Publié en 2012
Dans The Mythical Man-Month: Essays on Software Engineering (1975) Frederick Brooks décrit son expérience du développement informatique chez IBM. Il montre en particulier les effets de l’accroissement du nombre de personnels travaillant sur un projet sur ses délais de réalisation. Sa conclusion est simple : l’accroissement de ressources humaines commence par accélérer le projet par la simple division du travail puis, à partir d’un certain seuil, la complexité du projet impose des délais de formation aux nouveaux et, surtout, le nombre oblige à l’augmentation exponentielle des interactions. Pour un groupe de 10 le nombre d’interactions possibles 2 à 2 est de 45. Pour 100, il est de 4 950. Bien sûr, tous les personnels n’ont pas besoin de se rencontrer mais on conçoit bien qu’avec l’accroissement du nombre, la part des informations de coordination (mais aussi de formation pour les nouveaux) s’accroit aussi. Une grande partie du temps est alors passé en réunions formelles ou non, communications diverses par téléphone ou mails, etc. au détriment du travail directement utile.
La conclusion de Brooks est donc que pour améliorer la performance d’un groupe de production d’idées, un état-major par exemple, il faut le réduire. Or, le réflexe est plutôt de faire l’inverse et de renforcer un groupe visiblement saturé. Le gain immédiat du renforcement dans la cellule donnée occulte alors les effets négatifs sur l’ensemble de la structure, comme la nécessité de créer de nouvelles cellules de coordination ou de « cohérence ». Des effets de seuil peuvent alors apparaître comme l’apparition de cadres d’un échelon élevé pour diriger les nouvelles structures de commandement, avec adjoint, secrétaire et parfois chauffeur. A ce seuil hiérarchique s’ajoute bientôt un seuil mémoriel lorsque les membres de la structure, en perpétuel renouvellement, ont oublié qu’à une certaine époque celle-ci fonctionnait mieux avec moins de membres. Le phénomène s’auto-entretient alors et on abouti ainsi, par exemple, à une multiplication par 25 du nombre d’officiers dans un état-major britannique de brigade de 1918 à 2003, avec certes des fonctions nouvelles à remplir mais qui sont loin de justifier une telle inflation.
Après le renforcement par le nombre, l’autre solution « évidente » pour résoudre le problème de saturation est l’adoption de nouvelles technologies permettant d’accroitre considérablement le débit de l’information. Là encore, l’effet provoqué est souvent inverse car devant le choix entre une plus grande vitesse pour un même volume et une plus grande quantité pour un même délai, les organisations les plus lourdes prennent presque toujours la seconde option. L’information à gérer devient alors étouffante.
Dans Command in war, Martin Ven Creveld décrit ainsi les états-majors américains de la guerre du Vietnam, de loin les plus modernes du monde avec leurs ordinateurs, leurs photocopieurs et leurs postes à transistor. Le problème est que le service de tous ces systèmes d’informations et de communications (SIC) finit par absorber une quantité importante de personnels (23 000 hommes à la 1ère brigade de transmission, en charge des transmissions intra-théâtre, et un homme sur cinq dans chaque division). Les lignes de communications deviennent si encombrées que chaque service tente de contourner la difficulté en créant son propre réseau et un PC opérations d’un état-major de division finit ainsi par comprendre pas moins de 35 lignes différentes. Cet engorgement, associé à la complexité des structures, a pour première conséquence de ralentir considérablement la planification. Une opération offensive de 30 000 hommes comme Cedar Falls en 1967 demande quatre mois de préparation. La deuxième conséquence est que pour comprendre ce qui se passe, les chefs sont obligés d’aller voir sur place. Il n’est donc pas rare de voir un capitaine accroché par l’ennemi et cherchant à organiser les appuis de voir apparaître au dessus de lui l’hélicoptère de son chef et souvent aussi celui du chef de son chef, qui tous lui demandent des explications et contribuent encore au ralentissement de la manœuvre et à la perte d’initiative.
Dans The human face of war, Jim Storr décrit de son côté le fonctionnement des premiers états-majors numérisés lors de l’opération Telic en Irak en 2003 avec des ordres d’opérations de brigades de 25 pages où la mission n’apparaît qu’à la dixième page. Beaucoup d’ordres de conduite qui auraient pu être réduits à 10 lignes font 3 ou 4 pages. Au lieu de se réduire avec le temps puisque certains éléments de situation sont identiques d’un bout à l’autre de la campagne, le volume et le délai d’élaboration des ordres augmentent. Les brigades britanniques reçoivent ainsi cinq ordres préparatoires de la division … un jour après le début de l’action. En revanche, après la prise de Bassorah, les mêmes brigades évoluent pendant 15 jours sans aucun ordre, l’état-major de la division ne parvenant pas à suivre le rythme.
