dimanche 16 juin 2013

Elite academy

« Il est avocat, il a appris à parler ;
moi, je suis énarque, j’ai appris à gouverner la France »
Ségolène R. parlant de Nicolas S.

Elite Academy de Peter Gumbel est ce genre de livre que seuls les anglo-saxons savent bien faire, mélange de témoignage personnel et d’analyse scientifique. Le témoignage, que je vous laisse découvrir, est celui du fonctionnement de Sciences Po-Paris notamment sous la direction de Richard Descoing, à la fois symbole et tentative de réforme de l’élitisme à la française. L’analyse est celle d’un système, très spécifique, de sélection des élites à base de concours des grandes écoles et de ses résultats.

Le constat de départ est celui de la mainmise presque complète de la direction des institutions et des grandes entreprises par une toute petite aristocratie de concours. Depuis 1974, début de l’étude citée par Gumbel, 60 % des collaborateurs (le terme n’est pas précisé) des Présidents de la république et des Premiers ministres sont des X ou des Enarques, avec une très légère et très provisoire inflexion sous Nicolas Sarkozy (55 %). Du côté économique, en 2010,  84 % des 546 dirigeants du CAC 40 étaient issus d’X, ENA et HEC (19 PDG sur 40 étaient des X), le conseil d’administration de Vinci comptait alors 14 X parmi ses 24 membres. C’est plus qu’en 1994, lorsqu’une autre étude évoquait 75 % de PDG des 200 premières entreprises françaises issus de grandes écoles (dont Polytechnique et l’ENA pour moitié et autres grandes écoles, dont HEC, pour un quart). C’est nettement plus qu’en 1972, alors que déjà 60 % des dirigeants des plus grandes entreprises étaient issus de 5 grandes écoles (et parmi 42 % de Polytechniciens).

L’oligarchisation de notre élite s’est donc accentuée en même temps que le développement de la mondialisation libérale, profitant notamment à fond des grandes vagues de nationalisations-privatisations des années 1980-90  et alors même que sa base de recrutement, sensiblement toujours la même (4 000 candidats des écoles préparatoires, pour lesquels l’Etat dépense 50 % de plus que pour les autres étudiants et quelques centaines d’élèves des grandes écoles elles-mêmes) diminuait en valeur relative par rapport à une population en augmentation croissante, surtout celle qui accède à l’enseignement supérieur. La concurrence à l’entrée s’est donc accrue au bénéfice de ceux qui disposaient d’avantages socio-culturels leur permettant petit à petit de placer les « héritiers » dans les meilleures conditions de réussite à des concours difficiles.

En résumé, nous avons une élite de moins en moins représentative de la société et donc de plus en plus uniforme socialement et même intellectuellement (ne serait que par la prédominance aussi peu rationnelle qu’outrancière des mathématiques dans le processus de sélection). Cette même élite de stratèges d’Etat se trouve elle-même prise en défaut lorsque l’Etat n’est plus stratège.  Démocratie de recrutement et services de l’Etat, tant vantés, apparaissent donc de plus en plus comme les lumières résiduelles d’étoiles en train de mourir, le tout dans un contexte de marasme économique à la fois cause et conséquence de cette oligarchisation. Nous sommes loin de la France du Conseil national de la résistance et de de Gaulle.

Le phénomène apparaît d’autant plus scandaleux que les autres pays développés ne fonctionnent pas de cette façon. L’Allemagne, dont on ne peut pas dire qu’elle soit mal administrée, ni mal gérée économiquement, ne possède pas de grandes écoles. Avec 24 000 étudiants, les 8 universités de l’Ivy league (où ne figurent pas Stanford, Georgetown et l’université de Chicago) ont une base de recrutement 50 fois plus large que l’ENA-X mais surtout, à l’autre bout du circuit, les anciens élèves d’Harvard ne sont « que » 65 parmi les 500 PDG des plus grandes entreprises alors que 35 ne sont même pas allés à l’université et que les autres sont issus de parcours très variés. Il faut noter que 40 de ces 65 Harvardiens  sont titulaires d’un MBA tardif obtenu après plusieurs années d’expérience professionnelle. Même le système britannique des public schools et d’Oxford-Cambridge, a profondément évolué depuis 25 ans dans le sens d’une bien moindre grande mainmise sur le pays. Il est vrai que le système anglo-saxon porte en lui-même d’autres failles dont le coût financier et l’endettement massif qu’il impose ne sont pas les moindres.

