vendredi 6 février 2015

Europe – Ukraine – Russie : l’Europe doit choisir son chemin-Par Roland Pietrini

La récente initiative franco-allemande sur la crise ukrainienne, avec la visite de Merkel et de Hollande à Kiev suivie, et c’est un fait nouveau, d’une rencontre avec Poutine à Moscou, marque un tournant dans l’appréciation de la crise ukrainienne. Nous comprenons enfin, qu’il est exclu de résoudre la crise ukrainienne uniquement par le biais de sanctions envers la Russie. En affaiblissant l’économie russe, tout en surajoutant une crise supplémentaire à celle de l’Europe,  qui n’en a pas besoin, nous détournerions la Russie vers l’Asie ce qui aurait pour conséquence de nous affaiblir inévitablement à moyen terme.
De manière générale, la diplomatie passe nécessairement par un dialogue avec toutes les parties et ce dialogue ne saurait se faire dans le cas de la crise ukrainienne, (comme au Moyen-Orient)  sans  la Russie. Signe nouveau enfin, l’Europe par le biais du couple franco-allemand semble timidement  se désolidariser de la position américaine. Il est réaffirmé d’ailleurs,  en filigrane des propos du président Hollande lors de sa dernière  conférence de presse du 4 février 2015,  que l’Ukraine n’a pas vocation à entrer dans l’OTAN, que celle-ci ne saurait faire partie en l’état de l’Europe, et que donner des armes à L’Ukraine serait une erreur stratégique.
J’ai  donc choisi mon camp, j’imagine déjà les réactions outrées de quelques lecteurs, ils ne manqueront pas d’arguments pour m’accuser d’être passé à l’ennemi, sauf qu’ils devraient réfléchir à deux fois avant de désigner auprès de quel ennemi j’ai rejoint les rangs.
Dans cette « guerre » entre la Russie et l’Ukraine, puisque  j’ai choisi mon camp, il faut que je me justifie.
Je ne fais pas partie de cette étrange coalition qui fait de Vladimir Poutine un nouveau héros. On y trouve à la fois des amis dans la droite extrême et d’autres venant de l’extrême gauche.
Cela n’est pas suffisant, pour autant, pour fermer mon esprit, cela, bien au contraire, me contraint à réfléchir en toute modestie.
Je  reconnais à Monsieur Poutine une qualité, celle d’avoir redonné à son pays ce qui nous manque tant chez nous, l’indépendance et l’honneur d’appartenir à une nation indépendante et forte et cela est loin d’être parfait.  La Russie (Fédération de Russie) a changé, est-elle plus ou moins rassurante que l’ex URSS ? La question se pose.  Elle se pose pour nous, pas pour le peuple russe. Certes, elle n’a pas conservé de l’URSS le meilleur, la corruption est présente, mais, objectivement, elle n’est pas la création de Poutine,  les droits de l’homme sont bafoués, ne l’étaient-ils pas  déjà auparavant ? Rien de nouveau ! Mais où  en serions-nous, nous, les donneurs de leçons si nous étions issus d’une histoire comparable ? Nous, qui sommes incapables de régler nos problèmes, celui de nos fractures, celle de nos contradictions et de notre incapacité au consensus malgré quelques sursauts. Celle de notre impossibilité aussi à renouveler notre classe politique et celle de notre incapacité à réduire cette  oligarchie prégnante conséquence de nos incorrigibles faiblesses toutes parfaitement identifiées mais jamais corrigées tant l’hypocrisie est de règle.
Oui, Poutine peut fasciner une partie de l’opinion française et européenne car Poutine est un chef, cela dérange, cela fait mal et  cela nous  renvoie à nos contradictions et à nos lâchetés.
Il a eu raison contre tous et avec nous contre la guerre en Irak, sans nous en ne condamnant pas la Syrie au nom de la lutte contre le terrorisme islamiste, sans nous, en s’abstenant au conseil de sécurité lors du vote pour l’intervention en Libye. Depuis le conflit du Kosovo, en 1999, la Russie s’est opposée systématiquement à l’interventionnisme. Dans le cas de la Libye, la Russie avait conscience que cela pouvait déboucher sur un conflit de plus grande ampleur dont les conséquences sont lourdes. Nous en constatons aujourd’hui les dégâts. Nous avons nié par le mépris l’expérience de la Russie acquise en Afghanistan, où nous n’avons pas fait mieux, et critiqué son action en Tchétchénie, compte tenu de la violence de la répression.  Aurions-nous fait mieux dans les mêmes conditions ?
Après le 11 septembre, la Russie a tenté de  se rapprocher de l’Europe et  a reposé en de nouveaux termes la question de ses frontières orientales. Celles des Pays Baltes, de  la Biélorussie, de  l’Ukraine et  de la Moldavie. Le basculement de l’Ukraine de Kiev dans un semblant de démocratie  suite à un coup d’état, a précipité les choses. La corruption est pire qu’auparavant, l’économie est un désastre, des milices d’influence nazi et ce n’est pas de la désinformation s’y déploient  et c’est parce que nous avons fermé la porte  au dialogue et au juste équilibre en emboîtant le pas des Etats-Unis que nous sommes aujourd’hui en partie responsables de la situation en Ukraine. Oui, la Crimée est indexée à l’encontre de toute loi internationale, le Donbass risque de l’être tout autant. On ne peut nier la volonté d’une partie de la population russophone du Donbass à se rapprocher de la Russie, après qu’elle ait mesuré le faux espoir donné par le pouvoir central de Kiev. Et d’ailleurs les bombes et les obus d’artillerie n’ont pas de couleurs différentes lorsqu’ils tuent les populations. Peu importe leur provenance. Ni l’armée ukrainienne ni les milices pro-russes ne font la guerre en dentelle.
