lundi 15 juillet 2013

Dans les griffes du Tigre-un livre de Brice Erbland

Je viens de terminer Dans les griffes du Tigre et je suis encore impressionné par la force du témoignage précis et sobre du capitaine Brice Erbland. Tout y est dit, et toujours avec élégance, de la guerre comme expérience intérieure et comme expérience de commandement à travers les expériences afghane et libyenne couplées dans une série de courts chapitres qui sont autant d’obsessions du soldat : la mort, la peur ou l’efficacité, etc.

La guerre y est vue, et c’est rare, depuis le cockpit d’un hélicoptère d’attaque. C’est toujours la guerre avec ses drames et les moyens d’y résister. Ce sont toujours des hommes ordinaires amenés à faire des choses extraordinaires, toujours loin des cœurs de ceux qu’on aime et  loin des esprits des autres. Mais c’est aussi l’occasion de mettre enfin en avant nos pilotes de l’Aviation légère de l’armée de terre, certainement le plus redoutable de tous nos systèmes d’armes dans les conflits que la France a eu à mener depuis cinquante ans, tant par sa capacité de destruction que comme multiplicateur d’efficacité des autres forces. Sans ces anges gardiens, combien de fantassins français seraient-ils tombés pour obtenir les mêmes résultats ?

Ce témoignage, comme un certain nombre d’autres parfois évoqués sur ce blog, est l’occasion de mettre de la chair derrière les images froides de journaux télévisés. Sans eux, les seuls noms propres connus des Français seraient ceux des machines que l’on souhaite exporter. Tout officier qui écrit bien sert la France. J’ai déjà utilisé cette formule du général de Gaulle mais c’est particulièrement vrai dans le cas du capitaine Erbland. Après l’avoir lu, j’ai tendance à croire également que tout officier qui sert bien la France a tendance aussi à remarquablement en parler.

Brice Erbland, Dans les griffes du Tigre, Les Belles Lettres, 2013. Préface de Jean Guisnel.
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8 commentaires:

  1. Il est impossible pour un militaire en activité d'écrire le récit de ses campagnes. Il faut respecter le devoir de réserve et ne pas évoquer des aspects confidentiels. Par conséquent, les rares récits de militaires qui sont édités recoivent au préalable l'aval de la hiérarchie. Quant au général de Gaulle, il pouvait écrire parcequ'il bénéficiait de protecteurs dans le monde politique et la hiérarchie militaire.

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    1. Je puis témoigner que ce n'est pas complètement vrai (je ne parle pas de De Gaulle) et quand bien même, qu'est-ce que cela changerait dans le cas de témoignages ?

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    2. Plus un militaire parlera de ses expériences au combat, mieux il donnera au plus grand nombre une vision réelle de son action.
      Mais c'est aussi un exutoire pour un soldat de dire ce qu'il vit et subit lorsqu'il est en opération. Enfin par l'écrit, il crée ce lien silencieux mais visible par les mots de sa présence comme acteur dans la société au même titre que peut l'être n'importe quel citoyen.

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    3. Je suis d'accord avec vous pour partager notre ressenti. Mais qui peut vraiment comprendre notre engagement, notre langage, notre mission tout simplement. Regardons la version originale de "Band of Brothers" et des commentaires très poignants des vétérans américains, émus au bord des larmes,69 ans après les faits.
      Il faut parler quand on en ressent le besoin car le partage est apaisant.

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  2. Pierre-Manuel CAMELOT16 juillet 2013 à 12:20

    Il y a un témoignage très prenant sur ce que vit un officier dans sa tête au cours d'une guerre où il passe davantage de temps à subir qu'à combattre l'ennemi, constamment invisible, c'est "A rumor of war" de philip Caputo, débarqué parmi les premiers marines à Da Nang. L'intéressant est que dès 1965 il fait le constat :"Nous ne pouvons pas gagner cette guerre. Pas dans un pays pareil et pas avec ces alliés." Il raconte notamment avoir vu un avion sud-vietnamien straffer... une colonne de camions sud vietnamiens, à la suite d'un différend entre deux généraux sud-vietnamiens.
    Devenu journaliste, prix Pullitzer, il tiendra à retourner à Saïgon pour y assister aux derniers jours de la guerre.
    j'ignore si "A rumor of war" a été trduit en français.

