Repris de son excellent blog Guerres et conflits
Joukov. L'homme qui a vaincu Hitler
Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri
Bien connu pour ses précédents travaux très appréciés sur Koursk et sur l’Armée rouge, Jean Lopez nous propose aujourd’hui, avec Lasha Otkhmezuri, la première vraie grande biographie complète en français du célèbre maréchal soviétique.
Constatant en introduction que « la vie de Joukov se confond avec celle de l’Armée rouge mais aussi celle du parti bolchevick et de l’Union soviétique », les auteurs nous entrainent donc dans une vaste chronique, dont le pivot est bien la carrière militaire de Joukov et en particulier son rôle durant la Seconde guerre mondiale, mais qui s’étend au-delà à toute l’histoire de l’URSS. Nous le suivons donc, dans une grande première partie, jusqu’à la Seconde guerre mondiale, de son engagement dans la cavalerie impériale en 1915, son instruction pour devenir sous-officier l’année suivante, son baptême du feu en août de la même année, son ralliement à la révolution (tardif) à la révolution à l’été 1918 et son adhésion au parti bolchevique en mars 1919. Ce sont ensuite les engagements de la guerre civile, contre les Blancs mais aussi (moins connus) contre les Verts, ces paysans révoltés qui tiennent une partie de l’Ukraine, au cours desquels il est blessé et se distingue. Il est chef d’escadron en 1922 (Ah ! L’avancement durant les périodes troubles !), commande un régiment en Biélorussie, poursuit sa formation théorique et s’initie au tournant des années 1930 à l’art opératif. Apprécié de ses chefs, il poursuit son ascension dans la hiérarchie militaire, toujours dans la cavalerie, commence à nouer des relations plus étroites avec les fonctions politiques, et commande la prestigieuse 4e division de cavalerie et parvient à éviter d’être pris dans les grandes purges qui suivent l’arrestation de Toukhatchevski : « Dans le pays, l’ambiance était sinistre. Personne n’avait confiance en personne, les gens avaient peur les uns des autres … Une épidémie de calomnie sans précédent se propagea partout ». Du fait des vides créés dans le commandement, il bénéficie alors d’un avancement encore plus rapide au sein d’une armée qui survit dans le chaos. A partir de 1939, il entre en campagne : en Extrême-Orient tout d’abord, où il « recueille les lauriers du vainqueur », puis prend le commandement de la région militaire spéciale de Kiev : « le printemps 1940 voit Joukov accéder aux cercles dirigeants de l’Armée rouge », dont il devient chef d’état-major général quelques mois avant l’opération Barbarossa.
La seconde partie est bien sûr consacrée à « La grande guerre patriotique », et les auteurs poursuivent leur étude avec autant de soins et de détails, en profitant au fil des pages pour développer, comme dans la première partie, certains aspects d’histoire militaire en lien direct avec les questions politiques, administratives, culturelles parfois de la Russie. Limogé puis rappelé, « sauveur de Moscou », il alterne échecs et succès, en particulier au sud du front oriental, de Stalingrad à Koursk. C’est ensuite la longue progression en Europe de l’Est jusqu’à Berlin, avec quelques paragraphes bien sentis sur les oppositions intestines en maréchaux et la description de la pression directe que Staline exerce sur eux. Son immense notoriété à partir de mai 1945 lui vaut d’inquiéter le dictateur, et d’être écarté pour près de sept ans. Les dernières pages sont consacrées à « Joukov, moteur de la déstalinisation » et l’on fera utilement le parallèle pour cette période avec le Beria, que nous chroniquions il y a deux jours. Mais ? dès l’automne 1957, c’est la chute, définitive : « En disparaissant de l’espace public, Joukov coiffe l’auréole du martyr » et devient dans l’esprit public « le maréchal de Staline ».
A plusieurs reprises, Jean Lopez détruit quelques légendes tenaces sur la vie du maréchal soviétique et l’on apprécie ici la densité et la qualité des notes et de la bibliographie (ainsi qu’un très utile index). Les situations personnelles ou proprement militaires de la vie du maréchal sont toujours replacées dans leur contexte, ce qui donne une véritable plus-value à l’ouvrage. Ce Joukov, qui est aussi un plaidoyer pour l’histoire militaire, séduira les amateurs et mérite indiscutablement de figurer dans toute bonne bibliothèque.
Perrin, Paris, 2013, 732 pages, 28 euros.
ISBN : 978-2-262-03922-6.
Enfin le front de l'est commence à intéresser nos historiens ( surtout merci à Jean je suis un fidèle lecteur)
RépondreSupprimerje viens d’aller chercher le bouquin, il peut pleuvoir ce week-end.
J’ai toujours pensé que la prochaine guerre en Europe débuterait sous la forme des combats de fin 44 début 45 à l’est !
Des lignes d’hommes espacés dans des trous, des lances roquettes anti-char, des arrières inexistants, une logistique chaotique, des civils abandonnés, des groupements de combats improbables de policier, de paramilitaires, mal équipés, des bombardements massifs sans limite , des villes assiégées, des chars en meute,
Bref la Syrie de 2013 !