Amère victoire
La
méthode, parfois brutale, est rapidement efficace. Après les échecs des grèves
générales et scolaires, les méthodes d’investigation des parachutistes et des
policiers se perfectionnent rapidement. Les auteurs des attentats des stades
sont retrouvés en une semaine, grâce à un numéro de teinturerie trouvé dans les
restes d’une des vestes abandonnées pour cacher les bombes. Le teinturier est
retrouvé ainsi que le nom de son client, jeune garçon néophyte, qui avoue tout.
L’interrogatoire de suspects pris avec des exemplaires du Moudjahed, le journal
du FLN, permet au 3e régiment de parachutistes coloniaux (RPC) de tomber sur un
informateur précieux qui leur livre le nom d’un artificier et le lieu où il
fabrique ses bombes. Il leur livre surtout une adresse, rue de la Grenade, où
le 14 février, les paras découvrent 25 bombes et plusieurs dizaines d’armes, ce
qui permet à Bigeard d’organiser une triomphante conférence de presse. Les
interrogatoires multiples ont permis également de remonter jusqu’au maçon qui a
construit les faux murs utilisés par le réseau bombes. Celui-ci leur donne une
adresse dans la Casbah où, le 16 février, les paras trouvent des bombes. Or,
cette résidence est aussi celle du bachaga Abdelkader Boutaleb, une des
personnalités politiques les plus importantes d’Alger, alors à Paris pour
prendre contact avec le garde des sceaux, François Mitterand. Arrêté une
semaine plus tard, le bachaga Boutaleb avoue ses liens avec la rébellion.
Parallèlement,
le 3e RPC interroge un inspecteur véreux de la Défense secrète du territoire (DST)
qui avoue être en liaison avec Me Ali Boumendjel, premier d’une longue liste
d’avocats qui se sert de la protection accordée à sa profession pour aider et
notamment cacher les responsables du FLN. La perte de cet écran de protection
persaude les membres du CCE de quitter Alger et de laisser le commandement sur
place à Yacef Saadi. Avant de partir, Ben M’Hidi se réfugie, rue
Claude-Debussy, dans un quartier européen. Son arrivée est immédiatement
signalée par un des informateurs du DPU. Ben M’Hidi est arrêté par le 3e RPC
dans la soirée du 23 février puis remis à la cellule du commandant Aussaresses
qui l’interroge et l’exécute, camouflant sa pendaison en suicide. L’arrestation
de Ben M’Hidi et des principaux réseaux bombes constituent le coup d’arrêt du
terrorisme à Alger.
Du
20 janvier au 31 mars, la 10eDP a, selon le général Massu, arrêté 1 827
fellaghas dont 253 tueurs et terroristes. Plus de 200 d’entre eux ont été tués
et 812 armes ont été récupérées. Ces pertes représentent de l’ordre de 20 % des
effectifs du FLN, ce qui suffit à désorganiser les 80% restants. Ces chiffres
sont certainement très inférieurs à une réalité qui doit sans doute plus
s’approcher des 3 000 disparus comptabilisés par Paul Teitgen, avant sa
démission. Les pertes de la division parachutiste, pour les trois premiers mois
de 1957, s’élèvent à deux tués et cinq blessés.
Devant
ce succès, la division, à sa grande satisfaction, retourne dans le djébel à
l’exception d’un régiment qui est relevé régulièrement. Mais si la victoire tactique
sur le terrorisme est flagrante, les conséquences stratégiques de la brutalité
des méthodes employées sont désastreuses. L’opinion publique française se
divise. Portés par certains journaux comme Témoignage chrétien ou L’Express,
une campagne se développe protestant contre l’usage de la torture. L’écrivain
Vercors renvoie sa Légion d’honneur. Paul Teitgen démissionne, ainsi que le
général Jacques Parîs de Bollardière, qui publie une lettre ouverte à ses
supérieurs dans L’Express. Henri Alleg, ex-directeur d’Alger républicain,
publie La question où il décrit son arrestation et sa détention dans un centre
de triage. En mai 1957, devant l’ampleur de la polémique, Guy Mollet forme une
« commission de sauvegarde des libertés », présidé par Pierre Béteille, de la
Cour de cassation et qui ne comprend aucun parlementaire. Son rapport, tenu
secret, est finalement publié dans le journal Le Monde le 7 septembre. Il
évoque des cas sporadiques de torture mais réfute l’idée d’un système organisé.
