Publié le 19 janvier 2017
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Depuis la fin de la guerre froide, la plupart des Etats africains
sub-sahariens souffrent particulièrement de ces tensions. Les groupes armés,
seigneurs de la guerre, milices de défense ethniques, armées privées
d’exploitants illégaux, pirates, sécessionnistes, bandits, s’y sont multipliés
selon une logique de prédation qui remplace, à l’exception des groupes
islamistes, les projets politiques des anciens groupes marxistes ou
réformistes. Ces groupes irréguliers sont très divers avec comme principal
point commun de contester le monopole étatique de l’emploi de la force et de
disposer de moyens de le faire. Ils sont, en effet, désormais capables de
constituer des armées irrégulières de quelques centaines à quelques milliers de
combattants et d’un rapport coût/efficacité inédit grâce à la combinaison de
l’armement léger ex-soviétique, désormais facilement disponible à bas coût, de
véhicules tous terrains militarisés comme les pick-up armés et d’un peu de
technologie civile comme les smartphones, les systèmes de géolocalisation ou
les instruments de vision nocturne.
Certains de ces groupes disposent de quelques moyens antiaériens, comme ces
voleurs de bétails qui ont abattu un hélicoptère de la police kenyane en 1996
ou ceux qui ont lancés deux missiles SA-7 contre un avion israélien à Monbasa
en 2001 [1]. D’autres utilisent des avions légers pour s’approvisionner ou
parfois se déplacer. Certaines enfin, comme les forces du général Nkunda dans
l’Est RDC disposent de matériels lourds, en l’occurrence quelques T-55 et
pièces d’artillerie. Elles ne disposent cependant pas pour l’instant de moyens
antiaériens et antichars modernes et ne constituent donc pas de
techno-guérillas, à l’instar du Hezbollah, du Hamas ou de l’Etat islamique [2].
Ces forces sont de motivation et de qualité tactique variable mais elles sont
souvent très mobiles, difficiles à déceler dans des milieux difficiles ou
densément peuplés et parfois capables de manœuvres efficaces de raids ou
d’embuscade.
Défis et
contraintes
La plupart des Etats africains manquent de forces adaptées pour faire face
à ces menaces. Les ressources financières sont faibles, le total des budgets de
défense de l’ensemble des pays d’Afrique subsaharienne est inférieur au seul
budget de défense de la France. Trois d’entre eux seulement disposent de budgets
dépassant l’équivalent d’un milliard d’euros. Il s’agit donc d’assurer la
sécurité de pays peuplés en moyenne de 20 millions d’habitants, avec des
budgets de police et de défense de l’ordre de quelques centaines de millions
d’euros.
Cette contrainte financière fait que les forces ne peuvent y être organisées
et surtout équipées de la même façon que dans les armées à haute densité
technologique des grandes puissances militaires. Ces armées, particulièrement
européennes et américaine, sont fondamentalement conçues pour des affrontements
interétatiques et poussées vers toujours plus de couteuses densité
technologique au prix le plus souvent d’une perte de masse. Le coût d’emploi
des 3 500 hommes de la force française Barkhane au Sahel a été presque équivalent en
2015 à celui des budgets de défense des cinq Etats dans lesquels elle est
déployée. Cette force qui est un grand complexe de reconnaissance-frappes
(et les raids terrestres ou aéromobiles sont des formes de frappes) exerce une
pression utile sur les groupes armés djihadistes en empêchant les
concentrations de force mais elle ne contrôle pas le terrain, n’empêche pas les
infiltrations et les attaques sur la population ou les forces locales. Le
rapport coût d’emploi/combattant ennemi (un tous les deux jours en moyenne) y est
de l’ordre d’un million d’euros pour un.
Une armée africaine ne peut être organisée de cette manière et doit fonctionner
de manière plus efficiente, ce qui peut par ailleurs, à la manière de
l’ « innovation jugaad » des pays émergents, peut également être
en retour une excellente source d’inspiration pour des armées comme celles de
la France [3].
