mercredi 7 septembre 2016

Du bon dosage du soldat augmenté

Article paru dans Inflexions n°32

Un soldat est un agrégat, un mélange de compétences, d’équipements et de façons de voir les choses à l’intérieur d’un emboîtement de structures. Il doit maîtriser des savoir-faire techniques ainsi que la manière de les coordonner avec ceux des autres. Il lui faut être fort physiquement pour supporter des charges lourdes et pour agir longtemps. Il a surtout besoin d’avoir une armature morale particulière qui lui permette de surmonter deux interdits : mettre sa vie en danger et prendre celle des autres.

La création d’un soldat est donc chose complexe et changeante car relative à un environnement propre et surtout à des ennemis. S’il existe des constantes, il n’y a cependant pas de combattant idéal, juste des créations plus ou moins adaptées à des contextes différents. Imaginer la possibilité d’un soldat ultime, invulnérable et invincible, est donc forcément une illusion.

De l’homme transformé au point oméga du soldat

Au départ est la peur et sa gestion. La manière dont l’homme réagit à un danger dépend de l’interaction de plusieurs systèmes nerveux. Lorsque l’amygdale, placée dans le système limbique, décèle un danger, elle déclenche immédiatement une alerte vers le cerveau reptilien et ses circuits nerveux rapides. Les ressources du corps sont alors automatiquement mobilisées par une série d’ordres bioélectriques et des sécrétions chimiques. Cette mobilisation se traduit par une concentration du sang sur les parties vitales au détriment des extrémités, ainsi que par une atténuation de la sensation de douleur. Surtout, elle provoque une augmentation du rythme cardiaque afin de permettre des efforts physiques intenses.

Quelques fractions de secondes après le cerveau reptilien, l’alerte de l’amygdale atteint le néocortex. En quelques secondes, un jugement de la situation est fait, qui influe sur la mobilisation du corps de combat déjà déclenchée en la contrôlant ou, au contraire, en l’amplifiant. Or ce processus de mobilisation devient contre-productif si son intensité est trop forte. En effet, au-delà d’un premier seuil, l’habileté manuelle se dégrade et l’accomplissement de gestes jusque-là considérés comme simples peut devenir compliqué. Au stade suivant, ce sont les sensations qui se déforment puis les fonctions cognitives qui sont atteintes et il devient de plus en plus difficile, puis impossible, de prendre une décision cohérente. Au mieux, on obéira aux ordres ou on imitera son voisin. Au stade ultime du stress, le comportement de l’individu n’a plus de lien avec la survie. Il peut rester ainsi totalement prostré et souvent incontinent face à quelqu’un qui va visiblement le tuer (1).

Depuis les premiers combats organisés au néolithique, le cœur de la formation du soldat réside dans la maîtrise de ces phénomènes, en particulier de cette montée aux extrêmes jusqu’à l’impuissance. En résumé, comme dit Montaigne, la peur de la mort donne des ailes ou plombe les pieds ; en d’autres-termes, elle produit un être provisoirement, et naturellement, « augmenté » ou au contraire « diminué » si la mobilisation est trop forte.

Ce qui fait la grande différence entre le combattant, au sens large, et le novice n’est donc pas la force physique ou la maîtrise technique, mais bien une gestion différente de cette peur inévitable. Or, cette gestion, qu’il s’agisse de la mise en alerte ou de l’analyse de la situation et des actions à mener, dépend très largement de l’expérience antérieure des individus. La gestion de la peur peut s’apprendre et c’est même le cœur de la formation du soldat : comment être du côté des « augmentés » plutôt que des « diminués ». Il ne sert à rien de disposer des meilleures armes du monde si on est tellement paralysé que l’on ne peut pas s’en servir !

Hors de tout contexte métaphysique (un paradis pour les guerriers par exemple) et après des siècles de recherche empiriques, toutes les armées du monde utilisent sensiblement les mêmes procédés pour préparer les hommes au combat, sans pouvoir évidemment reproduire exactement celui-ci. Il s’agit surtout de préparer aux « premières fois », ces premiers combats, ceux où l’émotion est la plus forte et les performances moindres, à l’origine des plus grandes pertes et des paniques.

Une première approche, héritée de l’époque moderne, est fondée sur l’analyse des gestes du combat et leur apprentissage par répétition. Cette méthode, dite du drill, induit un conditionnement utile à l’obéissance et, comme dans les disciplines sportives, la répétition incessante de gestes individuels et collectifs afin que, le moment venu, le « réflexe remplace la réflexion ».

Une seconde approche consiste à accoutumer l’esprit et les sens du soldat à l’ambiance du combat par la simulation et la stimulation de l’imaginaire. Cela passait traditionnellement par les récits des vétérans et les exercices contre des cibles humaines, vivantes ou non. Avec le développement de la technique, on s’est efforcé de rendre les choses plus réalistes. Par des films et des photos, par la visite d’abattoirs ou en accompagnant des sapeurs-pompiers, par exemple, on s’est efforcé de réduire le choc des premières visions d’horreur. Un nouveau seuil a été franchi dans les années 1970 avec l’informatique, les caméras embarquées, l’emploi de laser pour simuler les tirs. On peut désormais envisager d’aller encore plus loin avec les « réalités virtuelles ». L’ensemble des répétitions, des simulations et des informations est censé incruster dans la mémoire du combattant un ensemble de données et de situations qui lui permettront de décrypter très vite les menaces et de fournir automatiquement des réponses. Elles contribuent à la mise en confiance, élément clé de tout ce conditionnement.

Tous ces procédés ont cependant une limite indépassable qui est que le soldat n’a pas vraiment peur de la mort puisqu’il sait que, sauf accident, celle-ci est exclue de l’équation. On a donc cherché à compléter l’ensemble de ces procédés par une voie supplémentaire, celle de la pression psychologique et de la peur artificiellement créée. Son principe est de placer l’individu dans une situation de stress en jouant sur toutes les peurs et les phobies possibles comme le vertige ou la claustrophobie, afin de l’obliger à les dépasser et à créer une adaptation par surcompensation. Cette approche s’accompagne généralement d’une intense formation physique dont le but est à la fois de former les hommes aux efforts spécifiques du combat, mais aussi à les pousser jusqu’à leurs limites. Dans un système de recrutement par volontariat, cette approche a également pour vertu d’écarter les moins motivés.