La deuxième bataille
d’Alger
A
Alger même, l’accalmie est de courte durée. Symbole du sentiment d’impunité qui
règne alors, le 17 mai, la mort d’un parachutiste et la blessure grave d’un
second, abattus à bout portant dans la rue provoque une « expédition punitive »
de ses camarades qui fait 26 victimes musulmanes innocentes sur les lieux de
l’attaque. On ne trouve pas trace des sanctions relatives à ce massacre.
Au
début du mois de juin les attentats reprennent. Le 3 juin, trois bombes placées
dans des lampadaires près d’un arrêt de trolleybus provoquent la mort de neuf
personnes et en blessent 89 autres. Le lendemain, les explosions font encore 10
morts. Le 9 juin, l’attentat du Casino de la Corniche fait huit morts et 81
blessés (dont 10 seront amputés des jambes). Les réactions instinctives des
Européens sont tout aussi meurtrières.
Yacef
Saadi, nouveau chef de la ZAA, a réussi à reconstituer les réseaux « bombes »
mais a échoué à « reprendre » politiquement la Casbah. En revanche, il
bénéficie du soutien de plus en plus ouvert de personnalités comme l’archevêque
Léon-Duval ou Jacques Chevalier, le maire d’Alger.
Devant
cette nouvelle menace, le général Massu confie le commandement d’Alger à son
adjoint, le colonel Godard, qui installe son poste de commandement près de la
Casbah. Sans renfort de troupes, il mène son action avec beaucoup de finesse,
en accord avec la légalité et en coordination étroite avec les services de
police, notamment la DST. Selon son expression, si la première bataille d’Alger
a été menée à l’épée, la seconde l’est au scalpel. A l’exception du secteur du
régiment parachutiste sur place, ce sont les gendarmes mobiles qui prennent en
main les interrogatoires, la mise en forme des procès-verbaux et la
responsabilité des centres de triages. Le « bureau des assassinats »
du commandant Aussaresses, que Godard déteste, est dissous.
Il
est vrai aussi que Godard s’appuie sur toutes les structures de contrôle de la
population mises en place précédemment. Il y ajoute cependant une innovation
redoutable : les « bleus de chauffe ».
Le
capitaine Léger, dont il a été question précédemment, se rend compte que le FLN
a créé par ses exactions mêmes, une situation qui peut se retourner contre lui.
Parmi les hommes au nez ou aux lèvres coupés pour avoir fumé et parmi les veuves
de ceux qui ont été égorgés, il trouve des volontaires pour l’aider. Il obtient
de créer avec eux un groupe de renseignement et d’exploitation (GRE) dont les
membres sont d’abord utilisés dans la Casbah comme appâts pour ceux qui étaient
chargés de faire appliquer les consignes de vie du FLN (ne pas fumer, ne pas
boire d’alcool, ne pas écouter la radio, ne pas jouer). Ils sont ensuite cachés
dans des endroits « stratégiques » de la Casbah et signalent aux soldats tous
les individus suspects. Ils sont enfin utilisés dans toute une série de
manœuvres d’infiltration et d’intoxication qui non seulement permettent de
démanteler le réseau terroriste algérois mais aussi de porter des coups à
l’extérieur de la ville. Léger et les « bleus de chauffe » (du nom des tenues
souvent portées par les « fellaghas urbains ») parviennent à créer l’illusion
du maintien d’un état-major FLN à Alger qui demande sans cesse des renforts à
l’extérieur. Ceux-ci sont bien sûr capturés et permettent de remonter des
filières. Lorsque cette tromperie ne peut plus être maintenue, le stade ultime
de la ruse est alors d’annoncer publiquement ces infiltrations. La paranoïa de
certains chefs du FLN fait le reste et la « bleuite » provoque des milliers de
victimes lors des règlements de compte internes.
Retournements,
infiltrations et surveillance apportent rapidement des fruits. Le 25 juin, 33
bombes sont découvertes dans une cache. Hassène Guendriche, dit Zerrouk, l’un
des adjoints de Saadi est arrêté le 6 août et retourné. Le 26 août, deux
adjoints de Saadi sont tués et 18 bombes récupérées. Yacef Saadi est lui-même
capturé le 24 septembre avec sa compagne Zohra Drif. L’interrogatoire permet de
localiser le refuge d’Ali la Pointe. Le dernier acte a lieu dans la nuit du 7
au 8 octobre 1957, lorsque Ali la pointe, assiégé dans son réduit avec trois
complices, est tué par l’explosion des dizaines de kilos d’explosif qu’il a
avec lui. C’est la fin du terrorisme à Alger jusqu’à la fin de la guerre. Le
cauchemar quotidien des Algérois est terminé même si les attaques resteront
endémiques.
