jeudi 27 juin 2013

Le fractionnement des âmes

Sous le feu

Le combat n’est pas un phénomène « normal », c’est un événement extraordinaire et les individus qui y participent ne le font pas de manière « moyenne ». Comme un objet à très forte gravité qui déforme les lois de la physique newtonienne à son approche, la proximité de la mort et la peur qu’elle induit déforme les individus et étire leur comportement vers les extrêmes. La répartition des rôles n’y obéit pas à une loi de Gauss où tout le monde ou presque agirait de manière à peu près semblable mais à la loi de puissance où, entre l’écrasement et la sublimation, peu font beaucoup et beaucoup font peu. Les premiers, à gauche de la loi de puissance, sont les acteurs du combat, les seconds, à droite, en sont les figurants.

Le combat est une loi de puissance

De 1942 à 1945, plus de 5 000 pilotes de chasse ont servi dans la 8e US Air Force, en Grande-Bretagne. Sur ces 5 000 hommes seuls 2 156 d’entre eux ont pris une part quelconque dans les victoires aériennes de la force. Si on regarde de plus près l’un des 15 groupes de chasse de la force, on constate que sur 172 pilotes ayant obtenu des victoires, le bilan des 42 As (plus de cinq victoires) représente la moitié du total. Autrement dit, parmi les pilotes du 357e Groupe, à l’instar des 14 autres groupes, environ 60 % de pilotes n’ont rien abattu, 30 % ont une action modeste de destruction de l’ennemi et 10 % ont été bons voire très bons dans cet exercice. L’analyse des combats du 51st Fighter Wing (« Mig killers »), la meilleure unité de chasse de l’US Air Force en Corée (1950-1953), a ainsi établi que la moitié des pilotes n’avait jamais ouvert le feu et que, parmi ceux qui ont tiré, seuls 10% ont touché quoi que soit, une poignée d’entre eux monopolisant les victoires.

Cette loi de Pareto (ou loi des 20 % d’effecteurs qui produisent 80 % des effets) n’est pas l’apanage des chasseurs. Dans la nuit, avec un clair de lune parfait, du 16 décembre 1940, 134 bombardiers britanniques frappèrent le centre de la ville allemande de Mannheim. Cinq jours plus tard, un Spitfire vint prendre des photos des dégâts. On s’aperçut alors que de très nombreux projectiles étaient loin de la cible. Le commandement du Bomber Command décida de procéder à une analyse rigoureuse des effets des bombardements et fit appel à David Benswan Butt. Après un examen de 650 prises de vus entre juin et juillet 1941 au cours d’une centaine de missions (soit 4 065 sorties), Butt démontra que seulement un tiers des avions qui prétendaient avoir frappé la cible s’en étaient seulement approchés à moins de 8 km (2 sur 3 en France, 1 sur 4 en Allemagne dont 1 sur 10 sur la Ruhr). Dans un tout autre milieu, Pendant la campagne du Pacifique, 15 % des équipages de sous marins américains ont réalisé 51 % des destructions de navires marchands ennemis, soit une proportion presque identique à celle des sous-mariniers allemands dans l’Atlantique.

Le cas du combat terrestre et plus particulièrement celui de l’infanterie, paraît plus délicat. Le combat y semble plus confus et manquer de critères statistiques pour y échelonner les valeurs. Les fantassins adversaires ne se voient que rarement et les duels sont rares. Pourtant tous les témoignages concordent dans ce sens. Pour Pierre Rinfret, américain, fantassin en Europe en 1944-45 puis homme politique, « moins de 10% de nos fantassins et équipages de chars infligèrent plus de la moitié des dommages à l’ennemi. » Dans Men against fire, son étude sur le comportement au combat des soldats américains pendant la Seconde Guerre mondiale, Marshall décrit les combats d’un bataillon du 165e RI sur l’île Makin  dans îles Gilbert en novembre 1943. Les combats furent très violents pendant trois nuits et la très grande majorité des tués et blessés furent touchés dans les postes de combat ou à proximité de ceux-ci. Pourtant sur l’ensemble du bataillon, il ne trouva que 36 hommes qui  avaient fait preuve d’une grande agressivité, utilisant parfois plusieurs armes. Pour le général DePuy, chef du département Training and Doctrine de l’US Army dans les années 1970 et vétéran des combats en Europe en 1944-45 :

Si vous les laissez seuls, seulement 10% des soldats prendront réellement des initiatives, bougeront, ouvriront le feu, lanceront des grenades et ainsi de suite. Les autres 90% se défendront s’ils ont à le faire, mais ne feront rien d’autre à moins qu’un cadre ne leur donne l’ordre de le faire, auquel cas ils le feront sans discuter. J’ai appris que vous ne pouvez compter sur eux parce que vous l’avez planifié ou parce que vous avez donné des ordres généraux, et cette réserve comprend aussi les jeunes officiers. Vous aviez à dire, « fais ceci », « fais cela », « tire sur cet objectif », et « va là-bas ». Vous vous retrouverez toujours à la fin avec un bon sergent et trois ou quatre hommes faisant tout le travail.

Bien avant eux, Ernest Jünger estimait déjà que « tout succès est, à l’origine, l’œuvre d’entreprenantes individualités. La masse de ceux qui suivent ne représente qu’une puissance de choc et de feu.» Maurice Genevoix, dans Ceux de 14 décrit ainsi ses soldats :

On entend souvent exprimer cette idée que le combat d’infanterie est tombé au niveau d’une boucherie […] bien au contraire ; aujourd’hui, plus que jamais, c’est la valeur individuelle qui décide. Tous ceux-là le savent qui les ont vu à l’œuvre, les princes de la tranchée.

