samedi 9 juin 2012

BH-L'expérience Stryker


En l’espace de dix ans seulement et en partant de rien, l’US Army a réussi à constituer sept brigades Stryker et s’apprête à en former deux de plus en 2013. Cette expérience présente beaucoup d’intérêts pour l’armée de terre française.

D’abord par la vitesse de réalisation. Entre la décision du général Shinzeki, chef d’état-major de l’US Army, en octobre 1999 et l’engagement en Irak de la première brigade équipée de véhicules Stryker, il ne s’est passé que quatre ans. Il est donc possible de développer des programmes majeurs  en moins de 15 ans. Cette rapidité n’est pas vraiment une question d’argent. Pour un budget à peu près équivalent (3 milliards d’euros), l’US Army a commandé initialement 2 100 véhicules Stryker alors que l’armée de terre française devra se contenter de 630 VBCI (véhicule blindé de combat d’infanterie) certes plus performants. Cette rapidité de mise en place et le coût relativement limité du projet s’explique surtout par le choix d’une plate-forme déjà existante et éprouvée, le Piranha de la société suisse Mowag, rebaptisé Stryker du nom de deux héros de l’infanterie américaine, déclinée ensuite en une famille complète de neuf véhicules.

Les Américains ne se sont pas contentés de remplacer un véhicule existant par un engin plus moderne. Ils ont pensé la brigade Stryker comme un système opérationnel complet avec une multitude d’innovations de structure ou de méthodes dans un mélange de haute-technologie (numérisation, imagerie thermique) et retour aux fondamentaux (refus de la tourelle de 25 mm pour pouvoir porter un groupe de combat débarqué à 9, accent sur la puissance de feu antipersonnel). La brigade est censée être projetée au complet en quelques jours n’importe où des pistes peuvent accueillir des appareils C-130.

La brigade elle-même est un groupement de groupements interarmes organiques et ce jusqu’au niveau de la compagnie composée d’une section de MGS (Mobile gun system) 105 mm, de trois sections d’infanterie et d’une section d’appui (avec un groupe de mortiers de 81 mm et un groupe de tireurs d’élite). Trois sous-groupements interarmes forment un bataillon d’infanterie (avec une section de reconnaissance et une section de 4 mortiers de 120 mm comme éléments organiques). La brigade est elle-même composée de : trois bataillons d’infanterie, un bataillon de reconnaissance (qui dispose de 6 mortiers de 120 mm), un bataillon d’artillerie, une compagnie antichars et d’une compagnie de génie. Le soutien est assurée par un bataillon organique. Il est facilité par la colocalisation dans la même base et par le fait que 85 % des pièces de rechange sont les mêmes pour les neuf types de véhicule Stryker.

Une brigade Stryker a été systématiquement engagée en Irak. Elle s’y est révélée le type d’unité le plus performant de l’US Army et un véritable laboratoire tactique.

Cet exemple témoigne donc non seulement de la possibilité effective de groupements et même de sous-groupements interarmes permanents mais aussi de la possibilité d’évoluer rapidement et intelligemment dans une armée occidentale moderne. Sommes-nous capables d’une telle souplesse ?

11 commentaires:

  1. "Il est donc possible de développer des programmes majeurs en moins de 15 ans."

    A partir du moment où on part d'un concept existant ("sur étagère" comme le Stryker contrairement au VBCI), il est effectivement possible de mettre moins de 15 ans pour développer un programme majeur.


    "Cette rapidité n’est pas vraiment une question d’argent."

    Cela n'est pas UNIQUEMENT une question d'argent. Cela est aussi question de puissance industrielle. Et dans le domaine de l'industrie militaire, il n'y a aucune mesure entre la France et les Etats-Unis.