Relever le défi des armées irrégulières suppose au préalable de trancher
plusieurs dilemmes. Le premier est celui de la dichotomie entre guerre et police,
les deux emplois possibles du monopole étatique de la force. Le premier est un
dialogue violent entre deux entités politiques, étatiques ou non, qui se
termine par la soumission ou, plus rarement, la destruction de l’autre. Le
second est une mission permanente de maintien de l’ordre et de neutralisation,
par remise à la justice, des contrevenants à cet ordre. Il n’y a là aucun dialogue
et négociation possible et il s’agit d’une mission sans fin.
Le problème est désormais que les moyens de coercition de la police sont
insuffisants face à ceux des groupes armés irréguliers et que les armées, qui
disposent de moyens plus puissants, ne sont pas forcément bien adaptées à la
lutte contre ces mêmes groupes. Forces en attente d’hypothétiques affrontements
contre des forces régulières de même type, peu employées, assurant parfois plus
une fonction de représentation et de prestige, elles ne sont pas forcément
structurées pour les affrontements intérieurs au cœur des milieux complexes. De
l’armée sierra-léonaise face au Revolutionary
United Front (RUF) en 1991 jusqu’à l’armée camerounaise face par Boko Haram
en 2014, les exemples sont nombreux d’armées conventionnelles africaines surprises
et mises en difficulté par des milices armées mobiles, motivées et souvent plus
expérimentées au combat.
Il s’agit donc d’admettre la nécessité de disposer de forces
contre-irrégulières (FCI) professionnelles qui à l’instar des groupes armés,
combinent la puissance des forces armées et la capacité de renseignement et de
présence de la police, au détriment par exemple d’équipements lourds qui
apparaissent peut-être prestigieux et offrent un statut mais n’ont guère de
probabilité d’emploi. Pour reprendre l’exemple du Cameroun, le bataillon
d’intervention rapide (BIR), aux missions polyvalentes et d’abord
anticriminelles s’est révélé finalement la meilleure unité de combat africaine
contre Boko Haram [4].
La lutte contre les organisations armées ne relève pas seulement de
l’action de force, elle suppose, en particulier face à des organisations
politiques, de comprendre et de traiter les causes de la séduction que ces
groupes peuvent exercer sur certaines populations, délaissées ou brimées,
d’adosser cette action à un système judiciaire solide et d’une manière générale
à la légitimité de l’Etat et de son administration. Sans cet environnement, il
est probable que l’action de force, même si elle obtient des succès tactiques
restera vaine.
Dans ce cadre, l’action de force elle-même doit obéir à des contraintes
particulières. Ces contraintes sont d’abord socio-culturelles, la FCI doit agir
nécessairement au milieu des populations. Elle doit absolument y être perçue
favorablement, comme un allié, une protection et non comme une menace
supplémentaire. Cela suppose un recrutement particulier et surtout une
formation où l’aide à la population ainsi que la connaissance des cultures et
dialectes sont considérées, au même titre que les compétences techniques et
tactiques, comme des éléments essentiels de la réussite.
Cette nécessité de confiance est également valable vers le
« haut » politique, une force armée efficace ne doit être perçue
comme une menace que par l’ennemi. La discipline et l’honnêteté, ce qui induit
des salaires corrects, réellement payés, et des conditions de vie convenables,
sont également importants. Là encore, sans l’adossement à une administration
militaire fiable et solide rien d’efficace n’est vraiment possible dans la
durée. Les groupes irréguliers ne sont vraiment forts que parce que les
institutions chargées de les combattre sont faibles.
Traquer et
détruire
C’est sur ces fondements nécessaires qu’il est possible de concevoir une FCI
efficace, dont on peut, même si les situations sont très diverses, définir les
contours généraux. Le premier principe est celui de l’adaptation à l’ennemi. Celui-ci
peut porter son effort sur le contrôle de la population, à l’instar des groupes
révolutionnaires qui cherchaient à constituer des zones libérées et à les
administrer suffisamment bien pour en faire un contre-modèle attractif et in fine une nouvelle source de forces.