Les plus courageux se précipitent en tête, tirant et lançant des grenades. La masse  suit comme un troupeau sans volonté ; ce faisant, ils se heurtent aux hommes qui se pressent derrière eux. Seuls ceux qui sont devant se rendent compte de la situation ; plus loin en arrière une panique folle s’empare de la masse entassée et bloquée dans l’étroite tranchée.

Un bon indice de l’existence de cette loi de puissance est le très faible rendement des tirs lors des combats. Dans une séance classique de tir dit au poser (couché, en prenant son temps) face à des cibles en carton immobiles disposées à 200 m, une troupe professionnelle actuelle obtiendra, sans disposer d’aides à la visée comme les lunettes grossissantes ou des pointeurs laser, au moins 80 % de coups au but. Cette proportion aurait été sans doute la même dès la fin du XIXe siècle. Si on se place dans une situation de combat, les choses changent radicalement.

Déjà, au XVIIIe siècle, le comte de Guibert estimait à 500 le nombre de cartouches nécessaires pour tuer un homme, alors que les troupes combattent souvent à courte distance, parfois moins de 100 mLes 22 et 23 janvier 1879 à Rorke's drift dans l’actuelle Afrique du Sud, 179 soldats britanniques bien entraînés au tir et armés d’un excellent fusil, affrontent des masses compactes de milliers de Zoulous équipés presque exclusivement d'armes blanches. Le tir s'effectue à courte distance, voire à bout portant. Les soldats britanniques sont placés dans des conditions de tir idéales. On pourrait donc s'attendre à un pourcentage de coups au but proche de 100%. En réalité, pour 11 100 cartouches tirées, les Zoulous ont déploré 321 tués et peut-être le double de blessés. Le pourcentage de coups au but n’a pas dépassé 10 %. L’intervention du sous-groupement français à Mogadiscio le 17 juin 1992  passe, à juste titre, pour un bon exemple de gestion très maîtrisée des feux. Néanmoins, 3 500 coups de petits calibres et 500 coups de 12,7 mm ont été tirés pour mettre hors de combat, au maximum, une cinquantaine de miliciens, soit un ratio de 80 pour 1. A grande échelle, lorsqu’on fait le rapport entre le nombre de cartouches tirées pendant les deux guerres mondiales et le nombre probable de personnels touchés par balles, on obtient des chiffres variant entre 10 000 et 50 000. Une étude sur les combats en Irak et Afghanistan obtient même le chiffre de 300 000 cartouches tirées par les soldats américains pour tuer un rebelle.

A l’extrême gauche de la puissance

Si on pousse vers la gauche de la courbe, on trouve les super-acteurs, des stars qui sont aux autres acteurs ce que les grands champions sont aux simples bons sportifs. Dans le groupe des « 20 % qui effectuent 80 % des actions efficaces », ils sont les 5 %, voire moins, qui en font la moitié. Durant la Première Guerre mondiale, sur un maximum de 6000 pilotes de chasse français, 187 ont reçu le statut d’« As » après avoir obtenu au minimum cinq victoires homologuées. Cette poignée d’hommes a pourtant détruit plus de 2000 avions allemands, soit la moitié du bilan total revendiqué par la France. Sur ces 187, le bilan des 40 premiers de la liste (soit moins de 1% du total) représente à lui seul 20 % des pertes ennemies.

Là encore, on retrouve des As dans toutes les formes de combat. Le soldat français le plus décoré de la Première Guerre mondiale est le chasseur Albert Roche du 27e bataillon de chasseurs alpins, décoré de la Légion d’honneur, de la Médaille militaire et de la Croix de guerre avec 4 citations et 8 étoiles. Il a été blessé neuf fois et a fait, entre autres, un total de 1180 prisonniers allemands. Durant le même conflit, parmi les officiers, le capitaine Maurice Genay, chef de corps franc, a été quatorze fois cité pour son courage. Pendant la guerre d’Indochine, l’adjudant-chef Vandenberghe est porteur de la Légion d'honneur, de la Médaille militaire, de la Croix de guerre des Théâtres d'Opérations Extérieures avec 14 citations dont 6 à l'ordre de l'Armée et de la Croix de guerre 39/45 avec une citation. Il a été blessé huit fois. Les 44 meilleurs tireurs d’élite soviétiques, dont Zaïtsev, ont officiellement abattu plus de 12 000 hommes pendant la Grande guerre patriotique.

Les combats de chars ont bien sûr aussi leurs As. Avec son équipage de Sherman, baptisé « In the mood », le sergent Lafayette G. Pool de la 3e division blindée américaine, a obtenu plus de 258 victoires sur des véhicules de combat ennemis dans les combats en Europe de 1944 à 1945. Quand on examine les performances des tankistes soviétiques lors de la Seconde Guerre mondiale, on s’aperçoit que 239 chefs d’engin sont crédités de la destruction d’au moins cinq chars (et souvent autant d’autres véhicules ou pièces d’artillerie). Le capitaine Samokin (mort en 1942, plus de 300 véhicules détruits dont 69 chars), le lieutenant Lavrinenko (mort en novembre 1941, 52 chars détruits dont 16 en un seul combat) et le sous-lieutenant Kolobanov (24 chars détruits en trois heures) occupent le podium. Au total, ces 239 chefs et leurs équipages, peut-être 2 000 hommes au total sur quatre ans, une minuscule poignée au regard de l’Armée rouge, ont détruit 2 500 chars allemands, soit l’équivalent des dix divisions de panzers qui ont déferlé sur la France en mai 1940.(ref) On retrouve des listes de ce type chez tous les belligérants. Le recordman toutes catégories semble être l’allemand Michael Wittmann (et son excellent tireur Balthazar Woll), crédité de la destruction de 138 chars ennemis.