Il est intéressant de noter que pendant ce temps, les grandes unités indiennes ont conservé les structures héritées de l’armée britannique de 1945 auxquelles elles ont simplement ajouté les technologies du XXIe siècle. Elles conçoivent les ordres quatre fois plus vite que les unités équivalentes de Sa majesté. Rappelons aussi que lors de l’opération Market Garden, en septembre 1944, les Alliés ont été stoppés, et détruits à Arnhem, par un corps d’armée blindée allemand d’un volume de forces équivalent à celui des forces de Telic. L’état-major du corps a donné ses ordres oraux en une heure et l’ordre écrit (deux pages avec quelques annexes) en trois heures et l’ordre a été valable pendant toute la durée des combats.
Un de mes chefs appelait ça la loi des rendements décroissants, et nous avons pu vérifier sa pertinence à l'occasion de plusieurs crises. Mon opinion est faite depuis longtemps, s'agissant du renseignement : Peu, c'est mieux, quitte à ne disposer que de mentats et autres surhommes.
RépondreSupprimerUne des observations de Brooks est que le rendement peut varier, au moins, de 1 à 6 entre les membres du groupe. C'est en jouant sur la qualité des individus que l'on peut réduire la taille de l'EM et créer ensuite un cercle vertueux.
SupprimerOUI ! trois fois oui ! On oublie très souvent cette partie de l'analyse de Brooks : la qualité des membres du groupe.
SupprimerEt il y a aussi les marges de manœuvre accordées à chaque membre.
Ces deux éléments sont essentiels à comprendre la démarche complète de ce chercheur d'IBM.
oui mais ... c'est aussi un paris sur la qualité des individus. Paris souvent gagné, mais l'organisation est alors aussi plus sensible à la défaillance. Un ou deux 'moins bons', ça passe éventuellement, mais très vite toute la pertinence du dispositif peut en être affectée.
SupprimerBonsoir,
RépondreSupprimerPour faire le lien avec le billet précédent. beaucoup reprochent à juste titre à Auchinleck ses ordres "à tiroirs" envisageant plusieurs options, et troublant l'esprit d'officiers épusiés nerveusement par des mois de combats (et de défaites) dans le désert.
Un exemple : dans ses ordres à Mersa Matrouh, comme au début d'El Alamein, Auchinleck prévoit systématiquement les routes de retraite "au cas où", même lorsque l'ordre est offensif ou de tenir sans esprit de recul...
Lors de son arrivée en août 42 Monty va créer une rupture avec ces pratiques, au profit d'ordres simples et de messages clairs... Cela va engendrer un électrochoc salutaire. Toutefois, il suivra lui aussi la voie de la "complexification" par la suite...
La méthode allemande de rédaction des ordres est particulièrement efficace, même si elle nuit à la standardisation (pas deux chefs rédigent leurs ordres de la même manière - c'est flagrant lorsqu'on va dans les archives : certains ordres sont crayonnés brefs, d'autres tapés à la machine avec des paragraphes alternatifs, d'autres en style télégraphique, d'autre purement "graphiques" etc...). Cette méthode intuitive et souple à l'extrême repose sur l'existence d'un binôme à la tête d'un E-M le chef d'état-major n'est pas "n°2" mais "n°1bis" ce qui change tout.
Cordialement,
Cédric Mas
C'est une histoire de nains qui creusent
RépondreSupprimerhttp://youtu.be/C75iVDrfy2w
Bonjour,
RépondreSupprimerArticle intéressant et... amusant. Amusant car je travaille sur le tactique au niveau sapeurs-pompiers mais je suis initialement développeur informatique. Depuis des années, je mélange les deux et autant "Décider dans l'incertitude" que "le Mythe du mois homme" apportent des réponses. Car comme le dit Yakovleff dans Tactique Théorique, tout ça c'est que de la gestion de projet.