Bien plus que le sacrifice, la vraie spécificité de la condition militaire est le pouvoir de tuer dans un cadre légitime. Pour beaucoup de soldats, ce pouvoir exorbitant ajoute une dimension tragique supplémentaire qui se superpose à la pression psychologique de la peur de mourir.

Dépasser cette réticence demande là encore un conditionnement particulier hors contexte réel, qui se combine en miroir avec celui du contrôle de la peur de mourir. Ce n’est évidemment pas un hasard : survivre au combat passe le plus souvent par la mort ou, au moins, la neutralisation du combattant ennemi. On procède donc là aussi d’abord par répétition. Les cibles des tirs réels ou simulés ont des silhouettes humaines, de façon à ce que l’on tue virtuellement des centaines de fois avant d’être en position de le faire réellement. On procède aussi par le discours et l’imagination. De la même façon que l’on se protège contre les balles et les obus, on se protège du trouble du meurtre par plusieurs blindages comme l’absolution collective, le contournement de cible (« on bombarde des bâtiments », « on tire sur des chars par sur des gens »), l’obéissance aux ordres ou, au contraire, la dérivation par l’ordre donné (qui tue vraiment entre celui qui donne l’ordre de tirer et celui qui tire ?), parfois la détestation de l’ennemi, jusqu’à lui retirer sa qualification humaine, avec de temps en temps de bonnes raisons et l’idée que son acte réduit les souffrances plus qu’il ne les crée : éliminer des snipers, c’est épargner des vies ; tuer un servant d’arme anti-aérienne, c’est sauver des camarades.

Cependant, ce qui aide le plus à tuer reste la distance avec la victime. Car la réticence à tuer ne provient pas de l’ampleur de l’acte mais de sa proximité. La chose devient délicate dès lors que l’on commence à voir la chair que l’on coupe ou, pire encore, qu’on la touche. Dans la fameuse expérience de Stanley Milgram sur l’obéissance, le malaise des cobayes était au plus haut lorsqu’ils recevaient l’ordre de remettre en place les fils électriques directement sur le corps de la (fausse) victime. C’est à ce moment-là que les refus de continuer l’expérience ont été les plus importants. Dans On killing, Dave Grossman décrit le cas d’un fantassin américain qui avait tué plusieurs ennemis au Vietnam et dont le plus grand trouble était lorsqu’il évoquait celui qu’il avait poignardé (2). Contrairement à une légende, les membres des équipages des bombardiers B-29 qui ont largué des bombes atomiques sur le Japon n’ont pas particulièrement souffert de troubles psychologiques. D’une manière générale, le caractère horrible de la plupart des missions de bombardement a laissé infiniment moins de traces dans les témoignages des équipages que les drames qu’ils ont vécu dans leurs propres zones de mort, vingt mille pieds au-dessus des villes qu’ils détruisaient. Gwynne Dyer, qui a étudié leur cas dans War, a décrit des hommes qui savaient intellectuellement ce qu’ils faisaient, mais qui ne pouvaient se le représenter réellement (3). C’est aussi le cas des marins ou des artilleurs qui, eux-aussi, tirent à distance sans voir concrètement le résultat de leur tir.

Le nombre de soldats que l’on effraie est toujours plus important que celui de ceux que l’on tue. Et on effraye plus en utilisant des armes contre lesquelles on ne peut rien ou qui prennent pas surprise, mais aussi par la recherche du contact physique. C’est le secret du maintien des baïonnettes pour les combats rapprochés, comme à Verbanja, alors que celles-ci ne sont de fait jamais utilisé (le taux de pertes par armes blanches est inférieur à 1% depuis la fin du XIXe siècle). L’arme blanche fait peur tant chez celui qui craint de la subir que chez celui qui craint de s’en servir. Si, à grande distance, les adversaires cherchent à se rencontrer pour obtenir des effets tactiques, à très courte distance, au contraire, les polarités s’inversent. La peur de mourir et la réticence à tuer deviennent exponentielles. C’est la raison pour laquelle le combat rapproché, le plus rare, est toujours culturellement et socialement valorisé, car il représente le summum du courage.

Une fois cette base assurée, le reste de l’agrégation se poursuit. Le soldat ne combat pas nu. Il étend ses capacités en s’associant avec des animaux, le cheval en particulier, et surtout en utilisant toutes sortes d’objets pour sa protection, depuis les premiers vêtements de cuir jusqu’au gilet pare-balles moderne en passant par les armures de toutes sortes ou les casques. Le char de bataille lui-même était au départ conçu pour protéger une équipe. Ces objets servent aussi à tuer, selon deux axes contradictoires : les armes de combat rapproché, de la masse à la baïonnette, et les armes longues ou de jet, selon un réflexe de mise à distance de la menace. Mais aussi à vivre sur le terrain, à dormir un peu plus confortablement, à se nourrir, à boire… Plus récemment, ce sont des moyens de communication à distance, de vision augmentée (jumelles) ou nocturne... Jusqu’à des hybridations maximales où l’homme et la machine qui l’entoure peuvent se déplacer à Mach 2 et porter des tonnes de munitions, ou encore des monstres associant un équipage de plusieurs milliers d’individus dans un seul engin.

