Mon
lieutenant, pourquoi me tirent-ils dessus ?
Rassure-toi, il n’y a rien de personnel...enfin
je crois, parce que parfois tu mériterais.
Ça va
alors. J’ai eu peur d’avoir fait une connerie.
C’est encore possible. Reste à côté du
sergent.
Lieutenant G. et marsouin B.
Selon
Lord Moran, officier-médecin
britannique lors des deux guerres mondiales, le courage est comme un capital à
la banque, on peut faire des retraits rapides ou non, on peut y faire des
dépôts. On peut aussi être dangereusement à découvert. Il y a ainsi toute une
économie du courage et de la peur à gérer depuis la première « vision de
l’éléphant » jusqu'à la saturation du sang.
Le
dépucelage de l’horreur
Le
baptême du feu, c’est le « dépucelage de l’horreur » de Voyage au bout de la nuit. Une attente
souvent d’appréhension et d’enthousiasme qui évoluent en sens contraire au feu
et à mesure que l’on sent que l’air se charge de danger. Le jeune sergent
Tezenas Du Montcel arrive sur le front à la fin du mois de février 1915 :
J’ai comme le sentiment
que je vais être initié à une grande chose follement désirée, vers quoi toutes
mes forces sont tendues depuis des mois et sur le point de la connaître
j’éprouve à la fois de l’appréhension et comme une sourde allégresse.
La
principale angoisse est alors bien souvent simplement d’être « à la hauteur » des normes de
courage et de compétence de son unité ou de son statut d’officier ou de
sous-officier :
il me tarde, d’autre
part, d’être mis à l’épreuve, de ne plus faire figure de « bleu » aux
yeux de mes hommes qui ont tous déjà vu le feu ou connaissent la tranchée, aux
yeux surtout de ces rares rescapés de Champagne qu’on reconnaît tout de suite
parmi les autres à la teinte délavée de leur capote, à leur regard atone devenu
indifférent à tout.
Le
choc vient alors de la surprise, c’est-à-dire en l’occurrence entre le décalage entre l’anticipation souvent
fantasmé de l’événement et la violence de la réalité.
Les
premiers combats d’une guerre sont particulièrement traumatisants à cet égard,
car presque tous les hommes sont des « bleus » et ce qui se passe est
très loin de ce qui était attendu. Pour Galtier-Boissière,
Dans leur riante
insouciance, la plupart de mes camarades n’avaient jamais réfléchi aux horreurs
de la guerre. Ils ne voyaient la bataille qu’à travers des chromos
patriotiques. […] Persuadés de l’écrasante supériorité de
notre artillerie et de notre aviation, nous nous représentions naïvement la
campagne comme une promenade militaire, une succession rapide de victoires
faciles et éclatantes.
Le
premier contact avec le feu est alors cruel :
Soudain, des sifflements
stridents qui se terminent en ricanements rageurs nous précipitent face contre
terre, épouvantés.[…]
La tête sous le sac, je jette un coup
d’œil sur mes voisins : haletants, secoués de tremblements nerveux, la
bouche contractée par un hideux rictus, tous claquent des dents ; leurs
visages bouleversés par la terreur rappellent les grotesques gargouilles de
Notre-Dame ; dans cette bizarre posture de prosternation, les bras croisés
sur la poitrine, la tête basse, ils ont l’air de suppliciés qui offrent leur
nuque au bourreau […] Combien de
temps ce supplice va t’il durer ? Pourquoi ne nous déplaçons-nous
pas ? Allons-nous rester là, immobiles, pour nous faire hacher sans
utilité ?
Tous
comprennent que la lutte qui commence sera une terrible épreuve. Avec le
prolongement d’une guerre, les choses apparaissent moins difficiles pour les
« bleus ». Ils sont préparés par l’ambiance de guerre qui règne dans
le pays, les récits des combattants blessés ou permissionnaires. Pour peu qu’on
ait compris la nécessité d’une approche progressive du combat par une
intégration préalable dans une cellule tactique solide et des séjours dans des
secteurs calmes, les bleus arrivent en première ligne avec un imaginaire qui
correspond un peu mieux au réel, sans l’atteindre pour autant.
