mercredi 31 décembre 2014

Le défilé de la victoire en Afghanistan


Réactualisation d'un article publié le 22 mai 2012

Le « chat de Schrödinger » est une expérience imaginaire dans laquelle un chat est enfermé dans une boite et soumis à un gaz mortel déclenché aléatoirement. Dans la logique étrange de la mécanique quantique, le chat est à la fois vivant et mort tant qu’on n’a pas pris la décision d’ouvrir la boite.

Alors que l’engagement français en Afghanistan touche aujourd'hui à sa fin officielle, les 70 000 soldats français qui y séjourné et, pour beaucoup, combattu sont dans la position du chat de Schrödinger : ils sont pour l’instant à la fois vainqueurs et vaincus. Ils ne savent toujours pas s’ils doivent être fiers ou honteux. Tout dépendra de la manière dont la boite sera levée.

Le Président de la République bien sûr mais aussi la classe politique toutes tendances confondues, les médias, les autorités locales, l’institution militaire elle-même mettront-ils en avant la réussite de la mission ? les efforts, le sacrifice, le courage, l’imagination seront-ils reconnus ? Connaitra-t-on enfin des noms de héros ? Organisera-t-on des défilés dans les villes comme après la guerre du Golfe ? Le 14 juillet 2013 sera-t-il le défilé de la victoire en Afghanistan ?

Ou bien cette descente de drapeau se fera-t-il à « bas bruit », comme le reste de la campagne, et se hâtera-t-on d’oublier cet engagement, en le considérant de fait comme honteux, comme plusieurs autres auparavant, à Beyrouth ou en Bosnie par exemple ? 

Le choix qui sera effectué, la manière dont on va gérer psychologiquement cette fin de campagne, auront une influence certaine sur le moral au moment même où les armées abordent une période très délicate de leur existence. L'honneur public rendu au morts est une heureuse innovation de ce conflit, il serait maintenant temps de rendre les honneurs aussi aux vivants. 

7 commentaires:

  1. Tout celà sera vite oublié comme la guerre du Koweit qui pourtant ne s'était pas déroulé à bas bruit etavait bénéficiéde l'appui de l'opinion publique.Un seul bénéfice au delà de la petite dépression post partum:les futurs généraux de nos armées auront eu l'expérience du feu et de l'engagement prolongé.Surtout s'ils ont de la mémoire ils pourront affronter le politique quand de nouvelles missions se présenteront:définition exacte des buts poursuivis ,du cadre espace temps et des moyens.

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  2. Si toutes les sociétés humaines ont aimé célébrer des héros, le processus d'héroïsation constitue une mise en scène des personnages qui vont servir de symbole pour la glorification d'un pays et la construction d'une mémoire. La figure du héros illustre donc les valeurs qu'une société se donne. Il faut reconnaître que le héros guerrier longtemps valorisé dans nos société n'occupe plus la même place dans l'imaginaire collectif, surtout depuis le seconde guerre mondiale. Il y a à cela plusieurs raisons bien sûr, mais particulièrement cette ambivalence : le soldat est celui qui donne sa vie pour une cause, mais aussi celui qui tue. Or, on a eu tendance à privilégier le premier aspect et à évincer le second, considéré comme la face sombre. De plus, de nos jours avec la professionnalisation de l'armée, la mort au combat est devenu un "risque professionnel". Nos soldats de métier sont considérés par beaucoup comme des gens qui sont là pour "travailler", non pour mourir et tuer. Pour que la fabrique du héros se mette en marche, il faut qu'un acte de courage rencontre une époque, une "demande sociale" comme l'on dit aujourd'hui. Qu'en est-il maintenant dans notre vieille Europe ? Nous sommes bien loin du culte du "martyr" que l'on trouve ailleurs.

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  3. "Ils ne savent toujours pas s’ils doivent être fiers ou honteux" :
    Je suis pas un grand connaisseur de la mécanique quantique ,mais réduire à deux choix le sentiment que l'on doit avoir lors de nos missions me parait un peu juste ,la physique c'est un peu plus complexe .
    En tout cas aucune raison d’être honteux si on fait le job qui nous ai assigné ,cela n’empêche pas d'avoir des convictions personnelles mais cela n’enlève pas le fait que nous avons quand même un métier à faire ;quand à la fierté ,il ne faudrait pas que cela se transforme en une glorification mal placée ;pas facile de trouver un juste équilibre ,reste toujours une mission à faire même si nos supérieurs nous font parfois grincer les dents (pas la peine d'aller jusqu'au niveau purement politique ).