    "Pour un budget à peu près équivalent (3 milliards d’euros), l’US Army a commandé initialement 2 100 véhicules Stryker alors que l’armée de terre française devra se contenter de 630 VBCI"

    Un petit calcul intéressant peut s'avérer utile :
    - en considérant qu'il y a 562 000 militaires dans l'US Army, 2100 Strykers représentent 1 véhicule pour 267 personnels.
    - en considérant qu'il y a 120 000 militaires dans l'Armée de Terre, 630 VBCI représentent 1 véhicule pour 190 personnels.
    On remarque donc que, rapportée au nombre de personnels, l'Armée de Terre a plus de VBCI par militaire que l'US Army n'a de Stryker.


    Maintenant, à la question "Sommes-nous capables d’une telle souplesse ?" : l'US Army a mis en place 8 brigades Stryker sur un total de 73 brigades. Rapporté à l'Armée de Terre, cela représente 1 brigade sur un total de 16 brigades. On en vient donc à se demander si ce concept est adapté à l’Armée Française.

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    1. N'est-ce pas un peu de mauvaise foi ? Cela me rappelle l'époque où Nexter me demandait du "retex uniquement négatif" sur le Stryker (et notamment des photos de Stryker détruits en Irak). Je me réjouis que nos entreprises exportent mais est-ce le rôle premier des armées de soutenir les exportations, quitte à s'interdire toute critique sur nos propres équipements ? Le poids des industriels s'est ajouté au poids des politiques pour limiter encore notre réflexion.

      Les brigades Stryker répondent d'abord à un besoin : créer une force intermédiaire entre le très léger facilement projetable mais vulnérable (troupes aéroportées) et le très lourd (unités blindées-mécanisées), puissant mais très lent à mettre en place. Elles n'ont jamais été testées dans ce sens. Elles ont servi aussi de laboratoires tactiques au reste de l'US Army et même des Marines qui envisagent de se doter aussi de Stryker. Globalement, c'est une réussite.

      Inversement, la gestion du programme VBCI a quand même permis de déceler quelques axes d’amélioration (pour rester positif et dans le cadre de cette réflexion générale). Comment en est-on arrivé à mettre vingt ans pour se doter d’un véhicule de combat ? Pourquoi si cher (quand on voit le prix d’une simple lampe de plafonnier, on a une petite idée) pour finalement si peu ? Pourquoi le seul débat « roue versus chenille » nous a-t-il fait perdre plusieurs années ? Pourquoi n’avons-nous pas repensé les structures et les méthodes de l’infanterie (on a eu le temps pourtant) en fonction de ce nouvel, et par ailleurs excellent, engin ? A-t-on pensé l’évolution possible de ce véhicule en fonction des évolutions des fantassins qui vont monter à bord ? que se passe-t-il par exemple si on décide de passer le groupe de combat d’infanterie à 9 hommes à terre au lieu de 7 ? A-t-on pensé à décliner cet engin en famille (avec un canon de 105 mm, porte-mortiers, en véhicule d’appui, etc.) ?

      S’il y a des spécialistes qui lisent ce billet, je serai très intéressé par leurs réponses.

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    2. Sans être un spécialiste, quelques éléments de réponse, peut-être plus très frais, concernant l'artillerie:
      - Un mortier autoporté type 2R2M est en cours d'étude, le choix du chassis est "en cours"
      - de même, le successeur des VOA et VAB OBS est égalementà l'étude; il semble à priori acquis qu'il n'utilisera pas le chassis VBCI, beaucoup trop gros pour cette fonction.
      En fait, j'ai l'impression que, plus que le VBCI, c'est le programme VBMR qui pourrait apporter cette communauté de chassis et l'esprit de ce type de brigade.
      Et comme il semble sacrément à la bourre, ne désespérons pas, on a encore le temps de réfléchir!
      Enfin, si la prochain guerre nous le permet!