Conclusion
L’engagement
et l’autonomie de l’armée dans la lutte contre une organisation terroriste à
Alger témoigne de l’ambiguïté de l’action policière effectuée par des
militaires. Pour les parachutistes, Alger est un champ de bataille, au cadre
espace-temps précis, dans lequel ils s’engagent à fond, sans vie de famille et
sans repos, jusqu’à la victoire finale et en employant tous les moyens
possibles. En réalité, cette opération mérite difficilement le qualificatif de
« bataille » tant la dissymétrie des adversaires est énorme, à l’instar de la
police face aux délinquants qu’elle appréhende. La conséquence est que l’action
militaire n’est ni freinée dans sa montée aux extrêmes par les adaptations
tactiques de l’ennemi, ni par une culture policière d’action limitée par le
cadre du droit.
Il
est vrai que dès le début du conflit algérien, les unités de combat ont été
stupéfaites de voir des gendarmes les accompagner, dresser des procès-verbaux
et compter les étuis. Dans le combat elles restaient dans une logique militaire
de duel entre adversaires respectables mais dès la fin du combat elles
entraient dans une logique policière contraire. L’ennemi anonyme mais honorable
devenait un individu précis mais contrevenant à la loi, à condition toutefois
de le prouver. Lorsqu’elles ont vu que les prisonniers étaient souvent libérés
« faute de preuves », beaucoup d’unités de combat ont simplement conservé leurs
ennemis dans la logique guerrière en préférant les tuer plutôt que les
retrouver plus tard face à elles. Ce faisant, elles ont franchit une « ligne
jaune » morale, bafouant ouvertement un droit en retard permanent sur la logique
d’efficacité militaire.
Avec
les attentats d’Alger, l’ennemi n’apparaît même plus respectable puisqu’il
refuse la logique de duel pour frapper de manière atroce des innocents. De
plus, il est marqué du sceau de la traîtrise, notamment du côté européen,
puisqu’il frappe des compatriotes. Ajoutons enfin l’importance de la notion si
prégnante pour les militaires du sacrifice, à la différence près que dans le
cas de la « bataille » d’Alger, on ne sacrifiera pas sa vie (il n’y aura que
deux soldats tués et cinq blessés) mais son âme.
En
juillet 1957, avant de reprendre un « tour » à Alger, le colonel Bigeard
diffuse la note suivante à ses officiers qui résume assez bien ce drame moral :
Nous avons deux éventualités possibles
pour « tuer » notre période d’Alger : la première peut consister à se contenter
du travail en surface, en évitant de se compromettre, en jouant intelligemment
sans prendre de risques, comme beaucoup hélas ! savent trop bien le faire ; la
seconde, jouer le jeu à fond, proprement, sans tricher, en ayant pour seul but
: détruire, casser les cellules FLN, mettre à jour la résistance rebelle d’une
façon intelligente, en frappant juste et fort.
Nous adopterons immédiatement la seconde.
Pourquoi ? Parce que c’est une lâcheté de ne pas le faire. […]
Il y a ces articles de presse qui nous calomnient. Il y a ceux qui ne prennent
aucune position et qui attendent. Si nous gagnons, ils seront nos défenseurs ;
si nous perdons, ils nous enfonceront. Les directives concernant cette guerre,
les ordres écrits n’existent pas et pour cause ! Je ne peux vous donner des
ordres se référant à telle ou telle note de base…Peu importe ! Vous agirez,
avec cœur et conscience, proprement. Vous interrogerez durement les vrais
coupables avec les moyens bien connus qui nous répugnent. Dans l’action du
régiment, je serai le seul responsable.
Mon Colonel,
RépondreSupprimerIl me semble que Bigeard est l'illustration même de ce que Lacheroy appelait les "condottiere", les "gagneurs de croix de guerre"; pour rappeler (conférence du 2 juillet 1957) que "Dans la guerre révolutionnaire le condottiere c'est un malheur, les croix de guerre aussi parce que pour avoir une croix de guerre on fait le condottiere. En réalité, celui qui est le maître dans la guerre révolutionnaire c'est celui à qui on a donné un pré carré et qui, à l'intérieur de ce pré carré, considère que c'est sa chose."