Ces chiffres, surtout allemands et soviétiques, sont évidemment sujets à caution mais même  exagérés, l’existence des As est un fait, et si on pousse encore vers la gauche de la courbe, on trouve des « monstres » comme le pilote allemand Hans-Ulrich Rudel et ses 2 530 missions de guerre aboutissant à la destruction de 2 000 cibles au sol ou le tireur d’élite finlandais Simo Hayha qui aurait abattu 505 soldats soviétiques durant les 100 jours de la guerre russo-finlandaise de 1939-1940 (on lui attribue aussi officieusement 200 autres victimes au pistolet-mitrailleur).

A droite de la loi de puissance : les figurants

Derrière ces « acteurs », la masse, même des bons soldats,  est composée de « figurants » chez qui la peur réduit chez eux, non seulement l’initiative, mais aussi les capacités physiques et intellectuelles.

Au cours d’une « ronde de chasse » en 1917, l’adjudant André Chainat aperçoit six avions « boches » :

Je découvre deux camarades qui portaient l’insigne de groupe. Je leur signale « Venez avec moi ». Ils suivent de mauvais gré. Je me mets au milieu d’eux, je les pousse, je retrouve mes boches, je bâtis un plan, je signale : « J’attaque. » J’ai la chance d’avoir le dernier boche que je mets en flammes. Retournement, je cherche mes équipiers. Plus personne  […] il y a les vrais et les faux, ceux qui y vont et ceux qui n’y vont pas, ceux qui font semblant d’y aller […] ceux qui disparaissent et qu’on ne retrouve qu’à la fin, quand il n’y a plus de danger : leur moteur s’est mis à bafouiller, leur mitrailleuse s’est enrayée, ils ont été attaqués par un ennemi supérieur en nombre et ils ne savent pas comment ils ont pu en réchapper […] S’ils sortent seuls, ils ne rencontrent jamais personne.

Au sol, à la même époque, Henry Morel-Journel, en fait une description saisissante d’un assaut :

C’est une bande de gens apeurés qui se lancent en avant en fermant les yeux et en serrant leurs armes contre leurs poitrines. Cela dure ce que cela dure, jusqu'à ce qu’une salve les ait fait tapir, qu’un obus les ait dispersés ou que l’ennemi ait été atteint. Le véritable corps à corps est extrêmement rare ; celui des deux adversaires qui a le moins de confiance en sa force se rend ou lâche pied quelques secondes avant le choc. On a donné, on donne encore, aux soldats des poignards de tranchée. Ils ne s’en sont jamais servis, que pour couper leur viande ou tailler un crayon ; notre paysan n’aura jamais l’idée de frapper avec cet instrument-là. Pas de baïonnette ! Pas de poignard ! Au moins les hommes se servent-ils de leurs fusils ? A peine….

Plus précisément, ces hommes sont soumis à deux grandes forces contradictoires : une forte inhibition qui limite leur capacité de réflexion et un intense besoin d’agir. Ils vont donc suivre, en imitant ou en obéissant, le premier modèle d’action qui s’offre à eux, paradoxalement même si celui-ci est très dangereux. Le général DePuy a toujours été impressionné

Par le fait qu’environ huit ou neuf soldats « moyens » sur dix, n’ont pas l’instinct du champ de bataille, n’ont aucun goût pour cela, et n’agiront pas de manière indépendante sans ordres directs. S’ils appartiennent à une équipe, ils sont plus efficaces. S’ils sont dans un char ou derrière une mitrailleuse, ils sont meilleurs parce que cela implique un travail d’équipe. Si un officier leur ordonne, les yeux dans les yeux, de faire quelque chose, la plupart des hommes, même ceux qui ne veulent pas le faire, n’ont aucune initiative et ont peur de mourir, feront exactement ce qui leur est demandé. 

Il poursuit en décrivant un combat dans les Ardennes où il ordonne à deux soldats d’aller éliminer une mitrailleuse allemande

Ils avaient peur de mourir mais ils le firent. Ils ne l’auraient jamais fait si je n’avais pas dit « Nous avons à faire ceci, vous avez à faire cela et maintenant faites le ». Cela signifie que l’efficacité dépend directement du caractère directif du commandement.

En prolongeant la loi de puissance vers la droite on arrive aux limites de la « quantité donnée de terreur », selon l’expression d’Ardant du Picq, que chacun peut supporter. Au-delà de cette limite, l’homme ne se contrôle plus. C’est le cas du pourtant très courageux Ernst Jünger lors de son premier combat : « mes nerfs m’abandonnèrent complètement. Sans ménagement pour rien ni personne, je me mis à courir comme un fou à travers tout. ». La fuite peut également se diriger vers l’avant. Il s’agit, dans ce cas, d’une attitude suicidaire, le plus souvent inconsciente, visant, selon Claude Barrois, à mettre fin immédiatement à la peur par la mort elle-même, tout en respectant la discipline. Dans sa description des combats de parachutistes américaines en Normandie le 6 juin, Marshall parle du cas du soldat  Stewart posté seul face à un pont et qui se met à courir en tirant avec son fusil-mitrailleur sur les quatre chars allemands qui viennent de surgir face à lui. Par le phénomène d’imitation extrêmement fort sur le champ de bataille, ces attitudes extrêmes influencent grandement les évènements, provoquant des effondrements par paniques ou au contraire des exaltations.