Le soldat augmenté par des équipements est également un être social, le service collectif l’emportant d’évidence sur la somme d’individualités en permettant la spécialisation ou l’action de masse. Ce service collectif contribue par ailleurs à affronter plus facilement la peur en introduisant des liens, des obligations morales et un esprit de corps. Le soldat qui porte l’uniforme d’une unité prestigieuse devient lui-même prestigieux. C’est une autre forme de transformation, voire d’augmentation, sociale cette fois. À l’apprentissage individuel technique s’ajoute aussi un apprentissage collectif puisqu’il faut apprendre à coopérer. L’agrégat individuel devient un agrégat collectif, plein de potentialités nouvelles, mais aussi source de tensions internes, entre valeurs différentes par exemple : la bravoure individuelle contre la discipline, l’héroïsme du combat rapproché contre la lâcheté, l’efficacité du tireur à distance…

Le point ultime du soldat est celui d’un homme ou d’un groupe d’hommes parfaitement adapté à son environnement extrême. Dans La Guerre mondiale vue par un Allemand, Werner Beumelberg, ancien combattant lui-même, décrit ainsi le soldat allemand de 1918 : 

« Le soldat, c’est maintenant une somme d’expérience et d’instincts, un spécialiste du champ de bataille ; il connaît tout : son oreille contrôle instinctivement tous les bruits, son nez toutes les odeurs, celle du chlore, des gaz, de la poudre, des cadavres et toutes les nuances qui les séparent. Il sait tirer avec les mitrailleuses lourde et légère, avec le minen, le lance-grenades, sans parler de la grenade à main et du fusil, qui sont son pain quotidien. Il connaît la guerre des mines, toute la gamme des obus, du 75 au 420, le tir tendu et le tir courbe, et saura bientôt comment il faut se tirer d’affaire avec les chars. (4)»

Statistiquement, l’homme décrit par Beumelberg a quatre fois plus de chance de survivre qu’un novice pourtant équipé de la même façon. Certains sont même devenus des as, des super-combattants, tel le Français Albert Roche, blessé neuf fois pendant la Grande Guerre et qui, entre autres exploits, est parvenu à capturer seul mille cent quatre-vingt ennemis. Durent le même conflit, parmi les officiers, le capitaine Maurice Genay, chef de corps franc, a été quatorze fois cité pour son courage. Dans un domaine très particulier du combat d’infanterie, les quarante-quatre meilleurs tireurs d’élite soviétiques, dont Zaïtsev, ont officiellement abattu plus de douze mille hommes pendant la grande guerre patriotique. Les combats de chars ont eux aussi leurs as. Avec son équipage de Sherman, baptisé In the Mood, le sergent Lafayette G. Pool de la 3e division blindée américaine, a obtenu plus de deux cent cinquante-huit victoires sur des véhicules de combat ennemis dans les combats en Europe de 1944 à 1945. Du côté soviétique, deux cent trente-neuf chefs d’engin et leurs équipages sont crédités de la destruction d’un total de deux mille cinq cents chars allemands. On trouve aussi des « monstres », de la dimension de super-héros de comics américains, comme le pilote allemand Hans-Ulrich Rudel et ses deux mille cinq cent trente missions de guerre aboutissant à la destruction de deux milles cibles au sol (ou même en mer avec un cuirassé coulé), ou le tireur d’élite finlandais Simo Hayha qui aurait abattu au moins cinq cent cinq soldats soviétiques durant les cent jours de la guerre russo-finlandaise de 1939-1940 (on lui attribue aussi officieusement deux cents autres victimes au pistolet-mitrailleur).

Ces super-combattants sont des soldats augmentés initialement par leurs capacités naturelles, puis par leur expérience et les victoires elles-mêmes. À long terme, l’accumulation des succès ou des échecs finit même par provoquer de profondes transformations physiques. Le succès répété, par exemple, diminue la pression sanguine, accroît le taux de testostérone, ce qui augmente considérablement la confiance en soi. Les vainqueurs sont de plus en plus forts et donc aussi souvent de plus en plus vainqueurs. Un cercle d’accroissement se met alors en place. Quelqu’un comme Guynemer, qui avait été déclaré inapte au service au début de la guerre, est métamorphosé physiquement par le combat. Il est devenu un « super-soldat », un « as ». Il est connu de tous, reconnu par son milieu social et aimé des femmes. À la séduction de l’émotion extrême du combat s’ajoute la séduction du succès. Nous sommes là au point ultime.

La chute d’Icare

Cette avancée vers le soleil a un coût. Le premier prix à payer est évidemment la mort. Sur les quarante premiers as de la chasse française évoqués précédemment, dix sont tués au combat et trois grièvement blessés. Les êtres transformés peuvent aussi être piégés dans leur dépendance. Sur la petite trentaine de survivants, dix meurent dans un avion au cours des neuf années qui suivent la fin de la guerre, dans des exhibitions, des essais aériens ou des exploits impossibles .

À côté, de ces grandes figures, il y a de nombreux invisibles qui s’effondrent. Car pour qu’il y ait des vainqueurs, il faut qu’il y ait des vaincus. Les perdants répétés accumulent du cortisol qui agit sur le cerveau au niveau de l’hippocampe (lieu où sont stockés les souvenirs et donc les compétences) et perdent confiance jusqu’à développer un syndrome de Cushing, une détérioration générale du fonctionnement du corps.

La tentation d’être un surhomme, d’être et d’exister plus fortement dans une vie héroïque et dangereuse, est un jeu qui fabrique bien plus de déçus et de brisés que de gagnants. Ces derniers eux-mêmes, s’ils ne peuvent continuer leur vie héroïque, sont destinés comme Achille à terminer leur vie dans un enfer d’ennui, ou comme le Capitaine Conan de Roger Vercel (1934) à reprendre leur petite mercerie et à sombrer dans l’alcoolisme. Il ne s’agit là bien sûr que des survivants indemnes, qui s’ajoutent à ceux qui ont perdu la vie ou portent des blessures physiques et morales. Les as tués au combat ne représentent qu’une toute petite pointe des un million quatre cent mille Français transformés en soldats et tombés dans les combats de la Grande guerre, et des millions d’autres blessés dans leur chair et dans leurs âmes.

Mais en amont du combat, toutes les méthodes de création des combattants ne sont pas sans limites et sans risques. Première limite : le stress et l’épuisement sont peu compatibles avec l’acquisition de connaissances, ce qui implique de séparer nettement la mise sous pression et l’apprentissage technique. Deuxième limite, plus importante : le principe général de cette création est celui de la surcompensation ‒ diminuer d’abord l’individu, l’écraser sous la pression, le couper de sa vie précédente pour le forcer à s’adapter et, au bout d’une série de séquences, à devenir « plus » ‒ ; que les dosages soient trop forts et il se trouve plus affaibli que renforcé. L’expérience de transformation préalable peut ainsi devenir quelque chose de plus traumatisant encore que le combat. Ajouté au risque physique de l’entraînement, on peut, par excès, briser les hommes. Le problème est rendu plus complexe encore par le fait que les réactions au stress sont très variables d’une personne à l’autre et qu’il est difficile de découvrir de manière certaine comment cela va se passer au moment de l’engagement réel. Les tentatives scientifiques de détection préalable des profils humains naturellement les plus adaptés au combat ont été peu opératoires ; on reste dans le domaine de probabilités.