L’effort contre-révolutionnaire doit alors porter aussi sur cette population
qu’il faut détacher des rebelles par une action sociale, économique et
politique forte (s’attaquer aux raisons qui font que l’on peut soutenir la
rébellion) tout en la contrôlant/protégeant. Les groupes islamistes sont
cependant actuellement les seuls, et les plus dangereux, à s’inscrire dans
cette optique [5].
Tous les autres groupes armés, même s’ils partaient au départ d’un souci de
défense de certains groupes défavorisés comme l’ethnie Acholi, en Ouganda pour l’Armée
de résistance du Seigneur (LRA pour Lord's
Resistance Army), ou les Ijaws et Ogonis pour le Mouvement pour
l’émancipation du delta du Niger, dérivent rapidement en banditisme meurtrier
dont les exactions se retournent souvent contre ceux qu’elles sont censées
défendre. Ces groupes ne veulent pas forcément prendre le pouvoir comme les
mouvements rebelles de la génération précédente, ni même souvent rallier la
population. Ne pouvant plus recruter des volontaires, la LRA s’est mise à
enlever des milliers d’enfants pour en faire des soldats ou des esclaves. Ne
dépendant pas comme au moment de la guerre froide, de l’aide de sponsors
étrangers qui imposaient un comportement et une centralisation, ces groupes,
qui se fragmentent facilement, se financent par prédation et trafics, comme
celui des diamants ou de la drogue. Ils n’ont
pas de programme politique et n’administrent pas, laissant faire les
organisations non gouvernementales s’occuper de la population à leur place et
ponctionnant parfois une partie de leurs ressources.
Ces groupes prédateurs doivent être combattus directement et de manière
impitoyable. Il n’est pas possible de négocier avec les seigneurs de guerre, il
faut les capturer ou les tuer. L’UNITA, qui avait dérivé d’une guérilla anticoloniale
d’inspiration marxiste à un pur groupe criminel utilisant la famine comme arme
et concentrant ses efforts sur les mines de diamant, a disparu avec la mort de
Jonas Savimbi, son leader historique. Il faut l’arrestation de Foday Sankoh en
2000 et la fuite de Charles Taylor du pouvoir pour obtenir la paix au Sierra
Leone et au Libéria après dix ans de massacres. Il est probable que la LRA ne
survivra pas non plus à l’élimination de Joseph Kony [6].
La FCI doit donc plutôt être organisée pour traquer et détruire des bandes
armées et plus particulièrement leurs chefs. Son action doit reposer sur la
combinaison étroite et permanente du renseignement et de l’intervention. D’une
manière générale, dans la lutte contre des groupes armés furtifs toute action
doit soit s’appuyer sur des renseignements précis, soit avoir pour objet
d’obtenir des renseignements. Il faut donc qu’il y ait une structure du
renseignement à l’intérieur des forces et jusqu’à l’échelon le plus bas et
capables, à la fois d’informer sur l’évolution de la situation locale et de
déceler et suivre les objectifs tactiques. Les différents capteurs,
informateurs, pisteurs, moyens de surveillance technique (écoute, surveillance
aérienne par avion léger ou drone à bas coûts) doivent être rassemblés et mis
en œuvre par une unité de renseignement, à la fois rattachée au bataillon de
secteur et reliée à l’échelon national.
