et aucunement de ses pénibles adaptations cinématographiques.
Il ne sera pas question non plus de modèle politique
Starship
Troopers (Etoiles, garde à vous !
dans la version française) de Robert Heinlein n’est pas une fausse Histoire, ni
un traité de stratégie, mais l'aventure d’un individu ordinaire plongé dans une
situation extraordinaire, en l’occurrence un simple soldat au cœur d’une guerre
interstellaire. Outre que le héros est probablement
philippin, Heinlein se démarque de cet argument très américain du héros modeste en ne tordant pas
la situation jusqu’à l’absurde (l'éternel point faible de l’Etoile noire dans la saga Star Wars par exemple) afin de lui permettre d'avoir des effets stratégiques, voire de sauver
le monde, à lui tout seul.
Juan Rico gravit simplement les échelons de simple soldat à chef de section de l’Infanterie mobile (IM). Il voit peu de choses mais il les voit bien et la description de son univers immédiat, même s’il combat en scaphandre des Arachnides géants, est une des plus réalistes qui ait jamais été faite de la vie d’un fantassin. Dans le même temps, et c’est ce qui va nous intéresser ici, écrit en 1959 Starship Troopers (ST) est une aussi une excellente description de la manière dont on voit la guerre à cette époque aux Etats-Unis, à l’ère de l’atome et du communisme triomphant.
Clausewitz dans l'espace
Dans Starship Troopers, la guerre est une
affaire entre Etats, trois en l’occurrence : la Fédération terrienne, les Squelettes (Skinnies
dans la version originale, terme repris en 1992-93 par les soldats américains
pour désigner les Somaliens) dont on sait peu de choses et un Empire arachnide (les Bugs) qui ressemble fort à la Chine communiste.
Pas question
donc, malgré le spectacle contemporain des conflits en Indochine, Malaisie ou
en Algérie d’évoquer la lutte entre des Etats et des rébellions armées. Heinlein,
grand voyageur, les connaît pourtant bien. Son héros dans ST cite comme grand
stratège Ramon Magsaysay, organisateur de la guérilla aux Philippines pendant l’occupation
japonaise avant d'en devenir le Président. Ceux de Révolte sur la
Lune (1966) seront également des révolutionnaires mais cela se passe déjà
pendant la guerre du Vietnam.
Au moment de la parution du roman, Heinlein reste plutôt dans le cadre d'une vision militaire américaine qui comprend mal cette
forme de guerre. Politiquement, elle est associée à la décolonisation, affaire qui ne concerne
pas les Etats-Unis. Techniquement, la guérilla est considérée comme un
harcèlement mené par des partisans à partir d’un milieu difficile généralement en
liaison, comme en Corée, avec une armée régulière sur la ligne de front. Pour
le commandement américain, il s’agit simplement d’un combat « léger »
à mener donc aussi par une infanterie légère, qui par son excellence
et ses appuis, ne pourra manquer de l’emporter. Heinlein est plus subtil dans
la mesure où par de nombreux aspects, c’est son Infanterie mobile (IM) qui va conduire
une guérilla. Nous y reviendrons.
Le cadre
stratégique de ST est donc interétatique mais hors d'un système culturel commun. Si plusieurs guerres spatiales sont rapidement évoquées dans le livre (probablement dans le système solaire), il s’agit cette fois de la première guerre entre systèmes stellaires différents au sein d’un espace de quelques dizaines d’années-lumière autour de la Terre (espace minuscule à l’échelle de la seule galaxie, ce qui tendrait à montrer que les civilisations y sont nombreuses). Ces civilisations différentes ne se comprennent pas bien ou même pas du tout. Les Terriens
et les Squelettes, des humanoïdes de plus de deux mètres, sont suffisamment
proches pour que ce dialogue qu’est la guerre soit possible. Les Squelettes et les Arachnides sont initialement
alliés, ce qui témoigne là encore d’un échange possible et d’une vision
commune. En revanche entre Terriens et Arachnides, l’incompréhension est profonde comme entre Conquistadors et Aztèques.
Ces
différences et les peurs qu’elles engendrent (un thème cher à Heinlein) sont alors décrites comme la source première des affrontements. On ne sait rien à la lecture du livre de l’origine
de la guerre entre Squelettes et Terriens, il semble que celle contre les
Arachnides soit une réaction à la pénétration des humains dans leur espace.