Dans certains cas l’inhibition est trop forte pour laisser subsister toute utilité sur le champ de bataille. En 1915, dans l’Argonne, la compagnie du lieutenant Rommel s’infiltre par un passage à travers un réseau de barbelés jusqu’à ce que « le chef de section de tête n’en trouve pas le courage, bloquant ainsi sa section et le reste de la compagnie de l’autre côté de l’obstacle. Les appels et les cris n’y font rien. » Gaudy décrit ainsi un de ses camarades se dresser en hurlant  « Assez ! Assez ! Assez ! », puis « Je ne peux plus !…Je ne peux plus ! » avant de s’effondrer au sol.

Logarithmique tactique

Une loi de puissance peut être exprimée de manière logarithmique, cela donne une droite qui mesure sensiblement l’efficacité globale d’une troupe au combat. Plus la droite est verticale et plus l’unité compte d’acteurs et, a priori, plus elle est efficace. Plus la droite est horizontale et moins l’unité est performante. Faire varier un peu la pente du bon côté permet d’obtenir un surcroît énorme d’efficacité.

En 1997, alors que je commandais une compagnie d’infanterie de marine, je testais mes neuf groupes de combat. Sur un terrain profond de 500 mètres parsemé de trous et d’obstacles, chacun d’eux devait s’emparer d’un point d’appui tenu par trois hommes. Attaquants et défenseurs étaient équipés de « systèmes de tir de combat arbitré par laser » (STCAL) dont chaque coup au but entraîne une mise hors de combat. Au premier passage, les performances furent très inégales suivant les groupes. Certains ont été étrillés dès le début de l’action alors que d’autres sont parvenus à réussir la mission, dont un avec des pertes très légères. Après un deuxième passage je constatais que la hiérarchie des performances restait sensiblement la même mais aussi qu’il y avait une nette progression de l’efficacité moyenne des groupes. Il y avait donc eu un apprentissage très rapide. Dans un troisième passage, les hommes ont été mélangés dans les différents groupes. L’efficacité moyenne a nettement diminué mais la hiérarchie des chefs de groupe est restée sensiblement la même. J’en concluais que deux facteurs influaient la performance des groupes : l’expertise du chef de groupe et la connaissance mutuelle qui permettait d’apprendre rapidement et d’augmenter le nombre d’acteurs.

Lors de la bataille de la Haye-du-Puits en juillet 1944 en Normandie, trois divisions américaines ont été engagées dans des conditions tactiques similaires, à cette différence près que l’une d’entre elles, la 82e division aéroportée, disposait de deux fois moins d’hommes et d’artillerie que la mieux dotée, la 90e division d’infanterie. Les résultats ont été exactement l’inverse de ceux que pouvaient laisser anticiper le simple examen des moyens disponibles. La 82e division a été presque deux fois plus rapide dans la conquête du terrain tout en subissant deux fois moins de pertes que la 90e . L’effort sur l’humain donne des résultats spectaculaires.

A une autre échelle encore, avec près de 60 000 hommes tués ou blessés pour 26 divisions britanniques engagées, le 1er juillet 1916, premier jour de la bataille de la Somme, est le plus meurtrier de l’histoire militaire du Royaume-Uni. On oublie généralement que 14 divisions françaises ont également été lancées à l’assaut ce jour-là face dans des conditions identiques à celle des Britanniques, et que non seulement elles ont parfaitement réalisées leur mission mais elles n’ont perdu pour cela « que » 7 000 hommes, soit un taux de pertes 4 fois inférieur par unité engagée. La différence est que les divisions françaises avaient accumulées deux ans d’expérience de guerre, là où la plupart des unités britanniques étaient novices.

L’Institute for Defense Analyses a effectué en 1992 une série de simulations sur la bataille de 73 Easting qui a opposé le 7e corps américain et la Garde républicaine irakienne lors de l’opération Desert storm. Le résultat de ces simulations fut que si les deux adversaires avaient été dotés d’équipements identiques mais en conservant les mêmes compétences, les pertes américaines auraient été dix fois supérieures à ce qu’elles furent en réalité. En conservant les équipements originaux mais en égalisant le niveau de compétences, les pertes américaines auraient été vingt fois supérieures

Ces exemples, d’échelles très différentes, témoignent que l’investissement le plus rentable pour augmenter l’efficacité d’une troupe est bien l’investissement humain. Ils permettent d’illustrer aussi le caractère fractal du combat, puisqu’on retrouve le principe de la loi de puissance à tous les niveaux.  Il y a des individus nettement plus performants que beaucoup d’autres, puis des groupes ou équipages, puis des bataillons et encore des divisions pourtant à chaque fois apparemment identiques de part et d’autre. Ces bataillons, escadrilles ou divisions comprennent elles-aussi leurs acteurs et leurs figurants mais la répartition et l’agencement entre les deux groupes donne quelque chose de plus efficace. 

Plus on s'élève toutefois et plus la quantité devient une qualité. En Normandie, dix chars Tigre avec des bons équipages pouvaient affronter sans trop de crainte trente Sherman. A 100 contre 300, c'est plus problématique. A 1 000 contre 3 000 c'est presque perdu d'avance. Cela signifie a contrario que plus les armées sont petites et plus la qualité des hommes est importante. Michael Wittmann et Balthazar Woll ont détruit l'équivalent de la moitié de l'ordre de bataille actuel français en matière de chars. Leur impact tactique serait incontestablement plus fort aujourd'hui qu'à l'époque. Plus que jamais nous avons besoin d'investir dans l'humain. 