Troisième limite : le conditionnement crée une vulnérabilité. Il prépare les individus pour certaines situations, mais si ces dernières évoluent ou ne sont pas celles anticipées, le trouble peut être très fort, aboutissant à un résultat inverse à celui recherché. Lors des premiers engagements en Normandie en 1944, on s’est aperçu que la plupart des fantassins américains, nouvellement formés, tiraient très peu. Une première analyse conclut qu’ils avaient une grande réticence morale à tuer. Une autre détermina plus tard qu’en réalité la plupart d’entre eux se trouvaient en situation de dissonance cognitive, l’entraînement au tir sur de grands espaces ouverts et face à des cibles visibles et immobiles n’ayant que peu de rapport avec ce qui se passait réellement dans le bocage normand. Les conséquences seront qu’après la Seconde Guerre mondiale on incitera les GI’s à être à la fois plus agressifs (par exemple en les entraînant à frapper à la baïonnette des silhouettes de bois en hurlant « tuer ») et plus désinhibés dans l’emploi des armes (en leur apprenant à tirer sur des « zones » plutôt que sur des cibles précises)(5). Le résultat fût une meilleure adaptation au contexte du combat contre les armées allemandes puis nord-coréennes ou chinoises, mais aussi une catastrophe lorsqu’il s’agira d’évoluer au milieu des populations comme au Vietnam ou dans les conflits asymétriques récents en Afghanistan et en Irak. De la même façon, les magnifiques exercices de Fort Irwin, où les brigades américaines apprenaient à combattre de manière très réaliste des unités blindées soviétiques, ont fini par être contre-productifs pour la préparation aux combats en Irak après 2003 : l’introduction d’armes nouvelles, donc imprévues, comme les gaz mortels ou les avions d’attaque en piqué, a suscité l’effroi y compris au sein des troupes apparemment les plus solides.

Fruit d’une alchimie complexe, le soldat est donc une création rendue en réalité très éphémère par les évolutions de son environnement et surtout celles de ses ennemis. Le chevalier lourd français du début du XVe siècle était le résultat de l’association de progrès dans l’élevage animal (le cheval était « augmenté » en Perse dès le début de l’ère chrétienne), dans l’art équestre (étriers, sellerie) et la métallurgie (épée, lance, cotte de mailles, armure), d’une alimentation protéinée supérieure à la moyenne, d’un long entraînement pour maîtriser cet ensemble, et de l’intégration de certaines valeurs et de certaines relations sociales. Cet agrégat, outre qu’il était devenu très couteux, était déjà largement inadapté à cette époque. Les tournois n’étaient plus des simulations de bataille, mais des spectacles déconnectés de la réalité. Le chevalier était désormais inefficace face à une troupe un peu organisée qui ne fuyait pas devant lui. Qu’il chute de cheval et le voilà capturé, protégé par une convention sociale qui voulait qu’il ne soit pas tué mais verse une rançon. Le massacre des chevaliers à Courtrai (1302) puis à Crécy (1346) fit scandale alors qu’il aurait dû apparaître comme le révélateur de leur obsolescence. La réponse aux archers gallois ‒ le renforcement de l’équipement avec l’apparition des armures à plates, mais aussi l’aide d’autres combattants au sein d’une « lance » ‒, ne fut qu’une adaptation technique pour que rien ne change socialement et culturellement. On a alors atteint un point de sophistication extrême, qui ne résistera pas à l’apparition d’autres innovations comme l’infanterie offensive suisse et, surtout, à la généralisation des armes à feu portatives.

Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, ces changements étaient lents : le soldat pouvait faire la guerre de la même manière et avec les mêmes équipements toute sa vie ; la formation initiale et l’expérience des combats suffisaient souvent pour toute une carrière. Tant qu’il n’était pas épuisé physiquement et psychologiquement, le combattant s’augmentait seul au fur et à mesure de l’expérience des campagnes. Depuis cette époque, et avec une accélération depuis la Première Guerre mondiale, il est soumis au réapprentissage constant. Nouveaux équipements, nouveaux théâtres d’opérations, nouveaux ennemis, le soldat français moderne est un nomade et un élève permanent. Les efforts pour augmenter les capacités individuelles et collectives sont des éternels recommencements.

Les tendances actuelles, au moins dans un certain nombre de laboratoires, évoquent une ligne de fuite dans le « toujours plus». Pour aider le soldat à être plus fort, plus endurant, plus vigilant, on ne s’interdit plus de prospecter du côté de la chimie voire même de la nanotechnologie. D’importants investissements sont faits pour le combat d’infanterie. Si le fantassin est trop lourdement chargé, on va le doter d’un exosquelette ou le doper ; si cela ne suffit pas, il sera aidé par un robot mulet et il pourra utiliser des robots. Le système Félin (fantassin à équipements et liaisons intégrés), dont est désormais équipé le soldat français, associe des moyens de protection à tout ce que l’électronique peut apporter en termes de vision, de communication, de visée, de localisation... Dans un contexte de changement permanent, cette fuite en avant dans une direction unique, si elle peut apporter des innovations utiles, est forcément au bout du compte une illusion.