Après une période de tensions et d’accrochages, les Arachnides déclenchent
véritablement les hostilités avec le bombardement de Buenos-Aires à l’aide d’un
météorite détourné (attaque qui a donc duré des années et suppose un rapport au
temps différent des humains). On songe alors à l’attaque de Pearl Harbor à
cette différence près que le bombardement a visé une ville et non cherché à obtenir
un avantage opérationnel décisif en frappant des forces. On songe aussi et surtout au
déclenchement de la guerre contre la Chine en Corée (la référence sous-jacente
majeure du livre). En octobre 1950, la Chine est très inquiète de voir les
forces des Nations-Unies (en réalité très largement américaines) commandées par le général Mac Arthur pénétrer en Corée
du nord et progresser vers sa frontière. Elle envoie plusieurs signaux pour le
signifier aux Etats-Unis, qui ne les perçoivent pas. Même lorsque la 4e
armée chinoise est engagée contre les avant-gardes des NU avant de se replier, ce repli est encore interprété comme une acceptation de la supériorité américaine. Au
final, les forces des Nations-Unies poursuivent leur progression et la Chine finit par entrer dans la guerre.
Le
bombardement de Buenos-Aires par les Arachnides est donc un signal, signal fort
certes puisqu'il équivaut à une frappe thermonucléaire mais malgré tout limité. On
reste ainsi dans le bas de l’échelle de l’emploi des armes de
destruction massive. On peut s’interroger sur la cause de cette
limitation. Les Arachnides
n’avaient peut-être pas les moyens techniques de détourner un météore plus gros capable
de ravager toute la Terre ou d'en envoyer plusieurs simultanément. La Fédération terrienne ne se limitant pas à
la Terre il n’était peut-être possible non plus de détruire tous ses mondes simultanément. Dans ce cas une riposte de 2e frappe, au moins de la même ampleur que l'attaque, était
probable sur Klendathu, leur monde principal. Les Arachnides, qui savent certainement que les Terriens disposent d'armes thermonucléaires, auraient donc été dissuadés (terme qui n’apparaît jamais dans le livre) de frapper
plus fort afin de contenir l’escalade.
Du côté des
Terriens, de culture largement américaine, l’attaque de Buenos-Aires, à
l’instar de l’explosion du cuirassé Maine
à Cuba en 1898 à Pearl-Harbor en passant par l’annonce de la guerre
sous-marine allemande à outrance en janvier 1917, constitue la grande source
d’indignation nécessaire aux Etats-Unis pour justifier une guerre et la
mobilisation générale des forces.
Détruire ou comprendre
Détruire ou comprendre
La guerre est donc déclenchée mais comment la gagner ? Dans la culture
stratégique américaine traditionnelle, la victoire est souvent synonyme de
destruction de l’ennemi (« Je me
tiens prêt à me déployer, à engager et à détruire les ennemis des États-Unis »
Credo du soldat de l’US Army,
novembre 2003) ou au moins et de manière plus réaliste sa « capitulation
sans condition ». Il est difficile d’ailleurs d’envisager d’autre fin
lorsqu’on a mobilisé toutes les forces de la nation, ce qui induit un but élevé
(une « croisade » contre un ennemi vite associé au mal) et une fin
décisive, si possible rapide. La guerre « à l’américaine » est donc fondamentalement
une guerre « à but absolu » selon l’expression de Clausewitz. En réalité et par la force des choses, cette conception de la guerre à but absolu très visible, dont l’archétype est la Seconde Guerre
mondiale, a toujours toléré à l'autre bout de l'échelle de la force de
multiples opérations et expéditions périphériques, comme les Banana Wars du début du XXe, menées avec les petites forces
permanentes à la disposition de l’exécutif.
Cette double vision
de l’emploi des forces, massif et visible ou discret et réduit, s’est troublée avec la guerre de Corée (1950-1953), engagée
à la manière des expéditions limitées mais avec des moyens considérables. Il n’y a
pas eu de déclaration de guerre du Congrès. L’opération n’a donc pas
été décrite comme telle mais comme une « action de police » (terme
qui revient à plusieurs reprises dans ST essentiellement pour en critiquer l’hypocrisie)
justifiée par un mandat du Conseil de sécurité des Nations-Unies. S’est ouverte ainsi une période de prédominance de l’exécutif américain sur l’emploi de la force qui
se refermera avec la fin de la guerre du Vietnam, prédominance jugée alors d’autant
plus préoccupante que la guerre froide a imposé le maintien d’une armée d’active
importante et la centralisation des structures de commandement (avec la création contestée du Département de la Défense) [1].
La guerre de
Corée s’est également terminée par une sorte de « match nul »,
incompréhensible à beaucoup d’Américains (dont on notera que les sports préférés
ne comportent presque jamais cette possibilité) en particulier les
militaires pour qui, comme le général Mac Arthur (limogé par Truman), « rien ne
remplace la victoire ». Cette situation d’autant plus étonnante, sinon scandaleuse, que les Etats-Unis disposent alors, presque à discrétion, de l’arme absolue
(sinon « providentielle » pour une nation d’une destinée
particulière).