Pendant des années, l'informatique a tenté d'être le domaine du prévisible: je fais un "zoli" cahier des charges et je le respecte à la lettre. Sauf que je ne peux faire un cahier des charges précis que s'il décrit quelque chose que j'ai déjà fait. Or en informatique je ne refais jamais deux fois la même chose puisque je peux "dupliquer". Donc mon cahier des charges va toujours concerner un nouveau développement.
Je rapprocherais le côté "cahier des charges strict" au concept de centre de gravité "made in USA": on va faire comme ça et ça va se passer comme ça. Or quand on veut réagir vite, ça, ça ne marche pas.
On opte donc pour des solutions Agiles telles que SCRUM, RAD etc... qu'on peut en fin de compte rapprocher de l'effet majeur et du fait de laisser l'initiative.
On opte aussi pour des solutions modulaires: on réalise un noyau central sur lequel on attache deux ou trois modules. La réalisation des modules suit une petite norme et la création de 2 ou 3 modules a servi à créer cette petite norme et à tester la "fixation" des modules sur le noyau. Ensuite, chacun peut créer des modules. On peut ainsi multiplier les modules car on peut en faire développer plein, mais en plus les modules étant "étanches", ils ne se perturbent pas les uns les autres; Les premiers développement de ce type nous les avons eu sur Atari avec les modules M&E de pilotage de scanner, imprimantes etc... puis les drivers d'imprimante sur toutes les autres machines. Sur le Web, c'est le concept de PhpNuke, Joomla etc. Le plus approfondi a été le projet OpenDoc d'Apple qui éclatait toutes les applications en pièces détachées.
Or si on regarde le concept Napoléonien de la Grande Armée qui est en fait composé de plusieurs armées donc de "modules", on est dans le même esprit.
Il y a de bonnes chose à étudier sur le fonctionnement des équipes de dév de Google: les gars bossent sur le truc prévu, mais ont du temps pour "bricoler ce qu'ils veulent". On encourage donc l'initiative au plus haut point. Google Doc par exemple n'est pas issu d'une volonté de la Direction, mais de gars qui ont bricolé un truc qui ensuite a été amélioré.
"La conclusion de Brooks est donc que pour améliorer la performance d’un groupe de production d’idées, un état-major par exemple, il faut le réduire. Or, le réflexe est plutôt de faire l’inverse" nous dites-vous.
RépondreSupprimerVotre article est absolumment essentiel pour comprendre la relative faible efficacité des armées modernes. Tout y est ou presque. Ces évolutions que vous décrivez ont (avec d'autres facteurs sociologiques et politiques) transformés les armées modernes en "administrations militaires". Je crois que déja au Vietnam, on parlait de Westmoreland comme d'un "technocrate en uniforme". C'est pour cela que la réflexion et surtout la liberté d'action du chef moderne est extrèmement réduite. Il n'y a plus de Rommel car il n'aurait plus le loisir de faire tout ce qu'il veut, il aurait trop de choses inutiles à faire, de courriers à envoyer, de papiers à éditer, de réunions à présider, sans compter les taches induites (prévention, notations, administration, etc).... Le nombre de "militaires démilitarisés" est stupéfiant. Le "guerrier" devient minoritaire face à tous les autres acteurs. Combien de combattants réels sur 5000 hommes déployés ? Et pour quelle efficacité ? A contrario, les organisations simples (qui ont conservé une structure pyramidale ordonnée) restent très efficaces. Car contrairement à une idée reçue, elles n'ont pas forcément réduit la liberté d'action de leurs niveaux intermédiaires. L'exemple du Hezbollah en 2006 au Liban mériterait une étude sérieuse.
Le défi pas encore résolu, c'est d'utiliser les formidables ressources des technologies de l'information en conservant la réactivité et la capacité de décision des armées combattantes.
Cela rejoint le débat qui occupait ce blog avant l'été sur la taille et l'organisation des Régiments Interarmes, etc...Avez-vous d'autres informations sur l'Armée indienne dont vous parlez à la fin de votre article? Nous attendons la suite avec impatience.
Rappelons les délais de la contre attaque Française à Sedan en 1940, où l'attente d'une confirmation écrite des ordres a retardé celle ci de près de 17 h...