Pour la structure d’intervention, le premier principe tactique consiste à
aller traquer l’ennemi sur son propre terrain, ce qui suppose une forme
d’imitation [7]. Les bandes irrégulières sont réfugiées dans les forêts ou dans
des agglomérations denses, il faut y être et donc posséder les compétences
particulières pour évoluer dans ces milieux complexes. Les bandes sont légères,
mobiles et furtives, il faut l’être aussi. La principale difficulté, après
l’acquisition de ces compétences, consiste ensuite à avoir un rapport de forces
suffisant au moment du contact avec l’ennemi. Les qualités nécessaires à la
traque, furtivité et mobilité, sont en effet rarement compatibles avec le
volume et la puissance de feu. Il est donc d’abord nécessaire d’évoluer avec
les unités tactiques de la taille minimale pour être capable de surmonter des
petites bandes mais surtout capables de résister à des bandes d’une centaine
d’hommes, si possible en les fixant, jusqu’à l’arrivée de renforts. La taille
de cette unité élémentaire dépend de la qualité intrinsèque de ses membres, de
son commandement, en particulier à l’échelon sous-officier, ainsi que de la
proximité des renforts. L’échelon de la section renforcée ou demi-compagnie
semble être une moyenne.
Le renforcement peut-être numérique, par voie routière ou par les airs. Or,
dans des zones à contrôler souvent très grandes (500 000 km2 en
moyenne pour des forces armées de quelques dizaines de milliers d’hommes) avec
des grandes élongations et une faible infrastructure routière. Il est donc
nécessaire à la fois de décentraliser les moyens sans les diluer et de pouvoir
les renforcer rapidement, donc par voie aérienne, à partir d’une réserve
centrale. Ce renforcement peut être aussi qualitatif. Il est en fait utile
d’établir une symétrie pour la recherche du renseignement et de la rompre au moment
du moment, en introduisant des éléments dont l’ennemi ne dispose pas :
appui d’artillerie, d’un ou deux engins blindés à forte puissance de feu ou
d’un appui aérien, avion ou hélicoptère d’attaque. Une force d’infanterie
légère peut faire face à des moyens d’appui seuls, en refusant le combat, se
dispersant ou en s’imbriquant dans un milieu protecteur. Elle peut faire face à
une autre force légère en manœuvrant et en concentrant ses feux. Elle peut
difficilement faire face simultanément aux deux. Un groupe armé, surtout s’il
est sans assise populaire, se révèle alors très vulnérable à une force
professionnelle efficace.
Une armée contre-irrégulière
L’unité de base de la lutte contre les irréguliers est le bataillon de
secteur, de taille et de composition variable en fonction de la dimension et du
type de l’espace à couvrir. Il est constitué d’unités élémentaires capables
d’opérations très mobiles, à pieds ou à base de véhicules légers 4 x 4 armés, réparties
à partir de bases de compagnie ou de demi-compagnies. Le bataillon doit
disposer d’une unité de blindés légers simples et peu couteux, plateformes de
feux, canons ou mitrailleuses, et transport, susceptibles de venir renforcer
par paires les sections engagées. Il doit disposer en propre de ses moyens de
renseignement [8].
Une force aérienne est indispensable dans le combat contre-irrégulier (CCI)
sur de grands espaces. Elle seule permet, à l’échelon opérationnel, de
surmonter le problème des élongations et, à l’échelon tactique, de permettre
des concentrations rapides de feux et de forces, de contribuer à la recherche
du renseignement d’objectif, d’assurer la logistique de points isolés, de
faciliter enfin le commandement et les communications. Pour être vraiment
efficace la composante aérienne de la force doit comprendre, à la manière de la
force française au Tchad en 1970, cinq capacités : transport
intra-théâtre, transport tactique, appui feu, renseignement et commandement.
Disposer d’une telle composante suppose de surmonter deux défis.
Le premier est celui des coûts. Pour le prix des 12 chasseurs Sukhoi Su-30
K acquis par l’Angola, soit environ 400 millions d’euros, d’une probabilité
d’emploi très faible, il est possible de se doter d’une cinquantaine d’avions
turbopropulseurs ou d’hélicoptères à bas coût, d’attaque (type EMB-314 Super
Tucano, hélicoptères Bell 407 MRH), de transport (Casa 212 ou 235 par exemple
ou hélicoptères AW109, Bell 412 ou Mi-17), de surveillance (AHRLAC) et liaison.
