Après un succès rapide (la destruction des lanceurs Zelzal) qui ne fait que les conforter dans leur piège logique, les décideurs israéliens entreprennent de « paralyser le système » du Hezbollah par une avalanche de frappes, mais sans intervenir au sol. Ils en viennent ainsi à lancer chaque jour 5 000 obus et 250 missiles, bombes guidées ou à dispersion de munitions sur un rectangle de 45 km sur 25, soit au total deux fois plus de projectiles que contre toutes les armées arabes engagées dans la guerre du Kippour. L’effet est pourtant minime sur les forces physiques du Hezbollah (seulement une dizaine de lanceurs et autant de miliciens mis hors de combat quotidiennement) et nul sur sa volonté de combattre. On s’aperçoit alors qu’une campagne de bombardement, déjà difficile lorsqu’il s’agit de faire plier un Etat comme le Nord-Vietnam en 1972 ou la Serbie en 1999, devient très aléatoire face à une organisation furtive. L’idée de pression indirecte sur le Hezbollah par l’intermédiaire du gouvernement libanais n’a pas plus de succès. En revanche, malgré toutes les précautions proclamées, ces milliers de frappes finissent fatalement par toucher aussi la population civile et ce dans une proportion 50 fois supérieure aux roquettes du Hezbollah. La légitimité internationale de l’intervention israélienne se trouve ainsi sapée jusqu’à l’imposition inéluctable d’un cessez-le-feu. L’obstination dans l’application seule de la puissance de feu face à une organisation non étatique porte en elle sa propre fin.
Au bout d’une semaine et pour sortir de cette impasse, Israël décide finalement de faire prendre plus de risque à ses soldats qu’à ses civils. Il engage donc des forces terrestres, mais à la manière de raids aériens qui se veulent souples et rapides alors qu’ils ne sont que confus. Comme personne n’a expliqué aux soldats qu’ils étaient en guerre, ceux-ci commencent par agir comme dans les territoires palestiniens. Chaque décès fait l’objet d’un compte-rendu direct au chef d’état-major des armées et plusieurs missions sont annulées au premier blessé. D’autres sont réorientées en cours d’action vers d’autres objectifs où il n’est jamais question d’occupation de terrain mais d’ « effets à obtenir » souvent très flous. Plusieurs chefs sont frappés de « dissonance cognitive », paralysés par un niveau de violence et un environnement complètement inattendus. Les forces terrestres, accoutumées à des petites actions contre les Palestiniens et surtout à des missions de gardiennage, ne savent plus mener des opérations coordonnées de grande ampleur. Qui plus est, la nouvelle organisation de la logistique à base de centres géographiques soutenant toutes les unités dans une zone donnée, suffisante pendant l’Intifada, se révèle totalement inadaptée dès que l’on change d’un seul coup d’échelle et de niveau d’engagement. La structure de commandement très centralisée, habituée à piloter des petites opérations depuis les états-majors régionaux ou depuis Tel-Aviv, est saturée par le volume d’informations.
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