Pendant
la Première Guerre
mondiale, le médecin Pierre Ménard a effectué, pendant plusieurs mois, une
série de prises de pouls et de tension chez les combattants sur les différentes
lignes de tranchées à 100 m
de l’ennemi jusqu’à 4 km en arrière. Il en a conclu que face au danger, tous
étaient frappés par la peur, parfois violente, parfois minime mais jamais
nulle. Cette peur n’avait pas forcément de lien proportionnel avec les menaces réelles. Les
variations de tension étaient les plus fortes en première ligne, alors que
c’était la seconde qui était la plus dangereuse car soumise de plein fouet aux
tirs d’artillerie. Ces variations dépendaient surtout de l’expérience des
hommes. Lorsqu’un soldat arrive pour la première fois sur la ligne de feu, son
anxiété est très grande. La peur est violente, consciente et les émotions ne se
hiérarchisent pas. Il est presque aussi effrayé par un obus tombant à 100 mètres qu’à 10 mètres . Cette peur
exagérée lui fait faire des séries d’actes inutiles et souvent dangereux.
La
courbe de Laffer de l’expertise meurtrière
Avec
le temps et l’expérience, la peur ne disparaît pas complètement mais elle est
atténuée et largement inconsciente. Elle devient la peur utile qui tient sa
sensibilité toujours en éveil et déclenche les actes automatiques salvateurs
tout en conservant le libre usage de ses facultés intellectuelles supérieures. L’appréciation
du risque est devenue une science. Paul Lintier, artilleur en 1914 décrit ainsi
ce processus d’accoutumance et d’adaptation :
D’abord le danger est un
inconnu…on sue, on tremble…l’imagination l’amplifie. On ne raisonne pas…par la
suite on discerne. La fumée est inoffensive. Le sifflement de l’obus sert à
prévoir sa direction. On ne tend plus le dos vainement ; on ne s’abrite
qu’à bon escient. Le danger ne nous domine plus, on le domine. Tout est là. […] Chaque jour nous entraîne au courage. A connaître les mêmes dangers,
la bête humaine se cabre moins. Les nerfs ne trépident plus. L’effort conscient
et continu pour atteindre à la maîtrise de soi agit à la longue. C’est toute la
bravoure militaire. On ne naît pas brave : on le devient.
Cette
accoutumance est relativement rapide. Il suffit, pour ceux qui survivent, d’une
vingtaine de jours de combat d’intensité moyenne. Au Vietnam, les pilotes de
chasse américains avaient remarqué que la plupart que leur pertes survenaient
avant un seuil de quatre missions de combat, d’où l’idée de simuler le plus
précisément ces quatre missions de combat aux Etats-Unis avant de partir.
Pour
autant, l’apprentissage du combat sous le feu est aussi une accumulation de
stress car ce n’est parce que vous avez à nouveau peur que les peurs anciennes
disparaissent par écrasement. Durant la campagne de France en 1944, les unités
américaines, souvent néophytes mettaient en moyenne une vingtaine de jours pour
s’adapter au combat. Les hommes étaient ensuite pleinement efficaces pendant
une vingtaine de jours, même si la presque totalité d’entre eux présentaient
des troubles. On assistait même à une période de confiance excessive pendant
quelques jours, le temps de croire que si on a survécu jusque-là on survivra
toujours, et puis sauf pour une petite poignée, peut-être un homme sur vingt,
tout décline rapidement. En 1944, après 44 jours d’opérations continues en
Italie, 54 % des évacués de la 2e division blindée américaine
l’étaient pour des causes psychologiques. Le commandement se dégrade. Le
capitaine Laffargue avoue ainsi qu’après plusieurs semaines de combat en 1914,
il en était venu à ne plus commander que par des « suivez-moi ». Les
acteurs sont moins actifs et les figurants de plus en passifs. La droite de la
loi de puissance s’aplatit. Le point de rupture est atteint au bout de 200 à
240 jours de combat agrégés. C’est le temps qu’il a fallu à la 14e
division indienne pour être considérée comme entièrement neutralisée
psychologiquement pendant la campagne birmane de l’Arakan en 1942. C’est aussi
sensiblement le sort de beaucoup d’unités françaises en 1915 jusqu’à l’échec de
l’offensive de Champagne en septembre, et l’épuisement général au bord de la
rupture collective qui s’ensuit. Cela a conduit le commandement français a
organiser l’équivalent combattant des 3 x 8 en faisant tourner les hommes selon
un cycle combat-repos-secteur calme. La capacité à résister s’en est trouvé
considérablement allongée.