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  4. Je partage le sentiment du commentateur précédent. L'honneur se trouve également dans l'accomplissement de la mission qui nous a été assignée. Toutefois, la manière dont la sphère politique et l'opinion publique reconnaitront notre travail est un autre aspect du problème, qui n'est pas à sous-estimer pour autant.

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  5. Ce qui a été accompli en Afghanistan ce n'est pas la mission qui nous a été assigné au départ qui était de toute façon irréalisable.
    Les zones sous contrôle Taliban apparaitront au grand jour dans quelques mois lorsque qu'un média aura décidé de faire un reportage choc sur le sujet. Nous pouvons tout de même affirmer que la situation du pays est bien meilleur qu'en 2001 cependant arriverons nous à en justifier le coût. Tout ça pour ça ?

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  6. Il ne s'agit pas d'heroïsation, ni de glorification. Mais il n'y a pas non plus lieu de faire preuve de défaitisme, et sortir de ces treize années d'engagement sans même déplacer un ministre, secrétaire d'état, CEMA (l'actuel a commandé en Afgha, il a oublié?) ou CEM d'armée, ressemble effectivement à sortir la queue basse. Or il n'y a pas lieu d'être honteux. La mission était difficile, les armées n'en avaient qu'une partie, l'aspect sécuritaire, à côté d'autres ont traité de reconstruction, de gouvernance, d'éducation, de santé… C'est donc aussi grâce à notre engagement qu'aujourd'hui huit à 9 millions d'enfants, filles et garçons bénéficient d'une éducation, que l'université fonctionne, à Kaboul, à Hérat, à Mazar,et dans d'autres capitales provinciales, que les gens sont soignés dans des hôpitaux, des centres de soins etc….De nombreux projets de développement ont été menés à bien (routes, agriculture…). Insuffisant? certes, trop de corruption? certes, record de production de drogue? certes. sentiment de mission inachevée? certes.
    J'espère que ceux qui ont décidé de nous y engager n'ont pas imaginée que les problèmes de ce pays seraient réglés en une décennie. Mais demandez à Kaboul dans la rue qui souhaite le retour des Talibans! Kaboul et les provinces ne veulent pas de ce retour, et ne ressemblent en rien à ce qu'elles étaient en 2001. 89 des nôtres ont péri, des centaines sont meurtris dans leur chair, mais ils ont fait leur devoir, et pas pou rien. Je suis fier d'eux, J'aimerai que nos hommes politiques le soient aussi, que nos chefs le soient aussi, et le montrent...J'ai rencontré beaucoup d'Afghans qui nous remercient tous les jours et qui nous voient partir avec anxiété. Je pense aussi à eux.

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  7. Bonjour mon colonel,
    mes respects,
    et veuillez accepter mes voeux les meilleurs en cette aube d'année nouvelle.
    Franchement, honnêtement, votre question rhétorique, là ?
    Vous pensez vraiment que, à une poignée de mois de la chute annoncée de l'Etat afghan une fois le dernier contingent FIAS parti, nos gouvernements (habituellement si clairvoyants, n'est-il pas) vont insulter l'avenir en s'avançant sur une posture triomphaliste qui sera contredite bien trop tôt... disons avant 2017... ? Naaaan, sérieusement ?
    Pour se laisser aller à la satisfaction publique du travail fait, et bien fait, il faudrait repasser en revue les buts (tellement successifs) de l'opération, lister et documenter les améliorations obtenues pour les populations et pour le système civil dans son ensemble. Sans parler des évaluations globalement favorables internes aux armées et groupements déployés le temps de la mission.
    Mais qui, de nos jours, disposera du temps, ou le prendra, de restituer ces éléments de contexte avant que de parvenir à la conclusion logique ? Dans ces conditions, la réponse à votre question des paragraphes 2 et 3 me paraît tristement évidente.
    Cordiales salutations,
    Colin./.

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