A la fin de la
Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis se sont retrouvés dans une équation
stratégique apparemment à la fois très positive et conforme à leur tradition. Comment
imaginer d’être attaqué à nouveau comme à Pearl Harbor alors que l’on peut
riposter, cette fois immédiatement, par des bombardements atomiques sur les
villes de l’agresseur ? Les frappes sur Hiroshima et Nagasaki n’ont-elles pas
conduit à la capitulation du Japon en quelques jours ? Dans
ces conditions, conformément à l’esprit des Pères fondateurs, il est donc possible de dissoudre cette armée jugée politiquement dangereuse, et de
conserver la Navy et la jeune Air force pour servir (et se disputer) cette arme miracle. Tout au plus, le rôle de l’Army et des Marines
(par ailleurs redondants), sera de fournir aux armées importantes des bases
proches de l’ennemi. Quelques siècles plus tard la recrue Juan Rico
fait encore part de son interrogation à son instructeur : A quoi sert-il
d’avoir des fantassins quand on dispose d’armes thermonucléaires ?
Cette
certitude facile de 1945 a en réalité été battue très vite en brèche par les tensions de la guerre froide et l'utilisation de procédés « sous le seuil nucléaire » comme la subversion ou les « coups »
rapides, tels que l’invasion de la Corée du Sud par l’armée du Nord
communiste en juin 1950. Il est apparu dans ce dernier cas que, pour de nombreuses raisons (arsenal limité à ne pas gaspiller pour des opérations secondaires, souci de ne pas détruire un pays allié ou simplement considérations humanitaires), il n'était pas possible d'y employer l'arme atomique et qu'il n'y avait pas d’autre solution que de combattre à nouveau avec des forces conventionnelles puissantes. Bien qu’envisagé encore par la suite en Corée, en Indochine ou lors de la crise ds îles Quemoy, l’emploi des armes
nucléaires est toujours écarté par le Président Truman puis par Eisenhower. L’arme atomique
est une arme particulière et finalement très délicate d’emploi sans certitude de succès. Après tout, toutes les villes d’Allemagne ont été détruites de 1942 à 1945 sans obtenir de soumission de
l’adversaire et celle du Japon a été sans doute le résultat de bien plus de facteurs, dont l'écrasement préalable par des forces conventionnelles, que
les deux bombardements atomiques.
Il est vrai
qu’à partir de 1951, de nouvelles armes, thermonucléaires cette fois, sont
apparues qui ont relancé l’idée qu’un ennemi puisse être (enfin) complètement détruit,
à condition toutefois qu’il ne dispose pas lui-même de la même capacité. A la parution de
Starship Troopers en 1959, non
seulement le monopole nucléaire des Etats-Unis a disparu depuis longtemps mais désormais le
sol américain peut lui-même être frappé par les bombes H portées par les missiles
intercontinentaux soviétiques sans qu’on puisse matériellement les en empêcher. La doctrine d’emploi des armes nucléaires y est encore celle des « représailles massives » exprimée ainsi par le secrétaire d’Etat Dulles en 1953 (et adoptée par l’OTAN en 1954) qui prévoyait des représailles nucléaires massives, sans préavis et sans retenue contre tout agression quelle qu'elle soit d’un pays de l’OTAN. Elle est alors singulièrement mise en doute.
Dans Starship Troopers, il n’y pas de représailles massives après la destruction de Buenos Aires. Certains y songent et le réclament mais Klendathu n’est pas vitrifiée, pour au moins deux raisons, qui sont deux incertitudes : on ne sait pas si cela suffira à détruire un ennemi qui vit en profondeur et on ne sait pas si cela suffira à aboutir à la soumission à sa volonté d’entités dont on ignore tout. Par la suite, et alors que la Fédération dispose d’armes dites Novæ capables de casser une planète complète, elles ne sont pas employées non plus pour ne pas tuer les prisonniers humains sur Klendathu.
Dans Starship Troopers, il n’y pas de représailles massives après la destruction de Buenos Aires. Certains y songent et le réclament mais Klendathu n’est pas vitrifiée, pour au moins deux raisons, qui sont deux incertitudes : on ne sait pas si cela suffira à détruire un ennemi qui vit en profondeur et on ne sait pas si cela suffira à aboutir à la soumission à sa volonté d’entités dont on ignore tout. Par la suite, et alors que la Fédération dispose d’armes dites Novæ capables de casser une planète complète, elles ne sont pas employées non plus pour ne pas tuer les prisonniers humains sur Klendathu.