L’épuisement
peut aller beaucoup plus vite lorsque vous savez que vous avez moins d’une
chance sur vingt de revenir de missions de combat qui vont s’enchainer les uns
après les autres. Après la bataille d’Angleterre, les pilotes de chasse
britanniques, qui ont perdu un tiers des leurs en deux mois, sont clairement
épuisés, ainsi que d’ailleurs beaucoup de pilotes allemands. En octobre 1942,
lors de la bataille de Santa-Cruz, les pilotes de l’aéronavale japonaise ont
refusé de partir au combat après une série de pertes terribles. Dans l’été et
l’automne 1943, les pertes de bombardiers de la 8e armée dépassent
les 10 % à chaque raid sur Ratisbonne et Schweinfurt. Les refus et les
comportements de « contrebandiers » (largage des bombes en Mer du
Nord et retour) se multiplient. Deux-tiers des équipages qui rentrent aux
Etats-Unis l’année suivante présentent des symptômes graves de troubles
psychologiques.
Dans
les sous-marins U-boote allemands, à partir de de l’été 1943 un sur trois ne
revient pas de patrouille. Au total, 606 seront perdus au combat sur 780
U-boote avec un seul cas de reddition, l’U-570, d’ailleurs désemparé et sans
liberté de manœuvre. Pour autant, les volontaires ne manquèrent jamais. Un soin
extrême était apporté à la vie des équipages entre les missions, mis à l’écart
des dangers et placés dans d’excellentes conditions de vie. Il avait conscience
par ailleurs de faire partie d’une élite et de bénéficier d’un bon qui
s’améliore en permanence (type XXI et XXIII). Il est vrai aussi qu’ils
faisaient partie d’une armée où, de toute façon, les pertes étaient terribles
quelle que soit l’unité et qui n’a pas hésité à fusiller au moins 13 000
des siens, ce qui reste un puissant facteur de motivation.
Les
Eskimos des tranchées
Sur
le long temps, avec la croissance de l’expérience collective, les pertes
diminuent alors que paradoxalement les machines à découper et trouer les hommes
ont tendance à augmenter en nombre et en puissance au fur et à mesure de
l’avancée de la guerre. C’est typiquement le cas de la Grande Guerre où la
moitié des pertes françaises surviennent dans les 13 premiers mois. Après, les
vétérans sont de plus en plus difficiles à tuer. Ils se sont adaptés à ce monde
d’une hostilité extrême, comme les Inuits aux conditions du Grand Nord.
Werner
Beumelberg dans La guerre mondiale vue
par un Allemand et ancien combattant lui-même décrit ainsi le soldat
allemand de 1918 :
Le
soldat, c’est maintenant une somme d’expérience et d’instincts, un spécialiste
du champ de bataille ; il connaît tout : son oreille contrôle
instinctivement tous les bruits, son nez toutes les odeurs, celle du chlore,
des gaz, de la poudre, des cadavres et toutes les nuances qui les séparent. Il
sait tirer avec les mitrailleuses lourde et légère, avec le minen, le
lance-grenades, sans parler de la grenade à main et du fusil, qui sont son pain
quotidien. Il connaît la guerre des mines, toute la gamme des obus, du 75 au
420, le tir tendu et le tir courbe, et saura bientôt comment il faut se tirer
d’affaire avec les chars.