Les agrégats instables

La performance de l’hybridation technique dépend de nombreux facteurs souvent contradictoires. Il faut tout d’abord greffer des machines ou des produits sur des hommes stressés. En 1986, le British Operational Analysis Establishment a fait rejouer virtuellement une centaine de batailles des XIXe et XXe siècles avec des armes à tir laser. Toutes ces simulations, réalisées par des hommes qui ne risquaient rien, ont été très largement plus meurtrières que les affrontements réels. Sur un champ de tir, le fusil antichar de 13 mm conçu par les Allemands en 1918 était très efficace. Dans la réalité, seulement deux chars légers français ont été détruits par cette arme très délicate et dangereuse à utiliser, surtout à cent mètres face à des engins ennemis. Actuellement, le système Félin offre de nouvelles capacités en termes de précision de tir, de liaisons et de vision, mais au prix d’un poids encore supérieur de l’équipement, d’une dépendance aux batteries électriques, et d’une complexité accrue et parfois superflue. La tablette qui est censée équiper chaque chef de groupe de combat n’est, par exemple, jamais utilisée par celui-ci car incompatible avec le cadre espace-temps dans lequel il évolue. Il n’a pas besoin, par exemple, de connaître la position de ses hommes sur un écran car ils sont à côté de lui et, en outre, les délais de « rafraîchissement » de l’écran sont trop lents. Au bilan, certains considèrent que le système réduit plutôt les capacités et donc augmente les risques.

Les effets secondaires des psychostimulants et autres produits chimiques sont souvent mal maîtrises. L’emploi de la méthamphétamine par la Wehrmacht a sans doute été fatal à plus de soldats allemands qu’elle n’a permis de tuer d’ennemis. Les pilules utilisées pour combattre les effets possibles des armes chimiques sont vraisemblablement à l’origine du « syndrome de la guerre du Golfe » qui a frappé de nombreux soldats alliés après 1991. L’emploi d’amphétamines pour maintenir la vigilance est, par exemple, directement à l’origine d’au moins un tir fratricide en Afghanistan, en avril 2002, lorsqu’un pilote américain de F-16 a largué une bombe de deux cent vingt-sept kilos sur des militaires canadiens, tuant quatre et blessant combattants, ce qui, dans les conditions actuelles d’emploi d’une armée occidentale, constitue un échec majeur.

Il faut aussi tenir compte des facteurs sociologiques. Avec son armement, une section d’infanterie française de 1918 aurait vaincu en quelques minutes une section française de 1914 qui serait apparue en face d’elle sur le front de Champagne, mais elle aurait eu plus de difficultés en terrain large et ouvert car elle avait perdu l’habitude du tir au fusil à grande distance et de la marche. Cette section de 1918 était aussi une nouvelle structure socio-tactique où des individus spécialisés avaient remplacé des hommes tous équipés du même fusil Lebel, une organisation plus complexe à commander que celle de 1914. En outre, après la guerre, avec la disparition des vétérans et la réduction du service militaire, les sergents, chefs d’orchestre du système, ont eu de plus en plus de mal à conserver le niveau de compétence nécessaire. Toute chose égale par ailleurs, la section française du début des années 1930 était donc finalement plus rigide et moins efficace que celle de 1918.

Beaucoup des promesses technologiques s’avèrent aussi être simplement des leurres. En 1956, dans un article de la revue Army, le lieutenant-colonel Rigg fait la synthèse des idées de l’époque sur le soldat futur (situé en 1970). Celui-ci sera équipé d’un casque intégral intégrant une radio et des moyens de vision infra-rouge. Il sera protégé par une armure en plastique ultralégère et résistante aux balles. Il disposera d’un radar de poche qui l’avertira a de toute approche ennemie. Il sera armé d’un mini-bazooka et d’un fusil d’assaut voire d’une arme collective lançant des projectiles auto-télé et pré-guidées. L’auteur imagine surtout une multitude d’engins de transport aériens depuis les « tonneaux volants » jusqu’aux hélicoptères géants à propulsion nucléaire (6). En réalité, lorsque survient 1970, on s’aperçoit que le soldat américain qui combat au Vietnam est finalement assez peu différent de celui de 1956 hormis l’adoption, avec beaucoup de réticence de la part de la hiérarchie militaire, du fusil d’assaut M-16 et des premiers gilets de protection.

On ne voit d’ailleurs pas très bien ce que les hélicoptères nucléaires géants auraient apporté de plus aux Américains au Vietnam ! Si les deux adversaires deviennent très différents et que l’un d’entre eux peut éviter la rencontre, il le fera sans aucun doute. Ainsi il n’y a plus de combat aérien depuis le début de ce siècle, et même plusieurs années auparavant, car la supériorité aérienne des pays occidentaux, en particulier des États-Unis est, pour l’instant, totale. C’est évidemment un avantage, mais qui peut être contré par des procédés de dissimulation terrestre largement répandus. On en vient ainsi à des guerres, comme celles menées par Israël contre le Hezbollah au début du mois de juillet 2006 ou contre le Hamas en 2008 et 2012, où les deux armées ennemies s’évitent (les Israéliens ont peur des pertes militaires s’ils s’engagent au sol dans des zones denses, leurs adversaires refusent de les affronter en rase campagne) et où on se contente de frapper les populations par les airs.

Pour combattre, il faut accepter de se rencontrer, ce qui suppose un minimum de ressemblance. En 1956, au moment des prédictions du lieutenant-colonel Rigg, l’armée française est engagée en Algérie où elle s’aperçoit qu’elle est trop moderne pour combattre l’ennemi qui lui fait face. Après plusieurs échecs, elle procède donc à une large rétro-évolution : les pilotes abandonnent les jets les plus sophistiqués pour prendre le manche d’avions à pistons de la Seconde Guerre mondiale, plus lents et donc permettant de mieux voir ou tirer des cibles terrestres fugitives ; l’infanterie abandonne ses véhicules pour réapprendre à marcher et à traquer l’ennemi sur son terrain ; certaines unités de cavalerie retrouvent le cheval. Les moyens modernes, comme un nouvel armement individuel ou les hélicoptères, ne sont désormais utilisés que lorsqu’ils s’avèrent adaptés au contexte.

L’augmentation de puissance est une chose relative. La recherche du toujours plus loin dans le même sens est fatalement une impasse, comme lorsque les armées des diadoques allongeaient sans cesse les sarisses de leurs phalanges jusqu’à la paralysie. Le coût de l’électronique individuelle et surtout de la protection a fait monter le prix de l’équipement du fantassin américain de moins de mille euros pendant la guerre du Vietnam à quinze mille aujourd’hui. Le système Félin français, lui, coûte quarante-deux mille euros pièce. On tend ainsi à rejoindre pour les fantassins les principes de la loi d’Augustine, du nom de l’ancien directeur de Lockheed Martin qui estimait qu’au rythme d’évolution des coûts des avions de combat, le budget américain de la défense de 2054 servirait tout entier à payer un seul appareil.