20 commentaires:

  1. Le problème fondamental n’est-il pas que la plupart des êtres humains sont mentalement inaptes au combat ? Le programme de base de chaque nouveau-né mammifère, humain ou animal, n’est-il pas de chercher le sein de sa mère avant de s’endormir le ventre plein, en toute sécurité, sur la chaleur de son ventre ?
    Bien sûr on peut contrarier ce programme en développant et encourageant notre agressivité naturelle, en améliorant la condition physique et psychique des hommes et de leur encadrement, en investissant dans la technologie des armes et dans l’intelligence de leur doctrine d’emploi. Mais au final, au-delà d’un certain volume de violence, la réponse d’un être humain mentalement sain d’esprit (et quelque soit sa motivation, son entrainement et la qualité de ses armes), n’est-elle pas de se laisser tomber au sol en position fœtale tout en criant de terreur ?
    L’acceptation de cet état de fait ouvre alors la voie à trois chemins de contournement :
    1- Sélectionner des individus mentalement aliénés (des psychopathes en langage courant) pour les voir occuper les postes clefs (de commandement ou non). Dans le cadre d’une démocratie, cette voie semble juridiquement et moralement pour le moins hasardeuse.
    2- La mise au point de drogues de synthèses qui permettraient de repousser, voir d’annihiler la peur incapacitante. On pourrait même imaginer dans une version 3.0 du système FELIN, que des capteurs mesurant en permanence certains indicateurs physiologiques, prendraient automatiquement la décision et de l’injection et de son dosage, en fonction des circonstances évolutives du combat. Dans cette option, l’immense difficulté ne consiste pas tant en la possibilité de modifier la biochimie du cerveau du combattant, mais dans le fait qu’il faut tout à la fois, faire disparaître la peur incapacitante - mais pas celle qui incite à la prudence et à la sauvegarde de sa vie -, tout en ayant des gens qui ne perdent pas pied avec la réalité, qui restent capables d’obéir aux ordres, de comprendre la mission et de la remplir dans le respect des caveats d’engagements. Si ces techniques deviennent un jour possible, un ‘détail’ moral qui ne concerne que les démocraties apparaîtra alors : est-il possible, si ce n’est au nom des droits de l’homme, en tout cas d’une certaine vision que nous avons en occident de ce qu’est sa dignité, de voir nos soldats abdiquer chimiquement (même de manière provisoire et réversible), une part de leur humanité ?

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    1. 3- La mise au point de robots de combats autonomes. Cette voie semble la plus prometteuse car elle permet de répondre, de manière encore toute théorique, à plusieurs problématiques.
      - Vis-à-vis des opinions publiques : si la perte d’un soldat est un drame, la perte d’une machine n’est qu’un accident.
      - Vis-à-vis du niveau politique : la guerre se transforme pour partie en problème de ‘gestion de ressources machiniques’, son coût en vies humaines ne relevant plus que du camp adverse ainsi que d’une bonne maîtrise du récit médiatique.
      - Vis-à-vis du commandement militaire : l’inconsistance et la fragilité humaine étant en grande partie éliminées (une machine n’a pas de sentiment, elle fonctionne ou pas), la friction serait (toujours en théorie) grandement réduite. Dans tous les cas, les résultats réels sur le terrain, seraient plus facilement modélisables.
      - Vis-à-vis de la sphère industrielle : les technologies robotiques étant par nature duales, les possibles sont, sinon infinis, du moins immenses. Un exemple parmi d’autres : parallèlement à la version militaire de mines terrestres - mobiles et suffisamment intelligentes pour attaquer en essaim troupes et véhicules -, pourraient être commercialisées leurs versions civiles sous la forme de balises mobiles surveillant usines, sites sensibles ainsi que toutes cibles potentielles d’attaques terroristes ou malveillantes. Ces minis robots mobiles ne seraient alors que des capteurs, non des effecteurs.
      Dans tous les cas, en fonction de l’armement embarqué et de la complexité de la mission, la chaîne de commandement politico-militaire déciderait alors de laisser un opérateur dans, sur ou hors de la boucle.
      Si des systèmes volants, aptes à intervenir en premier et en toute autonomie pour des missions complexes de types SEAD-DEAD sont encore hors de portée technologiques, les progrès réalisés ces dernières années permettent d’ors et déjà d’envisager la production de robots terrestres aptes sous monitoring humain, à soutenir et à appuyer une section de combat d’infanterie.
      Là encore, les plus gros obstacles seront sans doute plus juridiques que technologiques. Qui sera par exemple responsable en cas de bug entraînant des pertes humaines ‘amies’ : l’opérateur, le roboticien, le constructeur, le commandement militaire (et à quel niveau), le niveau politique (idem) ?
      Un dernier point.
      Qu’en sera-t-il de l’éthos guerrier - celui qui autorise de verser le sang par la mise en jeu de sa propre vie -, quand il s’agira de commander à des essaims de robots autonomes du fond de son blindé ou dans un ‘captain-chair’ confortablement installé dans une salle climatisée ? Et comment, l’autre, l’adversaire, nous percevra-t-il à ce moment là ? Le métal du robot ne deviendra-t-il pas un obstacle supplémentaire à la solution politique qui doit rester le but final de toute guerre ?

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  2. Bonjour

    Pour l exemple anglais en afrique du sud, je me demande si il n y a pas un genre d artefact ( concept que je ne maitrise pas vraiment) il faudrait lire l etude ou le livre. Pour les bombardement allies lourds, il faut jr pense relativiser , ce n est pas par appareil que cela se joue. Il y a les.meilleurs qui souffrent de l attrition et qui sont aussi promus !!! Le genre de type qui ne se perdent jamais...