Avant
l’offensive sur l’Aisne, Du Montcel s’adresse à ces hommes mais
certains, plus rares,
ceux que j’aime le mieux, ont un air calme et un regard tranquille qui se pose
sur le mien, sans que l’effort y transparaisse. C’est là le comble de
l’art : ce sont les as. Ceux-là ont depuis longtemps mesuré toute
l’étendue du risque et du sacrifice : ils ont fait la Somme , la Champagne ou
l’Argonne ; ils ont acquis une maîtrise qui leur permet d’être eux-mêmes
en toutes circonstances, et les épreuves répétées n’ont pas tari la source de
dévouement qui est en eux.
Cela
ne veut pas dire pour autant que les vétérans n’ont pas peur mais les peurs ont
été et se sont déplacées. Si les « bleus » ont surtout peur de mal se
comporter, c’est la peur de la mutilation qui domine chez le vétéran. Pour le
cadre, c’est souvent le sort de ses hommes, résultat de ses propres décisions
qui induit le stress mais ce processus de décision est aussi ce qui le soulage.
Pendant la guerre des six jours (1967), un officier israélien estimait qu’« une des choses qui résout tous les
problèmes de l’officier est simplement le fait que vous soyez responsable de
vos hommes et de leurs vies. »
Point limite zéro
L’accoutumance
n’est cependant pas forcément synonyme de renforcement psychologique car elle
introduit un phénomène d’usure. L’approche d’un nouveau combat fait resurgir
des souvenirs refoulés et accroît la tension. Pour Jünger, « c’est une erreur de croire qu’au cours d’une guerre le soldat
s’endurcit et devient plus brave. Ce qu’on gagne dans le domaine de la
technique, dans l’art d’aborder l’adversaire, on le perd de l’autre coté en
force nerveuse. » En 1918, lui-même se sent « entièrement saturé d’expériences et de sang. Et j’ai alors
l’impression qu’on nous en a vraiment trop demandé. » Dans l’autre camp,
pour Charles Delvert
Cette guerre effroyable,
où le feu ne cesse pas un seul instant, tend à tel point les nerfs que, loin de
diminuer, l’appréhension ne fait qu’augmenter chez les combattants. Et tous
sont ainsi. Sans doute, on arrive à ne plus faire attention à un obus qui passe
ou une balle qui siffle. Mais à chaque nouveau départ pour les tranchées, je
vois les visages un peu plus contractés.
Lord
Moran compare l’usure des équipages de bombardiers soumis à un état permanent
de peur lors des missions au cycle des saisons. « Le pilote passe par une période d’été, période de confiance et
de succès. Mais les mois d’été passent et quand l’automne survient, l’image de
la détresse du pilote est peu différente de celle du soldat ».
Lors
des événements de novembre 2004 en Côte d’Ivoire, outre les témoins de
l’attaque aérienne qui a tué neuf de leurs camarades, les soldats français qui
ont présenté quelques troubles psychologiques pouvaient être classés en deux
catégories. Il y avait les « bleus » qui se rendaient compte que,
contrairement aux campagnes de recrutement qui n’évoquaient jamais cet aspect,
la vie militaire pouvait être dangereuse et les « anciens » qui
revivaient des expériences similaires vécues sur d’autres théâtres
d’opérations. Au même moment, lors des combats pour la reconquête de Falloujah,
la cellule de soutien psychologique des Marines recevaient deux flots
distincts : celui des jeunes dans un premier temps et, quelques jours plus
tard, celui des plus anciens.