Au-delà et pire encore, le problème de la Serbie n’est pas encore réglé et personne n'en parle : En 2013, Poutine déclarait en parlant de la Serbie : « Nos relations ont un caractère non seulement amical et stratégique, mais aussi complètement particulier, qui s’est formé au cours des siècles grâce à nos peuples », la même année un sondage réalisé en Serbie montrait que les Serbes étaient plus favorables à une union avec la Russie qu'avec l'Union européenne.  Il faut se souvenir qu’après la chute de Milošević, la Serbie du président Zoran Đinđic s'est tournée vers les États-Unis et l'Union européenne. En 2003, Jovica Stanišić, chef de la Sûreté d’État de Serbie (DB), avait fourni aux forces américaines les plans du réseau de bunkers de Bagdad, construit et mis en place au cours des années 1970 par la Yougoslavie de Tito. Cela a été le point de départ d'une ère nouvelle des relations américano-serbes et cause d’une humiliation supplémentaire pour les Russes.
Les Etats-Unis qui  souhaitent étendre leur influence en Europe de l’Est par le biais de l’Otan, contraignent ses membres à les suivre dans leur course à l’hégémonie mondiale. Nous en récoltons aujourd’hui les fruits en Europe. Cette politique hasardeuse à laquelle nous avons adhérée en bradant notre indépendance (en Roumanie l’aéroport de Constantza est désormais une zone militaire américaine), non remise en cause par les socialistes, nous la devons  en France au président Sarkozy, qui se voyait grand à l’égal d’un Obama et qui ne fut que valet.  Cette politique est-elle sur le point de changer ?
La reconstruction de l’armée russe est désormais en cours et cette reconstruction patiente après la  quasi disparition de l’armée rouge ne saurait s’arrêter.
La Fédération de Russie reconstruit  depuis 5 ans  une armée blindée et mécanisée dont l’allègement est tout relatif. Elle  reste à mon sens  quasiment calquée sur le modèle précédent de l’URSS, en faisant un effort sur la marine et la défense aérienne, elle s’appuie sur un stock d’armement considérable dont une partie provient des stocks de l’armée rouge. 
Sans entrer dans le détail complexe de la réorganisation,  « la réforme Serdioukov » est fortement remise en question aujourd’hui mais un certain flou demeure et le concept de « dissuasion classique » qui consiste à privilégier la masse est une constante pérenne de l’art militaire russe.
Cette capacité, au nom d’une conception dissuasive basée sur le nucléaire, nous  ne la possédons pas, nous l’Europe et peut-être les Etats-Unis  ne peuvent même plus en donner l’illusion.
Pourtant, qui songerait aujourd’hui  à envoyer des bombardiers nucléaires stratégiques, dont seule la France a conservé cette capacité en Europe, pour l’Ukraine et le ferions-nous le cas échéant pour la Pologne ? Cette capacité de résistance classique nous l’avons bradée, les budgets de la défense continuent à baisser en Europe, Pologne exclue, alors que partout ailleurs ils explosent, nous faisons la même erreur que dans les années 30,  nous ne pouvons même plus donner le  début du commencement d’une illusion. Nous sommes désormais des chiens nus. Et d’ailleurs il est symptomatique de constater, que plus les budgets de la défense diminuent sous prétexte d’économies plus la crise économique sévie et plus le chômage est exponentiel. Il faudra que les économistes nous l’expliquent. 
Pour mémoire et pour l’anecdote,  la France ne pourrait déployer au mieux  qu’un bataillon de 40 chars Leclerc dans l’hypothèse où nous devrions renforcer notre présence en Pologne.  
Le retour à un affrontement est-ouest est, avec la déstabilisation du monde musulman, un danger majeur. J’ai choisi mon camp, celui de la France et celui d’une Europe enfin responsable.  Celui d’un retour à une politique d’indépendance confiante, orientée vers  des valeurs simples: rigueur, autorité, confiance, souci d’équité et de responsabilité,  en rompant  résolument avec des structures administratives  et contre productives qui éloignent les peuples européens de la grande idée européenne lancée au tout début par de Gaulle et Adenauer – une manière de prendre son indépendance vis-à-vis des Etats-Unis dont  les intérêts en Europe et dans le monde ne sont pas  tout à fait les nôtres.
Le chien a beau avoir quatre pattes il ne peut emprunter deux chemins à la fois  (proverbe africain). L’Europe doit choisir son chemin.
(Article inspiré du précédent article Russie – Europe, complété et réactualisé)