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    3. Grenadiers de la Garde10 juin 2012 à 21:27

      Bonsoir,

      Ok pour le Stryker. Mais n'oublions pas que les US ont conservé des Bradley. Ce n'est pas à vous que j'apprendrais que ce sont les Bradley de l'Army qui ont été engagés en tête à Fallouja (Cf. David Bellavia, "House to house"...Fallouja) avec entre autres le 2/2 infantry.
      Quant à la tourelle de 25 du VBCI, elle ressemble quand même étrangement à la tourelle Dragar de 1986...A confirmer par les hommes de l'art.
      Sinon, entièrement d'accord avec vous sur l'intérèt du système Stryker. Il y a des pistes à suivre.
      Une formule intermédiaire me paraît joubale entre l'ex régiment interarmes français (type méca X30 + X10 ou X13, ou l'ex 21ème RIma) et la brigade Stryker. Un "Battlegroup interarmes" (Regiment ?) de 2000 hommes commandé par un colonel (peu importe son arme d'origine, pourvu qu'il soit bon..) avec des "bataillons" commandés par des jeunes lieutenant-colonels ou des commandants. Mais évidemment des petits bataillons avec une HQ company à 50 hommes maxi, et une structure de combat adaptée à la réalité de nos engagements, de nos moyens disponibles, de notre volonté d'instruire un max de cadres et de donner des responsabilités à un max de personnels afin d'entretenir la flamme et de préserver l'avenir. Par exemple, un bataillon d'inf à 3 UE, 1 BAT ABC à 1 esc de XL, 1 esc de reco sur LMV et 1 sur VCI chenillé, 1 bat art à 4 caesar / mo 120 + moyens Rens, 1 bat Gen à 2 petites UE...
      La LOG séparée mais on peut y réfléchir et faire monter le BG à 2500...
      A mon avis, en ce moment small is beautiful, il faut retrouver de la souplesse. Un bataillon à 200 hommes, cela ne me choque pas. Tout cela sur une même base (de défense ?) afin de rationnaliser le soutien et le parc disponible.
      Ce n'est qu'une piste mais elle mériterait d'être étudiée.

      Bonne soirée et merci de tenir notre cerveau en éveil...

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    4. Quid de l'échelon brigade dans ce cas ?

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  2. Ce genre de régiment doit regrouper des capacités de combat, rien que les capacités de combat, toutes les capacités de combat... En l'occurrence, celles qui peuvent être commandées par un "simple" colonel, avec un "simple" PC de régiment.
    Notre régiment 1500, outre les unités de mêlées précédemment, doit regrouper en terme d'appuis:
    - une batterie d'artillerie "légère", c’est à dire 4 à 6 tubes de 120mm type 2R2M + (surtout) les DLOC correspondant à son nombre d'UE de mêlée
    - une compagnie de combat du génie, gonflée d'une section de combat, également pour sanctuariser "l'abonnement" des appuis à leur CDU de mêlée
    Deux ou trois régiments de cette structure forment une brigade; celle-ci est également constituée d'un "régiment interarmes d'appui" (le nom est peu sexy, mais dans l'esprit c'est ça!) regroupant les capacités non enrégimentées: compagnies d'appui et spécialisées du génie, batterie sol-air, batterie CAESAR,... Enfin, un "régiment interarmes de commandement et de logistique" termine d'apporter à la GU les capacités dont elle a besoin pour être autonome.
    On se retrouve avec une brigade un peu plus nombreuse que celles d'aujourd'hui mais "prête à tout", peut-être nouveau pion de référence en lieu et place de la mythique "division OTAN" standard.

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  3. Rudement intéressant, toutefois je m'interroge : par rapport aux tirs de RPG et la souplesse d'emploi sur le terrain, un Bradley amélioré, modernisé, ne faisait-il donc pas l'affaire ?
    L. Schang

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  4. Il existe en europe un véhicule dont le chassis est décliné en version VCI, VCI et missiles AC, canon de 120 donc char léger, mortier de 120 portée avec possibilité de tir direct, génie léger, dépannage, antiaérien...C,est l'exellent CV90. Acheté par juste une demi douzaine de pays européens (possibilités de coopération et dévellopement).Concernant la sacro sainte industrie nationale on peut bien sur y monter tous les canons, missiles, optiques français que vous voulez.Bref le matériel (européen) idéal pour équiper le régiment interarmes d'une BLB. Mais bon quand je lis les commentaires sur le premier poste. Je me demande quel est le véritable obstacle à cette réforme pourtant si évidente. Les politiques et leur politique d'aménagement du territoire, la crise économique ou le conservatisme militaire. Les structures interarmes permanentes sur chassis modulaires sont l'évidence et l'occasion d'une réforme structurelle qui pour une fois ne nous serait pas imposée.Mais elle entrainerait une réforme culturelle qui malgré la professionalisation n'a pas encore eut lieu.