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  3. Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits : voilà ce que proclame la Déclaration universelle des droits de l'homme. Mais on confond trop souvent égalité et égalitarisme : dans la démocratie athénienne on a vite limité les effets malheureux de la désignation de certains magistrats par le tirage au sort et on se gardait de choisir le stratège par ce procédé. Les hommes ne se ressemblent pas et n'ont pas tous les mêmes qualités : il suffit d'un minimum de bon sens pour le constater. Ceux qui en pleine conscience sont prêts à risquer leurs vies resteront toujours une minorité. Quel pourcentage de vrais résistants pendant l'Occupation en France ? On parle souvent du courage des populations russes ou allemandes pendant la guerre : leurs régimes politiques leur laissaient vraiment le choix ? Il suffit de se rappeler de ce slogan célèbre pendant le terrible siège de Leningrad : "Qui ne combat pas, ne mange pas". L'héroïsme n'est pas naturel quoiqu'on pense. Du courage, de l'entraînement, un bon équipement et de la CHANCE, voilà ce qui a toujours fait la différence sur le champ de bataille et qui a rendu certains combattants célèbres.

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  4. Votre billet me conduit à me permettre quelques remarques auquelles vous pourez répondre si elles vous sembles pertinentes.

    1) A t'on déja tenté de consttituer des unitées composées des 20% regroupés ? 20% fois 5= 100 % et si oui, retouve t'on alors ce ratio de la loi de Pareto? Je pense que la réponse est deux fois oui.

    2) Si, seule une minorité "tue" beaucoups alors que la grande majorité reste passive, ne faut il pas au contraire de votre conclusion, investir dans des "machines" et de la puissance de feu (" le feu tue" et il le fait de mieux en mieux et de plus en plus loin avec une précision allant croissant.) Autrement dit, que deviendra "l'extreme gauche"sous le flot des munitions guidées à hautes performances terminales tirées à distance de sécuritée? Quelques "troupes d'élite" suc des 20% devraient alors suffire à emporter la décision sur le terrain face à un ennemi que nos frappes ciblées, précises et destructrices aurait rendu à l'impuissance.

    3) Ce scénario, celui du 2, est une exception propre aux conflits symétriques.Dans les affrontements actuels dits "assymétriques" où l'on ne combat l'ennemi qui tient le "fusil" que quand il le tient( sinon c'est un paisible paysan ou commercant..), où les populations civiles "ennemies" sont des "coeur à conquérir" point n'est besoin d'armée. Une force de police musclée suffit.

    4) N'est ce pas chez cet ennemi "assymétrique", armé seulement d'ALI et qui "subit" notre "toute puisance", que ce soit en afghanistant au Mali en Lybie ou ailleur,qu'il faut chercher de l'humain?

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  5. On peut tout à fait appliquer cela à la société civile; sur 6 millions de fonctionnaires en France 10% sont utiles, 90% au mieux inutiles; en effet parmi ces derniers au moins 10-20% "compensent" leur inutilité par le sadisme, l'emmerdement maximum du public qu'ils sont sensés servir et qui les payent. Dans l'entreprise même chose, sauf que le pourcentage d' "inutiles" grimpe proportionnellement à la taille de la boîte. Instaurer un revenu minimal universel serait sans doute beaucoup moins couteux pour la société ?

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    1. Il conviendrait de différencier les fonctionnaires d'Etat (qui ne me paraissent pas être excessivement en surnombre, notamment dans l'Armée et dans le milieu hospitalier), des fonctionnaires dits "territoriaux" embauchés par des notables républicains et autres politiciens pour se constituer une clientèle électorale. Relire "Absolument débordée" de "Zoé Shepard".
      Il est vrai, comme vous le faites remarquer, que "l'esprit" et l'improductivité du fonctionnariat se sont propagés dans toute la société française, et que même les entreprises se retrouvent régies comme des administrations de fonctionnaires...
      Je vous invite à regarder Astérix et Obélix : https://www.youtube.com/watch?v=c45FtDhdDoY&feature=youtu.be

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    2. Vous me semblez bien inutile dans vos commentaires. Vous devez faire partie des 90% de ceux qui braient le même discours sur les fonctionnaires. Une comparaison avec les armées en guerre bien hasardeuse.
      Bravo pour la citation d'Asterix. Un summum de la recherche scientifique.

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  6. Pour info

    http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2013/06/28/l-achat-de-16-drones-reaper-devant-le-congres.html

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  7. Frédéric Aubanel29 juin 2013 à 16:25

    Il ne faudrait pas conclure trop vite que les 80% "non-efficients" sont des inutiles. Prenons le rugby par exemple: combien de joueurs en fin de carrière peuvent se revendiquer comme des marqueurs d'essais? Cela ne veut pas dire qu'ils n'ont rien fait, ils ont simplement participé à la victoire du collectif en permettant aux joueurs "efficients" d'aller régulièrement au-delà de la ligne d'essai. Au hockey sur glace par exemple, on regarde plus le passeur décisif que le marqueur.
    Si on regarde du côté des forces spéciales, ces dernières ont éliminé les 80% "non-efficients" pour ne garder que les 20% "efficients". Mais on s'aperçoit que leur action ne peut s'inscrire que dans un contexte plus large: si les équipes de FS ne peuvent se concentrer sur leur objectif exclusivement par absence de ces 80% qui "animent" le paysage, l'efficience des FS diminue. En Afghanistan, les FS font l'essentiel du boulot, mais toujours dans des zones où la troupe régulière entretient une certaine animation. Ne serait-ce pas l'objectif annoncé par notre libre blanc quand il veut transformer un régiment TAP en régiment FS?
    Je pense que l'efficacité des 20% n'existe que par la présence des 80 autres. L'équipe du Real de Madrid qui a concentré la crème des footballeurs n'a pas démontré pour autant une efficience énorme au regard de la qualité affichée: ne serait-ce pas à cause de l'absence des ces 80% chargés du boulot ingrat de mettre en position de force les 20% restants?
    En conlusion, il faut identifier ces leaders qui emportent la décision collective, sans pour autant dénigrer ceux qui suivront. Une armée basée sur des FS ne sera pas plus efficiente qu'une armée plus traditionnelle.