Roland Pietrini
Athena-Defense
http://www.athena-vostok.com/

23 commentaires:

  1. Ce papier a le mérite de poser de bonnes questions. Les effets délétères de l’obligation que nous avons de passer par les marchés financiers pour nous financer, sont maintenant évidents : explosion des inégalités, chômage de masse, recul économique (le casino boursier étant beaucoup plus attractif que l’économie réelle) et évaporation progressif de notre outil militaire (à propos, une petite erreur dans l’article. Si la France conserve - mais pour combien de temps encore ? - une composante air de la dissuasion nucléaire, les rafales et les mirages 2000N ne rentrent pas dans la catégorie des bombardiers stratégiques).
    Il est également évident que l’UE ne porte en elle aucun projet de puissance, qu’elle n’est finalement qu’un vaste marché dysfonctionnel, ou chaque pays conserve ses priorités économiques et stratégiques. La cacophonie en résultant, étant encore aggravée par des traités, où des indicateurs économiques aberrants sont gravés dans le marbre.
    Et c’est dans ce ‘machin’ que notre puissance est en train de se dissoudre.
    Pour terminer ce (très large) survol, je souhaiterais ajouter une question et une remarque aux interrogations de l’auteur :
    - Quel est le degré de liberté politique d’un pays, qui ne possède plus sa liberté budgétaire ?
    - Concernant la pauvre Ukraine, nous, peuples de l’ouest, ne représentons plus la liberté. Les ukrainiens doivent maintenant choisir entre un destin à la grec, ou la domination mafieuse des oligarques russes. Entre les crocs des loups de la troïka, ou la patte de l’ours russe. Évacuer de toute considération morale et civilisationnelle, la question se pose plus simplement…

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  2. Bien sûr ce ne sont pas des bombardiers stratégiques comparés aux Bear et autres B52.. Mais à l'échelle de l'Europe la différence n'est que sémantique. La question reste cependant celle du futur accord de paix. Tiendra-t-il?