Le deuxième défi est celui de la mise en œuvre et du maintien en condition de
cette flotte, avec des matériels les plus homogènes possibles, qui suppose un
personnel de plusieurs centaines de pilotes et de techniciens de haut niveau et
une organisation précise du soutien avec un budget, dix à vingt moins importants
que pour des appareils de dernière génération, mais non négligeable. A
condition de surmonter ces deux défis, et de maintenir une disponibilité de 80
% des équipements, il doit être possible de déployer sur n’importe quel point
du théâtre en quelques heures, soit directement, soit par le biais de bases
avancées, et en coordination avec les forces locales, un détachement
d’intervention aéroporté/aéromobile de la taille minimum de la demi-compagnie
et deux appareils d’attaque. Les appareils d’appui doivent avoir une capacité
air-air afin de pouvoir intercepter les éventuels aéronefs ennemis [9].
Les huit Groupes spéciaux d’intervention (GSI) mauritaniens formés à partir
de 2008 avec l’aide de la France pour traquer les groupes djihadistes sont un
bon exemple de ce type d’unité. De 2008 à 2012 et grâce à la « possibilité
de poursuivre » dans les Etats voisins, ces petits bataillons très mobiles
(sur pick up armés) et appuyés par
une aviation légère et variée d’une trentaine d’aéronefs (dont des appareils d’attaque
EMB 312 Tucano) parviennent à démanteler plusieurs groupes de trafiquants et à
détruire les bases et les forces d’AQMI dans la zone spéciale du nord. Le
Bataillon d’intervention rapide (BIR) du Cameroun, déjà cité, constitue
également une autre réussite. Formé en 1999 pour lutter contre le grand
banditisme et la surveillance des frontières, le Bataillon léger
d’intervention, devenu BIR en 2008, a vu ses effectifs et ses moyens
s’accroître jusqu’à former une brigade 4 000 hommes avec cinq unités dont
une spécialisée dans le contrôle de la presqu’île de Bakasso (BIR Delta) qui
dispose d’un navire-base et de patrouilleurs armés. Le BIR a lutté avec succès
à la fois contre les coupeurs de routes et les bandes de la Séléka ou de Boko
Haram qui ont pénétré sur le territoire camerounais.
Un autre exemple plus ancien de FCI « low cost » est la force
française qui lutte de 1969 à 1972 au Tchad contre le front de libération
nationale (Frolinat). A son maximum, la force est constituée de cinq compagnies
d’infanterie légère et d’une compagnie d’automitrailleuses. Elle compense son
petit volume par une grande mobilité, à pied, motorisée ou héliportée, et une
logistique légère qui lui permet de rester longtemps sur le terrain. Les appuis
et le soutien sont presque entièrement aériens, avec une escadrille de six à
neuf AD-4 Skyraider (4 canons de 20 mm et 3 tonnes de munitions) et un
hélicoptère armé, une capacité de transport aéromobile d’une compagnie, plusieurs
monomoteurs de reconnaissance et de commandement, une petite flotte de
transport aérien avec les 12 DC-3 Dakota et le DC-4 tchadiens, la dizaine de petites
Nord 2501 qui sert un peu à tout (largages par air, sauts opérationnels,
éclairement nocturne) et enfin de 4 C-160 Transall. Les trois états-majors de bataillon
sont également capables d’intégrer des compagnies de l’armée nationale
tchadienne au fur et à mesure de leur formation. Fort de 5 000 combattants
en 1969, le Frolinat en a perdu les trois-quarts trois ans plus tard et n’a
plus de capacité militaire [10].
