La
seconde moitié du XXe siècle a été dominée par la Guerre Froide et la vision
d’une guerre de haute intensité mobilisant des moyens technologiques
considérables. La pensée militaire occidentale a longtemps été inspirée, si ce
n’est limitée, par cette approche des choses. Pourtant, les « petites
guerres », guérillas, rébellions, insurrections, ont dans le même temps
continué à proliférer partout dans le monde. Les guerres d’Irak et
d’Afghanistan ont ainsi rappelé durement aux nations occidentales qu’il est
important de maintenir la compréhension et la capacité à conduire des
opérations de contre-insurrection sous peine de connaître de graves
déconvenues. Dans ce contexte, de nombreux théoriciens français, britanniques
ou américains de ce type de guerres ont été redécouverts et à nouveau enseignés
dans les écoles militaires. Inversement, il est également essentiel de
comprendre le point de vue de l’ennemi potentiel – l’insurgé – pour mieux le
combattre. C’est pourquoi il est important de lire Lénine, Giap, Mao ou encore
Che Guevara, que Liddell-Hart considérait comme un théoricien de premier ordre
en raison du caractère concret et pratique de ses écrits en la matière.
A
l’instar du stratégiste anglais, il est intéressant de constater que les
théories de Guevara, qui à première vue (superficielle) pourraient sembler
obsolète tant la différence entre une insurrection marxiste sud-américaine des
années 60 est éloignée d’une insurrection islamiste arabe ou perse des années
2000, conservent une force d’enseignement intacte.
Façonnée
par son expérience de la révolution cubaine (1959), la théorie du foco développée par Guevara, et plus
tard formalisée par Régis Debray, se démarque des approches marxistes ou
trotskystes traditionnelles qui subordonnent le déclenchement de la lutte armée
à l’organisation d’une force révolutionnaire structurée, équipée et entrainée.
A cette approche il préfère la création de petits groupes armés destinés à
lancer au plus tôt des attaques contre le pouvoir en place. Ces foyers (foco en espagnol) insurrectionnels
doivent provoquer le ralliement progressif puis massif de la population à leur
cause pour transformer l’insurrection en guerre révolutionnaire. Cette vision
n’est pas sans rappeler les modes d’action des insurgés afghans qui, comme le
notait le général McChrystal lorsqu’il commandait la force internationale dans
ce pays, « n’ont aucune structure de
commandement unifiée, n’ont aucune stratégie et aucun plan de campagne communs,
chaque groupe développant les siens de son côté pour finalement parvenir à
l’objectif commun qui est d’affaiblir le gouvernement afghan, de montrer son
incapacité à faire régner l’ordre et à assurer la sécurité, et ainsi monter les
Afghans contre lui ». Il n’est donc pas totalement dénué d’intérêt de
découvrir plus avant la façon dont Guevara développe sa théorie.
La
lecture de ses œuvres « militaires », et notamment La guerre de guérilla, permettent de
découvrir le Guevara stratège qui pose quatre principes stratégiques à la
réussite d’une insurrection, à savoir le gain de la population, y compris par
la peur, l’emploi de la propagande, de la surprise et du terrain, et définit
quelques principes tactiques incontournables comme la criticité de
l’entrainement des guérilléros ou de l’organisation du commandement. Cette
lecture permet aussi d’identifier à postériori quelques faiblesses comme le peu
de cas que Guevara fait de la collecte du renseignement ou du combat en zone
urbaine, auquel il ne croit pas du tout et prête des conséquences néfastes pour
un mouvement insurrectionnel. Mais c’est essentiellement dans les enseignements
que ces lectures nous apportent que l’œuvre de Guevara présente un véritable
intérêt pour ceux qui sont aux prises ou s’intéressent aux guerres de
contre-insurrection dans lesquelles la France et ses alliés sont engagées.
En 1968, alors jeune sergent, j'ai eu des démêles qui auraient pu me couter cher avec mes supérieurs directs pour avoir en ma possession et lire "guerre de guérilla"
RépondreSupprimerSilenzio
Il me semble que la seule réussite des préceptes guevariens a été la prise de pouvoir par le FSLN au Nicaragua.Préceptes guévariens qui ont d'ailleurs provoqué longtemps des schismes entre tendances du mouvement:guerre populaire prolongée,prolétariens,terceristas(3eme voie).Il est passionnant de voir s'affronter idéologiquement le guérillero romantique dans sa montagne,le marxiste pur et dur adepte de la lutte des classes et le terceriste opportuniste qui fait de la bourgeoisie un allié ponctuel.Tout celà sans épuration physique.Seul Fidel Castro oblige les 3 tendances à se regrouper pour la victoire finale sous la menace de couper son appui politique et matériel(entrainement,formation,fourniture d'armement,aide à la propagande).On peut noter que seules l'agressivité américaine et l'activité des contras permettrons au FSLN de rester uni au pouvoir.En revanche aprés sa défaite électorale ce sera l'éclatement.
RépondreSupprimerDe ma petite expérience latino-américaine il me paraît évident que dans les actions anti-guérilla on oublie trop souvent de tarir ses soutiens extérieurs qui sont indispensables.Deux exemples:militairement le FLN semble vaincu.L'armée lui a coupé les vivres(ligne Morice,blocage frontiére marocaine) mais trop tard.le soutien matériel a donné suffisamment d'espace temps au FLN pour se forger un soutien diplomatique incontestable y compris chez des alliés de son adversaire.En revanche en Angola,Savimbi est proche de la victoire sur le terrain mais le lachâge de ses parrains plus ou moins occultes le fait tomber dans l'abîme.Alors ces remarques s'appliquent-elles à la situation afghane????