Le soldat augmenté est donc mécaniquement un soldat rare. Pour le prix d’un seul d’entre eux, l’ennemi local peut payer plusieurs dizaines de miliciens dont la mort éventuelle aura par ailleurs moins d’effet stratégique que celle du soldat occidental. Une section d’infanterie française a été détruite en 2008 dans la vallée afghane d’Uzbeen par des rebelles sans gilets pare-balles et équipés d’armes des années 1960, mais plus nombreux. Même si sept d’entre eux sont tombés pour un Français, le combat a été considéré par tous comme une défaite française. La supériorité supposée rend en effet plus insupportable l’échec, même relatif. L’emploi de soldats équipés du système Félin aurait-il permis d’éviter ce sentiment ? Rien n’est moins sûr. Au lieu d’un « homme toujours plus », d’un chevalier à armures à plates, il serait peut-être plus utile d’avoir deux hommes. Ils tireront plus ou pourront se relayer pour maintenir la vigilance sans usage de drogues. Une section un peu plus nombreuse à Uzbeen et avec un peu plus de munitions aurait sans doute été plus efficace que la même équipée de Félin.

En réalité, loin de ces projets futuristes encore très aléatoires, l’élément le plus novateur des dernières années réside plutôt dans l’élargissement de la capacité à produire des soldats. Dans le cycle de science-fiction des Princes d’ambre, Roger Zelazny décrit l’affrontement entre des êtres surhumains dotés de la capacité à se déplacer n’importe où et d’autres qui ont la possibilité inverse, faire venir à eux ce qu’ils veulent. Les opérations en cours ressemblent d’une certaine façon à cet affrontement entre des soldats professionnels, nomades internationaux de plus en plus rares et sophistiqués, et des combattants locaux amateurs qui bénéficient des flux de la mondialisation pour faire venir à eux des objets et des connaissances (7). Comme l’explique Chris Anderson dans La Longue Traîne (8), on remarque les efforts de plus en plus importants des institutionnels pour rester au sommet de la puissance, mais on néglige les nombreux petits groupes armés dont l’apparition a été permise par les nouvelles technologies (ou leur association avec des anciennes) et l’ouverture des frontières de toutes sortes. C’est ainsi que certains ont pu se multiplier et, associés à une acceptation plus forte du sacrifice, être capables de tenir tête aux armées les plus modernes. Depuis le début des années 2000, les armées occidentales et israélienne ont été incapables de détruire une seule de ces nouvelles organisations armées dans le grand Moyen-Orient.

Comme l’ont montré les attentats de janvier 2015, il est aussi possible de former des groupes encore plus petits au sein même des sociétés occidentales. Un amateur peut s’entraîner physiquement aussi durement qu’un soldat, acquérir via Internet les mêmes connaissances techniques que lui et même se préparer psychologiquement très sérieusement. Avec des gilets pare-balles en vente libre et des smartphones, un groupe d’amateurs sera mieux protégé et se coordonnera bien mieux qu’un groupe de soldats des années 1980. L’acquisition de l’armement et des munitions est plus problématique, quoique facilitée par les flux issus de l’ouverture des arsenaux après la guerre froide. Sinon, avec des imprimantes 3D, il est déjà possible de fabriquer des armes rudimentaires chez soi. Le tout peut être financé par un simple crédit à la consommation. Ainsi, en novembre 2013, avec Abdelhakim Dekhar, et surtout en janvier 2014, quelques hommes, apparemment venus de nulle part, ont pu défier des agents de police et il a été nécessaire de faire appel à des unités d’intervention d’élite pour en venir à bout. Plus que les soldats augmentés, rares et chers, c’est l’augmentation du nombre de « soldats amateurs » qu’il faut sans doute anticiper et craindre.


(1) Christophe Jacquemart, Neurocombat Livre 1 - Psychologie de la violence de rue et du combat rapproché, Fusion Froide, 2012.
(2) Dave Grossman, On killing, New York, Back Bay Books, 1995.
(3) Gwynne Dyer, War, Crown Publishing Group Inc, 1985.
(4) Werner Beumelberg, La Guerre mondiale racontée par un Allemand, 1re éd. Payot, 1933.
(5) Michael Doubler, Closing with the Enemy, University Press of Kansas, 1994 et Samuel Lyman Atwood Marshall, Men Against Fire, University of Oklahoma Press, 2000.
(6) Lieutenant-colonel Robert B. Rigg, « Future Army Soldier », in Army, novembre 1956.
(7) Le cycle des Princes d'Ambre est une série de romans écrite à partir de 1970 par l'écrivain britannique Roger Zelazny.
(8) Chris Anderson, La longue traîne, Pearson, 2e édition, 2009.

16 commentaires:

  1. Étude magistrale, conclusion lucide.
    Mes respects...

    La même, sur une page format A4 SVP.
    Parce que maintenant, il va falloir faire passer ça dans l'esprit de nos décideurs.

    Bonne continuation.

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  3. Est-ce volontairement que tu n'évoques pas le Logrus ?

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  4. C'est de la folie d'engager 42 000 € par soldat rien que pour le système felin. On sont les hélicoptères lourds ? Les rangers adaptées pour que les soldats n aient pas à les acheter eux mêmes ?

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    1. A mon humble avis les budgets d'équipement vont en priorité à Thalès, on ne peut refuser de lui acheter au prix fort ses "gadgets" !... On ne va quand même prendre l'avis des utilisateurs !....

      Quand à de nouvelles rangers, il ne dit plus exister en France de fabricant dans ce domaine et pour ce qui est des hélicoptères lourds : seuls les USA et la Russie en construisent.

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  5. Mon colonel,

    Félicitations pour cet article riche d'informations et fort pertinent, j'ai l'impression après l'avoir lu d'être plus intelligent. Vos conclusions sont un régal, mais je crains beaucoup qu'elles n'aient que peu d'écho auprès de nos décideurs........