Pour autant, en quoi ce monopole français accordé aux grandes écoles poserait-t-il problème, outre qu’il satisfait une certaine nostalgie d’ancien régime ? Après tout, au point de vue microéconomique, les élèves qui sont sélectionnés en grandes écoles sont tous des gens intelligents et a priori plutôt bien formés. On peut s’interroger cependant sur les critères de sélection qui ne laissent aucune place à des qualités comme l’esprit d’entreprise, l’imagination ou simplement la capacité à conduire d’autres individus, comme si la capacité à résoudre des équations suffisait à résoudre tous les problèmes de monde réel. C’est cependant au niveau macroscopique que les choses se compliquent lorsqu’un même groupe issus de sensiblement les mêmes milieux et ayant suivi les mêmes formations en viennent à gérer par le haut l’ensemble de la diversité du monde. On retrouve alors les effets pervers classiques du copinage du « petit monde » (ici), des liens consanguins entre cabinets et conseils d’administration et peut-être surtout de « pensée unique » (ici), au cœur d’un environnement international plus fluctuant et incertain que jamais. La France innove-t-elle encore par en haut ?

L’opposition entre le micro et le macroscope n’est pas seule en cause, il y a aussi l’opposition entre le visible et l’invisible, le visible c’est le brillant de l’apparence et souvent du fond des aristocrates, l’invisible, ce sont les frustrations qu’un tel système darwinien de sanction par l’échec dès le plus jeune âge provoque chez ceux qui en sont exclus et qui se voient ainsi réduire considérablement leurs possibilités d’accéder à des hautes (et même moins hautes) responsabilités. C’est la thèse soutenue de manière très convaincante par Thomas Philippon dans Le capitalisme d’héritiers qui considère que cette classe « grandécolesque »à laquelle s’ajoute (ou se superpose) celle encore plus visible dans certains milieux, des « enfants de ».

Le coût social et économique de cette frustration est considérable. Dans une étude datant de 2005, Lorsqu’il s’est agi de qualifier la qualité des relations au travail, les Français sont les derniers sur 32 nations, avec 52 % à les juger bonnes (80 % en Allemagne). 46 % des sondés français estimaient alors être à la fois sous-payés et sous-employés et seulement 14 % d’entre eux voyaient leur perspectives d’amélioration comme bonnes (soit deux fois moins qu’au Royaume-Uni ou en Allemagne). Dans les classements des grandes entreprises où il fait bon travailler en Europe, les sociétés françaises sont traditionnellement classées parmi les dernières (ici). La frustration devant la confiscation du pouvoir se double d'un sentiment de trahison lorsque l'élite semble ne pas faire ce que pourquoi elle est faite (et pas par exemple amoindrir les performances de l'Etat) puis d'injustice lors des situations de crise, lorsqu'on constate que les Grands écoliers ne sont jamais affectés par leurs conséquences. Comme si, dans l'armée de terre, les Saint-Cyriens étaient la seule catégorie d'officiers à ne pas être, collectivement, affectée dans leur recrutement et leur avancement par les réductions en cours depuis vingt ans. 

Outre le coût médical d’une telle société sous stress avancé, on conçoit là-aussi que l’initiative et l’audace ne soient pas spécialement au rendez-vous dans une société qui les pénalise. Rien n’empêchait pourtant que Facebook ou Google apparaissent en France, en apparence seulement.

On peut imaginer de contourner ces blocages par de la téléréalité comme cela est déjà le cas pour certaines carrières artistiques, on aurait ainsi une « entrepreneur-academy » ou une « officiers généraux-pop stars ». On peut aussi imaginer une révolution néo-démocratique, c’est aussi une spécialité française. Dans tous les cas, il y a urgence. La France s’efface de l’Histoire.

26 commentaires:

  1. Mon Colonel,

    L'entrepreneur-academy existe déjà : c'est la BFM Académie. Elle offre une campagne de communication au meilleur projet et les auditeurs/téléspectateurs sont invités à désigner le meilleur entrepreneur via le site internet de l'émission.

    L'Allemagne, comme les autres pays, n'ont pas de grandes écoles mais ont des écoles rattachées à des grandes universités (ex Saïd Business School de Oxford). Le processus de sélection se fait après l'équivalent du bac et non après prépa, mais les inégalités restent similaires.
    Par contre, la culture anglosaxonne, vous avez entièrement raison, laisse une plus grande place à l'innovation. Et même à l'éclosion de talents qui sont partis de trois fois rien, contrairement en France où le fait de n'avoir de macaron "Grande Ecole" .

    "Dans une étude datant de 2005, Lorsqu’il s’est agi de qualifier la qualité des relations au travail, les Français sont les derniers sur 32 nations, avec 52 % à les juger bonnes (80 % en Allemagne). 46 % des sondés français estimaient alors être à la fois sous-payés et sous-employés et seulement 14 % d’entre eux voyaient leur perspectives d’amélioration comme bonnes..." Qu'en est-il dans l'Armée de Terre où le nombre de places à l'entrée de l'ESM n'a quasi pas évolué au regard du nombre de suppressions d'unités ?