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  5. Frédéric Aubanel11 juin 2012 à 20:15

    2 points afin d'alimenter le débat:
    1/ cette discussion tourne autour des moyens, pas de leur finalité. A continuer à fuire le débat sur notre futur ennemi, on se laissera guider par la discussion des moyens. Relisez le Gal DESPORTES sur le nouveau véhicule de NEXTER, le CRAB: on est dans un combat européano-centré, c'est à dire un affrontement du fort au fort, avec des moyens blindés mécanisés, sur un terrain permettant l'engagement des fameux Engins Principaux de Combat, donc les chars lourds...... La brigade STRYKER est avant tout un concept construit sur 2 moyens: un véhicule, le Stryker et un système, la NEB américaine.
    2/ C'est bien d'avoir un outil prêt à l'emploi comme la STRYKER. C'est une super FAR à n'en pas douter. Le problème c'est qu'il faut avoir les moyens de la projeter. Qu'avons-nous? Bientôt (j'espère) quelques A400M dont la flotte entière ne pourra déployer en une seule fois quelques compagnies (?), des Transaux et autres Hercules à bout de souffle; pour le reste, nous avons quelques bâtiments de projection mais insuffisant en nombre pour obtenir un effet de masse, et à condition que le théâtre soit accessible par la mer....
    Reprenons la MEDO: pourquoi, contre qui, où.........Mail là pour le coup, il va falloir s'engager!

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  6. Grenadier de la Garde11 juin 2012 à 20:30

    Effectivement, quid de l'échelon brigade ? Au risque de surprendre, je ne suis pas sûr qu'il soit toujours pertinent! Il faut tellement le renforcer avant de le projeter...parfois plus de 30 % des effectifs parait-il ? Et il lui manque tellement de fonctions. (ACM, ISTAR, SANTE, prévoté, etc etc...). Je veux croire qu'il faut retrouver de la souplesse, en évitant les grosses machines avec plein d'hommes et d'ordinateurs, qui restent enfermées sur une base pendant des mois . Des grosses brigades avec des gros régiments à 1500 hommes, avec des grosses compagnies à 200 hommes, j'ai du mal à accrocher. Ce sont des machines trop lourdes à mettre en oeuvre, pas assez réactives, sans compter qu'on n'a plus vraiment les capacités de les projeter et de les entretenir. Et pour préserver l'avenir, il faut former des cadres à tous les niveaux tout en préservant une capacité de projection. C'est presque contradictoire. Donc pour y parvenir, il faut des petites structures afin de donner des responsabilités de commandement pour former des chefs. Dès lors, je suis partisan d'étudier des structures interarmes plus petites mais plus nombreuses capables de se réunir pour former un ensemble plus grand si nécessaire, ou d'être renforcées selon la mission. Je préfère 3 bataillons à 350 hommes qu'un régiment à 1000. Je pense qu'on peut faire des escadrons XL à 10 chars, peut-être moins. Faire une compagnie VBCI sur le même modèle qu'une compagnie VAB ou X10, cela ne colle pas...Cela veut donc dire qu'il faut être attentif sur les fonctions commandement, en leur faisant sauter un échelon. C'est le principe de la HQ company à 50 hommes maxi... Cela impose bien sûr donc de revoir nos modes d'action.
    Pas simple je vous l'accorde.

    Bonne soirée

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  7. Concernant les Stryker, les Mobile Gun System ne seront pas en produit en grande série :

    http://www.defensenews.com/article/20120223/DEFREG02/302230001/AUSA-U-S-Army-Plans-Post-War-Management-Stryker-Fleet

    Les États-Unis n'ont pas de chance avec leur projet de char léger depuis les années 60

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