En réalité,
par la bouche de l’adjudant Zim répondant au soldat Rico, Heinlein qui, dès
1941 avec la nouvelle Solution
Unsatisfactory, a réfléchi à l’emploi des armes nucléaires est proche du
courant de pensée qui sera exprimé en 1960 par le général (parachutiste)
Maxwell Taylor dans Uncertain Trumpet.
Pour Heinlein-Zim, outre le principe de proportionnalité (« dans certaines circonstances, il est aussi stupide d’envoyer
une bombe H sur une ville que de corriger un bébé avec une hache »), « le but n’est pas de tuer l’ennemi
pour le tuer mais de l’amener à faire ce que tu décides…pas de meurtre mais un
usage mesuré et contrôlé de la violence » [2]. Cela se traduira dans les idées de Taylor puis finalement dans la doctrine de riposte graduée de Mac Namara (appuyée par beaucoup de théoriciens de l’époque comme Kissinger ou Kahn) par une échelle de la
violence dont il faudra gérer le curseur afin d'obtenir des effets stratégiques positifs sans, si possible, parvenir jusqu'au seuil thermonucléaire. Il est donc nécessaire
pour cela de disposer d’un outil militaire complet depuis les unités capables
de mener les « guerres de brousse » jusqu’à la force de frappe thermonucléaire intercontinentale. Dans ST, avec une polyvalence qui permet de
balayer l’ensemble du spectre, le bas de l’échelle est assuré par l’Infanterie
mobile et le haut par la Flotte.
Cela n’empêche
par l’action au bas de l’échelle d’être éventuellement d’une grande violence.
Le souci d’éviter les pertes civiles n’apparaît vraiment que dans le raid
initial contre les Squelettes mais les armes utilisées (mini-bombes atomiques,
lance-flammes, etc.) n'y brillent pas par leur précision. Juan Rico admet par
ailleurs qu’il n’hésiterait pas à tuer des civils s’il en recevait l’ordre, ce qui pour lui est presque totalement impossible. On notera que la notion de civils n’intervient en fait qu’avec ces Squelettes, qui sont humanoïdes et donc proches
des Terriens. Il n’en est aucunement question lorsqu’il s’agit de tuer des
ouvrières arachnides, pourtant par principe non combattantes, y compris avec
l’emploi d’armes chimiques. L’éloignement culturel, réel ou fabriqué, facilite
toujours l’emploi de la violence. Il est vrai qu’ouvrières et soldats
« punaises » ne sont pas dotés véritablement de conscience.
Néanmoins,
s’il n’est pas question de détruire l'ennemi, la question stratégique fondamentale
reste de déterminer comment lui imposer sa volonté alors qu'on ne le comprend pas. La
Fédération terrienne obtient la victoire contre les Squelettes en utilisant des
modes opérationnels classiques. Face aux Arachnides, c’est plus difficile. Pour
l’emporter, il faut d’abord comprendre quitte à combattre et mourir pour cela.
(à
suivre)
[1] Voir Maya Kandel, Les Etats-Unis et le monde, Perrin, 2018.
[2] Robert A. Heinlein, Etoiles, garde-à-vous ! Jai Lu, 1974, p. 83.
Au delà des rodomontades, la militarisation de l'espace est une régression pour l'humanité.
RépondreSupprimerAprès, l'armée américaine est dépendante de ses satellites. On verra bien...
https://www.franceculture.fr/emissions/la-question-du-jour/trump-veut-son-armee-de-lespace-risible-ou-credible
A titre personnel, sur le thème de la guerre et de l'incompréhension mutuelle, je préfère la bande dessinée "La guerre éternelle" de Marvano et Haldeman.
Etoiles, garde-à-vous !
RépondreSupprimerLe texte original de Robert Anson Heinlein a été publié initialement sous forme de série et dans une version abrégée, sous le titre Starship Soldier, dans la revue The Magazine of Fantasy & Science Fiction en octobre-novembre 1959, puis sous la forme d'un roman en décembre 1959.
Rédigé à la première personne, le roman rapporte l’histoire de Juan Rico, jeune engagé dans l'infanterie mobile, une unité militaire équipée de scaphandres de combat auto-propulsés et d'armes à charge nucléaire. Elle constitue en quelque sorte les mémoires de guerre de Rico qui progresse dans la carrière militaire du rang de simple soldat à celui d'officier, dans le cadre d'une guerre interstellaire opposant l'humanité à une espèce insectoïde connue sous le nom d'Arachnides, que le héros surnomme « les Cafards » ou « les Punaises ».
