d'ingérence contraire a la charte de l'Onu.Nous avons envoyé sciemment des esprits faibles combattre Bachar via Daesh pour une histoire de gaz et de passage de pipe line,les Us choisissent de déstabiliser des pays entiers pour maintenir leur impérialisme ,c'est ce qui va et commence a ce faire au Vénézuela et le reste de l'amérique du sud qui sera leur nouveau Viet Nam et comme des boeufs nous leur emboitons le pas .Les peuples ont les dirigeants qu'ils méritent ;malheur au pays dont le prince est un enfant
RépondreSupprimerSans doute avez-vous déjà lu le livre de M Gayraud sur "la théorie des hybrides".
Supprimerhttps://www.diploweb.com/Terrorisme-et-crime-organise-Une-nouvelle-perspective-strategique-les-hybrides.html
La criminalisation de la politique est un concept qui a visiblement de l'avenir...
Bonjour,
RépondreSupprimerC'est un choix politique qui a été fait d'avoir ces armées d'échantillons de matériels "combat proven" en sacrifiant la masse salariale. C'est constaté par ceux là même qui ont réclamé cette politique:
http://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/combat-de-haute-intensite-ou-en-sommes-nous
Mais ça nous cantonne dans ce que nous faisons actuellement. La RGPP et autres parcs d'alerte ont détruit pratiquement toute résilience. Zero stock, flux tendu et bientôt on parlera de "clients", toutes ces recettes managériales ont eu pour résultat que les moyens matériels d'une section de 1996 sont souvent ceux d'un régiment à l'heure actuelle (il n'y a qu'à voir les tractations pour trouver parfois une simple 12,7 avant de partir en opex). Trouver des pièces de rechange est le principal problème en terme de disponibilité.
Le système D tiendra-t'il le coup avec une MCO de certains matériels passant de 15 à 40% aux acteurs privés ?
La France est un pays de moyenne impuissance (pour paraphraser) et ne peut pas faire plus que ce qu'elle fait aujourd'hui. Le recrutement ne va pas fort et le personnel politique en place ne fait pas de la chose militaire sa priorité. Au vu des inquiétudes économiques, je ne parierais pas sur la pérennité de la LPM.
Les eructations de Trump ont affolé les dirigeants européens, mais mis à part aller un peu plus à l'est pour les américains, peu de changement ce sera toujours l'OTAN sera l'alpha et l' oméga pour les interventions en coalition dont la France fera partie. Même si la question peut être débattue :
http://www.egeablog.net/index.php?post/2019/03/07/Des-fins-de-l-alliance-à-la-fin-de-l-alliance
L'armée européenne attendra. Par contre, les allemands lorgnent beaucoup sur le siège à l'ONU.
https://youtu.be/aTC5vZOUPJk
Effectivement l'"empilement des opérations" et la "réduction des moyens depuis 25 ans" ont des effets non négligeable et finissent par produire de tristes résultats: les armées dépassent déjà leurs contrats opérationnels depuis plusieurs années.
Tout le monde fait des erreurs. Mais la, on dirait que vous avez du mal à admettre l'évidence : nos dirigeants se moquent de notre visage. Point barre.
RépondreSupprimerEt ils ne le font pas qu'en Irak malheureusement. Toute la rhétorique "cépaçalislam" "religion-de-paix-et-d'amour" fait bien rire (jaune) les islamologues. Et c'est pareil sur le sauvetage de l'économie en 2008 (il ne faut surtout pas chercher à comprendre ce qu'ils ont vraiment fait).
Et après on s'étonne de voir les théorie conspi fleurir partout.