Le propos de Bigeard ("jouer le jeu à fond", "un seul but: détruire", "c'est lâcheté de ne pas le faire") me font penser aux diatribes des néoconservateurs américains : la pensée sur un mode binaire (OUI / NON, avec nous ou contre nous, etc.) sans aucune nuance. Comme si une telle guerre avait pour seul but l'anéantissement physique d'une organisation politico-militaire ennemie sans se soucier de la population (cf. Mao : "le révolutionnaire est dans la population comme un poisson dans l'eau").
Le travail, que vous soulignez remarquablement dans cet article, de Godard et de Léger, est aux antipodes de ce mode d'action.
Bigeard fut incontestablement un officier manœuvrier hors pair et très courageux. Il fut un très efficace combattant anti-guérilla dans les Djebels.
Son tempérament sans nuances l'a rendu à mon avis, assez mauvais dans ce qu'il appelait "un travail de flic". Bigeard parle "travail de flic" là où Lacheroy, Godard, Gallula et d'autres parlent "politique", "infiltration", "manipulation", "prise en main des populations", "guerre révolutionnaire",...
Le commandant Azzedine déclarera vers 1981 que "Massu c'était le meilleur recruteur de l'ALN. En ville c'était le meilleur recruteur de Fidaa (combattants volontaires) et ici (en zone rurale), c'était la meilleure façon d'amener la population totalement à nous"
Voir vers 2'30'' http://www.youtube.com/watch?v=hgrBoQJxV0s
Mon Colonel,
RépondreSupprimerComme toujours un excellent article, et comme dans les deux précédents sur cette " bataille " d'Alger une chronologie rigoureuse et analyse dépassionné des événements.
En fin de votre premier paragraphe vous écrivez " les conséquences stratégiques de la brutalité des méthodes employées sont désastreuses. L’opinion publique française se divise ". Je permet d'ajouter qu'a des degrés divers il en sera de même à l'étranger, et surtout chez nombre des pays voisins ou alliés de la France. Complaisance des gouvernements Allemands et Suisses, vis à vis de leurs trafiquants d'armes qui alimentent le FLN, attitude ambiguë du gouvernement Italien, à minima hostilité des pays dit alors non alignés. Mais plus grave alors qu'on était dans l'OTAN, et que le gouvernement quémandait régulièrement à Washington de quoi financer ses " fins de mois ", hostilité croissante d'une partie de la classe politique et médias Américains.
L'isolement politique de la France se concrétisa à l'ONU en Mars 1958, suite aux " bavures " lors du bombardement de Sakiet sidi youssef : imposition humiliante d'une mission de bons offices Anglo-Américaine. La suite est bien connue : 13 Mais 1958, chute de la IV ième République, etc....
Ce qui m'a toujours étonné dans la première phase de la " bataille " d'Alger ( en simplifiant duo Trinquier / Aussaresses ), c'est l'inertie et cautionnement par le gouvernement des méthodes utilisées. Aucune directives ou décisions pour imposer aux généraux Salan et Massu, un recadrage des pratiques ayant cours et donc bien plus grande sélectivité-intelligence dans la répression. Ce n'est qu'en fin juin que les dirigeants politiques les plus lucides, ils prennent conscience des dégâts causés dans l'opinion en métropole et à l'étranger. La décision de Massu d'écarter Trinquier et confier alors au colonel Godard le commandement d'Alger, elle résulte pour une grande part des conseils de "calmer le jeu" venant des politiques à Paris.
Vous soulignez à juste raison toute l'intelligence et redoutable efficacité des manoeuvres de retournement et intoxication, du capitaine Léger : des bleus de chauffe à la bleuïte. Pour cette dernière certains lui reproche d'être le responsable des 3 à 4 000 morts, suite à grande majorité à d'effroyables tortures, qu'elle causa au sein du FLN. Mais à sa décharge, comment pouvait il imaginer préalablement le degré de paranoïa et sauvagerie d'un Amirouche.
Merci à @trekker pour ses apports complémentaires (sur les parties 2/3 et 3/3).
Supprimer1 - Je soulignerais en complément que le politique le plus acharné était le brave ministre résident en Algérie, Robert Lacoste, qui n'ignorait rien des méthodes et des résultats lors de la 1ère bataille d'Alger et qui, en juillet, vouait aux gémonies et vilipendait dans ses discours publics tout ceux (journalistes, intellectuels, militaires dissidents, etc.) qui attaquaient verbalement l'armée : il les rendait carrément responsables de la reprise du terrorisme urbain à Alger.
Si F. Mitterarnd comme ministre de la Justice a joué un rôle plus ou moins ambigu (avec le procureur Jean RELIQUET et l'hypothétique juge Bérard cité par Aussaresses), il me semble que Robert Lacoste assumait complètement sur la ligne Trinquier / Aussaresses.