    Merci pour votre excellent blog.

    Bien à vous

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    1. Merci. J'avais oublié le sentiment d'injustice, d'autant plus flagrant lorsque l'exemplarité est érigée en vertu (individuelle il est vrai, pas collective). Je modifie mon texte.

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  2. Bonjour. A mon arrivée à Coëtquidan, n'étant ni "fils de", ni d'une famille de militaires, et n'étant pas passé par les collèges militaires, j'avais été effaré par "l'entre nous" de mes camarades. Je faisait figure de zombie, et mes quelques collègues dits "civils" également. Non pas que j'aurais été rejeté ou mis à part, mais, il était clair que je devais faire mes preuves pour m'"intégrer". Aujourd'hui encore, plus de 25 ans après, on me rappelle gentiment mon "mauvais esprit". Quand à l'étouffement de l'innovation, c'était affligeant. Je ne sais pas ce qu'il en est maintenant. Je crois avoir été le premier à posséder mon propre ordinateur dans ma chambre et cela faisait surtout rire car la guerre se faisait à la baïonette sous peine de manquer de "panache". Alors évidemment, choisir les drones en sortant d'appli en 1986 en étant bien classé n'était pas "dans la ligne". Ce qui a permis au Gal commandant l'EAA de se retourner pour me dire "vous pouvez encore changer d'avis". Affligeant. Rien que pour cela je content d'en être sorti. Ma carrière aurait été médiocre et frustrante. Sans regrets ni amertume. Seulement la volonté d'améliorer encore quelque chose qui le mérite vraiment.

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  3. Comme l’impression de revivre les années ‘perestroïka’, mais cette fois du mauvais côté du Mur. De l’intérieur.
    À mon sens, une fois l’évidence admise que le ‘Système’ ne fonctionne pas, la première question qui apparaît alors est : est-il réformable ?
    Ce qui n’incite pas à répondre par l’affirmatif est le simple constat que depuis 2008, les peuples européens ‘dégagent’ quasi systématiquement les sortants aux différentes élections… pour voir se poursuivre les mêmes politiques macro-économiques.
    De là à conclure qu’il ne reste plus à nos représentants élus que le magister du verbe (discours de Nicolas S. à Toulon ou de François H. au Bourget) et que le véritable pouvoir, celui qui agit sur nos vies quotidiennes, échappe à tous les mécanismes de contrôle démocratique, il n’y a qu’un pas.
    In fine, la seule question qui vaille, celle qui s’impose à nous avec chaque jour plus de force, n'est-elle pas de savoir comment retrouver notre liberté et notre indépendance ?
    L’énoncé est simple, les réponses hautement complexes. La seule chose certaine, évidente même, est que plus le temps passe, plus l’effondrement de la France et de sa démocratie représentative se poursuivent… et plus les coûts seront élevés.
    Me reviennent alors les mots de René Char : « Agir en primitif et prévoir en stratège ». Des mots sans doute incompréhensibles à nos ‘élites’ formatés et de toute manière, dans un monde passé du ‘service de l’État’ à ‘se servir de l’État’, incompatibles avec l’idée même de faire carrière.

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    1. "Agir en primitif et prévoir en stratége" une de mes devises favorites.

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  4. Pour ajouter du grain à moudre, l'article du Financial Times "The French elite: where it went wrong : France’s ‘énarques’ weren’t trained to succeed in the world but in central Paris.
    http://www.ft.com/cms/s/2/d76b5fcc-b83f-11e2-bd62-00144feabdc0.html

    Pas certain que le journaliste ait conscience du jeu de mot qu'il a fait

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  5. Il est probable que cette caste trébuche comme d'autres avant, car l'intéret personnel de ces membres va à l'encontre de celui de la majorité des "citoyens" qui constituents le monde occidental. Malgré leurs intelligences exceptionnelles ils ne voient pas que le système se décomposent de toutes parts car leur cupidité a pris le dessus et ces "élites" ont perdu le sens du bien commun.