Cette force polyvalente et mobile peut être secondée efficacement dans les
secteurs les plus menacées par des forces d’autodéfense, comme Executive
Outcomes avec les milices Kamajors au Sierra Leone ou la force française au
Tchad avec les milices villageoises. Cette solution impose cependant un contrôle très étroit. Dans une formule idéale, comme celle des Combined Action Platoons au Vietnam ou
des Village Stability Operations en
Afghanistan, des groupes professionnels peuvent être associés en permanence
avec les forces d’autodéfense ou de réserves. Ces modules de forces qui
connaissent bien le terrain doivent alors être assez résistants pour constituer
des pions tactiques élémentaires. Cette solution suppose est consommatrice de
personnels de qualité en particulier de cadres [11].
Les mêmes principes s’appliquant aux forces maritimes et fluviales. La
flotte doit être capable de surveiller les ports et les lieux de pêche avec des
patrouilleurs très légers équipés d’armes légères et de la technologie minimale
notamment pour agir de nuit. Elle doit disposer de navires plus endurants pour
lutter contre la contrebande et la protection des actifs offshore et de la zone
économique. L’aviation légère de reconnaissance et d’appui doit être capable de
collaborer aussi avec cette force. De même que le BIR est financé avec l’aide
de la société nationale des hydrocarbures, la flotte peut être aidée par les
sociétés pétrolières qui en sont les premières bénéficiaires.
Conclusion
L’adaptation des forces à la menace irrégulière est une nécessité. Elle est
en cours dans la plupart des pays africains mais en rencontrant de nombreuses
difficultés car elle s’oppose à une vision classique de l’emploi « en
attente » de forces armées dont l’Etat comme la population se méfient
souvent pour des raisons différentes. Cette transformation est une véritable
révolution qui suppose un choix stratégique clair en direction de la sécurité
intérieure et l’optimisation de la structure des forces de cette mission. Cette
optimisation induit de privilégier le qualitatif en préférant quelques unités
aéroterrestres ou aéromaritimes professionnelles bien formées, équipées, soutenues
logistiquement et administrées, plutôt qu’à des volumes médiocrement formés et
équipés.
Sources
[1] Helmoed Heitman, « Optimiser les
structures des forces de sécurité africaine », Bulletin
de la sécurité africaine n°13 mai 2011,
Centre d’étude stratégique de l’Afrique.
[2] Voir Joseph Henrotin, Techno-guérilla et guerre hybride : Le pire
des deux mondes, Nuvis, 2014 ou David E. Johnson dans Hard Fighting: Israel in Lebanon and Gaza, 2012, http://www.rand.org/pubs/monographs/MG1085.html.
[3] Navi Radjou, Jaideep Prabhu, Simone
Ahuja, Jean-Joseph Boillot, Innovation
Jugaad. Redevons ingénieux !, DIATEINO, 2013.
[4] Philippe Susnjara, « Révolution dans les affaires militaires
africaines », in Revue Défense Nationale n° 792, été 2016.
[5] William Reno, Warfare in Independent Africa, Cambridge University Press, 2011.
[6] Jeffrey Gettleman, « Africa's
Forever Wars », in Foreign Policy,
11 févr. 2010.
[7] Sur le concept d’imitation, voir Ivan
Arreguin-Toft, How the Weak Win Wars,
Cambridge University Press, 2005.
[8] Helmoed Heitman, « Optimiser les
structures des forces de sécurité africaine », Bulletin
de la sécurité africaine n°13 mai 2011,
Centre d’étude stratégique de l’Afrique.
[9] Jean-Louis Promé, « Quel type
d’avion pour la lutte anti-guérilla », in
Défense et sécurité internationale n°34, février 2008 et Joseph Henrotin,
Contre-insurrection aérienne : vers un tournant, in Défense et sécurité internationale n°34, février 2008.
[10] Michel Goya, L’intervention militaire française au Tchad (1969-1972), Lettre du
retex-Recherche n°6, Centre de doctrine d’emploi des forces.
[11] Michel Goya, La guerre au milieu des populations, l'exemple des CAP au Vietnam, Lettre
du retex-Recherche n°13, Centre de doctrine d’emploi des forces.