M. Lacoste terminera sa carrière politique comme sénateur SFIO puis PS, jusqu'en 1980.
2 - Sur la bleuïte, le capitaine Léger avait affirmé "pourquoi se priver quant l’adversaire a une telle propension à s'autodétruire ?" Tant mieux si Amirouche était devenu à moitié paranoïaque, ça a économisé le sang de nos soldats et de civils, toutes confessions confondues. Le capitaine Léger avait pour mission d'aider à détruire les Katibas FLN (du reste, il y eut aussi beaucoup de désertions dans l'ALN à cette époque, du fait de la terreur qu'à inspiré l'épuration aveugle lancée par Amirouche).
De l’efficacité de la torture du point de vue de Sirius :
RépondreSupprimerJe précise que je n’avais que quelques mois lors des accords d’Évian et qu’aucun membre de ma famille n’a connue le traumatisme d’être chassé du pays où il est né. N’étant impliqué ni émotionnellement ni dans ma chair, je peux parler de la guerre d’Algérie avec la même distance que j’utiliserais pour dire la bataille de Cannes ou le siège d’Alésia. Ces précautions oratoires pour bien préciser que mon intention n’est pas de choquer ceux et celles qui sur les deux rives de la méditerranée, souffrent encore du conflit 51 ans après sa fin.
De même le format d’un blog ne permettant pas des réponses longues et détaillées, la subtilité y perdra ce qu’y gagnera la synthèse. Je précise enfin que je situe mes propos dans le cadre des guerres extérieures.
- Le nombre de victimes si le lieu et le moment sont bien choisis, que peut provoquer un camion remplit de nitrate-fioul doit se situer aux environs de 200 morts et d’au moins autant de blessés. C’est la plus grande létalité atteignable par un acteur non-étatique.
- Une combinaison de moyens militaires et policiers, avec utilisation de la torture, peut conduire à de belles victoires tactiques, éviter un certain nombre d’attentats et maintenir provisoirement le niveau de violence à un degré acceptable pour l’opinion publique.
- Le prix à payer pour ces victoires tactiques est le discrédit moral de l’institution militaire et du gouvernement, la déchéance morale des exécutants ainsi que l’abaissement des valeurs promues par les démocraties, vues ici comme de simples prétextes à interventions impérialistes.
- Les populations autochtones, prisent entre les barbaries de l’insurrection et de la contre-insurrection, ont tout intérêt sur le moyen et le long terme à se tourner vers ceux qui resteront sur le terrain, vers ceux qui ont le temps avec eux : les insurgés.
En définitif, ce qui est difficile ça n’est pas de tuer ses ennemis mais c’est de sacrifier les siens. C’est de laissez raser Coventry pour sauver l’Angleterre.
Le vrai courage à mon sens est donc que le niveau politique commence, avant toutes choses, à répondre à des questions comme : ‘quel est le prix que nous sommes prêt à payer ?’ ou bien encore, ‘sommes nous prêt à sacrifier nos valeurs ?’
Naturellement pour répondre à ces questions, il est préférable d’avoir des hommes d’État ayant le sens supérieur de l’intérêt général, plutôt que des gens ayant pour horizon la prochaine échéance électorale.
Que dieu bénisse le foie du vieux Winston…
PS : et seul Jack Bauer torture pour éviter qu’une arme nucléaire de 5 mégatonnes n’explose au milieu d’une mégalopole (quoiqu’avec 5 mégatonnes, la lointaine banlieue convienne aussi très bien).
Au-delà des aspects moraux posés par l'utilisation de la torture, il y a celui de son efficacité réelle. Elle risque très vite de devenir une solution de facilité avec une rentabilité discutable. Son utilisation systématique non seulement pervertit celui qui l'utilise mais l'empêche de penser à d'autres méthodes. Vous illustrez cela fort bien avec Trinquier et Godard. La "bleuite" du capitaine Léger a fait d'énorme ravages dans les rangs du FLN en créant une atmosphère de suspicion et en ternissant l'aura des militants dans la population algérienne. On sait depuis longtemps que l'enjeu dans une guerre révolutionnaire est la population. Elle ne se ralliera pas uniquement à celui qu'elle craint le plus dans l'instant, mais à celui qui lui paraît susceptible de l'emporter à long terme. Si on fait perdre à ce dernier sa "pureté" révolutionnaire, le doute s'installe durablement.
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