État-major des armées,
2009
- Que pense « l’apprenti
stratège » de cette réforme des structures de soutien des armées ?
- Il pense que c’est une stratégie de
dindes, mon général.
- Sans doute, mais encore ?
- Bertrand Russell a raconté il y a
longtemps l’histoire d’une dinde qui analysait le comportement des hommes dans
la ferme et en concluait après plusieurs jours d’observation que ceux-ci n’étaient
sur Terre que pour nourrir les dindes. Sa théorie s’est avérée juste jusqu’à ce
que vienne Noël. Ce jour-là, elle a changé très vite sa vision du monde, mais c’était
la dernière fois.
- Vos chefs sont donc des dindes ?
- Oui, lorsqu’ils ne raisonnent que sur
le connu, le visible et le court terme. On réduit un peu ceci ou cela, on
regroupe, on travaille en flux tendus, et on se dit qu’on va réussir à faire la
même chose à moindre coût. Ce sera sans doute vrai tant qu’on restera dans le
monde des « inconnues connues », comme un lancer de dés dont on connaît tous les résultats possibles. Mais le problème c’est qu’il y a un
monde autour de celui qui lance le dé et il peut s'y passer des choses nouvelles et importantes qui peuvent l'affecter.
- C’est l’idée de « surprise
stratégique » introduite dans le Livre blanc.
- Oui mon général, mais quand on a évoqué
cette idée, on pensait à des événements militaires dans notre champ d'action habituel. On restait dans notre « domaine de
responsabilité » pour reprendre un terme de planification. Or, les surprises qui
peuvent nous toucher peuvent venir aussi d’ailleurs. C’est pour cela qu’on
parle de « zone d’intérêt » tout autour de la « zone de responsabilité ». Ce n’est
pas de notre ressort, de notre domaine de compétences, mais cela peut nous
toucher quand même et fortement. Et dans un monde ouvert et interconnecté, on peut
voir surgir plus de choses qu’avant et depuis des champs très divers. C’est comme Godzilla, un essai nucléaire mal
placé et on se retrouve avec monstre, un Kaiju, à gérer.
- Quel est le rapport entre la RGPP [Revue
générale des politiques publiques] et Godzilla ?
- Pour résister à la surprise, il faut être
diversifié et redondant. Notre force de frappe nucléaire est peut-être ce que l’on
fait de plus résistant en France puisque même après une attaque thermonucléaire
massive, elle est encore capable de frapper « en second » tout aussi massivement. Difficile de
faire plus résilient. Et elle est capable de faire ça, parce qu’avec ses sous-marins
et ses avions, et il y a quelques années aussi ses silos de missiles du plateau
d’Albion, ainsi que ses circuits de communications diversifiés, il est
impossible de tout détruire en même temps. Il en restera toujours assez pour décider
de riposter et le faire. Et il en restera toujours assez aussi parce qu’il y en
a un peu plus qu’il n’en faut. C’est le principe de l’« élément
réservé », le truc en plus, pas directement utile et même utilisé, mais
qui permet de faire face à une surprise ou une opportunité qui se présente.
- C’est toute la différence entre 1918 et
1940, on fait face dans les deux cas à une grande offensive allemande, mais
dans le premier cas on a un groupe d’armées complet prêt à intervenir très vite
n’importe alors que dans le second cas, on envoie notre armée la plus mobile en
Hollande et on se retrouve à poil quand les Allemands percent dans les
Ardennes.
- Dans ce cas là, c’est une erreur grossière
de stratégie opérationnelle, mais on peut faire des erreurs de stratégie
organique. Si en 1918 la priorité avait été donnée aux économies budgétaires à
tout prix, on aurait supprimé le groupe d’armées de réserve, ce stock énorme inutilisé
et couteux. On se serait félicité des économies réalisées à court terme tout en
se rendant vulnérables et donc en danger de mort à long terme. Chaque jour
avant l’attaque, les comptables auraient comme été comme des dindes bien
nourries, et le jour de l’attaque désastreuse, ils se seraient cachés. Cela ne
vaut pas dire qu’il ne faut pas faire d’économies, mais qu’il faut toujours garder
en tête l’idée que Noël arrivera sous une forme ou une autre. Et que si on n’y
pense pas c’est peut-être Godzilla qu’il faudra affronter ce jour-là et il est
probable que cela nous coûtera beaucoup plus cher que toutes les petites économies
que l’on aura pu faire auparavant.
Mon Colonel,
RépondreSupprimerVous posez de nombreuses questions dans votre publication et j'avoue être partagé.
Oui le jour de fête arrivera mais il ne sert à rien de le redouter. Nous faisons toujours preuve de beaucoup d'imagination en France, comme vous le savez.
Nous vivons tous les jours les coûts exhorbitants de ce que nous consommons mais est-il nécessaire de consommer de cette manière. Est-il nécessaire de choisir certains produits qui seront obsolètes assez rapidement mais qui auront pesé financièrement et durablement. Ne nous enfermons pas dans des logiques industrielles qui cloiseneront les capacités.
Des choix liés à une bonne vision stratégique s'imposent, Faut-il avoir une vision stratégique !!
On peut par exemple essayer d'imaginer quelle aurait pu être l'utilité du service de santé des armées en ces temps de pandémie, si on ne l'avait pas réduit à la portion congrue...
RépondreSupprimerRestons calmes, ne paniquons pas ! Contrairement aux médicaments, nous fabriquons encore sur notre territoire du papier toilette. Il n’y aura donc pas de pénurie.
RépondreSupprimerSi le Covid-19 suffit à enrayer des chaines logistiques et à nous amener au bord d’un nouveau krach boursier planétaire, nul doute qu’un virus vraiment agressif comme celui de la grippe espagnole qui tuerait nos rares paysans (moins de 4% de la population active) et paralyserait l’approvisionnement alimentaire et électrique de nos mégalopoles nous plongerait dans le chaos.
* À neuf repas de l’anarchie *
http://www.24hgold.com/francais/actualite-or-argent-a-neuf-repas-de-l-anarchie--jeff-thomas.aspx?article=8364115170H11690&redirect=false&contributor=Sprott+Money.
Et notre Oie de continuer ses observations : "il se raconte dans la basse-cour que nous serions enfermés dans un Rideau de fer...
RépondreSupprimerJe n'y crois pas un seul instant. Rien qu'une légende urbaine : nous sommes clairement sur une île ! Où ne risquons pas grand chose !
Pour preuve, toutes ces mouettes voraces qui survolent notre résidence et ont parfois le toupet de venir nous faire concurrence pour notre pitance."
24 Décembre, le T-14 Armata n'eut guère plus de difficulté à défoncer la clôture de la ferme qu'il n'en avait eu à traverser les restes du corps mécanisé français, son équipage se réjouissait d'avance de fêter Noël autour d'une bonne dinde française...
« l’apprenti stratège » : j'ai cru pendant un moment que vous parliez de notre "chef de guerre".
RépondreSupprimerEnfin, pour le reste et votre histoire de dindes, comme ci on ne savait pas qu'il avait assez régulièrement ces dernières décennies et de plus en plus souvent semble t-il, des épidémies : ce qui ne nous a nullement empêcher de bazarder notre stock de masques, et tutti quanti : "y'aura qu'à en commander au père Noel (en l’occurrence normal pour des "dindes"), euh pardon aux chinois...
Parfois, il y a des présidents qui gracient les dindes. Donc s'il y a des présidents qui gracient les dindes, c'est qu'effectivement les hommes sont sur terre pour nourrir les dindes, tout le reste n'est que fait du hasard ou concours de circonstance !
RépondreSupprimer