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  6. Mon Colonel,
    Je suis parfaitement d'accord avec vous. Je remarque que ce népotisme ne joue pas seulement pour les Grandes Ecoles, mais par milieux interposés. Il en est ainsi du milieu du cinéma, du spectacle, du journalisme, de la télévision, de la médecine, du droit (avocats comme magistrats), etc... Et que dire de la politique! De plus en plus dans les affaires également (Groupes Matra-Hachette, Bolloré, et autres)
    C'est là la caractéristique d'une société (civilisation?) en crise. Les exemples historiques sont nombreux (Chute de l'Empire romain, Révolution française, etc...). On peut observer également cette dérive dans le monde anglo-saxon, certes sous d'autres formes. Aux Etats-Unis, par la politique (Sénat et Chambre des Représentants), les médias, le professorat en université, et bien d'autres secteurs de la société. Seul le milieu militaire semble y échapper complètement à de rares exceptions prêt, mais qui s'arrêtent souvent assez tôt, tant il faut de qualités humaines, morales et de travail pour atteindre un poste de haute responsabilité.
    Si nous revenons à l'Europe, et particulièrement à la France, il est encore possible de faire de "belles carrières" par l'ascension sociale, c'est à dire limitées à "cinq panache" :-), sans le sésame des Grandes Ecoles militaires ou l'X, mais cela tendra à diminuer, voire à disparaître complètement lorsqu'on voit que l'Ecole de guerre n'est même plus un sésame pour les étoiles... Or il y avait toujours un volant, ne serait ce que pour l'exemple, de ces Colonels ou Généraux distingués par une carrière remarquable, qui renouvelaient la pensée militaire par leur simple existence dans la pyramide: vous en êtes un exemple, bien sûr, mais d'autres, Bigeard en tête, également.
    Vous soulignez, avec raison, que le manque de brassage est source de sclérose de la pensée. C'est d'autant plus vrai que le comportement de nos "élites", par manque d'ouverture et de courage, par comportement moutonnier et par conséquent par refus de la "grandeur", nous amène là ou nous en sommes, moralement, intellectuellement, stratégiquement, économiquement, ...
    La question est: comment en sortir? On connaît malheureusement comment la France se réforme: soit par une énergie exogène (crise internationale, guerre et imposition de l'extérieur), soit par une force endogène (homme ou femme d'exception, révolution). De ces maux, lequel serait souhaitable?

    Bravo pour votre blog, extrêmement bien fait et particulièrement intéressant, mon Colonel.

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    1. Ce billet et ses commentaires me font penser à Soljénitsyne. Il avait fui le "paradis socialiste", et une fois arrivé en Occident, son désappointement avait été cruel.

      "Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l'Ouest aujourd'hui pour un observateur extérieur", avait-il déclaré au début de son discours à Harvard en 1978.

      Le courage, ce fut les 300 de Léonidas.
      Le courage, ce fut de monter à l'assaut et de tenir sur place durant la Grande guerre.
      Le courage, c'est d'avoir pris le maquis à vingt ans sous l'Occupation, à l'instar de l'un de mes grands-pères, qui n'était ni communiste ni gaulliste, à l'instar d'un Frère, d'un de La Rocque ou d'un Giraud (et la liste est longue de ces patriotes et Résistants non-communistes et non-gaullistes dont l'existence est niée depuis 1945 par les commissaires politiques du régime et par leurs ilotes).
      Le courage, ce fut, à une époque pas si lointaine, de déclarer publiquement voter Front national.
      Le courage, c'est de consciemment subir les provocations, les intimidations et les persécutions d'une police et d'une magistrature socialistes, dans l'indifférence ou le dénigrément des médias du Système, eux-mêmes militants socialistes, pour défendre des valeurs qui fondent la civilisation et l'humanité : la famille, la patrie et l'enfant.

      L'uniforme de police, de gendarmerie, de pompiers ou de l'armée, aujourd'hui, a perdu de son exclusivité de signe extérieur de potentiel courage, et il devient même parfois celui de l'application de politiques avilissantes.

      Nous vivons dans la dernière république d'Union soviétique ? La nomenklatura nous domine ? Eh bien, que la pensée et la vie de Soljénitsyne nous inspirent. Soljénitsyne a eu la satisfaction avant de mourir de retrouver une identité nationale, et de voir sa nation retrouver le chemin de la puissance.

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    2. C'est le pessimisme ambiant qui contribue à l'immobilisme et dans une certaine mesure à la sclérose des élites.
      Posons-nous les bonnes questions.
      Imposons-nous l'introspection indispensable aux enjeux du 21iem siècle !
      le monde change à une vitesse totalement exponentielle, l'Europe et la France semblent minorer ou occulter ces mutations.
      Les élites actuellement en formation vont être confrontées aux transformations les plus profondes de nos sociétés. les modèles actuels sont à la fois inadaptés et anachroniques tant le changement de paradigme sera puissant.
      Les usa, la chine et d'autres sont sur la route, l'Europe en au bord du chemin et ne se rend pas compte que la course à débuté depuis un certain temps.
      A consulter :
      http://gf2045.com/

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  7. Issue d'une formation universitaire je n'ai pas, et n'aurait jamais, le macaron "Grandes Ecoles".