Par l'intermédaire de Rico, Heinlein expose la vision d'une société forte et résistante, notamment grâce à l'exaltation de la vertu civique, à l'application de châtiments corporels et de la peine capitale dans certains cas. Starship troopers est aussi un plaidoyer sur la nécessité d'une force militaire forte et une critique de circonstance du communisme.
Malgré l'obtention du prix Hugo du meilleur roman de science-fiction en 1960, Heinlein a été fortement critiqué. Si l'expression narrative a été accueillie plutôt positivement, le fond reflétant le parti pris militariste de l'auteur a en revanche suscité la controverse. Certaines critiques y ont décelé un soutien à l’impérialisme, quand ce n'est pas au fascisme.
La version française de Starship troopers, Étoiles, garde-à-vous !, traduction du Lyonnais Michel Demuth (1939-2006), auteur de la série Les galaxiales, une fresque géopolitique intersidérale éditée entre 1976 et 1979, est parue aux éditions J'ai lu en 1974, au moment où la guerre du Viêt Nam prend fin avec le désengagement américain. Bonne lecture.
Je ne parlerai pas du livre que j’ai lu tout jeune adolescent et dont seules quelques bribes persistent dans ma mémoire (notamment le cri d’alarme ‘Bacon frit !’, qui annonce le contact avec les arachnides en raison du bruit qu’ils produisent dans les senseurs). Par contre je me souviens très bien du film de Verhoeven ‘Starship Troopers’, qui comme tout film de science-fiction parle du présent.
RépondreSupprimerLe but évident (et réussi) du cinéaste était de provoquer un malaise chez le spectateur en montrant une société militarisée et totalitaire, où seuls ceux qui s’engagent dans les forces armées peuvent prétendre au titre de ‘citoyens’. Malaise franchement aggravé par l’image de jeunes acteurs et actrices à la plastique parfaite, mais finalement aussi étranges et incompréhensibles que les arachnides du fait de leur comportement robotisé.
Ensuite comme toute œuvre, le film permet plusieurs niveaux de lecture. Celui, basique (forcément avec Verhoeven) du space-opéra, mais également à peine dissimulée sous la surface des choses, une évidente lecture politique, celle qu’offre le déroulé de la guerre.
Alors que les humains disposent de technologies permettant à d’immenses vaisseaux de taille kilométrique de traverser des distances interstellaires, ils n’ont pas les moyens de dévier ou de détruire un astéroïde lancé par les arachnides contre la Terre et se déplaçant à quelques malheureux dizaines de kilomètres par seconde.
Autre incongruité, la notion de manœuvre est semble-t-il totalement inconnue des troupes terriennes (on débarque et on fonce droit devant). Tout comme le renseignement qui brille par son absence alors qu’avec de tels moyens technologiques, on imagine aisément qu’il serait facile de connaitre les moindres déplacements de l’ennemi.
Et puis bien sûr, incompréhension suprême, le fait d’envoyer au combat des fantassins ne disposant que de leur arme individuelle, alors que le cinéaste a pris soin de montrer avec quelle facilité des sortes de chasseurs-bombardiers sont capables d’éradiquer en une poignée de secondes des masses d’extraterrestres.
La question qui s’impose au spectateur est donc de savoir pourquoi disposant de tels moyens, on continu à envoyer des troupes sur le terrain alors qu’il serait si facile d’annihiler les planètes colonisées par les arachnides ? La réponse est bien sûr évidente : parce que les sociétés totalitaires ne peuvent pas vivre sans ennemis.
Il est également permis de tirer le fil et de poser la question suivante : de là à en fabriquer ?
Finalement, c’est peut-être là, dans cette peinture au vitriol du militarisme américain, que se situe la principale raison de la brève carrière hollywoodienne de Verhoeven…
Je pense que le film aurait eu des chances de plaire à Eisenhower.
Bonjour
RépondreSupprimerTrès bonne étude de ce livre.
Je vous conseille les autres œuvres de Heinlein, dont principalement "En terre étrangère", sur un thème bien différent. On y retrouve la construction d'un personnage, mais complétement autre.
Cela change complétement la vue sur l'auteur. Heinlein est souvent décrit comme un militariste quasi fasciste par nombre de gens qui n'ont lu que "Étoiles gardes à vous", mais en réalité il explore des thèmes bien différents dans chacune de ces œuvres. Elles sont surtout destinés à faire réfléchir.
Combien de fois en relisant Startship Trooper je me suis retrouvé à poser le livre et à me poser des questions sur mon comportement, mes vues politiques...
Merci pour ce billet et bonnes lecture