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    1. Même si le débat est annexe en regard de l’article, il me semble qu’il y a là, plus qu’une argutie sémantique, mais bien un changement de paradigme lié aux avancées technologiques. Celui d’un véritable ‘mélange des genres’ où le bon gros Buff, grâce à la généralisation des armements air-sol de précision, est maintenant capable de faire du close air support à la demande d’un peloton d’infanterie, et où le chasseur bombardier est capable de frappes stratégiques. Parmi les avantages à disposer d’un véritable bombardier stratégique, citons en deux rapidement : la possibilité de se passer d’avions ravitailleurs, cibles de choix pour l’adversaire et contrainte opérationnelle majeure en terme de profil de mission (même pour des opérations continentales, à moins de devoir imaginer des missions one-way comme pour feu le mirage IV), et surtout, la possibilité de faire du show of forces, comme le font les américains ou les russes.
      Sur les questions de fond posées par votre article, je reste pessimiste. Concernant notre défense et par extension directe, le poids de notre pays et de sa diplomatie sur la scène internationale ; prise dans les carcans budgétaires des traités européens, elle ne peut que continuer à régresser.
      Même pessimisme concernant les relations avec la Russie. Il faut d’abord noter une gigantesque contradiction à l’attitude américaine, qui au moment même où elle reconnait l’inefficacité des sanctions prisent depuis plus de 50 ans envers Cuba, veut recommencer la même erreur contre la Russie. Outre le vertigineux changement d’échelle entre les moyens de la petite île des caraïbes et un pays-continent s’étendant sur 11 fuseaux horaires, les sanctions ont toujours le même effet : renforcer l’unité nationale autour du pouvoir et affaiblir les voix dissonantes.
      Je pense que les russes (et pas simplement le pouvoir), sont prêts à se battre, à se défendre dans leur vision des choses, pour une Ukraine qui fait partie intégrante de leur histoire et de leur imaginaire nationale.
      C’est un jeu que nous n’avons pas les moyens de suivre, ni militairement, ni économiquement, ni me semble-t-il, moralement.

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  3. Ah camarade la nostalgie de la Guerre froide...des manœuvres dans les garnisons de Mourmelon le petit et de Suippes; sans oublier les plans prévoyant que les divisions de "sov" allaient franchir la trouée de Fulda (immanquablement)...
    '' Pire que le bruit des '' Rangers'', le silence des pantoufles''

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    1. Sauf qu'en lieu et place de Mourmelon ou de Suippes j'ai "fait" Potsdam et Varsovie, entre autres. Cela ne donne certes aucune légitimité, pas plus à ceux qui ont fait la guerre sur caisse à sable.. Ou sur Janus.. Mais vous avez raison le silence des pantoufles rejoint celle des tenues jaspées d'une certaine époque et les certitudes des contempteurs. rassurez-vous, aucune nostalgie de guerre froide, on a fait en sorte qu'elle le reste.. Mais votre remarque me fait penser au propos prêtés au maréchal Le Bœuf. « Nous sommes prêts et archiprêts. La guerre dût-elle durer deux ans, il ne manquerait pas un bouton de guêtre à nos soldats" C'était sauf erreur en 1870. Nous sommes prêts et archiprëts. certes, les divisions sov. n'ont pas franchi les trouée de Fulda. Savez-vous quelle en est la raison?

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  4. Merci pour vos analyses. Même si on ne peut pas être d'accord sur tout, elles sont toujours stimulantes.

    PS La "Crimée est annexée" (et pas indexée)

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  5. Oups! Merci.. Cela mérite une mise à l'index.