    A la fin de mon doctorat je pourrai espérer, en fournissant une considérable quantité de travail, accéder aux plus hautes fonctions. Est-ce le cas en France ?
    Ces derniers article montre que non, ou alors marginalement.

    Pourtant c'est bien en apportant de la diversité au sommet de l'Etat que la France sortira de sa langueur actuelle.
    Il faut Un Projet pour la France.

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    1. Pour compléter vos propos :

      http://www.lenouveleconomiste.fr/lelite-malade-de-ses-docteurs-18973/

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  8. Une des cibles préférée du Colonel Goya, les grandes écoles à la française !
    Ce système à certes des défauts mais il existe dans les autres pays occidentaux, sous un nom différent mais avec un fond identique (ou même pire car l'argent a souvent un rôle important, en plus du milieu social d'origine).
    Pour votre réflexion, nos voisins britanniques ont eu 19 Premiers ministres issus d'Eton (qui n'est qu'un lycée !) sur 70 depuis 1742. Si ce n'est pas un système consanguin...
    Par ailleurs, pour justifier vos démonstrations, évitez de citer des chiffres faux. Vous parlez de 4000 candidats des classes préparatoires comme base. En prenant les trois écoles que vous citez, X, HEC, et ENA, le nombre de candidats est chaque année le suivant:
    - 4000 candidats au concours de l'X;
    - 1600 pour l'ENA;
    - 5000 pour HEC.
    Donc un nombre de candidats à l'entrée dans ces écoles d'au moins 10000 à ces trois écoles (sachant que le 'vivier' de candidats potentiels est plus large)...bien loin de vos 4000 candidats.

    Tout ceci est d'autant plus amusant que vous êtes vous-même issu d'un système similaire à celui des grandes écoles, mais à l'échelle de l'Armée de terre, en tant que colonel des troupes de marine; sélection à l'entrée puis carrière assurée sans sortie de l'Arme quel que soit le déroulé de cette carrière...et consanguinité assez marquée pour l'accès aux postes de responsabilité.

    Je pense que plus généralement tout système génère et a besoin d'une élite, avec une sélection qui se fait forcément assez jeune, ce qui changera probablement lorsque la retraite sera à 80 ans ... Et pour être actuellement en Asie, je peux vous dire qu'il y a bien pire système que le notre. Le système de sélection occidental confie les responsabilités à une élite issue des grandes écoles en France, des grandes universités comme Oxford ou Cambridge au Royaume-uni, mais d'autres systèmes de sélection limitent ces responsabilités à quelques familles. L'aristocratie n'y est alors même plus de concours. Dans ces pays tout se joue à la naissance. En France beaucoup se jour avant 22 ans. Ne soyez donc pas pessimiste et voyez que nous avons encore 22 ans d'avance !

    Amitiés d'Asie

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    1. Pour prolonger un peu ma réflexion, je pense que le problème n'est pas dans le mode de sélection des élites mais dans la diminution de l'éthique et la perte de certaines valeurs. Et ce manque de respect des valeurs, désormais commune chez nos gouvernants n'est en rien lié au système des grandes écoles. Un Tapie ou un Cahuzac ne sont pas anciens des grandes écoles... Cette perte de valeurs est probablement liée à la mondialisation libérale que vous citez et que Vaclav Havel résumait de belle manière : « Le capitalisme financier méprise les hommes, les pays et l’histoire. Mais une société ignorante de son passé, qui ne fait que courir vers la télévision et les grands magasins, court vers l’abîme. »

      Enfin, pour poursuivre sur la réflexion de Sangsis "Le courage, ce fut de monter à l'assaut et de tenir sur place durant la Grande guerre" et faire plaisir au Colonel Goya qui aime les chiffres, sur 467 officiers de la promotion de Saint-Cyr sortie en 1914, 239 sont morts pour la France...et pourtant ils avaient fait une grande école. Peut-être avaient-ils plus d'Amour de la France que de la carrière ?

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    2. La "croisade" que mène le colonel GOYA me semble saine. Pour ne citer que le cadre de l'armée de terre, on ne ne peut que ne pas adhérer au fait que désormais il n'est plus possible à un non saint cyrien d'accéder aux plus hautes fonctions militaires.
      Avec le nouveau système de notation qui privilégie le potentiel (age+origine) plus que tout, la gestion des "vocations à" (un saint cyrien a vocation à, un EMIA etc,), il y a un gachis manifeste de potentiel.
      Parce que tout est quasiment figé dès 22 ans, nous accumulons un retard qui nous conduira, peut être un jour à accuser 22 années sur nos amis asiatiques.