RépondreSupprimerLorsque Napoléon donnait ses ordres, ceux-ci expliquaient l'idée du mouvement général et du but poursuivit, puis le mouvement demandé à chacun des corps, et laissait une grande initiative à ses Maréchaux. (En dehors de certaines inimitiés ou jalousies bien humaine: Bernadotte refusant de marcher au canon pour soutenir Davout, par exemple, celà marchait assez bien)
RépondreSupprimerLeclerc faisait de même avec les patrons de ses Combat Command. Aujourd'hui les EM de forces reçoivent tous les jours les ordres pour le lendemain, avec répétition de tous les paramètres de la veille, modifiés ou non, plus les nouveaux, ce qui représente une somme de travail énorme aussi bien pour rédiger ces ordres que pour les digérer et les comprendre, puis les diffuser de l'EM de forces vers chacunes des composantes et unités, et descendant parfois jusqu'à un niveau tactique inimaginable. Il est difficile, par habitude, de se censurer soit-même en retenant sa frénésie rédactionnelle dans le but de "ne rien oublier". Pourtant le simple fait de faire confiance à ses Commandants d'unités (grandes ou petites) en se rappelant que l'on a en sous-ordre des chefs compétents et entraînés, et de séparer clairement dans ses pensées ce qui relève de l'opératif et du tactique, permettrait d'éviter d'empiéter sur le domaine des autres.
Pour en arriver là, il faudrait déjà qu'au niveau des exercices majeurs il soit prévus des censeurs pour distribuer bonne ou mauvaises notes aux rédactions d'ordres, ce qui n'est jamais fait... D'où un allourdissement des procédures inimaginable.
Faire simple est compliqué
RépondreSupprimerDans le post "Agir Ou Réfléchir", j'ai fait un parallèle entre la problématique de la vitesse de décision et le trading haute fréquence.
RépondreSupprimerIl n'aura pas échappé aux plus optiques d'entre nous qu'une salle d'opération, avec des écrans partout, ressemble étrangement à une salle de marché.
Pour ceux que ça intéressent, le blog "Margin Call" (appel de marge, en français) édite actuellement des posts sur le thèmes des algorithmes rapides et la complexité Kolmogorov.
C'est un blog collectif de gens des métiers de la spéculation animé par des personnalités qui peuvent, au premier abord, légèrement désarçonner. Néanmoins ils sont compétents et drôles.
Voilà le titre de la série d'articles: “Les algorithmes vont-ils vous tuer ?"
Deux choses: l'emploi du "vous" d'une part, qui laisse croire qu'il y a un deus ex machina, et d'autre part l'expression d'une angoisse mortifère générée par le système d'info et de com indépendamment de la volonté des agents qui l'utilisent.
Comme quelque chose de subi.
Des parallèles ayant été faits sur ce blog avec des modèles de management des systèmes productifs de richesses (Zara), il ne me semble pas inutile d’étendre le champ de la réflexion aux modèles non productifs de richesses (les modèles éco spéculatifs purs).
Zut, le lien...
RépondreSupprimerhttp://www.margincall.fr/
Bonjour,
RépondreSupprimerVous écrivez en fin de votre article : "les grandes unités indiennes ont conservé les structures héritées de l’armée britannique de 1945 auxquelles elles ont simplement ajouté les technologies du XXIe siècle."
auriez-vous des exemples de cette organisation moderne de l'armée indienne?
En effet, nos états-majors de brigade avoisinent maintenant (avec leur environnement SIC) les deux cent hommes et ne sont plus très mobiles.
Patton consignait ses ordres écrits dans des messages lisibles en moins d’une minute (1-min msg). La raison était simple : l’homme était dyslexique et craignait de se tromper en écrivant. Il faisait donc court et efficace.
RépondreSupprimerY. Kadari
Bonjour,
RépondreSupprimerJe rebondis sur votre post sur War'nB, et commente avec plus de 3 ans de retard...
...Ce que vous décrivez, c’est l’alourdissement d’une structure de production par une logistique inappropriée. Vous pointez :
. les SIC-TIC comme une section qui vient ponctionner sur les forces vives pour être servies ;
. et un encombrement informationnel qui porte l’échelon d’évaluation ou de pilotage à se tromper ou à descendre au micromanagement.
Mais à ce compte, toute section logistique ou spécialisée possède son seuil critique, et se révèle contreproductive une fois celui-ci franchi : le SEA, les mécano, le Train, etc.
Pourtant vous ramenez (inconsciemment ?) dans votre billet la problématique des SIC-TIC.
Et je rebondis sur l’interrogation du MondeDuCoqBleu : on a constaté, so what, de quoi ça vient en fait ?