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  6. Merci pour ce billet remis au goût du jour, et qui ne fait que confirmer la véracité de la première mouture, à l'aune des évènements qui se sont produits depuis...
    Il semble bien que si Hollande et Merkel ont enfin pris leurs responsabilités sur ce dossier, en s'affranchissant (un peu...) de la tutelle américaine, c'est parce qu'ils ne pouvaient plus faire autrement... Les atlantistes patentés en sont tout secoués! Ils ne comprenaient sans doute pas à quel point nous étions près d'une guerre chaude, et non plus froide comme ils le clamaient en cœur à longueur de tribunes et d'interventions télévisées. Ce matin, notre chefaillon des Armées l'a déclaré: en dehors de la négociation diplomatique (que refuse Obama depuis un an à grand renforts de coup de mentons martiaux (on dirait Mussolini...), la seule issue serait la guerre...
    Hors, et comment s'en étonner, les budgets des membres de l'Otan, à commencer par ceux de la France, G-B et Allemagne, ne permettent pas d'être prêts pour une intervention en Europe, même avec l'appuie US. La politique américaine, consistant à jeter systématiquement de l'huile sur le feu, après avoir fomenté un coup d'état à Kiev l'année dernière, comme l'a avoué lui-même Obamaniaque il y a quelques jours, nous emmène droit dans le mur sous prétexte d'apporter la "Liberté" et la "Démocratie" en Ukraine. Pourquoi pas les Droits de l'Homme?
    Mais les Etats-Unis sont ils prêt à lancer un gigantesque pont aérien et naval vers l'Europe, si les Russes décidaient brutalement de s'emparer de la totalité de l'Ukraine, voire seulement des Oblasts du sud-est ukrainiens (russophones), voire seulement de la Nouvelle-Russie? Même dans le premier cas, ces plans qui datent de la guerre froide, présupposaient une implantation musclée de troupes et de dépôts américains en Europe de l'Ouest (plusieurs armées, avec leur logistique propre, leurs dépôts de munitions et de carburants, d'innombrables bases aériennes entièrement organisées et approvisionnées, etc., ...). Hors ce n'est plus le cas. L'exemple du déploiement, de six mois, nécessaire avant le lancement de Tempête du Désert, nous montre la quasi impossibilité d'une telle option... Malgré l'attitude va-t'en guerre de Washington, je doute que le Pentagone ne pousse une option pareille. Voilà pour la situation de l'Otan...
    Si l'on y rajoute la situation actuelle de l'U-E, et de l'€, Est ce que l'entretien diplomatique proposé à Poutine sera du type Munichois, ou de Canossa? Seul, l'avenir le dira!
    Merci aussi au colonel Goya, de vous publier!

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  7. Votre article résume l’hypocrisie et l’inefficacité de notre position. Vous présentez bien les risques qu’une escalade avec la Russie représenterait pour nous et surtout vous dénoncez avec justesse la position « morale » adoptée par nos gouvernements et en réalité ignorante des réalités russes et ukrainienne. Mais à ce stade l’autre priorité est de définir quelles sont nos intérêts. L’Ukraine entant que telle n’a pas une grande importance, à part symbolique, pour nous. Ce pays avec laquelle nous n’avons que peu de relations n’est ni membre de l’OTAN ni de l’UE par conséquent nous n’avons aucune obligation envers lui et ne revenons en rien sur nos engagements en ne le soutenant pas. Par contre la constitution de l’Union Eurasiatique était un danger géopolitique étant donné qu’elle aurait abouti à un renforcement de la Russie qui serait devenue un rival plus que sérieux (la question ici n’est pas de savoir elle aurait été une menace mais tout simplement de prévenir la possibilité même qu’elle le devienne un jour). Ce n’est désormais plus le cas, la violence du conflit entre l’Ukraine et son grand voisin slave ayant créé une inimité assez forte pour prévenir une union.

    Une fois ce premier problème réglé notre priorité doit être la paix même si elle se fait aux conditions russes. Cette paix est nécessaire parce que quoi qu’en dise les belliqueux de tous bords le conflit est encore loin d’avoir atteint le stade d’une invasion en bonne et due forme. Un durcissement de notre position, par exemple par la livraison d’armes létales à l’Ukraine, ou tout simplement un soutien à la ligne dure de Porochenko pourrait conduire à une invasion assumée du sud-est Ukrainien par l’armée russe. Les américains auraient peut-être intérêt à une telle situation, qui leur permettrait d’isoler la Russie et de s’assurer la bonne coopération des pays d’Europe de l’Est, mais certainement pas nous.

    A l’inverse des Etats-Unis la coopération avec ce grand voisin est en effet une nécessité que ce soit pour la France ou pour l’Europe. Pour commencer les ressources naturelles immenses de la Russie nous seront peut-être un jour précieuses étant donné non seulement l’augmentation de la demande mais aussi la situation géopolitique de nombre de régions productrices, qu’on songe à l’instabilité potentielle de la péninsule arabique aujourd’hui. D’autre part nous sommes géographiquement et humainement, par la présence de nombreux musulmans dans nos pays, proche du Moyen-Orient ou la Russie continuera certainement de jouer un rôle. A ce titre on imagine mal comment régler efficacement la situation en Syrie sans négocier aux préalables avec les russes. Leur opposition à l’interventionnisme et au nation building en font de plus des garants de la stabilité même si cela ne veut bien évidement pas dire qu’il renonce à utiliser la force lorsqu’ils croient leur intérêts menacés.