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  9. Cher Francois, le colonel Goya semble simplement mener un combat contre les blocages qui perturbent le fonctionnement du système de sélection francais. Ce combat est salutaire, car le gachis des ressources humaines est trop flagrant, et par conséquent comme il le dit le risque est grand que "l’initiative et l’audace ne soient pas spécialement au rendez-vous dans une société qui les pénalise".

    Dans un système endogamique, les "enfants de" poursuivent des carrières linéaires, sans obstacles. A t on vu "un fils ou une fille de" subir un retard dans son avancement ?
    La promotion du genre, si elle peut sembler à maints égards indispensable, perturbe aussi gravement le jeu de la sélection.

    Le résultat de cette évolution pernicieuse est simple et dramatique. Quand jusqu'au début du XXème siècle les militaires faisaient partis de l'élite intellectuelle et scientifique, ils ne sont aujourd'hui plus représentés ni à l'académie des sciences ni à l'académie de littérature. Il serait aujourd'hui totalement irréaliste d'imaginer qu'un officier francais puisse recevoir un prix Nobel de mathématique, de chimie ou de physique.

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    1. Pas si irréaliste que cela :
      Les élèves admis aux concours X et ENS (ulm) choisissent de plus en plus souvent l'X (au détriment de l'ENS ulm). Donc potentiellement, vous avez de futurs Nobel de maths, chimie, physique, économie dans les entrants à l'X.
      Il y a trois ans, le major reçu à ULM a préféré l'X avec un classement moins prestigieux...Son cas se répète souvent depuis.
      Une fois à l'X, c'est à la sphère militaire de trouver les mots ad-hoc incitant les futurs diplômés à rester dans l'armée, il faudra entrer en concurrence avec les rabatteurs de la finance qui savent mettre en avant des salaires d'embauche astronomiques, mais de nombreux élèves peuvent être réceptifs à un autre discours; il faut construire une communication adaptée à ce type de ressources...

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  10. Bonsoir,
    Je suis un lecteur occasionnel mais je lis toujours vos billets avec intérêt.
    Je partage votre avis sur la «sélection consanguine» de nos élites gestionnaires en France. Toutefois je me permettrais d’en resituer le contexte, ce qui peut modifier l’opinion que l’on peut avoir sur la question.

    De nombreux articles à charge apparaissent de temps en temps dans la presse «main stream» quant aux grands corps d’Etats, principalement depuis la dernière élection présidentielle. A propos du fait par exemple que M. Hollande se soit entouré de nombreuses personnes issues de l’Ena mais pas uniquement.
    Mon sentiment et que même imparfait, ce mode de sélection de nos élites est toujours gênant pour les pouvoirs bruxellois et, allons y gaîment, pour nos élites économiques et financières. Pourquoi, parce que ce mode de sélection, ces grands corps d’Etats ont quand même encore une matrice identitaire nationale inscrite dans leurs gènes. Et c’est là, je crois le fond du problème. Je ne crois pas que la France serait intervenu au Mali sous M. Sarkozy par exemple, parce celui-ci n’est pas issu de ce moule justement.
    On se retrouve donc dans la situation où les intérêts qui ont quasiment fait disparaître la France des tablettes de l’histoire ont encore pour ennemi nos «vieilles élites gestionnaires». Soyons sûr que si ces sélections de «gestionnaires nationaux» étaient remplacés aujourd’hui, ils auraient certainement une matrice encore moins nationale. Il est peu probable que l’on laisse la gestion du territoire français, une fois le transatlantisme définitivement achevé, aux mains de ces élites d’ancien régime. Puisque l’on pourrait craindre qu’elles cherchent à fomenter une contre-revolution.

    Le fait est que nous nous trouvons avec des élites gestionnaires inadaptées au modèle d’origine anglo-saxonne, mais en même temps ce sont les seuls éléments qui pourraient organiser une résistance nationale.
    C’est une élite gestionnaire doublement inadaptée parce qu’elle a été incapable de se protéger d’un modèle qui n’était pas vraiment le sien (moins que d’autres Européens) et qu’elle ne peut gérer efficacement un espace qui n’est déjà plus le sien. A moins de revenir à une situation de nature plus nationale.

    Pierre

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  11. Pour compléter :

    http://www.lenouveleconomiste.fr/lelite-malade-de-ses-docteurs-18973/

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  12. On a vaguement la sensation que ce livre enfonce des portes ouvertes: quelle est la nouveauté par rapport au Bourdieu de "La noblesse d'Etat"? Une simple mise à jour des chiffres ?

    Dans la fin du billet, d'habituels arguments niveau café du commerce... Il aurait été original, par exemple de s'intéresser à ceux des X qui ne sont pas devenus dirigeants d'entreprise et qui végètent à des rôles de middle-management...