Et si les SIC-TIC y étaient en particulier pour quelque chose ? Parce que, à la base, tout est affaire de lien informationnel.
A 1ere vue, vous avez 2 possibilités avec l'information :
. l'analyser en mode créatif ;
. et la stocker en mode exploitation.
Mais plus finement, c'est la question de la structuration autour de ces deux approches qui emporte la différence : c'est la rivalité-concurrence entre codification et personnalisation dans une stratégie de gestion des connaissances.
a) Centrée sur la formalisation et le stockage de connaissances, la stratégie de codification est censée être plus adaptée aux structures qui pensent devoir "standardiser" des réponses à leurs clients. Dans ce cas, la structure se place dans une économie de la réutilisation et de la normalisation-standardisation. Sa stratégie de gestion des connaissances est une démarche qui va "des gens à l'information" et qui nécessite des investissements importants dans les TIC.
b) Quant à la stratégie de personnalisation, elle est plus adaptée à la création d’idées nouvelles et de solutions innovantes et à haute valeur ajoutée pour le client, mais assortie d'une prise de risque. Centrée sur de fortes expertises individuelles, elle s’appuie sur la mise en interaction des protagonistes-acteurs. On est en présence d’une économie d’experts et la stratégie de gestion des connaissances est une démarche qui va "des personnes aux personnes" et qui nécessite des investissements modérés dans les TIC pour juste favoriser les conversations, les contacts et les échanges de connaissance tacite.
Outre le fait, comme vous le pointez, que l’humain est plus souvent tenté par l’infobésité dans l’espoir d’accumulation d’information sans pour autant savoir mettre en œuvre du dataforaging, en règle générale, le Cab et toute structure de direction qui se repose-appuie sur l'opérationnel favorise la codification pour pouvoir servir et resservir à l'envi et selon des temps toujours plus courts le décideur politique.
Quant au niveau opérationnel, ou opératique selon qu'il emporte une part de caporalisme stratégique, c'est lui qui est le plus favorable à la stratégie informationnelle de personnalisation (l'humain ! les gars, l'humain !).
(... a suivre...)
(... reprise et suite...)
RépondreSupprimerOutre le fait, comme vous le pointez, que l’humain est plus souvent tenté par l’infobésité dans l’espoir d’accumulation d’information sans pour autant savoir mettre en œuvre du dataforaging, en règle générale, le Cab et toute structure de direction qui se repose-appuie sur l'opérationnel favorise la codification pour pouvoir servir et resservir à l'envi et selon des temps toujours plus courts le décideur politique.
Quant au niveau opérationnel, ou opératique selon qu'il emporte une part de caporalisme stratégique, c'est lui qui est le plus favorable à la stratégie informationnelle de personnalisation (l'humain ! les gars, l'humain !).
Tout l'enjeu pour une structure qui se veut souple et agile en conservant son rôle stratégique, c'est de permettre l'hybridation et le passerellage entre ces deux approches informationnelles.
Et donc penser ses réseaux, centres de doc et bibliothèques pour analystes en fonction des buts et enjeux identifiés : qui conçoit, qui écrit, qui recopie, qui amende, qui parle avec qui.
C'est comme l’opposition entre apprendre la pêche et avoir du poisson tombé du ciel dans le dicton : le plan, finalité, n'est rien. C'est savoir planifier, le moyen, qui est crucial ici. Savoir faire et reproduire non pas l’OdB ou le blanc, mais la méthodologie organisationnelle qui permet de les synthétiser.
Ensuite se posera, plus marginalement, la question de la qualité managériale, étant entendu qu'un individu directeur-dirigeant peut se trouver cerné par la structure au point de ne plus pouvoir démarquer ses instructions-idées-impulsions du bruit de fond (cette remarque valant dans les deux sens, pour les incapables comme pour les réformateurs)./.
