S’adapter
pour vaincre est d’abord un cours donné à Sciences-Po sur l’innovation
militaire au cours des âges, du « silex au cyber » selon le mot d’un
de mes élèves, jolie allitération qui décrit l’arc temporel du propos mais le
restreint, comme trop souvent, à l’innovation technique. Il s’agissait d’une
série d’études de cas, depuis l’apparition de la guerre jusqu’aux conflits en
cours, dont étaient extraient des principes et des méthodes sur la manière de
faire évoluer (ou non) des grandes organisations en milieu compétitif.
Remis en forme, je proposais ce cours à la publication. Le propos était vaste, je décidais de le limiter à
la période contemporaine, de loin la période la plus riche en innovations
militaires. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle et l’âge des
révolutions, politique et industrielle, il était en effet parfaitement possible
de faire toute une carrière d’officiers dans une armée européenne sans avoir à
remettre en cause fondamentalement la manière dont on faisait la guerre. Il
existait bien sûr des évolutions, mais celles-ci étaient plutôt lentes et
s’assimilaient assez facilement. L’armée de Wellington à Waterloo en 1815
n’était ainsi pas très différente de celle de Marlborough à Malplaquet, à 70
kilomètres de là, mais 106 ans plus tôt. Dans une confrontation entre les deux,
la première aurait sans doute eu un léger avantage, mais l’issue de la bataille
aurait quand même été incertaine.
Et puis les choses se sont
accélérées. Wellington et ses hommes auraient été balayés en quelques minutes
par la 1ère Armée du général Horne pénétrant en Belgique
103 ans après Waterloo. L’armée de Horne elle-même n’y aurait guère été à
son avantage face aux divisions blindées de la IIe Armée
britannique de Dempsey et aux avions de la IIe Tactical Air
Force, revenant au même endroit à peine 26 ans plus tard. En l’espace
de deux siècles, l’art de la guerre avait ainsi connu une évolution d’une
rapidité inédite, en Europe d’abord puis par contrecoup dans le reste du monde.
Cette accélération trouve son origine dans les profonds bouleversements de
société qui ont frappé tous les grands pays européens depuis la Révolution
française. Les changements politiques, sociaux, techniques ou économiques
se sont succédé dès lors et se sont entremêlés à une vitesse inconnue
jusque-là. Les nations devenues « industrielles » sont parvenues à transformer l’énergie de manière nouvelle, à produire des biens en masse, à triompher même de la loi de Malthus, qui liait démographie et ressources. Elles ont
connu un développement
sans précédent de leurs populations comme de
leur puissance.
Pour la première fois également le changement autour de soi est devenu
clairement perceptible au cours d’une même vie. La notion de « progrès » a
fait son apparition et les regards se sont détournés
progressivement d’un
Âge d’or antique pour se tourner vers un
futur jugé prometteur, mais angoissant pour ceux qui se sentaient dépassés par
ces changements trop rapides pour être complètement assimilés. Toute
scientifique qu’elle se voulut, cette Europe en transformation a été aussi le lieu
des tensions et des passions. Le nouveau monde industriel a été et est toujours
un monde d’affrontements.
Les armées sont au cœur de ces turbulences. Elles aussi sont amenées à se
transformer, poussées par l’évolution des choses et surtout celle de leurs
ennemis. Quand et pourquoi innovent-elles dans la manière dont elles combattent ? Sont-elles condamnées, si elles n’évoluent pas assez vite, à refaire la guerre précédente ? Est-il plus
facile d’innover en temps de paix, sans la pression de l’ennemi, ou au
contraire en temps de guerre, où l’on est au contact des réalités ?
Comment s’articulent
dans ces efforts l’action
des institutions internes aux armées avec les pouvoirs externes, de l’« arrière »,
industriel par exemple, du pouvoir politique et peut-être surtout de l’ennemi ? À l’intérieur
même des organisations
militaires, entre le haut-commandement et la première ligne qui est le véritable moteur des changements ?
Cet ouvrage tente de répondre à ces questions en décrivant comment des
organisations et puissances militaires, très différentes mais toutes au cœur de
ces turbulences sur deux siècles, ont fait face à des défis terribles et ont
essayé de s’adapter pour vaincre.
Sommaire
I/ L’armée prussienne face aux Révolutions (1792-1871)
II/ La victoire en changeant. Comment les Poilus ont
transformé l’armée française (1914-1918)
III/ Pour le meilleur et pour l’Empire. La Royal
Navy face à son déclin (1880-1945)
IV/ Bomber Offensive. Le Bomber
Command et la 8e Air Force contre le Reich
(1939-1945)
V/ On ne badine pas avec l’atome. Guerre froide et feu
nucléaire (1945-1990)
VI/ Le temps des centurions. L’évolution de l’armée
française pendant la guerre d’Algérie (1954-1962)
VII/ L’US Army et la guerre moderne. Entre
guerres imaginées et guerres menées, l’évolution de l’US Army de
1945 à 2003
VIII/ Conclusion : la métamorphose des éléphants.
Comment évoluent les armées.
L'adaptation est un procédé darwinien commun à l'ensemble de notre monde. La guerre n'échappe pas à la règle et ait même certainement le domaine humain le plus concerné par cette adaptation.
RépondreSupprimerFervent clausewitzien, dès la lecture du titre, une question se pose à moi: Quid de la notion de volonté (politique)?
C'est une chose de constater une évolution et une nécessité d'adaptation, cela en est une autre d'en accepter le prix.
Je garde en mémoire le cas des guerres contemporaines où un adversaire ayant la puissance (pas que) technologique pour lui, se vautrer dans des conflits mettant en lumière le manque de volonté, et surtout, d'adaptation politique.
De l'Indochine à l'Afgha "3è épisode" (après les britanniques, les soviétiques puis l'ISAF), le manque d'adaptation est flagrant. A l'inverse, les adversaires plus faibles peuvent s'adapter plus aisément, mais la dictature des faits joue alors à plein (s'adapter ou être écraser).
De ce fait, la maîtrise de l'outil, la technologie de celui-ci, ne suffisent pas nécessairement si l'adaptation ne passe pas par une analyse des choix politiques possibles et la volonté d'y investir les moyens. C'est cela aussi s'adapter
Les choix politiques, si nous ne les faisons pas, d'autres le feront à notre place.
Supprimerhttps://www.lepoint.fr/monde/les-freres-musulmans-gardent-des-contacts-etroits-avec-les-terroristes-23-08-2019-2331347_24.php
https://www.jforum.fr/penetration-de-lislam-radical-en-france-alarmant.html
https://www.jforum.fr/le-syndrome-psychique-de-lelite-francaise.html
J'aime beaucoup les titres des chapitres!
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