    Pour terminer nous avons intérêt à revenir à de meilleurs relations avec Poutine pour le simple et bonne raison que, comme vous le soulignez, nous n’avons pas les moyens de le faire plier. Militairement nous ne désirons pas nous engager et à vraie dire nous n’en aurions tout simplement pas les moyens. Des livraisons d’armes à l’armée Ukrainienne l’aiderait peut-être contre les séparatistes mais risquerait d’amener la Russie à intervenir directement. Enfin les sanctions économiques ne provoquent pour le moment pas de changement de politique de la part du Kremlin. Elles semblent au contraire souder la majorité des russes autour de leur président et donc in fine renforcer sa position au moins à court terme. Et si nous décidions de sanctions plus sévères que l’on se rappelle d’abord que les républiques baltes et la Slovaquie dépendent à 100% du gaz russe pour leurs importations. Même si une riposte énergétique serait lourdes de conséquences pour la Russie étant donné l’importance de ce secteur pour son budget, il n’en reste pas moins qu’il lui serait plus facile de se trouver de nouveaux clients que nous de nouveaux producteurs.

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  8. Le Kosovo a été détaché de la Serbie par la volonté des USA
    La Crimée a été détachée de l'Ukraine par la volonté des Russes
    Qui a commencé le premier ? pourquoi si on accepte pour l'un on accepterait pas pour l'autre ?

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    1. Votre remarque est absurde. Il n'y a rien de comparable entre le détachement du Kosovo, même à tort, et l'annexion de la Crimée qui a été réalisée a des fins géostratégique par la Russie et certainement pas pour des raisons humanitaires. Les USA n'ont que faire du Kosovo ou de la Serbie, ni sur un plan économique, ni sur un plan géostratégique.

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    2. Très drôle de vous lire Vous avez totalement oublié les évènements qui se sont déroulés sous vos yeux depuis le 21 novembre 2013. Alors quelques décennies c'est trop pour vos petits cerveaux.
      Alors vous réinventez l'histoire.
      Maintenant je comprend mieux pourquoi depuis Giscard, les Français votent toujours pour les pires fripouilles.

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    3. Est-ce plus drôle de constater que, sous vos yeux, les français votent pour des partis extrémistes payés par nos "amis" Russes ?

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  9. Une partie de la réponse a votre question est contenue dans le discours de Poutine prononcé au club Valdaï le 24 octobre 2014 à Sotchi. Vous pouvez en lire une synthèse en suivant le lien ci-dessous. Je considère ce discours comme étant celui du fondement de la doctrine Poutine. A lire et à relire en pesant ses mots, notre avenir y est en partie inscrit. Curieusement ce discours n'a reçu quasiment aucun écho parmi les faiseurs d'opinion et les politiques. La réponse à cette question démontre notre gêne, où se situe la vérité? Le manichéisme de la pensée faisant de l'un un méchant et de l'autre un vertueux est-il de circonstance? Nous sommes un peu dans la situation du jeune garçon qui un jour s'aperçoit que son papa n'est pas le "plus fort du monde" au début il ne peut pas croire à cette vérité, puis il comprend et évolue, cela s'appelle grandir.. Nous sommes un peu comme cela vis à vis de notre allié historique. Nous avons une attitude infantile.. Il serait temps de comprendre où se situe notre chemin.
    http://www.athena-vostok.com/poutine-un-discours-important-la-guerre-froide-na-pas-pris-fin-avec-la-signature-dun-traite-de-paix