    Ah oui: en Allemagne, pas de grandes écoles. Mais il faut avoir soutenu une thèse, être Doktor, cad avoir fait non pas 5 ans d'études mais plutôt 8, être sorti de l'université vers 28-30 ans. (J'invite M.Goya à regarder qui dirige l'Etat allemand, qui dirige les grandes entreprises allemandes, et à compter la proportion de Doktor et Frau Doktor...). Le sésame ne s'appelle pas "grande école", mais il y a exactement la même reproduction sociale.

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    1. Les Allemands adorent le titre de Doktor au point d'être appelés "Doktor Doktor" quand ils sont titulaires de deux doctorats. Au - delà d'un certain ridicule, il y a aussi beaucoup à dire sur les conditions de l'obtention de ce prestigieux titre. Il suffit de se rappeler de ce qui est arrivé à l'ancien ministre de la défense, le très médiatique baron Karl-Theodor Zu Guttenberg. Sa thèse de doctorat a été annulée pour cause de plagiat et il avait gagné le titre de baron Von Googleberg, baron copier-coller...Il a été contraint à la démission et a vu sa carrière politique brisée.

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  13. La réflexion de François du 21 juin 2013 à 01:36 est à retenir : qu'une aristocratie (regroupement des meilleurs) se forme, finalement, pourquoi pas, et même, n'est-ce pas un phénomène naturel et salutaire des groupes humains ? L'anormalité ou le reproche qui devient légitime de formuler, est lorsque cette aristocratie cesse de l'être (haute noblesse dégénérée du XVIIIe, actuelle bourgeoisie apatride et mondialiste, etc.) et qu'elle se transforme en oligarchie mue par ses propres intérêts de "classe", qu'elle oublie ses devoirs envers la nation, et qu'elle devient insensible au sentiment patriotique.
    En ce sens, une initiative mérite d'être relevée : l'entrisme effectué par l'Ecole de guerre économique (général Pichot-Duclos et C. Harbulot) qui a formé des jeunes patriotes (les filles ne sont pas les moindres) et qui les a infiltrés dans l'encadrement des administrations et des entreprises françaises. Car, qui rédige les rapports et qui effectuent les études d'ingénierie sur lesquels les décideurs prennent des décisions ? Réponse : des cadres subalternes. Si vous vous assurez que les cadres subalternes, les conseillers, ceux qui informent et renseignement, sont de bons français, qu'importe finalement (je simplifie un peu) si la "tête est pourrie" ; la tête n'en étant pas une, elle fera ce que ses conseillers lui diront de faire. Je ne pense pas que la description que je viens de faire, est exclusive et systémique (elle est un peu caricaturale), mais j'invite juste à penser que les situations peuvent être un tout peu plus complexes qu'il n'y parait aux premiers abords.

    Pour autant et par ailleurs, la remarque d'Anonyme du 21 juin 2013 à 13:13 est fort pertinente, à mon sens. Enarques, Polytechniciens, aussi "in"-compétents soient-ils, aussi corrompus soient-ils, coquins et copains, ne sont-ils pas finalement une gêne pour des puissances étrangères et concurrentes ? En étant provoquant, j'aurais tendance à écrire : certes, ils sont pourris, mais cette pourriture, au moins, elle est française, elle est à nous et pas à eux. La campagne de dénigrement des énarques et de leurs semblables, ne proviendrait-elle pas, par hasard, systématiquement de Londres et/ou de Washington ? M. Goya se sert dans ces deux derniers billets d'une étude de Cambridge et de M. Gumbel : est-ce un hasard ? Ne cherche-t-on pas, à Londres ou à Washington, à ce que nous condamnions nos propres cadres nationaux ? Peut-être que M. Goya n'avait pas songé à cette éventualité-hypothèse ? Qu'est-ce qui a permis à la Russie de retrouver les chemins de la puissance et de la dignité ? Réponse : un ancien membre de la nomenklatura, une sorte d'énarque : Poutine. Si j'étais Anglais ou Etats-uniens, j'aurais identifié un corps, un groupement d'individus susceptibles de servir un Etat français qui, je l'espère, un jour prochain, redeviendra digne et honorable, protecteur des Français, et stratège. Or si vous souhaitez détruire, abaisser, fragiliser ou empêcher le recouvrement par la France d'une stratégie de puissance, ne serait-il pas opportun de dresser contre les cadres de cet Etat, les corps intermédiaires et la population ? De dénigrer ces cadres ? Je remarque que la quasi "auto-"élimination des cadres dirigeants français en 1789-1799 (la terreur républicain des droits de l'homme) a améliorer la puissance relative britannique.