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  6. Le « super-soldat », le soldat augmenté vu par le Hors série Le soldat du futur de Science et Vie paru en 2015, de Marc (Prénom) Pierre (Nom)
    Le « super-soldat » est un projet de recherche de la DARPA, Defense Advanced Research Project Agency du Pentagone. Celui-ci court plus vite qu'Usain Bolt, se passe de nourriture ou de sommeil pendant plusieurs jours, dispose de la faculté de régénérescence d'un membre perdu, soulève plusieurs fois son poids et communique en permanence à distance. Le romancier américain Simon Conway a en particulier eu accès à l’envers du décor de l’ARPA.
    Un article du Daily Mail a récemment expliqué comment on pouvait génétiquement modifier un humain pour lui conférer des capacités extraordinaires utiles au combat. La plupart des techniques de modification des gènes impliquent de placer une séquence d'ADN génétiquement modifiée à l'intérieur d'un virus que l'on injecte ensuite dans un corps humain à l'intérieur duquel il se combine à l'ADN humain des cellules-cibles. L'expérimentation animale joue en ce domaine un rôle précurseur. En 2005, Ronald Evans, expert en matière d'hormones à l'Institut des études biologiques de Salk à La Jolla, en Californie, est parvenu à accroître la puissance physique des souris. Il a créé un groupe de souris génétiquement modifiées possédant en grande quantité des fibres musculaires cardio-vasculaires se contractant lentement, afin d'augmenter leur résistance à l'effort. Les souris d'Evans ont couru une heure de plus que les souris normales, résisté à la prise de poids, quelle que soit leur alimentation, et gardé une forme physique optimale, même sans exercice.
    Le « super-soldat » de la DARPA bénéficie par ailleurs des apports de la robotique. Par exemple, elle s'intéresse à des casques permettant aux soldats de communiquer par télépathie. Le programme Silent Talk aurait exploré des technologies de lecture dans la pensée avec des dispositifs pouvant capter les signaux électriques générés par l'activité cérébrale des sujets pour les convertir, avant de les envoyer sur un réseau de type Intranet. Des unités entières pourraient ainsi communiquer sans radio et les ordres être diffusés instantanément aux combattants.
    La DARPA travaille également sur les exosquelettes qui aident les soldats à soulever des charges lourdes sans effort et à effectuer d’autres tâches physiques que ne peut pas faire un soldat ordinaire. Elle a aussi imaginé pouvoir un jour implanter des micro-puces dans le corps des soldats pour surveiller en temps réel leur état de santé et leurs performances physiques sur le champ de bataille.
    Les « super-soldats » seraient en outre appuyés par des robots au sol et des « essaims de drones » aériens qui existent déjà en fait. Selon le constructeur aéronautique Boeing, des chercheurs et ingénieurs ont conduit des vols expérimentaux en Oregon utilisant deux drones ScanEagle se comportant comme un « essaim d’insectes », l'opérateur de vol y étant relié par un ordinateur portable et une radio militaire. Les ingénieurs de Boeing ont en particulier conclu : « Cette technologie d'essaim peut un jour permettre à des combattants de guerre dans la bataille de demander et de recevoir des informations critiques en termes de temps d'intelligence, de surveillance et de reconnaissance directement aéroportés beaucoup plus tôt qu'ils ne le peuvent des stations de maîtrise des terrains aujourd'hui ».
    Si pour les uns ces nouvelles technologies sont passionnantes, elles sont en revanche dangereuses pour d’autres. Amalgamer l’homme et la machine ou bousculer les équilibres biologiques, c'est divertissant lorsque l'on regarde un film de science-fiction. Cela l'est beaucoup moins dans la vie réelle au regard de nombreuses questions éthiques que cela pose.
    Bon week-end à tous.

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    1. Ces recherches de la DARPA me paraissent relever du mythe de Prométhé, l'illusion technologique est fort présente depuis 50 ans chez nos amis US. Voire par exemple les sommes considérables qu'ils engloutirent, pour cette supposée merveille que devrait être la "25 sème image". Au Vietnam malgré une débauche de technologies - ordinateurs utilisés en masse, bombes sophistiquées, usage d'hélicoptères performants, etc.. - ils ne réussirent aux mieux qu'a stabiliser à court terme la situation face au vietcong : quasi armée de "vas nu-pieds"

      Entre les ébauches de résultats obtenus en laboratoires (humains) et divers prototypes des équipements à l'étude pour ce "super soldat", on est encore loin de leurs mises en pratique et encore plus de leur usage opérationnel ! Quid des problèmes éthiques de cette hybridation de ces hommes, des problèmes opérationnel, de "rusticité" et de maintenance qu'ils poseront ? Dans l'optique de la DARPA le soldat et donc l'homme, il est ravalé au rang d'accessoire ou au mieux de simple porteur de multiples gadgets.

      Ne vous méprenez pas je suis loin d'être hostile aux recherches sur l'homme et ses équipements, mais en toute chose il faut savoir raison garder !... Mais on peut sérieusement s'interroger sur l'utilité opérationnelle de ces futurs "super-soldats", face à des kamikazes surgissant impromptus et donc ne respectant pas les règles usuelles de la guerre? Et même dans un conflit classique inter-étatique, fort improbable face au déluge de feu d'une armée Russe ?

      Le système Félin, bien plus rustique que les projets de la DARPA, qui nous fut présenté comme un outil opérationnel parfaitement adapté aux soldats, s'avèrent en pratique loin d'être aussi optimum qu'annoncé. On a surtout cherché à adapté le soldat a ces nouveaux équipements - beaucoup trop lourds, dépendants de batteries d'une autonomie forcément limitées, et à la fiabilité non avérée dans des conditions extrêmes - et non l'inverse !... A titre d'exemple les propos d'un CEMA pour solutionner le problème du poids de Félin : nous avons mis en place un programme de musculation spécifique pour les hommes. Moralité on passe du "chat maigre " au "boody buildé", comparaison n'est certes pas raison mais le fantassin Félinisé tant à être supérieur en terme de poids transporté, aux "poilus" de 1914 / 15 !