Bien respectueusement,
CL'h./.
sources :
- M. Hansen, N. Nohria et T. Tierney, in What’s your strategy for managing knowledge ?, revue Harvard Business Review 77, 1999 ;
- R. Scheepers, K. Venkitachalam et M-R. Gibbs, in Knowledge strategy in organizations : refining the model of Hansen, Nohria and Tierney, Journal of Strategic Information Systems, 2004 ;
également C. McMahon, A. Lowe et S. Culley, in Knowledge management in engineering design : personalization and codification, revue Journal of Engineering Design 15, 2004 ;
- D. Muhlmann, in L'impact organisationnel des nouvelles technologies. Le cas du groupware et du knowledge management, Thèse de doctorat, IEP de Paris, 2003 ;
- K-D. Fiedler et al., V. Grover et J-T-C.Teng, in An empirically derived taxonomy of information technology structure and its relationship to organizational structure, revue Journal of Management Information Systems 13, 1996 ;
- Roxana Ologeanu-Taddei et al., in Usages des outils collaboratifs : le rôle des formes organisationnelles et des politiques de ressources humaines, revue Management & Avenir 67, 2014 ;
- G-P. Huber, in A theory of the effects of advanced information technologies on organizational design, intelligence, and decision making, revue Academy of Management Review 15, 1990 ;
et L. Groth, in Future organizational design : the scope for the IT-based enterprise, 1999./.
C'est très intéressant, et hormis les états majors dans les armées, je pense que ce raisonnement s'applique très bien aux structures support notamment dans les services publics, qui fonctionnent plus ou moins bien et auxquelles la seule réponse à un problème de fonctionnement et de performance consiste à rajouter des moyens ce qui, généralement, rend la situation encore plus difficile.
RépondreSupprimerÀ l'université, car je suis dans cet environnement, on rajoute structure de contrôle sur structure de contrôle (financières évidemment), et plus il y en a, plus les personnels opérationnels ont de charges administratives à remplir (pour suivre les processus de plus en plus complexes et démentiels produits par ces services "support")
Une petite erreur qui ne change rien au fond. Le nombre d'interactions possibles entre n personnes est d'ordre quadratique (exactement n*(n-1)/2) et non pas exponentiel.
RépondreSupprimerTrès belle démonstration. Il semble que le nombre fini par générer des personnes qui pour justifier leurs travaux vont "faire du zèle" en conséquence une prose de 10 pages en lieu et place du descriptif clair et concis. Il faut aussi noter qu'il y a des conflits d'intérêts importants à régler lors d'un projet. En conséquence plus il y a de personne et de groupe différents plus il est compliqué de faire converger les objectifs de chacun dans le sens de l'intérêt général pour atteindre l'objectif global. Il faut donc bien définir l'objectif vers lequel tous doivent tendre et les règles pour les atteindre (délais pour sortir une note, avec un nombre de lignes pour une consigne ....). Mais le mieux est de réussir à construire une équipe ou le travail, la réussite du projet, passe avant leurs égos ou plan de carrière.
RépondreSupprimerAu bout de 20 ans de carrière, j'ai eu pour chef un jeune général qui m a' dit: " Je ne lis que les textes d'une page max". Cela a changé ma vie professionnelle, celle de mes subordonnés et un peu celle de .. mes chefs successifs.
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerCe que vous écrivez est d'une lucidité absolue. Travaillant dans un domaine fort différent - le développement de systèmes de gestion informatisées - j'ai pu constater que mettre plus de monde sur le projet aboutissait à un alourdissement extrêmement préjudiciable à l'atteinte dans les délais des objectifs: augmentation des besoins de coordination, des effectifs d'encadrement au détriment du ratio opérationnels/managers... Je pense que les déboires apparents (?) du F35 sont une conséquence de ce type de situations. En résumé: small is beautiful
pourquoi tout ceci me fait penser à la gestion totalement lunaire du covid ?
RépondreSupprimerCela dépend aussi des enjeux et des circonstances. Au Vietnam suffit d'une crue ou d'une rizière pour brusquer l'organigramme. En Irak après la prise de Bassorah, qui est un port, avec du pétrole et ses pipelines, il fallait bien se demandez quoi faire des britanniques qui mangent du rosbeef plutôt que des burgers.
RépondreSupprimerA Arnhem, les allemands savaient que c'était des troupes parachutés et qu'elles n'avaient pas de blindés ni de support logistique, en plus d'être acculé au fleuve.
Tout dépend des raisons, du temps, du matériel et des motivations pour mettre en place l'objectif.
Si je vous dis "prenez la Tour Malakoff!", au moins vous savez immédiatement où et comment y parvenir le plus efficacement possible. Ou pas... Le "ou pas" défini ici la limite de l'exercice, ou un début d'échec.
Un général qui a de la suite dans le idées peut échappé à l'inertie administrative. Mais il lui faut de bonnes raisons pour envoyer des hommes à la mort, cet-à-dire un objectif utile avec des moyens dédiés pour y arriver.