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    1. Petit complément :

      L'indication d'une étude universitaire française susceptible d'intéresser M. Goya et mes trois prédécesseurs (anonyme du 23 juin, le lecteur du 25, et l'anonyme du 26 juin) afin de leur ouvrir de nouveaux horizons et d'approfondir leurs réflexions : Diriger une grande entreprise française au XXe siècle : modes de gouvernance, trajectoires et recrutement, téléchargeable à cette adresse : http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00343525/en/. C'est le mémoire d'H.D.R. qu'il conviendrait de lire car il effectue une comparaison Allemano-française. Peut-être est-il possible de la trouver sur internet mais je ne dispose plus de temps. Je suis contraint de cesser de taper sur mon clavier.

      Bien à vous

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  14. Vous avez une certaine hostilité envers les grandes écoles, qui semble en partie liée à votre parcours personnel.
    Ce point de vue est bien sûr légitime et utile, mais il ne faut quand même pas tomber dans l'excès inverse et se laisser manipuler par d'autres élites qui poursuivent des objectifs qui ne sont pas ceux de l'intérêt général.

    Gumbel est associé à Descoings, qui semble surtout avoir poursuivi à Science Po des buts de délégitimation de l'Etat, qui est un rempart contre le tout libéral. Les préconisations de Gumbel, dans son livre précédent ("on achéve bien les écoliers") sont néfastes pour la qualité de l'enseignement.

    Quelques remarques factuelles :

    - il est faux de dire que les mathématiques sont la base de la sélection : il n'y en a pas au concours de l'ENA, ce n'est qu'une partie parmi d'autres des épreuves dans les grandes écoles de commerce.

    - la moitié des entrées à l'ENA se fait après quelques années d'expérience, dans la fonction publique (2eme concours) ou dans le privé/associatif (3eme). Et je connais des cas d'accès à un grand corps après passage par le 2eme ou 3eme concours

    - il est faux de dire qu'il y a "reproduction" : à l'X par exemple, il y a 11 à 12 % de boursiers, et 40% d'enfants de professeurs ( http://blog.lefigaro.fr/education/2010/06/le-delit-dinitie-des-professeurs-1.html ; 50% en tout, dont 10% de couple enseignant / autre métier). Donc, plus de la moitié des entrées vient d'un autre milieu, et en fait bien plus.

    D'autres remarques qualitatives :
    - l'Etat dépense plus pour les préparationnaires...parce qu'ils bossent plus. Et les chiffres sont faussées par le fort pourcentage de renoncement en première année à l'université (si on divise par le nombre d'élèves qui suit effectivement le cursus, les chiffres sont plus proches).
    - vous comparez avec les Etats-Unis. Mais les US sont 5 fois plus peuplés. Donc, il faut diviser tous vos chiffres par 5. Et si vous regardez l'Ivy League en entrée, il ne faut pas s'en tenir à Harvard en sortie...
    - quid du Japon avec Todai et Kyodai, de la Corée...
    - vous donnez les chiffres d'insatisfaction : cela mesure surtout un état d'esprit, et on peut le prouver. Les Français sont aussi insatisfaits parce qu'ils pensent que les inégalités augmentent, mais ils se trompent : en France, elles sont à peu près restées stables, grâce à l'Etat (dont les cadres sont les méchants énarques). Ailleurs, aux Etats-Unis et en Grance-Bretagne, elles ont fortement augmentée. En Allemagne aussi, ce pays initialement un peu plus égalitaire que la France l'étant aujourd'hui moins.

    Si vous regardez les débats qui ont lieu (gaz de schiste, nucléaire, OGM ou même réformes de l'enseignement...) vous constaterez que les élites techniques (X, ENA hors politique) sont en perte de vitesse face aux nouvelles élites médiatico-politiques.
    Et je suis persuadé, pour ma part, que c'est plutôt cela le problème de pilotage, à l'heure actuelle.

    Bref, vous devriez penser un peu à décharge à ce sujet ; ou vous souvenir que quand Dieu veut être cruel avec les hommes, il leur accorde ce qu'ils souhaitent le plus.

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    1. Merci beaucoup pour cette contradiction bien argumentée.

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  15. Vous écrivez : "La concurrence à l’entrée s’est donc accrue au bénéfice de ceux qui disposaient d’avantages socio-culturels leur permettant petit à petit de placer les « héritiers » dans les meilleures conditions de réussite à des concours difficiles"
    Mais le code génétique, cela existe. Celui dont les deux parents ont fait de très bonnes études, et dont c'est le cas aussi pour les quatre grands-parents aussi, et même pour les huit arrière-grands-parents, etc., il a beaucoup plus de chances pour avoir les dons et lme caractère pour faire de bonnes études : plus une société est méritocratique et plus les filles y étudient comme les garçons, plus elle tend à distribuer les fonctions de façon héréditaire.

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