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  10. Je reconnais comme vous que la situation n'est guère simple pour l'Ukraine en premier et pour nous aussi. Y-a-t-il de bonnes solutions actuellement ? Par contre je reste très dubitatif sur le rôle de Poutine dans tout cela. J'ai bien l'impression que lui aussi ne fait que suivre et accompagner les événements. Je ne suis pas sûr du tout qu'il a vu le coup venir : c'est sans doute un bon tacticien, mais j'ai des interrogations sur ces qualités de stratège. Récemment quelqu'un disait qu'il faisait penser à une personne qui a grimpé dans un arbre, mais qui ne sait plus en descendre sans risquer de se casser la figure. Les Russes sont certes sensibles à un nationalisme retrouvé actuellement, mais attention : plus nationaliste que moi, tu meurs. En jouant sur ce registre, on ne sait jamais bien où l'on va et on peut facilement jouer à l'apprenti sorcier. Cela éclaire des propos tenus par des Russes à Saint-Pétersbourg, il y a quelques mois. Ils m'avaient assez intrigué : ces gens approuvaient Poutine et sa politique, mais on sentait quelque part un certain mépris à l'égard d'un ancien guébiste (simple colonel du KGB). Au fond, il est utile pour l'instant, mais jusqu'à quand ? Le contrôle exercé par le pouvoir en Russie actuellement, n'est tout celui de l'ex URSS dans sa grande période. Quelle maîtrise a-t-il vraiment sur les événements actuels ? En tout cas cela ne contribue pas à simplifier la situation.

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    1. Poutine, bon tacticien mais quid de sa stratégie ? Effectivement. Si l’annexion de la Crimée répond à une vision stratégique cohérente des intérêts de la puissance russe, ce qui se passe actuellement dans le Donbass ressemble plus à une vision purement tactique, visant à engranger des gains territoriaux que l’on pourra ensuite monnayer dans une discussion globale. Pas très rassurant, car ce type de situation ne demande qu’à dégénérer au vue de la multiplicité des acteurs locaux, de leurs intérêts divergents (voir tout simplement de leur extrémisme), et du contrôle plus ou moins fort que peuvent exercer sur eux Moscou ou Kiev. Si l’on rajoute au tableau la présence de SMP de l’ouest, la volonté de certains congressmen US de livrer des armes létales à Kiev, les intérêts divergents des européens et si en plus, en fond de tableau, on prend en compte la fragilisation extrême de la zone euro et de ses institutions au travers de la crise grecque…

      Finalement, il semblerait qu’il n’y a pas que Poutine au sommet de l’arbre, il y a foule !

      Même si comparaison n’est pas raison, il y a quand même quelques très inquiétantes similitudes avec la crise de juillet 1914 : une situation extrêmement complexe et dangereuse, et où personne ne voulait la guerre…

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    2. "juillet 1914 : une situation extrêmement complexe et dangereuse, et où personne ne voulait la guerre…"
      D'accord sur la similitude de 1914, mis à part qu'aujourd'hui, les USA veulent la guerre, les déclarations d'Obama et du Congrès ne cessent de le prouver...
      D'autre part, la situation dans le Donbass est effectivement tactique, comme toute situation de terrain.
      Pour autant, la volonté clairement affirmée de Poutine depuis l'année dernière, d'établir une fédéralisation de l'Ukraine, laquelle amènerait à une "large autonomie" des régions russophones (y compris celles de Kharkov et Odessa), comme pour la Crimée d'avant 2014, assurant de fait une finlandisation de l'Ukraine ainsi que les intérêts industriels et économiques de la Russie (ce vers quoi on s'achemine doucement) est clairement d'ordre stratégique... Ce qui a surpris les Américains eux-mêmes...

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    3. C’est une question ouverte, n’y voyez aucune provocation : quel serait l’intérêt des USA à provoquer une confrontation directe entre OTAN et Russie ?
      Je vois bien l’intérêt en termes de ‘tactiques politiciennes’ sur sa scène intérieure, qu’il y a pour Obama à tenir des discours bellicistes (je pense notamment aux prochaines élections de 2016), mais de là à vouloir réellement une guerre ouverte avec une puissance nucléaire…

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    4. "Je vois bien l’intérêt en termes de ‘tactiques politiciennes’ sur sa scène intérieure, qu’il y a pour Obama à tenir des discours bellicistes (je pense notamment aux prochaines élections de 2016)"
      il lui est interdit de se présenter aux prochaines élection de par la constitution des états unis (pas plus de 2 élections pour une personne)

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    5. Je faisais référence à son Parti. Obama ne pouvant plus se représenter, se doit de préparer le terrain pour le(la) futur(e) candidat(e) démocrate, et ne pas laisser aux républicains le monopole du discours de fermeté.