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  7. Concernant FELIN, quelques remarques.

    La pertinence de ce système est un ordre. Littéralement, "FELIN c'est bien", garde à vous repos. Et ça a été à un tel point que l'on a vu des industriels et des opérateurs se regarder béatement lors de tables rondes pour RETEX...les infos n'étaient jamais passé de part et d'autres !
    On peut effectivement s'interroger sur les choix fait. L'emport en munitions est calqué sur l'emport de la surveste de combat TTA, pas sur les dotations actuelles de l'Afghanistan ou du Mali.
    Le FAMAS revalorisé pour être abandonné après...
    Tant de problèmes à mon avis moins militaire que politique et économique !

    De manière générale, on peut clairement constater que le choix des décideurs militaires a clairement renoncé à la mobilité au détriment de la protection. On combat motorisé, avec comme objectif non pas de gagner, mais d'avoir 0 morts chez soi.
    Autre choix, on micro-manage. Les liaisons intégrés, c'est tenir en laisse courte les subordonnés.
    Bref, on est bien loin du bataillon para à la Bigeard.

    Ceci dit, les projets de FELIN 2 paraissent quand même avoir prit en compte tout cela. Au final on parle quand même d'UBAS NFM, de porte-plaques NFM, de HK 416...bref, la dernière génération de décideurs militaires sont en pleines cohérences avec les besoins.

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  8. Bonjour ,
    Le " soldat augmenté " de la Première Guerre Mondiale
    http://www.editions-delcourt.fr/special/sentinelles/interview.php
    Le surnom provient d' Ivo Taillefer
    Cordialement

    Daniel BESSON

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  9. Clair, limpide, précis, étayé, accessible à tous, merci et bravo pour cette démonstration, que je rejoins. Il y a du ARDANT Du PICQ dans cette analyse. Toutefois je me questionne encore et toujours pour comprendre pourquoi des armées modernes, bien équipées, entraînées n'arrivent pas à bouts de 30 000 terros (bien motivés eux) montés sur des 4X4 pik-up. Mais là... je pense que la réponse serai plutôt politique. Merci mon colonel.

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  10. et pendant ce temps une 607 sans plaques feux de détresse allumés pendant plusieurs heures....

    pas de combat sans volonté politique.

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  11. @ Anastase du Plessis

    Cette bavure au sujet de la 607, 3 h après le premier appel au commissariat du quartier pour qu'enfin un groupe de policiers interviennent, elle ne relève pas d'un quelconque manque de volonté politique. Mais seulement d'une désinvolture guère compréhensible du commissariat de quartier, bien sur son ou ses responsables arguent qu'ils sont assaillient de multiples signalements à Paris concernant des véhicules stationnés en infraction. Mais cette argument n'est guère recevable, vu le signalement répété de ce véhicule plus que suspect (aucune plaque d'immatriculation, warning, lieu de stationnement ), le "professionnalisme" des responsables de ce commissariat aurait du les conduire à traiter en priorité ce signalement.

    Moralité tout ne relève pas du manque de volonté politique et notamment du Ministre de l'intérieur, on devrait s'interroger entre autre sur les carences de la Préfecture de police. Car au lieu de reconnaître cette bavure peu admissible et en tirer les conséquences disciplinaires, les cadres de cette dernière n'ont eut de cesse de la justifier par des arguments fallacieux !... On nous vante à satiété l'hyper professionnalisme du RAID, des brigades spécialisées et des BAC, mais à contrario on peut se demander si cela ne sert pas à masquer des dysfonctionnements récurrents au niveau de nombre de ses commissaires commissariats ?

    Le corporatisme de la PP de Paris rend quasi impossible toute réforme de ses structure, et mode de promotion de nombreux commissaires ( relève bien souvent de la cooptation "fraternelle"). A mon sens il serait grand temps de dissoudre la PP et l'intégrer dans la police nationale, mais là cela relève de la volonté politique : depuis au moins 30 ans tous les gouvernements successifs l'évoque, mais tous capitulent face à ce quasi état dans l'état.

    @ Zatspunk

    Totalement d'accord avec vous sur la grande qualité et accessibilité à tous de cet article du colonel Michel Goya, mais en désaccord avec vous sur la réponse qui serait avant tout politique face aux bandes terroristes équipées de 4X4. Le politique certes est important, buts de guerre - stabilisation après victoire - solutions des causes ayant générées ces situations, mais ce premier ne peut être réellement efficace que si nous réussissons à vaincre ces bandes armées :non à les anéantir ce qui est illusoire.

    Cette tâche relève de nos forces armées, et celles-ci aspirées par l'illusion technologique - de moins en moins d'hommes certes hyper entrainés et dotés des derniers gadgets - ne semblent être en mesure que de remporter des batailles et non la guerre. Ce que décrit et analyse fort bien l'article de notre hôte, 40 ans après la guerre du Vietnam les armées occidentales commettent en terme tactiques et opérations quasi les mêmes erreurs.

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    1. je crois que si hélas. le jemenfoutisme comme le gaz à tous les étages.. même chez les terroristes ne connaissant apparemment pas le point d'inflammation du fuel et ne sachant pas qu'une seule bouteille aurait explosé ( pas la vide :) ) projetant les autres au loin sans autres dégâts.

      Bizarre, j'ai dit bizarre? comme c'est bizarre..Si j'avais l'esprit mal placé j'aurais pensé à quelque barbouzerie... :)

      https://www.youtube.com/watch?v=S3GzfqCRwE8

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    2. je dis ça sans aucune méchanceté envers les manifestants anti-El Khomeri mais je ne comprend toujours pas pourquoi il n'y a pas eu d'attentat a à ce moment là. En effet il y avait une forte concentration de monde qu'une seule bombe aurait pu faire des centaines de morts. Avec l'intervention de secours très difficile car blocage des accès par les CRS etc. plus les casseurs ne donnant pas envie à nos fiers sapeurs de la BSPP d'agir.

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  12. Ce qui m'interpelle le plus c'est que l'on fait tout un plat pour l'envoie d'une batterie de canon césar en Irak alors qu'avec les force de l'opin Sentinelle on pourrait porté un coup important au capacité de daesh.

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