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    1. Bonjour,

      Votre texte renvoie indirectement aux différences entre l'armée Allemande (avec les troupes d'assaut) et l'armée Française en 1918.

      "Il n'y a pas foule au sommet" disait de Gaulle, mais si il n'y a pas de base alors il n'y a pas de sommet...il me semble.

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    2. Frédéric Aubanel1 juillet 2013 à 01:07

      Bonsoir,
      vous avez raison. C'était involontaire de ma part mais effectivement, les Allemands ont privilégié les troupes d'assaut au détriment du reste de l'infanterie: bilan, aprés des succés initiaux, l'armée allemande est devenue inefficiente.
      Cela montre à mon humble avis qu'il faut de tout pour faire une armée opérationnelle.
      Je m'intéresse surtout à l'idée trés en vogue du "tout forces spéciales" comme étant LA solution aux combats du futur, c'est-à-dire hyper efficace pour un coût (supposé) moindre. Je pense au contraire que l'élévation du niveau moyen, certes plus long à obtenir et plus coûteux, est plus à même de d'avoir des effets à long terme.

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    3. Je trouve la remarque de Frédéric Aubanel du 29 juin, fort pertinente.

      Par ailleurs, je crois me souvenir que M. Goya a étudié par lui-même la comparaison entre l'efficacité des armées allemandes et françaises à la fin de la Grande guerre, à travers La Chair et l'acier.

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    4. J'abonde dans ce sens. Ceux qui pensent pouvoir se contenter d'un paquet de Forces Spéciales surentrainées et d'avionS de combat pour régler tous les problèmes militaires se bercent d'illusions. Certes, la marque est laissée sur le papier par la pointe de graphite. Mais il faut pour cela pouvoir tenir le crayon : la pointe de graphite a besoin de tout le reste du crayon pour être efficace. Et cette pointe de graphite se forme par amélioration successive, à un rythme humain donc organique, du bois autour du graphite.

      VQE

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  8. une citation comme ça en passant:

    "En lisant le récit des grandes actions que le peuple romain accomplit dans la paix comme dans la guerre, j'eus envie de rechercher quel ferment avait pu donner naissance à de pareils miracles.... Et il m'apparut nettement que seule la valeur hors de pair d'une poignée de citoyen était à l'origine de tout." SALLUSTE

    Toutefois si ils avaient été isolé, ces "citoyens hors de pair" n'en aurait pas fait autant puisqu'il n'y aurait rien eut à développer, administrer, organiser...

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  9. Anonyme dans votre post du 27 Juin à 04:34, vous évoquez deux solutions en précisant bien que moralement elles posent autant et voir plus de problèmes qu'elles n'en résolvent : sélectionner que des psychopathes ou drogues de synthèse. Même si on fait abstraction de cette dimension morale, j'ai quelques doutes sur leurs pertinence au niveau opérationnel :

    A / Cela nécessiterait une ou des méthodes fiables ( taux d'erreur < ou = 5 % ),permettant de sélectionner les 20 % d'effecteurs produisant 80 % des effets. Dans le domaine du recrutement pour les entreprises, on en est toujours à rechercher ce " Graal ". On arrive à écarter les personnalités réellement inadéquates, quand à celles retenues on obtient fréquemment une homogénéité des profils. Mais pour autant cette dernière ne se traduit pas ensuite, par un taux de 80 à 100 % d'individus performants. Dans le monde de l'entreprise certes le stress existe, mais il n'est en rien comparable à celui du combat militaire.

    B / L'usage des drogues de synthèse est ( hélas ) répandu depuis quelques décennies, dans le monde du sport professionnel de haut niveau. Certes on obtient une amélioration notable des performances, mais elles sont surtout d'ordre physique et mentalement peu probantes, voire ayant nombre d'effets pervers. L'autre et principal problème, ce sont les effets biologiques néfastes et guère réversibles. Employer ces drogues et celles à venir pour améliorer notablement le psychisme du combattant, cela conduira inéluctablement à une réduction de sa "durée d'usage" dans le temps. En conséquence un fort turn over, celui-ci étant peu compatible avec une homogénéité des unités dans la durée en terme d'années.

    Notre hôte précise dans la fin de son article : l’investissement le plus rentable pour augmenter l’efficacité d’une troupe est bien l’investissement humain. Mon interrogation est alors, est ce que cela ne passe pas par un entrainement les plus proche possible des conditions réelles du combat. Entrainement suffisamment long et dans des conditions rustiques quasi extrême, tant pour imprégner le psychisme des futurs combattants (maitrise du stress et gestes réflexes ), qu'écarter les hommes non aptes ou aux réactions incertaines.