En
managers, les Américains ont été les premiers à gérer le « compte en
banque du courage » en proposant aux combattants un horizon visible de fin
de guerre en fonction du nombre de missions aériennes ou de présence au front. Cette
gestion micro-tactique est alors entrée en conflit avec l’efficacité
macro-tactique de l’ensemble des unités en les privant de leurs meilleurs
éléments, dont beaucoup d’acteurs, et en réduisant encore leur cohésion en
augmentant leur turn over. Au bilan,
ce système a peut-être tué plus de soldats américains qu’il n’en a sauvés. Il
aurait sans doute mieux valu avoir plus d’unités de combat pour éviter de
mettre les rares qui existaient sous une pression permanente.
Et
puis il y a ceux qui ne veulent pas arrêter. Sur les quarante meilleurs As de
la chasse française de la Grande guerre, dix sont tués avant la fin des
hostilités et trois très grièvement blessés. Sur les vingt-sept autres, dix,
piégés par l’ivresse de l’adrénaline, meurent encore dans un avion dans les
neuf ans qui suivent dans des exhibitions ou des tentatives de record.
Mon commandant, j’hésite à le tuer.
C’est probablement lui qui vient de tirer
sur nos mecs mais je n’en suis pas sûr.
Laisse-le
vivre, y en a marre de tout ce sang.
Lieutenant G. et Chef de bataillon F.
Sur Schweinfurt cela est discutable, vous devriez mettre vos référence.historiographique.oP
RépondreSupprimerLe titre est une référence au roman de Christopher Priest: le monde inverti ?
RépondreSupprimerOui, un livre étonnant et une des meilleures phrases d'intro que je connaisse.
SupprimerTiens, une mutinerie dans l'aéronavale japonaise ? Cela casse l'image de fanatisme qui colle à l'armée impériale de l'époque.
RépondreSupprimer1942 et Santa Cruz, c'est l'enfer de Guadalcanal, les combats en mer ont été parmi les plus meurtriers de la seconde guerre mondiale. Il faut savoir qu'à Santa Cruz, plus de la moitié des pilotes japonais confirmés ayant participé au raid sur Pearl Harbor en décembre 1941 sont morts lors de cette bataille. Quand des novices voient les vétérans mourir en grand nombre et sur une seule bataille, cela doit avoir un impact énorme sur leur moral. Il n'empêche que les Japonais feront preuve d'un fanatisme jusqu'à la fin de la guerre.
SupprimerVotre ouvrage sur la psychologie du soldat promet d'être passionnant.
RépondreSupprimerMerci.
SupprimerEffectivement; une date de sortie est-elle déjà prévue ?
SupprimerQuant aux 13 000 fusillés allemands ( env. 90% pendant les derniers mois de la guerre ), ce chiffre est à mettre en parallèle avec le même nombre de Soviétiques uniquement pour la bataille de Stalingrad, et uniquement, me semble-t-il, pour la 62 ième Armée de Tchouikov ( les sources n'étant très claires à ce sujet ).
Je lis vos articles depuis un bon moment déjà et je les trouve toujours aussi riches et intéressants en ce qu'ils se démarquent de tout les autres blogs consacrés aux question de défense.
RépondreSupprimerEn vous souhaitant, Mon Colonel, le meilleur à venir.
Un jeune.
S'agissant des 13 000 fusillés allemands ( au moins 90% pendant les derniers mois de la guerre ), ce chiffre est à mettre en parallèle avec le même nombre de Soviétiques uniquement pour la bataille de Stalingrad, et uniquement, me semble-t-il pour la 62 ième Armée de Tchouikov.
RépondreSupprimer@ Michel LG,
RépondreSupprimerJe suis jamais contre les parallèles, mais là, d'après ce que je comprends, on est en face d'une force qui massacre ses propres forces.
Vous avez sans doute voulu dire autre chose que "les cocos on fait pire". De ce que vous dites, je retiens: ils ont fait pareil. Ce qui amène à l’universalité d'un tel comportement.
D'où, une question: c'est universel de massacrer ses propres forces. Oui, non, dans quelles conditions?
@ Michel Goya:
Je lis votre article et j'en suis abasourdi, tout simplement.