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  11. Poutine est très populaire chez tous les "anciens combattants" de la guerre froide. On se demande bien pourquoi au vu de ce qui se passe actuellement et notamment des récentes intrusions en France....sont-ils tous atteints par le syndrome de Stockholmovitch ? Car ils sont là larmoyant et nous sanglotent que la russophobie de l'Occident serait la cause de l'annexion de l'Ukraine, au même titre que d'autres, plus à gauche, nous expliquent que l'islamophobie serait la cause du djihadisme.

    En ce qui me concerne, mon opinion est très proche de celle de Philip Hammond, le ministre britannique des Affaires étrangères, qui a déclaré Dimanche : "Vladimir Poutine agit comme un tyran du milieu du XXe siècle et devrait adapter son comportement en fonction du déclin de l'économie russe".

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  12. Ce que tous les journalistes et politiciens de la génération 68 oublient, c'est que ni Merkel, ni Hollande ne décident de la paix ou de la guerre.

    Celui qui a le pouvoir de décision en ce domaine c'est fondamentalement et uniquement celui qui la met en oeuvre, en l'occurence Poutine.

    Quand au mantra "il n'y a pas de solution militaire" annoné par toutes les belles-âmes et les bien pensants, c'est un summum de naïveté autocentrée et de nombrilisme.

    Poutine a trouvé une solution militaire en Tchétchénie, en Transnistrie, en Géorgie, en Abkhazie, en Crimée, pour l'Est de l'Ukraine...et plus si cela marche encore.

    Quand on sait ce qu'il se prépare dans les officines de l'état profond russe, il y a de quoi être inquiét.

    Donc pour Merkel et Hollande il n'y aura pas de "solution" militaire....mais seulement jusqu'a ce qu'il y ait une "nécessité" militaire.

    Sur qu'elle frontière, à partir de quel degré de provocation ou de pertes civiles la "pas de solution" va basculer sur "la nécessité", cela reste encore une inconnue d'autant que Poutine sécurise ses gains territoriaux avec de l'armement nucléaire.

    Quant au rôle des USA, il est conforme à leurs intérêts stratégiques.

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  13. Le "il n'y a pas de solution militaire", ne relève pas seulement de la naïveté et du nombrilisme, mais aussi de l'hypocrisie propre à beaucoup de nos gouvernants qui ne sont pas si dupes en fait. Merkel elle même a affiché ses craintes pour l'Europe : après l'Ukraine, la déstabilisation de l' Europe centrale, des Balkans et de la frange méditerranéenne. Un bon moyen pour cela : jouer de la religion orthodoxe et d'une prétendue solidarité religieuse qui n'a jamais vraiment existé. On a déjà quelques prémisses avec Chypre et la Grêce de Tpsiras, ce "bébé Papandréou" selon Cohn Bendit peut amener bien des surprises. Nos dirigeants feraient bien de faire un peu plus confiance dans le bon sens de leur peuple : nous sommes en démocratie que diable! Les soutiens de la Russie poutinienne sont tout de même limités en Europe. Prenons le cas de la France : très honnêtement en dehors de l'affichage (la réalité est sûrement autre) du FN et quelques membres de l'UMP (parti en pleine dérive actuellement) où les trouve-t-on ? Dans ce qui reste de la gauche socialiste, à la "gauche de la gauche" avec le bouffon Mélenchon, à l'extrême gauche? Ne parlons pas des écolos. Si la Russie se met vraiment à faire peur, les populations vont réagir et je crains qu'au lieu de renforcer une nécessaire union européenne avec une défense digne de ce nom, on n'obtienne comme résultat final qu'un renforcement de l'OTAN, perçu encore comme seul moyen sérieux de faire face. A Hollande d'expliquer qu'il ne faut pas seulement réduire la déflation des troupes, à Merkel d'expliquer aux Allemands qu'il ne faut plus se contenter de jouer les suppléants. Après des années de vraies et de fausses illusions entretenues par les politiques, il y a une nouvelle prise de conscience de la montée des périls (est Europe, Afrique et Moyen Orient...). A nos politiques de croire en leurs peuples et de leur dire que nos systèmes de valeur méritent d'être défendus. Poutine a les cartes en main dites-vous : oui, mais jusqu'à un certain point : le nombre de cercueils de soldats revenant de ses aventures. S'il n'y a pas grand monde prêt à mourir pour Kiev actuellement en Occident, vous croyez qu'il y a beaucoup de jeunes russes prêts à mourir pour le Donbass ?

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