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    1. C'est un très bel exemple que nous devrions étudier pour nous enrichir de certaines perceptions, interrogations et pensées.

      A ma connaissance, certains passages ont été traduits par un ORSEM qui était professeur à la Sorbonne et qui a traduit l'oeuvre de Carl Von CLAUSEWITZ.

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  3. Bonjour

    Pour rebondir sur les commentaires d'anonyme, certes un militaire en activité doit s'exprimer avec discernement sur son expérience militaire. Cependant, le statut de 2005 qui ne fait plus référence au devoir de réserve, donne le cadre de la liberté d'expression du militaire.

    Outre le discernement, le militaire doit avoir le courage de faire part de son expérience pour la faire partager justement à la société civile qui méconnaît la société militaire. c'est une pédagogie du témoignage.

    Quant à la précaution de faire valider son ouvrage par la hiérarchie militaire pourquoi pas mais un militaire responsable ne peut-il pas s'en affranchir?

    Cordialement

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  4. Bonjour François et Olivier,
    Nous avons là matière à un échange intéressant, mais qui mériterait peut-être un débat écrit ou une table ronde, car la problématique est très actuelle et bien prise en compte aux niveaux décisionnels puisqu'elle y est largement débattue.
    D'abord sur le témoignage du militaire concernant son expérience. Bravo à Brice Erbland qui a réussi dans un genre difficile, en prenant de la hauteur dans le ton et en réussissant ainsi à rendre accessible au public le plus large une expérience qui aurait sinon été limitée aux spécialistes. Ce capitaine a du reste demandé l'autorisation de sa hiérarchie, ce qui était important voire essentiel s'agissant d'une expérience opérationnelle unique sur un matériel nouveau. Je connais deux autres livres récents de témoignages opérationnels ou de terrain publiés sans relecture formelle par la hiérarchie, c'est imprudent...
    Ensuite sur l'expression des militaires : il y a deux contraintes bien différentes, le secret opérationnel évoqué ci-dessus, et le devoir de réserve de tout fonctionnaire ne l'autorisant pas à faire état de son rang, grade et fonction pour exprimer un avis personnel sans l'avis de sa hiérarchie. C'est du bon sens, et je trouve parfois abusif que certains soient présentés sur les plateaux de télévision comme des "généraux experts" de façon générique alors qu'ils ne sont compétents que dans leur sphère d'activité, et surtout s'ils sont déconnectés quand ils sont en 2e section. Je pense à certain qui se hasardait à des comparaisons entre missiles de croisière alors que visiblement il ne connaissait que les missiles antichar...
    La conclusion pourrait être que les officiers généraux 2e section n'ont pas à se prévaloir de ce grade pour exprimer un point de vue personnel - je connais beaucoup de colonels à la retraite au moins aussi compétents, ce n'est pas une question de grade.
    Et surtout, que l'expression des militaires en activité soit mieux acceptée, à condition que les règles du jeu soient claires. Beaucoup de brillants colonels en activité sont autorisés à publier et à bloguer (suivez mon regard) tant qu'ils ne touchent pas à l'opérationnel. Il faudrait certainement encourager ce type d'expression mais cela passe par une vraie politique en ce qui concerne les publications de réflexion stratégique (débat bien connu, ancien et jamais résolu).
    Enfin et surtout, combattre l'idée que l'armée est la grande muette et que l'on empêche les militaires et leurs chefs de s'exprimer. Le site internet de la défense et les publications de la défense (Ad'A, Cols bleus, TIM, Air Actu) publient régulièrement des tribunes et des interviews de militaires à tout niveau (voir l'interview du CEMAA mise en ligne vendredi) mais jamais citées par la presse... pourquoi ? Sans doute parce qu'on ne cite que ce qui est expression critique.
    Le Sénat vient d'ouvrir le débat sur la LPM, tous les grands chefs seront auditionnés après le ministre, et le seront ensuite à l'assemblée. Le débat sera public.
    Heureusement les blogs seront là pour compléter l'information insuffisante ou défaillante de la presse sur les travaux parlementaires. Les militaires, en tous cas, y seront audibles...
    Pierre Bayle

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