Je suis obligé de me le répéter pour bien comprendre:
"Il est vrai aussi qu’ils faisaient partie d’une armée où, de toute façon, les pertes étaient terribles quelle que soit l’unité et qui n’a pas hésité à fusiller au moins 13 000 des siens, ce qui reste un puissant facteur de motivation."
Demande de précision: les 13.000, ça couvre seulement la Kriegsmarine et particulièrement sa composante sous-marine, ou sa couvre l'ensemble des fusillés de l'ensemble des armées allemandes - et nazis - durant la seconde guerre mondiale?
Je vous dirais d'emblée que quelque soit votre réponse une force qui massacre ses propres forces en atteignant un tel chiffre, égal aux pertes qu'un ennemi peut infliger par sa volonté de nuire, place ceux qui ordonnent ce genre de chose dans la catégorie des suspects de crimes de guerre. Pas contre un adversaire. Ni des civils. Contre leur propres troupes.
En l'état, pour moi, cela relève de la psychopathologie lourde.
Ce se combat ce genre de chose dans une armée moderne? Ou c'est un truc atavique qui se reproduit quel que soit notre niveau de développement?
Les 13 000 concernent l'ensemble de la Wehrmacht sur toute la durée de la guerre; l'immense majorité l'a été pendant les tous derniers mois quand les Alliés étaient aux portes de et en Allemagne. On a toujours tué ses propres soldats "pour l'exemple", de la décimation antique aux fusillés "modernes". Les fusillés français de 14-18 ( quelques centaines sans doute )l'ont été essentiellement après les mutineries de 1917 pour ainsi "regonfler le moral des troupes". Ce genre de punition existe depuis toujours donc et partout. En fait il s'agit là de l'application d'un code militaire universel. Sinon, globalement entre 41 et 45, non "les cocos n'ont pas fait pire".
Supprimer@ Michel LG,
RépondreSupprimerMerci pour la précision.
Le chiffre, même s'il est global, est tout de même impressionnant! Surtout que la majeure partie des exécutions s'est donc concentrées sur quelques mois.
13.000 tués, c'est l'équivalent d'une petite division. Certes, j'imagine que l’Allemagne nazie en a mis en ligne des centaines, alors l'équivalent d'une division en moins ne se voit guère...
Ce qui est choquant dans ce chiffre, pas seulement sur le plan moral mais aussi sur le plan de la bonne gouvernance militaire, c'est que la mesure coercitive contre ses propres troupes devient à ce stade une "friction", au sens clausevitzien du terme. Alors que dans l'esprit de ses auteurs, elle était très certainement une mesure destinée à fluidifier l'action en réduisant les velléités de mutinerie ou de désertion de la troupe.
J'ai peut être une autre explication que le remontage de moral de troupe ou la décimation antique: quand un système se casse la figure, il devient "dur mou" = mou pour gouverner, décider, agir à bon escient, dur pour sanctionner. Il multiplie des décisions "molles" et devient de plus en plus cruel contre ses propres membres.
Le syndrome "dur mou" précède l'effondrement.
Je ne sais donc pas si ce type d'exécutions relève véritablement d'une codification militaire, même si dans son mode opératoire elle peut en revêtir les formes. Je pencherais plutôt pour une manifestation pathologique.
Ce qui me semblerait intéressant à étudier serait de voir comment la codification militaire de l'exécution parvient à s'adapter à ce contexte pathologique en conservant une apparence de légalité, ce qui la rendrait acceptable.
Fusiller sa propre troupe n'est pas quelque chose qui se fait en douce, normalement: il y a un cérémonial en principe. On peut parier que ce cérémonial contribue à l'acceptation de la mesure coercitive par la troupe elle-même qui, du reste, exécute la mesure coercitive.
Ce sont surtout les SS et la Feldgendarmerie qui ont commis les exécutions dans la Wehrmacht. La Feldgendarmerie appliquait aussi fréquemment des sanctions telles que dégradation ou envoi en bataillon disciplinaire. ("Strafbataillon".)
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