    Pendant la deuxième guerre mondiale les Britanniques, ils procédaient à des entrainements et manoeuvres sous "feu réel". Certes cela pour un nombre restreint d'unités : troupes de débarquement, commandos marine, SAS et jedburghs. Il en fut de même dans l'Armée Française dans les années 50, et là encore pour des unités dédiées à des assauts en premier. Entre autres méthodes si je ne fais erreur : manoeuvres avec grenades offensives, rampés horizontaux sous tirs d'une mitrailleuse et sur un plan incliné face à cette mitrailleuse. Ceci fut abandonné au début des années 60 : risques d'accidents mortels générateurs de procès par les familles et exploitation par les médias ? expérience dans la durée n'ayant pas démontrée une amélioration des qualités du combattant ? A titre d'exemple pour cette dernière hypothèse : suppression des tours de " départ" pour les futurs parachutistes ( facteur d'amplification du stress lors du premier saut, et donc des refus de saut ).

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    1. Bonjour et merci de me permettre de préciser ma pensée. Concernant les tests permettant de mesurer l’endurance émotionnelle, il y a à ma connaissance un consensus chez les psychiatres militaires américains et israéliens (français ???) pour admettre que les protocoles ne sont pas fiables et que leurs résultats prédisent de manière très médiocre le comportement au feu. De plus, ce comportement est lié en grande partie aux valeurs de la culture d’appartenance, chose particulièrement difficile à évaluer. Pour s’en rendre compte, il suffit de se demander comment réagiraient de nos jours les jeunes européens s’ils étaient soumis aux conditions du combat-type de 14-18. Bien que plus grands, plus lourds et plus forts physiquement, résisteraient-ils comme leurs pourtant proches ancêtres ?
      Qui plus est, il semblerait que l’on observe même chez les individus les plus aptes, une courbe de gauss de l’efficacité au combat. En clair, après la phase d’apprentissage en conditions réelles et même si l’efficience militaire augmente rapidement et se maintient longtemps à haut niveau, l’effondrement psychique est inévitable sur la durée. Même des soins et une période de repos conséquente ne permettront pas de retrouver l’efficience antérieure. Le temps au combat que peut supporter un esprit sain, quelques soient la motivation, la cohésion des hommes et la qualité de l’entrainement est donc limité. Même sans faire appel à la pharmacopée, il existe donc bel et bien une ‘date de péremption’ pour chaque combattant et le seul moyen de la prolonger, semble être de limiter son exposition au feu. Encore faut-il en avoir les moyens et dans un combat de haute intensité, le temps…
      Cordialement

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  10. C'est une situation que j'ai personnellement rencontrée dans le cadre de mes années d'armée comme on disait. C'est dans la vie civile, tant professionnelle qu'amicale que je me suis rendu compte que le problème existait aussi. J'ai fait exactement la même constatation que celle décrite dans l'article : "peu de gens font beaucoup". S'il est vrai que cela est plus visible au cours d'un conflit, c'est, à mon humble avis, tout simplement parce que la guerre joue le rôle de coefficient multiplicateur. Les extrêmes deviennent, dans cette situation exceptionnelle, très visibles et donc très remarquables. L'armée a toujours exagérée les qualités comme les défauts, la guerre encore plus.
    Mais, finalement, dans la vis civiles c'est la même chose sauf que cela se voit moins. Il existe une poignée de "faiseux", beaucoup de "diseux", et une masse de moutons attentistes. Vous retrouvez la même chose dans le monde associatif, toujours les mêmes qui font, les autres qui parlent haut et fort et la masse qui attendre pour savoir qui il faudra suivre.

    Le caractère humain est ainsi. Que ce soit le guerre ou pas, rien ne change si ce n'est que les extrêmes deviennent plus visibles. De quel côté faut-il être? La masse de moutons attentistes est le "lot commun", les "diseux" nous les connaissons tous ce sont les petits chefs,les kapos et autres hommes politiques, les "faiseux" se révèlent quand l'heure est venue. Ce sont de leurs rangs que sortent les "grands chefs" bons ou mauvais. Faut-il y voir le doigt de Dieu comme ce fut le cas avec David dans l'Ancien Testament? je vous laisse penser à la question.

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  11. Mon colonel,

    l'as des as chez les tankistes toute catégorie n'est pas Michael Wittman mais Kurt Knispel titulaire de la destruction confirmée de 168 chars russes (il a probablement atteint le score de 195 chars) et mort le 28 avril 1945. Il a combattu exclusivement sur le front russe
    Il ne fut jamais médiatisé, ne fut jamais le chouchou de la propagande nazi, anticonformiste et probablement contre les nazis.
    Une exemple notable du caractère de ce personnage, il a pris la défense d'un prisonnier russe à Cracovie en 1942 en giflant un garde SS. Sa hiérarchie va le défendre mais le mal étant fait, les nazis profiteront de l'incident pour briser sa carrière.

    Pour lui ce n'était pas les médailles qui faisaient les soldats. Au vu de son palmarès et de sa carrière au sein de la panzewaffe (il est passé par tous les postes dans un char avant de devenir chef de char), ce fut son cas.

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  12. En complément mais quelque peu en contradiction avec Frédéric Aubanel du 29 juin (dont je partageais son interprétation), au sujet du rapport F.S./Forces ordinaires, 20/80 %, élite/masse moutonière, etc. voir le dernier § de cet article :
    http://www.lesechos.fr/opinions/points_vue/0202859157252-quand-la-strategie-militaire-dessine-l-entreprise-de-demain-584639.php?xtor

    "Les masses régulières" ont alors totalement disparu au profit de chevaliers. Allons-nous connaitre un retour à l'avant Crécy et Azincourt ? Pourquoi pas, si la technologie le permet, l'incite ou le conditionne.

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