mercredi 27 juin 2012

BH-Les nouveaux centurions (1/4)



Je vous propose de revenir plus en détail sur le cas concret de l’intervention au Tchad entre 1969 et 1972 car cette expérience française de contre-insurrection moderne reste un modèle dont nous pouvons encore largement nous inspirer.

De fait, il s’agit là de la première campagne de contre-insurrection menée par les forces françaises dans un pays étranger souverain. Elle trouve très classiquement son origine dans des troubles intérieurs provoqués par le ressentiment d’une partie de la population, les musulmans semi-sédentaires du Centre et de l’Est du pays puis les nomades du Nord (Borkou-Ennedi-Tibesti ou BET), contre l’ethnie majoritaire chrétienne-animiste des Sara. Les Sara dominent l’administration depuis l’indépendance de 1960 et l’exercent, au mieux avec maladresse et au pire en mettant en coupe réglée les musulmans, jugés favorisés par le colonisateur français.

A partir d’octobre 1965 et le massacre des collecteurs d’impôts de Mangalmé, les tensions se transforment en révolte armée. L’armée nationale tchadienne (ANT), forte d’à peine 3 000 hommes, intervient mais sa brutalité ne fait qu’attiser le mouvement de révolte. C’est dans ce contexte qu’en avril1966 plusieurs mouvements d’opposition s’unissent à Nyala, au Soudan, pour former une organisation politico-militaire, le Front de libération nationale du Tchad (Frolinat), soutenu par plusieurs pays environnants le Tchad (Libye, Soudan, République centrafricaine).

En s’appuyant sur ses bases arrières au Darfour et en République centrafricaine, le Frolinat s’implante rapidement dans les provinces sud-Est du Guéra (Mongo) et du Salamat (Am Timan) où il forme la « 1ère armée » auprès de l’ethnie ouaddaïenne, puis dans le BET en 1968 auprès de l’ethnie gorane (« 2e Armée »). Le Frolinat est divisé et ses deux « armées, qui ne représentent que quelques milliers d’hommes, ne coordonneront jamais leurs efforts. Pour autant, la culture guerrière de ses combattants et le soutien de la population musulmane permettent au Frolinat de menacer jusqu’à Fort-Lamy (N’Djaména). La situation du président Tombalbaye est alors très critique. En prétextant l’aide étrangère à la rébellion, Tombalbaye invoque l’accord de défense du 15 août 1960 et l’accord d’assistance militaire technique du 19 mai 1964 pour faire appel à la France. A l’été 1968, une première opération très rapide et discrète (camouflée par l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie) permet à une compagnie parachutiste fortement appuyée par des AD-4 Skyraider de dégager le poste d’Aozou assiégé depuis plusieurs semaines. Cela n’améliore que marginalement la situation du gouvernement tchadien qui, en mai 1969, demande une aide plus conséquente.

Un an après mai 1968 et en pleine campagne pour le référendum, le général de Gaulle hésite à lancer une expédition qui, quelques années après les indépendances africaines et la guerre d’Algérie sera désapprouvée par une partie de l’opinion publique. Le chef d’état-major des armées  n’y est pas favorable au contraire de Jacques Foccart et de l’ambassadeur à Fort Lamy, Fernand Wibaux. L’appel de plusieurs chefs d’Etat africains le décide. La France s’engagera afin d’assurer la crédibilité de sa protection.

Personne n’envisage alors une mission d’interposition afin de couper en deux le pays pendant des années et de « tirer la violence vers le bas ». Plus classiquement, on décide de faire la guerre au Frolinat, en s’attaquant à ses bandes armées et en lui retirant le soutien de la population afin de permettre à une administration et une armée locales renouvelées de reprendre le contrôle de son pays. Dans l’esprit du général de Gaulle cette contre-rébellion ne doit pas durer plus de quelques mois et, autre nouveauté, n’employer que des soldats professionnels.

Dans sa forme, la campagne est d’abord interministérielle. Le ministère des affaires étrangères doit s’efforcer de convaincre les pays voisins du Tchad de cesser leur aide à la rébellion. La Défense forme une Mission militaire qui se subdivise elle-même en une force aéroterrestre pour agir directement contre les forces rebelles et une force de conseillers pour encadrer et former l’ANT. Enfin, le ministère de la coopération forme la Mission pour la réforme administrative (MRA) afin de réorganiser l’administration tchadienne mais aussi d’aller au plus près de la population pour l’aider.  Bien entendu ces « lignes d’opérations » parallèles vont générer des tensions entre Français et certains Tchadiens (le général Arnaud est rappelé à Paris pour s’être violemment opposé à Tombalbaye), entre Français (qui doit gérer les milices villageoises, la mission militaire ou la MRA ?), voire même susciter des contradictions (l’arrêt des opérations dans le BET pour mieux négocier avec Kadhafi) mais les conflits sont arbitrés par un chef unique, l’ambassadeur de France, et l’ensemble reste cohérent du début à la fin de l’opération.

(à suivre)

1 commentaire:

  1. cher Monsieur Goya

    IL est tres reduducteur de ramener ce conflit aux seuls Sarha dont d'ailleurs la fameuse biere Gala etait fabriquée dans leur fief de Sarh,mais il faut tenir compte d'une guerre larvée entre sous ethenies musulmanes a partir d'une parralele etablie a partir de la ville de mongo,avec des heures de vol sans fin il fallait proteger certaines tribus d'eleveurs
    dans des passages delicats pendant la transumance de la saison des pluies,ce n'etait pas des actions politiques mais plutot des rezzou dans ces zones il y avait peuls missiries,touareg et surtout la protection des caravanes allant chercher le sel au trou du natron

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